Mariage homosexuel,
homoparentalité
et adoption :
CE QUE L’ON OUBLIE Souvent De dire |
Gilles Bernheim
Grand Rabbin de France
jeudi 18 octobre 2012
PREMIÈRE PARTIE
Analyse des arguments invoqués par les partisans d’une
Loi
Le
mariage homosexuel au nom de l’égalité ?
Le
mariage homosexuel au nom de la protection du conjoint ?
L’homoparentalité
au nom de l’amour ?
L’homoparentalité
au nom de la protection de l’enfant ?
L’adoption
au nom du droit à l’enfant ?
L’adoption
au nom des enfants attendant d’être adoptés ?
De
nouvelles formes d’homoparentalité au nom de l’égalité ?
La
Loi et l’intérêt général à l’épreuve des chiffres
DEUXIÈME PARTIE
Derrière les arguments, la confrontation de deux visions
du monde
La
volonté des militants LGBT de nier la différence sexuelle
La
vision biblique de la complémentarité homme-femme
CONCLUSION
INTRODUCTION
Un grand nombre de nos
concitoyens ne perçoit dans la revendication du mariage homosexuel qu’une étape
supplémentaire de la lutte démocratique contre l’injustice et les
discriminations, dans la continuité de celle engagée contre le racisme.
C’est finalement au
nom de l’égalité, de l’ouverture d’esprit, de la modernité et de la bien-pensance dominante qu’il nous est demandé d’accepter la mise en cause de l’un des fondements de
notre société. Et d’ailleurs, sondages à l’appui, cette mise en cause
serait déjà acceptable par une majorité de nos concitoyens et son inscription
dans la Loi n’appellerait, de ce fait, aucun débat à la mesure des enjeux.
Je pense, au contraire, qu’il est de la plus haute
importance d’expliciter les véritables enjeux liés à la négation de la
différence sexuelle et de débattre
publiquement sur ces bases – plutôt que sur des principes, comme l’égalité,
qui flattent ceux qui s’en font les porte-étendards, mais dont l’invocation
pour faire passer dans la Loi le mariage homosexuel, l’homoparentalité et l’adoption par les homosexuels ne résiste pas
longtemps à l’analyse.
Dans cet essai, je propose de décrypter le discours des
partisans d’une Loi, de passer au crible leurs arguments et de mettre en
lumière les effets négatifs des dispositions qu’ils revendiquent. Mon objectif est de
contribuer à l’émergence d’un véritable débat sur la place publique car le
sujet mérite mieux que le tribunal des bonnes consciences, où ses partisans entendent
le maintenir jusqu’au vote de la Loi, à coup de caricatures disqualifiantes
contre ceux qui chercheraient à questionner leur projet et leurs motivations.
Les caricatures ont la
vie dure et certains pourraient avoir envie de rejeter l’ensemble de mon propos
au motif qu’un Rabbin ne devrait pas sortir de sa sphère religieuse ou que la
Bible interdisant l’homosexualité, je n’aurais rien de plus à ajouter.
À ces deux objections,
je veux répondre d’emblée car je sais trop l’efficacité des attaques ad hominem qui permettent de
décrédibiliser un intervenant, de faire l’économie de l’analyse de ses propos et
donc d’esquiver le débat.
Je m’exprime en qualité de Rabbin, et plus
particulièrement de Grand Rabbin de France. Je ne suis pas le porte-parole d’un
groupe d’individus, mais le référent et le porte-parole du judaïsme français
dans sa dimension religieuse.
Comme tous les autres
Rabbins, je suis un lecteur, un enseignant et un commentateur des textes de la
sagesse juive qui sont empreints d’une grande tradition de dialogue, de
dialectique, d’herméneutique, bref de pluralisme. J’ai toujours regardé comme un devoir l’engagement intellectuel dans
les grands choix de l’histoire et en premier lieu dans les grands choix de mon
pays. A ce titre, le projet
d’autoriser le mariage homosexuel, de même que le projet de donner une réalité
juridique à des faits d’homoparentalité et d’adoption, me concernent.
C’est pourquoi je
récuse la posture de repli d’une minorité de responsables religieux, consistant
à se mettre hors-jeu et à s’exclure du débat, au motif qu’il existe la
possibilité d’un mariage religieux en aval du mariage civil. Le hors-jeu est
une faute quand il pratique l’autopromotion.
Ma prise de parole est l’expression réfléchie de la
solidarité qui me lie à la communauté nationale dont je fais partie. Elle est aussi
l’expression responsable des principes universels que cette communauté a forgés
et défendus au cours des siècles, principes sur lesquels la République est
fondée et sans lesquels elle ne saurait subsister. Si quelqu’un qui n’est pas
juif veut bien m’écouter, il recevra mes propos en fonction de son jugement
personnel, de son propre système de valeurs et de sa propre identité
religieuse, agnostique ou athée. Il pourra, s’il le souhaite, leur reconnaître
de la sagesse et leur attribuer une valeur morale.
Ma vision du monde est guidée par la Bible et par les commentaires rabbiniques – ce qui ne surprendra personne.
Concernant les sujets-clés de la sexualité et de la filiation, elle est fondée
sur la complémentarité de l’homme et de la femme. Dans cet essai, je me
suis référé exclusivement au livre de la Genèse et ai donc choisi ne pas
mentionner les interdits homosexuels inscrits dans le Lévitique car j’ai considéré que l’enjeu n’est pas
ici l’homosexualité qui est un fait, une réalité, quelle que soit mon
appréciation de Rabbin à ce sujet, mais le risque irréversible d’un brouillage
des généalogies, des statuts de l’enfant-sujet devenant enfant-objet et des
identités – brouillage préjudiciable à l’ensemble de la société et perdant de
vue l’intérêt général au profit de celui d’une infime minorité.
Enfin, j’ajouterai que
ma vision biblique du monde, où la justice est un principe central, me conduit
naturellement à condamner et à combattre avec force les agressions physiques et
verbales dont sont victimes les personnes homosexuelles, au même titre que je
condamne et combats avec force les actes et propos racistes et antisémites.
Je tiens à remercier
T. Collin, J.P. Winter, M. Gross, B. Bourges et L. Roussel pour la richesse de
leurs réflexions qui a nourri ce projet et dire toute ma gratitude à Joël Amar
pour son aide si précieuse dans l’accompagnement de cet essai.
PREMIÈRE PARTIE
Analyse des arguments invoqués par les partisans d’une
Loi
§
Le mariage
homosexuel au nom de l’égalité ?
Ce
que l’on entend :
“Les
homosexuels sont victimes de discriminations. Ils doivent avoir, comme les
hétérosexuels, le droit de se marier”.
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
L’argument du mariage pour tous ceux qui s’aiment ne
tient pas :
ce n’est pas parce que des gens s’aiment qu’ils ont systématiquement le droit
de se marier, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Par exemple, un homme
ne peut pas se marier avec une femme déjà mariée, même s’ils s’aiment. De même,
une femme ne peut pas se marier avec deux hommes, au motif qu’elle les aime
tous les deux et que chacun d’entre eux veut être son mari. Ou encore, un père
ne peut pas se marier avec sa fille même si leur amour est uniquement paternel
et filial.
Au nom de l’égalité, de la tolérance, de la lutte contre
les discriminations et de tant d’autres principes, on ne peut pas donner droit
au mariage à tous ceux qui s’aiment.
N’est pas en cause ici
la sincérité d’un amour. Et il est compréhensible que des personnes amoureuses
souhaitent voir leur amour reconnu. Toutefois, des règles strictes délimitent
aujourd’hui et continueront demain de délimiter les alliances autorisées et les
alliances interdites au mariage. En ce
sens, le mariage pour tous est uniquement un slogan car l’autorisation du
mariage homosexuel maintiendrait des inégalités et des discriminations à
l’encontre de tous ceux qui s’aiment, mais dont le mariage continuerait d’être
interdit.
L’argument du mariage pour tous occulte les deux visions
actuelles du mariage.
Dans la vision du
monde, que je partage avec de très nombreuses personnes, croyantes ou non, le mariage n’est pas uniquement la
reconnaissance d’un amour. C’est l’institution qui articule l’alliance de
l’homme et de la femme avec la succession des générations. C’est
l’institution d’une famille, c’est-à-dire d’une cellule qui crée une relation
de filiation directe entre ses membres. Au-delà de la vie commune de deux
personnes, il organise la vie d’une Communauté composée de descendants et
d’ascendants. En ce sens, c’est un acte fondamental dans la construction et
dans la stabilité tant des individus que de la société.
Dans une autre vision
du monde, le mariage est jugé comme une institution dépassée et compassée, comme
l’héritage absurde d’une société traditionnelle et aliénante. Mais alors,
n’est-il pas paradoxal d’entendre les tenants de cette vision du monde élever
leurs voix en faveur du mariage homosexuel ? Pour quelle raison celles et
ceux qui refusent le mariage et lui préfèrent l’union libre, défilent-ils
aujourd’hui aux côtés des militants LGBT(1)
pour les soutenir dans leur combat pour le mariage homosexuel ? Que l’on
ait l’une ou l’autre des visions du monde, on
voit bien que ce qui se joue derrière « le mariage pour tous », c’est
une substitution : une institution chargée juridiquement, culturellement
et symboliquement serait ainsi remplacée par un objet juridique asexué, sapant
les fondements des individus et de la famille.
En effet, au nom de
l’égalité et de la lutte contre les discriminations, faudrait-il supprimer
toute référence sexuée dans les relations entre les citoyens et l’Etat, à
commencer par la cérémonie du mariage et parle livret de famille qui est remis
à l’issue de cette cérémonie ?
(1)
LGBT :
Lesbiennes Gays Bisexuels Transgenres
Le
mariage homosexuel au nom de la protection du conjoint ?
Ce
que l’on entend :
“Des
personnes homosexuelles se retrouvent sans droit et en grande précarité après
un décès ou une séparation. Le mariage homosexuel permettrait d’y remédier”.
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
Les décès et les
séparations sont des moments de peine et de souffrance. Ils peuvent aussi être
à l’origine de situations sociales très difficiles, par exemple en matière de
logement. Ceci vaut pour tous les
couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, qu’ils soient mariés,
pacsés ou en union libre. Quand on aborde le mariage sous l’angle concret
et matériel du domicile, du train de vie, des dettes, de la fiscalité, de
l’héritage…, on voit vite que le mariage ne peut pas être réduit à un
engagement affectif et à une lointaine promesse d’entraide. Car la promesse
peut se transformer, un jour, en questions de justice. Je suis attaché à la protection du conjoint, quel que soit son sexe,
quel que soit le sexe de la personne qui l’a quitté après une période de vie
commune.
Sur la protection du
conjoint, je veux commencer par une évidence. Le mariage, comme le PACS, n’est générateur de droits et d’obligations
que s’il a été contracté. En d’autres termes, l’autorisation du mariage
homosexuel en France ne garantirait pas, de façon automatique, la protection de
tous les conjoints dans tous les couples homosexuels. Encore faut-il que chacun des partenaires ait envie de se marier !
La même évidence vaut pour les couples hétérosexuels qui sont nombreux à
choisir l’union libre.
Si les couples
hétérosexuels sont de plus en plus nombreux à choisir le PACS (cf. données de
l’INSEE au paragraphe 1.8), ils doivent bien trouver un intérêt à cette union,
en particulier sur les paramètres économiques et juridiques qui en fixent le
cadre matériel (logement, fiscalité, protection sociale…). On trouve facilement sur Internet des tableaux comparant le mariage et
le PACS sur chacun de ces paramètres.
Si certaines
dispositions ne sont pas automatiques dans le cas du PACS, elles sont néanmoins
possibles. Je prendrai l’exemple de la succession. Un conjoint pacsé peut
hériter avec les mêmes réserves et limites que dans le cas d’un couple marié,
mais il faut que son partenaire ait rédigé un testament et qu’il l’ait désigné
comme héritier. Dans le cas du PACS comme dans celui du mariage, l’héritage
reçu par le conjoint est exonéré de droits de succession.
Une analyse, ligne à ligne, des tableaux comparatifs
montre que l’écart entre les deux formules est limité. Est néanmoins posée
la question de la prestation compensatoire en cas de séparation entrainant une
perte significative de niveau de vie pour l’un des conjoints, même si celui-ci
peut, dans le cas d’un PACS, saisir le juge aux affaires familiales pour
statuer sur les conséquences patrimoniales et la réparation des préjudices.
Mon intention n’est
pas de procéder à une analyse, ligne à ligne, de ces tableaux comparatifs.
Elle est de souhaiter que des solutions techniques soient
trouvées pour mettre au même niveau la protection du conjoint marié et celle du
conjoint pacsé en cas de décès ou de séparation. Aussi et surtout, elle est de
souligner qu’au regard de ce qui existe déjà en France dans le cadre du PACS,
la protection du conjoint ne peut pas suffire à remettre en cause l’institution
du mariage de façon aussi radicale que le ferait l’autorisation du mariage
homosexuel.
§
L’homoparentalité au
nom de l’amour ?
Ce
que l’on entend :
“Le
plus important, c’est l’amour. Un couple homosexuel peut donner beaucoup
d’amour à un enfant, parfois même plus qu’un couple hétérosexuel'".
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
L’amour ne suffit pas, même si la capacité des
homosexuels à aimer n’est évidemment pas en cause. Aimer un enfant est
une chose, aimer un enfant d’un amour structurant en est une autre. Il ne fait
pas de doute que des personnes homosexuelles ont les mêmes capacités à aimer un
enfant et à lui témoigner cet amour que des personnes hétérosexuelles, mais le
rôle des parents ne consiste pas uniquement dans l’amour qu’ils portent à leurs
enfants. Résumer le lien parental aux facettes affectives et éducatives, c’est
méconnaître que le lien de filiation est un vecteur psychique et qu’il est
fondateur pour le sentiment d’identité de l’enfant.
Toute l’affection du monde ne suffit pas, en effet, à
produire les structures psychiques de base qui répondent au besoin de l’enfant
de savoir d’où il vient. Car l’enfant ne se construit qu’en se différenciant, ce
qui suppose d’abord qu’il sache à qui il ressemble. Il a besoin, de ce fait, de
savoir qu’il est issu de l’amour et de l’union entre un homme, son père, et une
femme, sa mère, grâce à la différence sexuelle de ses parents. Les enfants
adoptés, eux aussi, se savent issus de l’amour et du désir de leurs parents,
bien que ceux-ci ne soient pas leurs géniteurs.
Le père et la mère indiquent à l’enfant sa généalogie. L’enfant a besoin
d’une généalogie claire et cohérente pour se positionner en tant qu’individu.
Ce qui fait l’humain depuis toujours et pour toujours est une parole dans un
corps sexué et dans une généalogie.
Nommer la filiation, ce n’est pas seulement indiquer
par qui l’enfant sera élevé, avec qui il aura des relations affectives, qui
sera son adulte « référent », c’est
aussi et surtout permettre à l’enfant de se situer dans la chaîne des
générations.
Depuis des
millénaires, le système sur lequel est fondée notre société est une généalogie
à double lignée, celle du père et celle de la mère. La pérennité de ce système
garantit à chaque individu qu’il peut trouver sa place dans le monde où il vit,
car il sait d’où il vient. Un exercice courant, dès le cours préparatoire, est
d’ailleurs de demander à l’enfant de reconstituer son arbre généalogique car,
grâce à cet exercice, l’enfant se situe par rapport à son père et à sa mère et
aussi par rapport à la société.
Aujourd’hui, le risque de brouiller la chaîne des
générations est immense et irréversible. De même que l’on ne peut détruire les fondations
d’une maison sans que celle-ci ne s’effondre, on ne peut renoncer aux
fondements de notre société sans mettre celle-ci en danger.
L’homoparentalité n’est pas la parenté. Le terme « homoparentalité »
a été inventé pour pallier l’impossibilité pour des personnes homosexuelles
d’être parents. Ce mot nouveau, forgé pour instaurer le principe d’un couple
parental homosexuel et promouvoir la possibilité juridique de donner à un
enfant deux « parents » du même sexe, relève de la fiction. En effet, ce
n’est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage ni la
parenté, mais d’abord le sexe,
c’est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes.
Ainsi, en délaissant
la distinction hommes-femmes et en mettant en exergue la distinction
hétérosexuels-homosexuels, les personnes
homosexuelles revendiquent non pas la parenté (la paternité ou la
maternité), qui implique le lien biologique unissant l’enfant (engendré) à ses
deux parents (géniteurs), mais la « parentalité » qui réduit le rôle
du « parent » à l’exercice de ses fonctions éducatives
notamment. Or, même dans le cas des enfants adoptés, il ne s’agit pas seulement
d’éduquer, mais de recréer une filiation.
Il faut donc
réaffirmer ici avec force qu’être père ou mère n’est pas seulement une
référence affective, culturelle ou sociale. Le terme « parent » n’est pas neutre : il est sexué. Accepter
le terme « homoparentalité », c’est ôter au mot « parent »
la notion corporelle, biologique, charnelle qui lui est intrinsèque.
L’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens (APGL) propose ainsi
plusieurs substituts au mot « parent »
en fonction des rôles et statuts susceptibles d’être remplis : « beau-parent »,
« coparent », « homoparent »,
« mère pour autrui »,
« parent biologique »,
« parent légal », « parent social », « second parent ». Il est peu probable que l’enfant arrive
naturellement et de façon structurante à se situer par rapport à toutes ses
terminologies
§
L’homoparentalité au
nom de la protection de l’enfant ?
Ce
que l’on entend :
“L’homoparentalité
existe de fait : des centaines de milliers d’enfants sont élevés par des
couples homosexuels. Il faut créer un cadre juridique pour protéger ces enfants”.
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
La loi permet déjà d’organiser la vie quotidienne des
familles recomposées. L’article 372 du Code civil indique que
l’exercice de l’autorité parentale revient au père et à la mère de l’enfant et
que les parents n’ont pas la possibilité de céder, à leur convenance, leur
autorité à un tiers. En revanche, le Code civil envisage la possibilité de
déléguer l’exercice de l’autorité parentale à un tiers sur décision du juge aux
affaires familiales (articles 377 et suivants du Code civil). La
délégation peut être totale (elle concerne alors tous les droits relatifs à
l’enfant sauf celui de consentir à son adoption), ou partielle (elle concerne
alors simplement certains aspects, comme la garde ou la surveillance). Le juge
aux affaires familiales peut, seul, décider de la délégation ou restitution de
l’autorité parentale.
Toutefois, le
mécanisme de la délégation présente l’inconvénient de déposséder les parents de
ce qui est délégué au tiers. C’est pourquoi, devant le phénomène croissant des
familles recomposées, le mécanisme a été assoupli en 2002 (Loi n°2002-305
du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale) et donne désormais au juge aux affaires familiales la possibilité
d’organiser, pour les besoins d’éducation de l’enfant et avec l’accord des
parents, le partage de l’exercice de l’autorité parentale (article 377-1
du Code civil).
Un tel partage permet
d’associer un tiers à l’exercice de l’autorité parentale sans que cela
entraine, pour le parent, la perte de prérogatives.
La compagne homosexuelle peut déjà partager l’exercice de
l’autorité parentale avec la mère. La question de savoir si ce partage de l’autorité
parentale avec un tiers peut s’opérer au sein d’un couple homosexuel a déjà été
posée à la Cour de cassation, laquelle a accepté que l’autorité parentale
puisse être partagée entre la mère et la compagne homosexuelle de celle-ci
(Cour de cassation, 24 février 2006). Dans son arrêt, la première
chambre civile de la Cour de cassation affirme que le Code civil « ne
s’oppose pas à ce qu’une mère seule titulaire de l’autorité parentale en
délègue tout ou partie de l’exercice à la femme avec laquelle elle vit en union
stable et continue, dès lors que les circonstances l’exigent et que la mesure
est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant ». « Il est ainsi jugé que
l’intérêt supérieur des enfants peut justifier, en pareilles
circonstances, que l’autorité parentale soit partagée entre une mère et sa
compagne », a expliqué la Cour de cassation.
Il n’est pas nécessaire d’ajouter encore à la loi. Le
droit français est suffisamment riche pour répondre aux situations des familles
recomposées actuelles, y compris les « familles » homoparentales. Au lieu d’ajouter encore au dispositif légal, ne
faut-il pas simplement chercher à mieux faire connaître ce qui existe déjà et
qui répond aux situations existantes ? Mieux informer sur ce dispositif
permettrait de l’utiliser pleinement et de trouver aussi des solutions souples,
sur mesure, pour permettre au «°beau-parent°» ou à un autre tiers
d’être associé à l’exercice de l’autorité parentale à l’égard de l’enfant, si
cela s’avère nécessaire et conforme à l’intérêt de cet enfant.
§
L’adoption au nom du
droit à l’enfant ?
Ce
que l’on entend :
“Les
homosexuels sont victimes de discriminations. Ils doivent avoir, comme les
hétérosexuels, le droit d’avoir des enfants”.
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
Le droit à l’enfant n’existe pas. Il n’existe pas de
droit à l’enfant, pas plus chez les homosexuels que chez les hétérosexuels.
Personne n’a droit à avoir un enfant, au prétexte qu’il désire avoir un enfant.
Non, le droit à l’enfant n’existe ni pour les
hétérosexuels, ni pour les homosexuels. Un couple désireux d’avoir un enfant peut décider
de s’unir pour le concevoir. Un couple désireux d’adopter un enfant peut faire
les démarches nécessaires. Mais aucun de
ces couples n’a droit à l’enfant
qu’il désire, au seul motif qu’il le désire. On peut refuser un agrément à
un couple hétérosexuel si l’on considère que les conditions optimales pour la
construction de l’enfant ne sont pas réunies. On peut considérer par exemple
qu’il vaut mieux confier un enfant à un couple jeune ou en bonne santé qu’à un
couple âgé et à la santé fragile.
Dans l’éventualité
d’un droit à l’enfant pour les couples homosexuels, tous les couples
hétérosexuels auxquels on refuse l’agrément se sentiraient discriminés, à un
titre ou à un autre, et seraient fondés à réclamer pour eux le même droit.
Aussi douloureuse soit-elle, la stérilité ne donne pas,
pour autant, droit à l’enfant. Des personnes connaissent la stérilité ou
l’absence de procréation, à cause de la maladie, de l’âge avancé, du célibat ou
de la configuration sexuelle du couple. Il ne saurait être question de nier la
souffrance qu’éprouvent des couples homosexuels, féminins ou masculins, du fait
de leur infertilité – souffrance commune à celle de couples hétérosexuels qui
ne peuvent pas procréer. Ces couples homosexuels demandent aujourd’hui à ce que
leur souffrance soit reconnue et soulagée. Seulement, personne n’a le droit de
se soulager de son fardeau aux dépens des autres, et encore moins sur le dos
d’innocents et de faibles. La souffrance
du couple infertile n’est pas une raison suffisante pour que ce couple obtienne
le droit d’adopter.
L’enfant n’est pas un objet de droit mais un sujet de
droit.
Parler de « droit à l’enfant » relève d’une instrumentalisation
inacceptable. Si quiconque veut l’enfant a droit à l’enfant, alors l’enfant
devient un enfant-objet. Dans le débat
actuel, l’enfant en tant que personne, en tant que sujet est absent des
propos de ceux qui réclament l’adoption par les couples homosexuels. Et cette
absence leur permet d’éviter de se demander à quoi l’enfant pourrait avoir
droit, de quoi il pourrait avoir besoin, s’il préfère avoir un père et une mère
ou deux parents du même sexe. Ici, la désinvolture confine parfois au cynisme. Le droit de l’enfant est radicalement différent du droit à l’enfant. Ce droit est
fondamental. Il consiste, en particulier, à donner à l’enfant une famille où il aura le maximum de
chances de se construire au mieux.
§
L’adoption au nom
des enfants attendant d’être adoptés ?
Ce
que l’on entend :
“Plusieurs
milliers d’enfants sont en attente d’adoption et mieux vaut pour eux être
adoptés par un couple homosexuel que de rester dans un orphelinat”.
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
L’enfant adopté a, plus qu’un autre, besoin d’un père et
d’une mère.
L’abandon est vécu par l’enfant comme une déchirure très profonde. L’enfant
abandonné cherche ses repères et aspire à retrouver ce qu’il a perdu. Au plus
profond de lui-même, viscéralement, il désire se replacer au plus près de la
cellule de base qui lui a donné la vie : un père et une mère. L’enfant adopté doit assumer les
traumatismes simultanés de l’abandon et de la double identité familiale. Plus
qu’un autre, il a besoin d’une filiation biologique évidente. Car, plus qu’un
autre, il ne se croit pas découler du fruit de l’amour. Il n’a pas été désiré,
il n’a les yeux de personne et il ne se reconnaît en personne dans sa famille
d’accueil. Il est fréquent que l’enfant adopté rejette l’un des deux sexes. Il importe donc qu’il puisse s’identifier
à deux parents de sexes différents : à sa mère, car il a besoin de se
réconcilier avec la femme ; à son père pour connaître la présence d’un
homme sans qui sa mère n’aurait pu avoir d’enfant.
De ce fait, l’adoption
par un couple homosexuel risque d’aggraver le traumatisme de l’enfant abandonné
car la chaîne de filiation serait
doublement rompue : dans la réalité du fait de son abandon, dans la
symbolique du fait de l’homosexualité de ses parents adoptifs. A un enfant
déjà blessé par son passé, a-t-on le droit d’imposer de s’adapter à la
situation affective de ses parents, différente à la fois de celle de la très
grande majorité des autres enfants et de celle qu’il aspire à retrouver ? Incombe-t-il à l’enfant adopté de s’adapter aux choix de vie
affective de ses parents ?
L’adoption est là pour donner une famille à un enfant, et
non l’inverse. L’adoption est destinée à réparer une situation de
détresse pour l’enfant. Il est donc indispensable de bien discerner la démarche
de chaque couple qui dépose une demande d’adoption : est-ce que l’enfant
est adopté pour lui-même ou pour satisfaire un besoin du couple ? Est-ce
que le couple veut remédier à la situation de détresse de l’enfant ou est-ce qu’il
désire remédier à sa situation douloureuse de ne pas pouvoir avoir d’enfant ?
Bien entendu, un couple n’adopte pas d’enfant s’il n’en ressent pas le besoin.
Cependant, il faut veiller à ce que
l’intérêt de l’enfant soit premier, comme le résume notre droit de la
famille : tout enfant a droit à une famille, au premier rang la sienne, et
à défaut celle qui a vocation à devenir la sienne par l’adoption, si tel est
son intérêt. C’est pourquoi il est nécessaire de rappeler que désirer un enfant
ne suffit pas pour adopter, et que les solutions compassionnelles et
apparemment simples ne sont pas toujours de bonnes solutions : il est
possible de causer beaucoup de blessures au nom du bien.
§
De nouvelles formes
d’homoparentalité au nom de l’égalité ?
Ce
que l’on entend :
“La
parentalité évolue dans les faits, en particulier grâce à la procréation médicalement
assistée. Il faut en tenir compte dans le droit”.
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
L’association
lesbienne et féministe «°Les Biens Nées°» indique sur son
site Internet(2) les quatre cas de figures de
l’homoparentalité si cette dernière venait à être autorisée : « Elle peut être issue d’une recomposition
familiale avec un partenaire de même sexe après une union hétérosexuelle. Elle
peut s’établir avec un système de coparentalité dans lequel des gays et des
lesbiennes s’accordent pour avoir un enfant qui évoluera entre leurs deux
foyers. Elle peut aussi résulter d’une adoption. Ou, enfin, elle peut aussi
résulter d’une insémination artisanale ou d’un recours à l’aide médicale à la
procréation ».
(2) http://association-lesbiennes.org
Ces quelques lignes ne sont ni un cadre conceptuel, ni un
guide pratique, mais une véritable plate-forme de revendications politiques pour l’inscription de
nouveaux droits au profit des personnes homosexuelles. En effet, si le mariage
homosexuel était autorisé au nom de l’égalité, pourquoi l’égalité
cesserait-elle de s’appliquer concernant la parentalité – mot qui s’est
substitué à la parenté, la maternité et la paternité, ainsi que nous l’avons
déjà souligné ?
Les militants LGBT
cherchent à installer l’idée qu’il y aurait ici une incohérence au principe d’égalité
et donc une injustice, marginalisant le fait qu’un enfant naît toujours de
l’union d’un homme et d’une femme – même si cette union peut parfois être
médicalement assistée. Ils appuient sur cette « incohérence°» pour faire
levier et pour obtenir davantage – en particulier l’accès à la procréation
médicalement assistée pour les couples de lesbiennes.
Ce faisant, ils confirment que l’autorisation du
mariage homosexuel est, pour nombre d’entre eux, un cheval de Troie. Leur
projet est plus ambitieux : la négation de toute différence sexuelle (voir
ci-après paragraphe 2.1).
Les nouvelles formes d’homoparentalité ouvrent la voie à
d’affolantes combinatoires. Par exemple, une lesbienne fait don d’un ovocyte à sa
compagne qui se fait inséminer et porte ainsi l’enfant du « couple°». Le
sperme peut être apporté par un couple d’homosexuels qui exercera ensuite une
« coparentalité » sur l’enfant – celui-ci étant alors pourvu de
quatre parents. Ou encore, s’il ne peut ou ne souhaite pas conclure un tel
« partenariat » avec un couple de lesbiennes, le couple d’homosexuels
peut recourir à un service de gestation pour autrui, mais seulement dans
quelques pays à l’étranger – ce qui pose la question de la reconnaissance et
des droits de l’enfant au moment du retour en France.
Ces combinatoires sont aujourd’hui une réalité. Nul ne
peut le nier, même si nul ne peut les quantifier avec rigueur et précision (sauf preuve du
contraire, nous ferons l’hypothèse qu’elles sont extrêmement minoritaires,
comparées aux 827.000 naissances enregistrées en France en 2011). Elles font l’objet de deux revendications.
Autoriser les nouvelles formes d’homoparentalité, au motif qu’elles existent.
Et créer un droit permettant à chacun d’y accéder, au motif que les
pratiques actuelles à l’étranger coûtent cher et sont sources d’inégalités.
Chacun comprend que,
dans de nombreux domaines de la vie, une infraction, c’est-à-dire le
non-respect d’un interdit, ne peut pas être un motif suffisant pour lever
l’interdit qui n’a pas été respecté. En d’autres termes, la réalité de faits ne suffit pas pour créer une réalité dans le droit.
Ceci vaut aussi pour les nouvelles formes d’homoparentalité.
Chacun comprend
également que les enjeux posés par la procréation médicalement assistée d’une
part et par la gestation pour autrui d’autre part sont bien plus larges que les
seuls enjeux de l’homoparentalité et qu’ils vont bien au-delà du code de la
Famille. Il est donc clé (?) que ces sujets continuent d’être traités
dans le seul cadre des lois sur la bioéthique et que ce cadre ne soit pas
pris en otage par des revendications visant à faire disparaître toute
différence sexuelle dans notre société.
§
La Loi et l’intérêt
général à l’épreuve des chiffres.
Ce
que l’on entend :
“Des
centaines de milliers d’adultes et d’enfants sont concernés. Les Français sont
favorables au mariage homosexuel. D’autres pays l’ont déjà autorisé. Pourquoi
rester à la traine ?”
Ce
que l’on oublie souvent de dire :
Les chiffres invoqués étaient largement surestimés en
1999 pour le PACS et continuent de l’être en 2012 pour le mariage homosexuel.
En 1999, il était
urgent d’adopter le PACS car on annonçait alors que 5 millions de personnes voulaient se « pacser ». Des
analyses de l’INSEE, il ressort aujourd’hui que 904.746 PACS ont été signés entre 2000 et 2010, dont seulement 7%
entre personnes du même sexe (soit
63.609 PACS en 11 ans). La même surenchère est à l’œuvre
aujourd’hui : une proposition de loi (3)
indique que les gays et lesbiennes sont 3,5 millions en France et se
réfère à l’Association des Parents et
futurs parents Gays et Lesbiennes (APGL)
à propos du désir de 45% des lesbiennes et de 36% des gays d’avoir des enfants.
Si l’on croise ces trois chiffres, on
aboutit à environ 700.000 mariages homosexuels.
Mariages et PACS en France entre
2000 et 2010
(source : INSEE)
Il est utile d’ajouter
qu’en Espagne, pays de 46 millions
d’habitants, on compte environ 3.100 mariages homosexuels par an, après une
première année, en 2006, à 4.300 mariages.
Le nombre d’enfants dans des couples homosexuels fait,
lui aussi, le grand écart.
Il y aurait urgence à
légiférer, selon l’APGL, car 300.000 enfants seraient élevés en France par des
parents de même sexe. A côté des chiffres militants, il est utile de lire les
travaux de l’Institut National des
Etudes Démographiques (INED), organisme d’Etat faisant référence sur tous
les sujets démographiques : l’INED estime le nombre d’enfants concernés
entre 24.000 et 40.000. S’il est, en revanche,
un chiffre facile à vérifier et donc ne faisant pas débat, c’est le nombre d’adhérents à l’APGL : ils
sont 1.800 sur l’ensemble de la France.
L’autorisation du mariage homosexuel n’est un marqueur ni
du progrès, ni de l’avancée d’une nation. On entend souvent que la France serait en retard
par rapport à d’autres pays qui ont autorisé le mariage homosexuel ou
l’adoption dans le cadre d’une union civile.
Cette notion de retard mérite d’être interrogée. Suffirait-il
d’autoriser le plus grand nombre de choses interdites dans d’autres pays pour
être au premier rang des nations ?
Comme marqueur du progrès et de l’avancée d’une nation,
je préfère me référer, au-delà des traditionnelles données sur le social,
l’économie, l’éducation ou la recherche, au
bien-être de la population et à sa confiance dans l’avenir. Quand on se
soucie de justice sociale, n’y a-t-il pas tant d’autres classements
internationaux à faire, au risque de constater que l’on a à la fois du retard
et de fortes marges de progression ?
On peut certes se
faire plaisir avec un classement sur le mariage homosexuel, mais encore, faudrait-il démontrer qu’il
est de l’intérêt général de la nation de faire la course en tête ? On
peut, enfin, invoquer un classement sur les droits accordés aux minorités, mais
là encore, ne serait-il pas prioritaire de se concentrer sur l’intégration de
certaines minorités dans la République et
surtout de réduire fortement le nombre d’agressions racistes, antisémites et
homophobes ?
La mesure par les sondages de l’acceptabilité sociale doit
porter sur toutes les revendications et sur leurs conséquences.
Au cours des 10
dernières années, plusieurs instituts de sondage ont régulièrement demandé à
des échantillons représentatifs de la population de 18 ans et plus s’ils
étaient favorables ou opposés au mariage homosexuel et à l’adoption d’enfants
par des couples de même sexe. Ces deux
questions ont pour angle l’ajout de droits aux personnes homosexuelles et pour
arrière-plan la lutte pour l’égalité et contre les discriminations.
De façon indéniable,
il ressort de ces sondages que la proportion de Français favorables au mariage
homosexuel, en augmentation régulière depuis 10 ans, est aujourd’hui
largement majoritaire : 65% dans le sondage le plus récent à date, celui
de l’IFOP en août 2012. Les résultats sont plus nuancés concernant le
droit à l’adoption par les couples de même sexe puisque, selon ce même sondage,
53% des Français y seraient favorables et surtout la proportion d’opinions
favorables a diminué de 5 points en un an.
Il serait utile de débattre sur une certaine vision de la
politique consistant à inscrire des faits dans le droit, dès lors que des
sondages auraient constaté une opinion majoritaire favorable ou, en d’autres
termes, l’acceptabilité sociale de ces faits. Ce débat, toutefois, nous
éloignerait de notre propos sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité.
Chacun peut constater
en de nombreux domaines que l’opinion est volatile. Des résultats de sondage supérieurs à 50% ne peuvent donc pas suffire à
légitimer une loi ou à décréter qu’un débat n’a pas lieu d’être.
Si l’on accepte,
néanmoins, de prendre les sondages pour boussole sociétale, ne conviendrait-il
pas d’interroger aussi les Français sur toutes les revendications des militants
LGBT au titre de l’égalité et de la lutte contre les discriminations ? Aussi et surtout, ne conviendrait-il pas de
leur poser des questions anglées sur le point de vue des enfants adoptés ou sur
les conséquences concrètes dans leur vie quotidienne de l’effacement des
différences sexuelles ? Les deux questions posées régulièrement depuis
10 ans ne permettent pas, en effet, d’appréhender l’état de l’opinion sur
l’ensemble des enjeux associés au mariage homosexuel et à l’homoparentalité.
Lorsqu’un sondage aborde ces enjeux sous un autre angle en demandant aux
personnes interrogées un choix exclusif et la définition de priorités, les réponses sont sensiblement différentes.
Pour preuve : le
sondage réalisé par l’IFOP les 27 et 28 septembre 2012 et mis en ligne le 10
octobre. Lorsqu’on demande, parmi deux principes, lequel il faut garantir
prioritairement, 63% des Français (48%des
sympathisants de gauche et 70% des sympathisants de droite) pensent qu’il faut
que les enfants adoptés puissent avoir un père et une mère, tandis que 34%
des Français (49% des sympathisants de gauche et 17% des sympathisants de
droite) pensent qu’il faut que les couples homosexuels puissent adopter des
enfants.
DEUXIÈME PARTIE
Derrière les arguments la confrontation de deux visions
du monde.
§
La volonté des
militants LGBT de nier la différence sexuelle.
La « gender theory »
D’abord utilisée par
les féministes dans leur combat pour l’égalité des sexes, la «°gender theory » (théorie du genre)
a été reprise par les militants homosexuels dans leur combat pour la
non-différence des sexes. Dans les années 1960, les mouvements féministes
anglo-saxons dénonçaient les différences sociales qui persistaient entre les
hommes et les femmes, du seul fait de leur différence de sexe. Ces idées ont donné naissance à la notion
de « genre », pouvant être défini comme le rôle social
attribué à chaque sexe. Le genre est relatif aux normes, aux standards
sociaux de ce qui est considéré comme masculin ou féminin. En d’autres termes,
il définit la différence et la hiérarchisation des rapports sociaux entre les
hommes et les femmes en fonction de leur sexuation.
C’est lui qui aurait systématiquement maintenu la femme
en position de dominée.
Si le sexe fait
référence aux différences biologiques entre l’homme et la femme, le genre fait
donc référence aux différences sociales dues justement à cette différence de
sexes. Le genre est ainsi ce que l’on pourrait appeler « le sexe
social ». Les théories maintenant les individus dans des rôles, métiers ou
images tels que « l’homme au travail et la femme à la maison » sont
alors dénoncées comme étant porteuses d’oppression.
« On ne naît pas femme, on le devient ».
Les théoriciens du genre pensent, avec Simone de Beauvoir,
que l’« on ne naît pas femme, on le
devient », à cause de ces « caractéristiques
du genre » qui sont, pour une grande part, une construction culturelle
qu’ils dénoncent. On naît « neutre »,
selon eux, et c’est la société qui imposerait à chaque homme d’être homme parce
qu’il a un sexe masculin et à chaque femme d’être femme parce qu’elle a un sexe
féminin, avec toutes les inégalités que cela implique.
Ces théoriciens ne définissent pas l’individu par son
sexe (homme ou femme), mais par sa sexualité (homo, hétéro…). Ils effacent la
dimension biologique et anatomique séparant deux sexes pour ne voir que des
genres multiples, dictés par la culture et par l’histoire.
Considérant la
sexuation des individus comme une construction sociale et culturelle, donc
artificielle, les mouvements féministes dénoncent les rapports sociaux et
revendiquent une culture à même de protéger les femmes. Protection qui, entre
autres, passerait par le renoncement à l’hétérosexualité.
La
« queer theory » : en
finir avec la différence sexuelle comme donnée naturelle
Les théoriciens les
plus radicaux vont plus loin : ils expriment la volonté d’éliminer toutes
les disparités entre hommes et femmes et de parvenir à une parfaite égalité
entre eux.
Au nom de cette égalité, et considérant qu’il ne peut y
avoir de différence sans inégalité (il n’y a pourtant aucune antinomie entre la
différence et l’égalité; le contraire de l’égalité n’est pas la différence et
l’égalité n’est pas contradictoire avec la sexuation), ils demandent à faire disparaître la différence sexuelle entre hommes
et femmes (percevoir la différence comme un problème, quel paradoxe dans
une société où l’on ne jure que par l’acceptation de la différence !).
Puisque c’est la
différence sexuelle qui ferait perdurer la soumission de la femme à l’homme,
l’égalité passerait forcément par la non-différenciation sexuelle. Il apparaît
alors que le but définitif de la révolution féministe est non seulement d’en
finir avec le privilège masculin, mais encore avec la distinction même des sexes. Si le genre est une pure construction sociale, alors toute
représentation sociale de la sexualité devient construite, acquise et
artificielle. Petit à petit, le sexe en tant que catégorie naturelle est
remis en question et la sexuation en tant que donnée naturelle est relativisée.
Le
déni de la sexuation.
La « queer
theory » (bizarre, étrange, en anglais, par opposition à straight) pousse la théorie du genre à
son extrême et lui reproche d’être bâtie sur un présupposé hétérosexiste :
tenir pour acquis que l’hétérosexualité est la norme et qu’il s’agit, de ce
fait, d’une orientation sexuelle supérieure aux autres. Dès lors que
l’hétérosexualité n’est plus « évidente », toutes les formes de
sexuation sont envisageables.
La queer theory revendique la création
d’une nouvelle anthropologie qui ne serait pas soumise à
« l’hétérosexualité obligatoire » ou à « l’hétérosexualité comme
donnée évidente », dans l’objectif de revenir à un état premier où il
n’aurait pas existé de différence sexuelle ou « genrée ». Elle veut en
finir avec la perception « genrée » de l’individu et avec toute utilisation « genrée »
des mots, de façon à ce que « homme »
ou « masculin » puisse
désigner un corps féminin, au motif que le corps lui-même n’est plus une
réalité donnée. N’étant qu’une
construction sociale, l’identité sexuelle n’est en aucun cas déterminante quant
au psychisme de l’individu. Il n’y a donc pas lieu d’en tenir compte.
Du
projet politique de remplacer l’identité sexuelle par l’orientation sexuelle…
À la place de
l’identité sexuelle, qui est comme éliminée, la queer theory propose une « orientation sexuelle » qui serait
choisie par chaque individu en fonction du genre qui s’impose à lui comme une essence
intérieure.
Distinguant le sexuel
(le sexe comme donnée de fait) et le sexué (la sexualité comme comportement),
la queer theory défend l’idée selon
laquelle on peut être physiquement masculin mais psychiquement féminin, et
inversement. Et qu’indépendamment de sa biologie et de son genre, on peut avoir
un désir homosexuel, hétérosexuel, bisexuel ou asexuel.
La queer theory
invite ainsi l’individu à sortir du carcan
d’« homme » ou de « femme » qu’il n’a pas
choisi, et à s’exprimer de la façon dont il se perçoit. Par exemple, un
être masculin au plan biologique et « genré » comme une femme
pourrait avoir un désir hétérosexuel et vivre, de ce fait, avec un autre homme.
Dans cette perspective, l’orientation sexuelle choisie par l’individu n’aurait
jamais rien de définitif et pourrait varier au cours de la vie. Si le genre est
construit, il peut donc être déconstruit. Le
féminin ou le masculin deviennent de simples rôles que l’on peut choisir ou non
d’endosser, de parodier ou d’échanger à loisir. Femmes, hommes, hétéros,
homos, bisexuels ou transsexuels… Dans cette farandole des genres, les
identités sexuelles sont remplacées par des individus, qui ne cessent de se
fabriquer et de se re-fabriquer dans leur rapport aux autres.
C’est au nom de la
tolérance que les défenseurs de la queer
theory réclament la reconnaissance sociale de toutes les formes
d’orientations sexuelles : homo, bi, trans… Mais la tolérance ne joue ici que le rôle
d’un cheval de Troie dans leur combat contre l’hétérosexualité, norme sociale qu’ils
jugent imposée et dépassée, puisque bâtie sur la différence sexuelle.
Au
projet politique de détruire le mariage.
Ce combat vise bien
évidemment l’actuel modèle familial, vécu comme un conditionnement social et comme
un obstacle à l’expression de leur « moi profond » : leur genre
(la médecine et l’état civil devant s’adapter à ce choix d’appartenance
sexuelle).
En effet, si ce n’est
plus l’identité sexuelle des individus qui prime mais leur orientation
sexuelle, si un individu physiquement masculin peut en fait être psychiquement
féminin ou inversement, si c’est la volonté de l’individu et non plus la nature
qui détermine son sexe, pourquoi ne pas
institutionnaliser l’union de deux personnes, quelles qu’elles soient ?
Et surtout au nom de quoi refuser de leur confier des enfants puisque les
différents modèles sont considérés comme équivalents ?
Face à cette
déferlante de revendications, il est
légitime de se demander si l’objectif des militants n’est pas finalement la
destruction pure et simple du mariage et de la famille, tels qu’ils sont
traditionnellement conçus. Dans cet objectif, le mariage homosexuel et le
droit à l’adoption pour les couples de même sexe ne seraient qu’un moyen de
mieux faire exploser les fondements de la société, de rendre possible toutes
les formes d’union, enfin libérées d’une morale ancestrale, et de faire ainsi
disparaître définitivement la notion même de différence sexuelle.
§
La vision biblique
de la complémentarité homme-femme.
La complémentarité
homme-femme est un principe structurant dans le judaïsme, dans d’autres religions,
dans des courants de pensée non religieux, dans l’organisation de la société
ainsi que dans l’opinion d’une très large majorité de la population. Ce
principe trouve, pour moi, son fondement dans
la Bible. Il peut, pour d’autres, trouver son
fondement ailleurs. Je vais me concentrer ici sur la vision biblique, non
exclusive des autres visions.
Une
différence irréductible :
« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu
il le créa, il les créa homme et femme » (Genèse 1, 27). Le récit
biblique fonde la différence sexuelle dans l’acte créateur. La polarité
masculin-féminin traverse tout ce qui existe, depuis la glaise jusqu’à Dieu.
Elle fait partie du donné primordial qui oriente la vocation respective –
l’être et l’agir – de l’homme et de la femme. La dualité des sexes appartient à
la constitution anthropologique de l’humanité.
Ainsi, chaque personne
est-elle amenée à reconnaître tôt ou tard qu’elle ne possède qu’une seule des deux
variantes fondamentales de l’humanité, et que l’autre lui reste à jamais
inaccessible. La différence sexuelle est
ainsi une marque de notre finitude. Je ne suis pas tout l’humain. Un être
sexué n’est pas la totalité de son espèce, il a besoin d’un être de l’autre
sexe pour produire son semblable.
Une
différence constitutive sur la transcendance :
La
Genèse ne voit la
ressemblance de l’être humain avec Dieu que dans l’association de l’homme et de
la femme (Genèse 1, 27) et non dans chacun d’entre eux pris séparément. Ce qui suggère que la
définition de l’être humain n’est perceptible que dans la conjonction des deux
sexes. Car chaque personne, du fait de son identité sexuelle, est renvoyée
au-delà d’elle-même. Dès qu’elle est consciente de son identité sexuelle, toute
personne humaine se voit ainsi confrontée à une sorte de transcendance. Elle
est obligée de penser un au-delà d’elle-même et de reconnaître comme tel un
autre inaccessible, qui lui est essentiellement apparenté, désirable et jamais
totalement compréhensible.
L’expérience de la
différence sexuelle devient ainsi le modèle de toute expérience de la
transcendance qui désigne une relation indissoluble avec une réalité absolument
inaccessible. On peut comprendre à partir de là pourquoi la Bible use
volontiers de la relation entre homme et femme comme métaphore de la relation
entre Dieu et l’homme : non parce que Dieu serait masculin et l’homme
féminin, mais parce que la dualité
sexuelle de l’homme est ce qui manifeste le plus clairement une altérité
indépassable dans la relation la plus étroite.
De
la solitude à la relation.
Il est remarquable que
dans la Bible, la différence sexuelle soit énoncée juste après l’affirmation du
fait que l’homme est à l’image de Dieu. Cela signifie que la différence
sexuelle s’inscrit dans cette image, et est bénie de Dieu.
La différence sexuelle
est donc à interpréter comme un fait de nature, pénétré d’intentions
spirituelles. Nous en voulons pour preuve que dans la création en sept jours,
les animaux ne sont pas présentés comme sexués. Ce qui les caractérise, ce
n’est pas la différence des sexes, mais la différence des ordres et, à
l’intérieur de chaque ordre, la différence des espèces : il y a les
poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bêtes de la terre… Tous les êtres
vivants sont produits, comme un refrain, « selon leur espèce »
(Genèse 1, 21).
Dans ce récit, la sexuation n’est mentionnée que pour
l’homme car
c’est précisément dans la relation d’amour, qui inclut l’acte sexuel par lequel
l’homme et la femme « deviennent une seule chair », que tous deux
réalisent leur finalité propre : être à l’image de Dieu.
Le sexe n’est donc pas un attribut accidentel de la
personne.
La génitalité est l’expression somatique d’une sexualité qui affecte tout
l’être de la personne : corps, âme et esprit. C’est parce que l’homme et la
femme se perçoivent différents dans tout leur être sexué, tout en étant l’un et
l’autre des personnes, qu’il peut y avoir complémentarité et communion.
« Masculin »
et « féminin », « mâle » et « femelle » sont des
termes relationnels. Le masculin n’est masculin que dans la mesure où il est
tourné vers le féminin; et par la femme, vers l’enfant – en tout cas vers une
paternité, qu’elle soit charnelle ou spirituelle. Le féminin n’est féminin que
dans la mesure où il est tourné vers le masculin; et par l’homme, vers l’enfant
– en tout cas vers une maternité, qu’elle soit charnelle ou spirituelle.
Le second récit de la
création approfondit cet enseignement en présentant l’acte de création de la femme
sous forme d’une opération chirurgicale par laquelle Dieu extrait du plus
intime d’Adam, celle qui deviendra sa compagne (Genèse 2, 22). Désormais,
ni l’homme ni la femme ne seront le tout de l’humain, et aucun des deux ne
saura tout de l’humain.
Est exprimée une double finitude :
• Je ne suis pas tout,
je ne suis même pas tout l’humain.
• Je ne sais pas tout
sur l’humain : l’autre sexe me demeure toujours partiellement
inconnaissable.
Ce qui conduit à l’impossible autosuffisance de l’homme. Cette limite n’est
pas une privation, mais un don permettant la découverte de l’amour qui naît de
l’émerveillement devant la différence.
Le désir fait découvrir à l’homme l’altérité sexuée au
sein de la même nature : « Pour le coup, c’est l’os de mes os, et la
chair de ma chair ! » (Genèse 2, 23), et l’ouverture à cet autre
lui permet de se découvrir dans sa différence complémentaire : « elle
s’appellera Isha car elle est tirée de Ish »
(ibid.).
« L’homme
quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront
plus qu’un – une chair unique » (Genèse 2, 24). En hébreu, « une
chair unique » renvoie à l’« Unique », Ehad – le Nom divin par
excellence, selon la prière du Shema Israël :
« Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un – Adonaï
Ehad » (Deutéronome 6, 4).
C’est dans leur union
à la fois charnelle et spirituelle, rendue possible par leur différence et leur
orientation sexuelle complémentaire, que l’homme
et la femme reproduisent, dans l’ordre créé, l’image du Dieu Un.
En contre-point, le chapitre trois de la Genèse présente
le péché comme le refus de la limite et par là de la différence : « Dieu
sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez
comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Genèse 3, 5).
« L’arbre de la connaissance du bien et
du mal » – « l’arbre du bien connaître et du mal connaître » –
symbolise précisément les deux manières d’appréhender la limite :
• le « bien connaître » respecte l’altérité, accepte de ne
pas tout savoir et consent à ne pas être tout; cette manière de connaître ouvre
à l’amour et ainsi à « l’arbre de la vie », planté par Dieu au centre
du Jardin (Genèse 2, 9) ;
• le « mal connaître » refuse la limite, la différence; il
mange l’autre dans l’espoir de reconstituer en soi le tout et d’acquérir
l’omniscience. Ce refus de la relation d’altérité conduit à la convoitise, la
violence et ultimement à la mort.
N’est-ce pas ce que
propose la théorie du gender°: le
refus de l’altérité, de la différence, et la revendication d’adopter tous les
comportements sexuels, indépendamment de la sexuation, le don premier de la
nature ? Autrement dit la prétention de « connaître » la femme
comme l’homme, de devenir le tout de l’humain, de s’affranchir de tous les
conditionnements naturels, et ainsi « d’être comme des dieux » ?
CONCLUSION
Après l’analyse des arguments, après l’éclairage des
théories sous-jacentes, il va falloir trouver une issue au débat qui s’engage. Comme d’autres, j’ai
été auditionné par Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la
Justice, et par Mme Dominique Bertinotti, Ministre Déléguée chargée de la
Famille. Comme d’autres, j’ai été écouté respectueusement, mais seuls le projet
de loi et les positions que prendra le Gouvernement permettront de dire si la
concertation fut véritable ou de façade, si elle a fait émerger un cheminement
de la pensée ou si elle était seulement une procédure conçue par la
bien-pensance et à son seul service.
À l’heure de conclure, il ressort que les arguments
invoqués d’égalité, d’amour, de protection ou de droit à l’enfant se démontent
et ne peuvent, à eux seuls, justifier une loi.
Que les droits en
termes d’homoparentalité et d’adoption soient étendus ou limités, il ressort également
que les militants LGBT utiliseront le
mariage homosexuel comme un cheval de Troie dans leur entreprise, bien plus
large, de nier la sexuation, d’effacer les différences sexuelles et de leur
substituer des orientations permettant à la fois de sortir du « carcan naturel »
et de mieux dynamiter les fondements hétérosexuels de notre société.
Il n’y aurait ni courage, ni gloire à voter une loi en
usant davantage de slogans que d’arguments, en se conformant à la
bien-pensance dominante par crainte d’anathèmes et en contre-attaquant in extremis par une question du type :
« s’il n’y a aucune raison de faire une loi, en quoi est-ce que cela
dérange qu’il y en ait une ? ».
Ce qui me dérange,
c’est le refus du questionnement, le refus de sortir de ses évidences.
Ce qui pose problème dans la loi envisagée, c’est le
préjudice qu’elle causerait à l’ensemble de notre société au seul profit d’une
infime minorité, une fois que l’on aurait brouillé de façon irréversible trois
choses :
• les généalogies en substituant la parentalité à la paternité et à
la maternité,
• le statut de l’enfant, passant de sujet à celui d’un objet auquel
chacun aurait droit,
• les identités où la sexuation comme donnée naturelle serait dans
l’obligation de s’effacer devant l’orientation exprimée par chacun, au nom
d’une lutte contre les inégalités, pervertie en éradication des différences.
Ces enjeux doivent
être clairement posés dans le débat sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité.
Ils renvoient aux fondamentaux de la
société dans laquelle chacun d’entre nous a envie de vivre.
Je suis de ceux qui pensent que l’être humain ne se
construit pas sans structure, sans ordre, sans statut, sans règle. Que
l’affirmation de la liberté n’implique pas la négation des limites. Que
l’affirmation de l’égalité n’implique pas le nivellement des différences. Que
la puissance de la technique et de l’imagination exige de ne jamais oublier que
l’être est don, que la vie nous précède toujours et qu’elle a ses lois.
J’ai envie d’une société où la modernité prendrait toute
sa place, sans que, pour autant, soient niés les principes élémentaires de
l’écologie humaine et familiale.
D’une société où la diversité des manières d’être, de
vivre et de désirer soit acceptée comme une chance, sans que, pour autant,
cette diversité soit diluée dans la réduction à un plus petit
dénominateur qui efface toute différenciation.
D’une société où, malgré le déploiement du virtuel et de
l’intelligence critique, les mots les plus simples – père, mère, époux, parents
– gardent leur signification, à la fois symbolique et incarnée.
D’une société où les enfants sont accueillis et trouvent
leur place, toute leur place, sans pour autant devenir objet de possession à
tout prix ou enjeu de pouvoir.
J’ai envie d’une société où ce qui se joue d’extraordinaire
dans la rencontre de l’homme et de la femme continue à être institué, sous un
nom spécifique.
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