ASIE/PHILIPPINES – MISSIONNAIRES EN DANGER :
« Le Père Tentorio donnait
des droits, l’instruction et la conscience aux indigènes,
c’est pourquoi il était
dérangeant »
« Il s’agissait d’un personnage dérangeant parce
que, par son œuvre d’alphabétisation et d’instruction, il enseignait aux
indigènes leurs droits, faisait croître leur conscience civile, leurs
responsabilités et leurs possibilités. Cette œuvre avait des effets surtout
dans le cadre des luttes pour les terres que de grandes compagnies minières ou
de grands latifundistes voulaient exproprier aux indigènes » : c’est
en ces termes que le Père Angel Calvo, CMC, missionnaire clarétain se trouvant
depuis 30 ans à Mindanao, explique à l’Agence Fides que le Père Fausto
Tentorio – missionnaire de l’Institut pontifical des Missions étrangères
(IPME/PIME) assassiné hier à Arakan dans des circonstances encore non
totalement élucidées (voir Fides 17/10/2011) – au travers de son travail de
développement et de conscientisation des populations tribales « avait
touché les intérêts de puissants et de groupes de pression », ce qui
pourrait lui avoir coûté la vie. Le Père Tentorio, que le Père Calvo
connaissait personnellement, appréciant son action, « est un symbole pour
Mindanao : les missionnaires qui, comme lui, travaillent pour la justice
et pour la paix sont en danger parce qu’ils gênent les plans des
puissants ».
Le contexte dans lequel vivait le
missionnaire est celui d’une île, Mindanao, riche en métaux précieux et en
ressources souterraines mais également tellement vaste qu’elle a déclenché la
course au latifundium et à la culture extensive. Les opérations minières
détruisent le style de vie des peuples indigènes de Mindanao comme le dénoncent
souvent les organisations de défense des droits humains. Afin d’acheter des
terrains, les compagnies étrangères n’hésitent pas à corrompre les chefs de
tribus ou à appuyer la pratique d’abus physiques et psychologiques sur les
tribus indigènes. De telles sociétés soutiennent également le recrutement de
groupes « paramilitaires lumads », tels que les « Alamara
Mindanao », utilisés pour menacer leurs propres communautés.
Des plaintes sont arrivées jusqu’au
gouvernement Aquino. En avril dernier, une conférence réunissant plus de
100 chefs de tribus de Mindanao a dénoncé le fait que de grandes mines et
d’autres projets d’industrialisation comme des centrales électriques au charbon
ou une agriculture pratiquée sur une large échelle « en donnant un profit
à des entreprises étrangères, détruisent l’environnement, la culture et la vie
des lumads ». À la conférence étaient également présents les responsables
des groupes Ata-Manobo et Manobo, destinataires des programmes d’apostolat du
Père Tintorio.
L’Église catholique et les missionnaires à
Mindanao, par le biais des Commissions d’apostolat des indigènes ou des
Commissions Justice et Paix ont toujours appuyé ces revendications des lumads,
rappelant l’existence d’instruments législatifs tels que la loi sur la
sauvegarde des « zones protégées » (National Integrated Protected
Areas, NIPAS) et celle relative aux droits des peuples indigènes (Indigenous
People's Rights Act, IPRA).
Le terme « lumad » rassemble 18
groupes ethnolinguistiques présents à Mindanao représentant une population
totale de 3 millions de personnes à 95% animistes. Parmi les
entreprises minières présentes sur l’île, on trouve Xstrata à Cotabato Sud et à
Davao Sud, « Ventures Toronto » à Zamboanga Nord, et quatre autres
sociétés minières à Caraga. D’autres projets critiqués consistent en une
centrale électrique à charbon et en une centrale hydroélectrique au sein de la
province de Davao Sud.
Après la loi de 1995 (Philippinee Mining
Act), le gouvernement a continué à accorder des concessions à des entreprises
en majorité étrangères, En outre, des colons immigrés d’autres régions des
Philippines se sont transférés en masse à Mindanao, pour travailler dans le
secteur agricole. (PA)
Cotabato
(Agence Fides) 18/10/2011)
--