Quelques remarques à propos de l’attaque de l’abbé Roucou

contre l’Observatoire de la christianophobie

Ce qui peut se traduire par : « J’ai péché en pensée, en parole, par action et par omission ! »

25 juin 2012

 

 

 

L’abbé Christophe Roucou, prêtre de la Mission de France et directeur du Service des Relations avec l’Islam (SRI) depuis 2006, a, dans un courriel largement répandu par ses soins, attaqué, sans raison et même sans logique, un blogue associé à Riposte catholique : L’Observatoire de la christianophobie.

Ce blogue avait, en effet, eu l’outrecuidance de révéler au public francophone la vidéo– abominable – de l’égorgement rituel d’un chrétien et de s’inquiéter auprès du ministre français des Affaires étrangères du sort des chrétiens d’Orient. Curieusement, à l’heure où nous écrivons ces lignes (lundi 25 juin à 16 heures), le texte de courriel agressif et incohérent ne figure pas sur le site internet du SRI. Il a toutefois été repris par l’agence de presse Zenit, propriété des Légionnaires du Christ – congrégation dont nous doutons fort qu’elle partage la vision irénique et anti-missionnaire du SRI à l’égard de l’islam et au sujet de laquelle nous nous perdons en conjectures sur l’intérêt de la reprise de cet invraisemblable morceau de bravoure – et sur le site internet du quotidien La Croix.

Notre confrère Daniel Hamiche a répondu point par point à l’abbé Roucou et nous vous invitons volontiers à prendre connaissance de ses réponses. Mais, à vrai dire, répondre est presque impossible, tant l’abbé dit tout et le contraire de tout. Tantôt il accuse l’Observatoire de la christianophobie de diffuser une « vidéo mensongère » (et même mieux, de diffuser un « faux », comme si l’Observatoire s’était amusé à mimer un égorgement au couteau de cuisine !), tantôt il affirme que l’égorgement est celui d’un « agent américain » par des « insurgés iraquiens [sic ! On écrit irakiens en français] », sans même sembler se rendre compte qu’il est impossible que la vidéo soit simultanément vraie et fausse. Mais n’accablons pas le malheureux : il est sans doute victime, comme tant de nos contemporains, de la disparition à peu près complète de la logique et du principe de non-contradiction.

Il n’en demeure pas moins qu’il accuse témérairement un de nos confrères et que nous ne pouvons laisser sans réponse ses allégations calomnieuses. D’autant moins qu’elles sont merveilleusement symptomatiques de la situation du débat public, en France en général et dans l’Église de France en particulier, sur l’islam.

Tout d’abord, notons que ce communiqué n’a pas été relu et a été diffusé, pour des raisons qui nous échappent, dans la précipitation : dans la version qui nous en est donnée par Zenit, on trouve une série de coquilles que même le correcteur orthographique du plus simple traitement de texte n’aurait pas laissé passer, comme « nous » pour « nous » ou « ministre » pour « ministre ». De la part de quelqu’un qui veut vigoureusement dénoncer « les méthodes » de l’Observatoire de la christianophobie, on conviendra que le souci de la « méthode » pourrait être davantage respecté.

Comme nous allons le voir plus bas, l’abbé Roucou « flingue à tout va », comme dirait Audiard : Daniel Hamiche n’est pas seul accusé de produire un faux. Manifestement, la vidéo est, pour le directeur du SRI, une sorte de sketch humoristique que notre ami a mis au point avec un journaliste égyptien – dont nous pouvons bien vous révéler confidentiellement que Daniel Hamiche ignorait tout début juin !

Mais le principal, dans cette affaire, ce ne sont pas les opinions politiques du journaliste égyptien qui a révélé la vidéo, ce n’est pas non plus la déontologie journalistique de Daniel Hamiche, c’est évidemment le fond du dossier, à savoir le fait qu’un jeune homme, dont bien des indices suggèrent qu’il est chrétien, a été égorgé et que cela ne semble émouvoir personne.

Car nous constatons que l’immense majorité des « grands médias » francophones n’a pas daigné se préoccuper de cette vidéo, si ce n’est pas pour dénoncer le tout petit Observatoire de la christianophobie. Voilà exactement résumée la situation médiatique en France : on ne s’intéresse aux persécutions contre les chrétiens chez les modernes « bien-pensants » que pour accuser de forgerie ceux qui sonnent l’alerte. Comme le disait, voici déjà des décennies, un homme qui n’était certes pas un Père de l’Église, le philosophe Alain : « En France, on protège ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin. »

Sur le fond, soit l’abbé Roucou ne sait pas lire (c’est une hypothèse qu’il ne faut nullement exclure pour lui sauvegarder des circonstances atténuantes), soit il aura constaté que l’Observatoire de la christianophobie a été très prudent dans le traitement de cette information. Daniel Hamiche n’a jamais affirmé que la vidéo concernait un jeune Tunisien ; il n’a jamais dit que l’assassinat avait eu lieu en Tunisie – encore que ce serait pas la première fois qu’un chrétien y aurait été égorgé par un musulman dans un tout récent passé. Au contraire, il a émis toutes les réserves nécessaires, citant ses sources, gardant pour lui de nombreuses informations jugées non certaines, et émettant les hypothèses les plus vraisemblables à l’heure où il écrivait. Il suffit de consulter le blogue pour s’apercevoir que, « vingt fois (ou du moins 8 ou 10, il faut toujours que l’ami Boileau exagère…) sur le métier » il remit son ouvrage.

Il est d’ailleurs cocasse de lire, en guise de témoignage à charge, dans l’article de Zenit, le sordide canular du massacre imminent de chrétiens en Inde, quand, précisément, le 26 mai, soit plusieurs jours avant l’affaire de la vidéo, Daniel Hamiche a dénoncé ledit canular qui tentait de se refaire une santé par une énième campagne de courriels ! À croire que l’on ne lit « en haut lieu » l’Observatoire de la christianophobie que pour y trouver des arguments pour l’attaquer sur le contraire de ce qu’il affirme…

Au passage, remarquons que l’abbé Roucou n’assume pas pleinement ses attaques : il utilise abondamment le conditionnel (au moins 4 fois). Étrangement, il garde l’indicatif pour les affirmations les plus incertaines de sa « démonstration », mais, là encore, n’accablons pas le malheureux : la grammaire est une science archaïque pour nos modernes pédagogues.

L’abbé Roucou mêle les attaques contre l’Observatoire de la christianophobie à des accusations graves à l’encontre du journaliste égyptien (expression que le quotidien La Croix met entre guillemets pour une raison qui nous échappe – peut-être l’homme n’est-il pas journaliste ou n’est-il pas égyptien ; peut-être, qui sait, n’existe-t-il tout simplement pas !) Tawfik Okasha, qui serait, paraît-il, un « personnage sulfureux » « réputé pour fabriquer de fausses informations » (sans que l’on en sache davantage). Mais, dans les deux cas, il procède par insinuation (suffisamment claires, soit dit en passant, pour justifier une petite explication devant les tribunaux…), sans apporter la moindre preuve de ce qu’il avance. Là encore, pour quelqu’un qui critique l’absence de déontologie journalistique, l’abbé ne manque pas de souffle.

Il y aurait encore mille choses à dire sur le fond, singulièrement peu solide, et sur la forme, singulièrement peu soignée, de ces prétendues « précisions » de l’abbé Roucou. Mais la vie est courte et il nous faut aborder, à présent, non pas la défense de notre honneur de journalistes, mais une question autrement plus grave : celle de l’attitude des catholiques de France à l’égard des musulmans et des musulmans convertis au christianisme.

Le SRI est, semble-t-il, un organisme de la conférence des évêques de France. Dans quelle mesure engage-t-il les évêques de France? Nous l’ignorons. Dans quelle mesure même la conférence des évêques de France engage-t-elle les évêques de France? Nous l’ignorons. Mais le SRI a, en tout cas, pour le grand public, toutes les apparences de l’organisme « officiel ». Nous constatons donc que cet organisme « officiel » n’a pas un mot de compassion pour un homme égorgé par des musulmans dans des conditions atroces et de manière rituelle (tous les arabophones cités sur l’Observatoire de la christianophobie, qu’il s’agisse du journaliste Raymond Ibrahim ou du jésuite Samir, ont dit avoir reconnu les versets coraniques dénonçant les « apostats » et les « associationnistes », c’est-à-dire que la victime est selon toute vraisemblance un ancien musulman converti à la foi trinitaire – ce que, d’ailleurs, l’abbé Roucou ne conteste pas).

Au demeurant, cet homme serait-il non chrétien, n’aurait-il donc pas droit à notre compassion ? L’abbé Roucou « explique » l’égorgement par le fait qu’il s’agirait d’un « agent américain ». Mais qu’est-ce que cela explique ? Si cet homme a commis un crime, n’existe-t-il pas de tribunaux ? Et, s’il devait effectivement être condamné à mort, considère-t-on vraiment que l’égorgement et la décapitation au couteau de cuisine soit un moyen digne de la personne humaine ? Il est tout de même frappant que tous ces belles âmes qui n’avaient naguère de cesse de dénoncer les violations des droits de l’homme parce que tel immigré clandestin était détenu un jour de trop dans un centre de rétention où, pourtant, il mangeait à sa faim et dormait sous un toit, ne voient rien d’attentatoire à la dignité humaine dans cet acte d’une barbarie extraordinaire !

En tout cas, en admettant même que la victime soit un « agent américain », le caractère rituel, « religieux », de son assassinat relève bel et bien de la mission médiatique que s’est attribué l’Observatoire de la christianophobie. Mission médiatique, dont il faut signaler que l’Observatoire ne s’est saisi que par défaut des « grands médias ». Si les principaux quotidiens français, les radios ou les télévisions défendaient plus souvent les chrétiens persécutés dans le monde, l’Observatoire de la christianophobie n’aurait tout simplement jamais vu le jour. Mais lesdits « grands médias » ne se réveillent que pour dénoncer les « méthodes » de l’Observatoire de la christianophobie. Comme si le cœur du sujet était de savoir si Daniel Hamiche est ou non un bon journaliste, et non l’assassinat d’un jeune chrétien !

Au demeurant, l’abbé Roucou nous signale qu’il a mené une « enquête auprès des services du Quai d’Orsay ». Cet homme a une chance inouïe ! Pour nous, les mêmes services n’ont pas daigné nous répondre. Sans doute l’abbé Roucou est-il plus fréquentable que Daniel Hamiche ou Guillaume de Thieulloy, pour la nouvelle majorité. Mais, puisque l’abbé a l’heur d’avoir des contacts, pourquoi ne nous dit-il pas qui est la victime, quand a été filmé cet assassinat, et où a eu lieu l’exécution ? À moins que la réponse qu’il a reçue soit la même que celle qui a été faite à un Libanais qui s’enquérait auprès du même ministère si la victime était bien chrétienne : peut-être que oui, peut-être que non, fut la réponse qu’il reçut. C’est peut-être au fond la même qu’a reçue l’abbé Roucou, mais alors il n’en aurait gardé que la moitié. Trouvez laquelle…

En réalité, tout se passe comme si le SRI voulait diffuser une vision parfaitement irénique de l’islam. Vision à laquelle les faits, que relève sans la moindre exhaustivité, et sans les moyens du SRI, ni ceux de Zenit, ni ceux de La Croix, ni ceux du Quai d’Orsay, apportent, hélas, un cruel démenti. Il est d’ailleurs symptomatique que le SRI prétende établir des relations avec l’islam, comme si l’islam avait une seule tête, et non un dialogue avec les musulmans. Pour notre part, nous sommes parfaitement d’accord avec l’impératif de dialoguer avec les musulmans. D’abord pour se connaître, ensuite pour mener des combats communs en faveur de la loi naturelle violemment attaquée aujourd’hui (sans que l’abbé Roucou semble beaucoup s’en émouvoir pour autant que nous puissions en juger par ses interventions publiques), et enfin pour leur annoncer le vrai Dieu. En revanche, il nous semble extrêmement douteux qu’il soit possible d’entretenir des relations « avec l’islam » (ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas d’autorité magistérielle unique dans la religion coranique). Le SRI revendique donc un titre qui induit en erreur.

Mais, puisque le SRI entretien manifestement d’excellentes relations avec les nouvelles autorités politiques et avec les autorités coraniques, peut-être pourrait-il en trouver une ou deux qui dénoncent la barbarie.

Mais non, il préfère nous faire la leçon, au nom d’une autorité inconnue, et nous transmettre des messages sibyllins de la part d’un interlocuteur inconnu. Pour notre part, nous n’avons rien avancé qui ne soit justifié, sans rien cacher de nos doutes et de nos réserves. Il ne nous serait pas venu à l’esprit d’utiliser de simples rumeurs, de source inconnue (fût-elle aussi prestigieuse que les « services du Quai d’Orsay ») – toutes les informations données sur l’Observatoire sont sources –, pour discréditer quiconque, et certainement pas un frère dans la foi.

Pour dire le fond de notre pensée, si les évêques de France supprimeraient ce « service » malfaisant, qui colporte des ragots non vérifiés, s’oppose à la défense des chrétiens d’Orient, et méprise le B A-BA de la déontologie journalistique, l’évangélisation et la charité, tant entre catholiques qu’à destination des hommes de bonne volonté (et tout spécialement des musulmans qui ont droit à l’annonce de l’Évangile et, une fois baptisés, ont le droit d’être protégés), s’en porteraient beaucoup mieux !

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