Abel
CHENNOUF, caporal parachutiste,
catholique et français, mort pour la France
L'abbé Christian Venard, aumônier catholique du 17e RGP, a prononcé l'homélie suivante
pour l’inhumation du caporal Abel Chennouf, assassiné à Montauban, au
Cimetière de Manduel aujourd'hui :
"Abel, mon camarade parachutiste, mon frère, voilà une semaine, jour pour jour
et presque heure pour heure, je tenais ta main, encore chaude de la vie que
venait de te prendre un assassin. Je tenais ta main en priant pour toi, en
pensant à ta maman et en te confiant à notre Maman du Ciel, la Vierge Marie. Je
ne connaissais pas encore Caroline, mais si tel avait été le cas, je t’aurais
aussi parlé pour elle et pour ce petit bébé que vous attendez. Puis je
me suis penché sur ton camarade Mohamed Legouad qu’essayaient de maintenir en
vie les remarquables équipes d’urgentistes. Enfin, j’ai assisté au départ vers
l’hôpital de Loïc Liber, qui à cette heure même se bat, entouré de son papa et
de sa maman, pour rester en vie. Que de souffrances. Que d’incompréhensions.
Mais aussi que de solidarité, de soutien, d’hommages et, pour nous chrétiens,
de foi (comme le rappelait hier l’évêque aux armées en la cathédrale de
Montauban) et d’espérance, malgré tout !
Il y a deux mille sept cents ans, à Rome, au cœur même du forum, symbole et
centre de la vie de la Cité, un gouffre s’ouvrit. L’oracle consulté livra cette
réponse : pour combler ce gouffre, Rome devait y engloutir ce qu’elle
avait de plus précieux. Chacun s’interrogeait encore sur ce qui pouvait être de
plus précieux, quand un jeune cavalier, un jeune homme armée, Curtius, se jeta
avec son cheval dans le gouffre qui se referma aussitôt. Oui, ce que Rome avait
de plus précieux était un jeune militaire défenseur de la Cité.
Le criminel terroriste qui a mené ces actions dans lesquelles tu as perdu
la vie, Abel, a tenté d’ouvrir un gouffre. Le prix à payer pour le combler est
bien sûr infiniment trop lourd ; mais mon ami Abel, tu es devenu, comme
Curtius, symbole de ce que notre pays, la France, possède de plus précieux. Et
désormais, c’est ainsi que tu nous apparais : jeune caporal
parachutiste, mort pour la France, dans un attentat terroriste qui voulait
mettre à bas notre Patrie.
Abel, je veux aller encore plus loin. C’est parce que tu portais
l’uniforme français, parce que tu étais fier de ton béret rouge, que ce
criminel t’a visé. Ce que ce meurtrier ne pouvait savoir c’est aussi tout
ce que tu représentes aujourd’hui pour notre Patrie. Issue d’une famille à
la fois alsacienne (avec tout ce que cette région fait ressortir en notre
pays des souffrances liées aux deux conflits mondiaux) et kabyle (et
comment ne pas évoquer ici les douloureux événements d’Algérie), ta famille
choisit la France avec (et je reprends les mots mêmes de ton cher papa), avec
toutes ses traditions, y compris ses racines les plus profondes, qui sont
chrétiennes. Comment ne pas voir, mon ami Abel, dans une telle accumulation
de symboles, ce que nous avons de plus précieux cette capacité que possède
notre Patrie française de prendre en son sein, tous ceux qui veulent devenir
ses fils.
Au moment où nous allons te porter en terre, dans cette terre pétrie des
ossements de nos pères (c’est cela la Patrie aussi), Abel, avec toute ta
famille, tes amis, tes camarades parachutistes, je te fais le serment que nous
soutiendrons Caroline et ton enfant. Que nous resterons présents auprès des
tiens. Désormais c’est à Dieu que nous te confions, au travers des rites
catholiques qui accompagnent nos défunts. Nous savons que tu es vivant auprès
du Père. Tu as rejoint Jésus, ce Dieu fait Homme, cet innocent mort à cause de
la méchanceté et la violence qui habitent trop souvent le cœur des hommes. Ton sacrifice
se trouve comme enveloppé dans celui du Christ Jésus. En te retrouvant jeudi
dernier, gisant sur le sol montalbanais, en prenant ta main et en voyant couler
de tes blessures ce sang si rouge et si pur, je confiais au Seigneur de la Vie,
cette vie qui s’écoulait de toi. Et si aucune larme ne sortait de mes yeux,
comme tant de tes camarades, c’est mon cœur qui pleurait sur toute violence
faite aux innocents sur cette pauvre terre. Et c’est à l’Innocent qui a versé
son Sang pour nous réconcilier avec son Père, qui a versé son propre Sang en
rançon pour toutes les violences, que je confiais ta belle âme.
Abel, français d’origine alsacienne et kabyle, catholique par choix,
parachutiste au service de la France, que notre grand saint patron, que
l’Archange saint Michel t’accueille et te fasse entrer au sein du Père, avec le
Fils et le Saint-Esprit. Amen !"
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