LAVIE DE L’APÔTRE SAINT BARNABÉ
Barnabé veut
dire fils de celui qui vient, ou bien fils de consolation, ou fils de prophète,
ou fils qui enserre. Quatre fois il a le
titre de fils pour quatre sortes de filiation. L’Écriture donne ce nom de fils
en raison de la génération, de l’instruction, de l’imitation et de l’adoption.
Or, il fut régénéré par JÉSUS-CHRIST dans le Baptême, il fut instruit dans l’Évangile,
il imita le Seigneur par son martyre, et il en fut adopté par la récompense
céleste. Voilà pour ce qui est de lui-même. Voici maintenant ce qui le concerne
quant aux autres : il fut arrivant, consolant, prophétisant et enserrant.
Il fut arrivant, parce qu’il alla prêcher partout, ceci est clair, puisqu’il
fut le compagnon de saint Paul. II consola les pauvres et les affligés, les
premiers en leur portant des aumônes, les seconds en leur adressant des lettres
de la part des Apôtres. Il prophétisa puisqu’il fut illustre en annonçant les
choses à venir. Il fut enserrant, c’est-à-dire qu’il réunit et rassembla dans
la foi une multitude de personnes : la preuve en est dans sa mission à
Antioche. Ces quatre qualités sont indiquées dans le livre des Actes (XI). C’était
un homme, mais un homme de courage, ce qui a trait à la première qualité ;
bon, c’est pour la seconde ; plein du Saint-Esprit, voilà pour la
troisième ; et fidèle ou plein de foi, la quatrième qualité. Jean de même
que Marc son cousin compila son martyre. Il en est question principalement à
partir de la vision de Jean, jusque vers la fin.
Saint Barnabé, lévite originaire de Chypre,
l’un des 72 disciples du Seigneur, est souvent mentionné avec de grands éloges
dans l’histoire des Actes. Il fut admirablement formé et disposé en ce qui le
regardait personnellement, par rapport à Dieu et par rapport au prochain.
I. Pour ce qui était de lui, il était
bien organisé dans ses trois puissances, la rationnelle, la concupiscible et l’irascible :
1° sa puissance rationnelle était
éclairée par la lumière de la connaissance, c’est pour cela qu’il est dit dans
les Actes (XIII) : « Il y avait dans l’église qui était à
Antioche, des prophètes et des docteurs, entre lesquels étaient Barnabé, Simon,
etc. »
2° sa puissance concupiscible était
dégagée de la poussière des affections mondaines, car il est dit aux Actes (IV)
que Joseph surnommé Barnabé vendit un fonds de terre qu’il possédait ; il
en apporta le prix et le mit aux pieds des Apôtres ; c’est ici que la
glose ajoute : il donne une preuve qu’il faut se dépouiller de ce à quoi
il évite de toucher, et il enseigne à fouler un or qu’il met aux pieds des Apôtres.
3° sa puissance irascible était
appuyée sur une grande probité, soit qu’il entreprît avec ardeur des choses
difficiles, soit qu’il mît de la persévérance dans des actes de courage, soit
qu’il fut constant à soutenir l’adversité. Il entreprit avec ardeur des choses
difficiles, cela est évident par ses travaux pour convertir cette immense cité
d’Antioche, comme il est écrit au IXe chapitre des Actes : en effet saint
Paul, après sa conversion, voulut venir à Jérusalem et se joindre aux
disciples, et quand tout le monde le fuyait comme les agneaux font du loup,
Barnabé fut assez audacieux pour le prendre et le mener aux Apôtres. Il mit de
la persévérance dans ses actes de courage, en macérant son corps et en le réduisant
par les jeûnes ; aussi est-il dit aux Actes (XIII) de Barnabé et de
quelques autres : « Pendant qu’ils rendaient leur culte au Seigneur
et qu’ils jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit : Séparez-moi Paul et
Barnabé pour l’œuvre à laquelle je les ai destinés. » Il fut constant à
soutenir l’adversité d’après le témoignage que lui en rendent les Apôtres en
disant (Actes XV) : « Nous avons jugé à propos de vous envoyer
des personnes choisies, avec nos très chers Barnabé et Paul, hommes qui ont
exposé leur vie pour le Nom de Notre Seigneur JÉSUS-CHRIST . »
II. Il fut bien formé par rapport à
Dieu. Il déférait à son autorité, comme aussi à sa majesté et à sa bonté.
1° Il déférait à l’autorité de Dieu,
puisqu’il ne prit pas de son chef la charge de la prédication, mais qu’il
voulut la recevoir de l’autorité divine, comme il est rapporté aux Actes (XIII).
Le Saint-Esprit dit : « Séparez-moi Paul et Barnabé pour l’œuvre à
laquelle je les ai destinés. »
2° Il déférait à sa majesté. On lit en
effet au XIVe ch. des Actes que certaines personnes voulaient le traiter comme
une majesté divine et lui immoler des victimes comme on fait à Dieu, en l’appelant
Jupiter, parce qu’il paraissait le plus recommandable, et en donnant à Paul le
nom de Mercure, en raison de sa prudence et de son éloquence ; aussitôt
Barnabé et Paul déchirèrent leurs vêtements et s’écrièrent : « Mes
amis, que voulez-vous faire ? Nous sommes des hommes mortels comme vous
qui vous annonçons de quitter ces vaines idoles, pour vous convertir au Dieu
vivant. »
3° Il déférait à la bonté de Dieu. En
effet, on trouve dans les Actes (XV) que quelques-uns des Juifs convertis
voulaient rétrécir et diminuer la bonté de la grâce de Dieu, bonté qui nous
sauve gratuitement, indépendamment de la Loi, avançant que la grâce sans la
circoncision était tout à fait insuffisante. Paul et Barnabé leur résistèrent
avec force, en montrant que la bonté seule de Dieu suffisait sans les pratiques
commandées par la Loi : en outre ils portèrent la question au tribunal des
Apôtres dont ils obtinrent des lettres qui proscrivaient ces erreurs.
III. Il fut admirablement disposé par
rapport au prochain, puisqu’il nourrit son troupeau par sa parole, par son
exemple et par ses bienfaits.
1° Par sa parole, en évangélisant avec
grand soin la Parole de Dieu. En effet, les Actes disent (XV) : « Paul
et Barnabé demeurèrent à Antioche, où ils enseignaient et annonçaient avec
plusieurs autres la Parole du Seigneur. » Ce qui est évident encore par
cette foule immense qu’il convertit à Antioche, de sorte que ce fut-là que les
disciples commencèrent à être appelés chrétiens.
2° Par son exemple, puisque sa vie fut
pour tous un miroir de sainteté et un modèle de religion. Dans toutes ses
actions, en effet, il fut homme de cœur et religieux, intrépide, distingué par
la douceur de ses mœurs, tout rempli de la grâce du Saint-Esprit et illustre en
toutes sortes de vertus et en foi. Ces quatre qualités sont énumérées dans ces
paroles des Actes (XV) : « Ils envoyèrent Barnabé à
Antioche » ; et ailleurs (XI) : « Il les exhortait tous à
demeurer dans le service du Seigneur avec un cœur ferme, parce que c’était un
homme bon, rempli de l’Esprit-Saint et de foi. »
3° Par ses bienfaits. Or, il y a deux
sortes de bienfaits, deux aumônes, d’abord la temporelle qui consiste à donner
le nécessaire, ensuite la spirituelle qui consiste à pardonner les injures.
Barnabé pratiquait la première quand il porta l’aumône aux frères qui étaient à
Jérusalem, d’après le XIe ch. des Actes : « Une grande famine,
selon que l’avait prédit Agabus, étant survenue sous
le règne de Claude, les disciples résolurent d’envoyer, chacun selon son
pouvoir, quelques aumônes aux frères qui demeuraient en Judée. Ils le firent en
effet, les adressant aux anciens, par les mains de Barnabé et de Paul. »
Il pratiquait la seconde, puisqu’il pardonna l’injure que lui avait faite Jean
surnommé Marc. Comme ce disciple avait quitté Barnabé et Paul, Barnabé ne fut
pas cependant que d’être indulgent envers lui, quand il revint avec repentir,
et de le reprendre pour disciple. Paul ne voulut pas le recevoir, de là le
sujet de leur séparation. En cela, l’un et l’autre agissaient par des motifs et
des intentions louables. Barnabé, en le reprenant, par douceur et miséricorde ;
Paul ne le reçut pas, par amour de la droiture. C’est pour cela que la glose
dit à ce propos (Actes XV) : « Jean avait résisté en face, tout
en se montrant trop timide, alors Paul eut raison de l’éloigner de peur que la
contagion du mauvais exemple de Jean ne corrompît la vertu des autres. » Cette
séparation ne se fit pas par un emportement coupable, mais par l’inspiration du
Saint-Esprit qui les faisait s’éloigner afin qu’ils prêchassent à plus de
monde, et c’est ce qui arriva. Car comme Barnabé était dans la ville d’Icone,
Jean, son cousin, dont on vient de parler, eut une vision dans laquelle apparut
un homme éclatant qui lui dit : « Jean, aie de la constance, car
bientôt ce ne sera plus Jean, mais Élevé (excelsus) que tu seras
appelé. » Barnabé, informé de ce prodige par son cousin, lui dit :
« Garde-toi bien de révéler à personne ce que tu as vu, car le Seigneur m’est
apparu aussi cette nuit en me disant : « Barnabé, aie de la
constance, car tu recevras les récompenses éternelles, pour avoir quitté ton
pays, et avoir livré ta vie pour mon Nom. » Lorsque Paul et Barnabé eurent
prêché pendant longtemps à Antioche, un ange du Seigneur apparut aussi à Paul
et lui dit : « Hâte-toi d’aller à Jérusalem, car quelqu’un des frères
y attend ton arrivée. » Or, Barnabé voulant aller à Chypre pour y visiter
ses parents, et Paul se hâtant d’aller à Jérusalem, ils se séparèrent par l’inspiration
du Saint-Esprit. Alors Paul communiqua à Barnabé ce que l’ange lui avait dit.
Barnabé lui répondit : « Que la volonté du Seigneur soit faite !
je vais aller à Chypre, j’y finirai ma vie et je ne te verrai plus
désormais. » Et comme il se jetait humblement aux pieds de Paul en
pleurant, celui-ci, touché de compassion, lui dit : « Ne pleurez pas,
puisque c’est la volonté du Seigneur ; Il m’est aussi apparu cette nuit et
m’a dit : « N’empêche pas Barnabé d’aller à Chypre, car il y
éclairera beaucoup de monde et il y consommera son martyre. » En allant
donc à Chypre avec Jean, Barnabé porta avec lui l’Évangile de saint Mathieu, il
le posait sur les malades, et il en guérit beaucoup par la puissance de Dieu.
Sortis de Chypre, ils trouvèrent Élymas, le magicien
que saint Paul avait privé de la vue pour un certain temps ; il leur fit
opposition et les empêcha d’entrer à Paphos. Un jour Barnabé vit des hommes et
des femmes nus qui couraient ainsi pour célébrer leurs fêtes. Il en fut rempli
d’indignation, il maudit le temple, et à l’instant il s’en écroula une partie
qui écrasa beaucoup d’infidèles.
Enfin il vint à Salamine : ce fut là
que le magicien Élymas, dont on vient de parler,
excita contre lui une grande sédition. Les Juifs se saisirent donc de Barnabé
qu’ils accablèrent de nombreuses injures, ils le traînèrent en toute hâte au
juge de la ville pour le faire punir.
Mais quand les Juifs apprirent qu’Eusèbe,
personnage important et fort puissant, de la famille de Néron, était arrivé à
Salamine, ils craignirent qu’il ne leur arrachât des mains le saint Apôtre, et
ne le laissât aller en liberté ; alors ils lui lièrent une corde au cou,
le traînèrent hors de la porte de la ville où ils se hâtèrent de le brûler.
Enfin ces Juifs impies, n’étant pas encore rassasiés de cette cruauté, enfermèrent
ses os dans un vase de plomb pour les jeter dans la mer, mais Jean, son
disciple, avec deux autres chrétiens, se leva durant la nuit, les prit et les
ensevelit en secret dans une crypte où ils restèrent cachés, au rapport de
Sigebert, jusqu’au temps de l’empereur Zénon et du pape Gélase, en l’année 500
où ils furent découverts par une révélation du saint lui-même. Le bienheureux
Dorothée dit que Barnabé prêcha d’abord JÉSUS-CHRIST à Rome, et fut évêque de Milan.
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