LA VIE DE SAINT JEAN, APÔTRE ET ÉVANGÉLISTE - fêté le 27 décembre

Jean veut dire grâce de Dieu, ou en qui est la grâce, ou auquel la grâce a été donnée, ou auquel un don a été fait de la part de Dieu. De là, quatre privilèges de saint Jean. Le premier fut l’amitié particulière de JÉSUS-CHRIST. En effet, le Sauveur aima saint Jean plus que les autres Apôtres et lui donna de plus grandes marques d’affection et de familiarité. Il veut donc dire grâce de Dieu parce qu’il fut gracieux à Dieu. Il paraît même qu’il a été aimé plus que Pierre. Mais il y a amour de cœur et démonstration de cet amour. On trouve deux sortes de démonstrations d’amour : l’une qui consiste dans la démonstration de la familiarité, et l’autre dans les bienfaits accordés. Il aima Jean et Pierre également. Mais quant à l’amour de démonstration, il aima mieux saint Jean, et quant aux bienfaits donnés, il préféra Pierre. Le second privilège est la parole de la chair ; en effet, saint Jean a été choisi vierge par le Seigneur ; alors en lui est la grâce, c’est-à-dire la grâce de la pureté virginale, puisqu’il voulait se marier quand JÉSUS-CHRIST l’appela(1). Le troisième privilège, c’est la révélation des mystères : en effet, il lui a été donné de connaître beaucoup de mystères, par exemple, ce qui concerne la divinité du Verbe et la fin du monde. Le quatrième privilège, c’est d’avoir été chargé du soin de la Mère de Dieu : alors, on peut dire qu’il a reçu un don de Dieu. Et c’était le plus grand présent que le Seigneur put faire que de lui confier le soin de sa Mère. Sa vie a été écrite par Miletus(2), évêque de Laodicée, et abrégée par Isidore dans son livre "De la naissance, de la vie et de la mort des Saints Pères".

(1) C’est l’opinion de Bède, Sermon des Jean - de Rupert, sur Saint Jean, ch. I - de saint Thomas d’Aquin, t. II, p. 186 - de sainte Gertrude en ses Révélations, liv. IV, ch. IV.

(2) Le livre de Miletus a été publié en dernier lieu à Leipzig, par Heine, en 1848. Il est reproduit ici en majeure partie.

Jean, Apôtre et Évangéliste, le bien-aimé du Seigneur, avait été élu alors qu’il était encore vierge. Après la Pentecôte, et quand les Apôtres se furent séparés, il partit pour l’Asie où il fonda un grand nombre d’églises. L’empereur Domitien, qui entendit parler de lui, le fit venir et jeter dans une cuve d’huile bouillante, à la porte Latine. Il en sortit sain et entier, parce qu’il avait vécu affranchi de la corruption de la chair(3). L’empereur ayant su que Jean n’en continuait pas moins à prêcher, le relégua en exil dans l’île inhabitée de Pathmos et où le saint écrivit l’Apocalypse. Cette année-là, l’empereur fut tué en haine de sa grande cruauté et tous ses actes furent annulés par le sénat, en sorte que saint Jean, qui avait été bien injustement déporté dans cette île, revint à Éphèse, où il fut reçu avec grand honneur par tous les fidèles qui se pressèrent au-devant de lui en disant : « Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur. » Il entrait dans la ville, comme on portait en terre Drusiane qui l’aimait beaucoup et qui aspirait ardemment son arrivée. Les parents, les veuves et les orphelins lui dirent : « Saint Jean, c’est Drusiane que nous allons inhumer ; toujours elle souscrivait à vos avis, et nous nourrissait tous ; elle souhaitait vivement votre arrivée, en disant « Ô si j’avais le bonheur de voir l’Apôtre de Dieu avant « de mourir ! » Voici que vous arrivez et elle n’a pu vous voir. » Alors Jean ordonna de déposer le brancard et de délier le cadavre : « Drusiane, dit-il, que mon Seigneur JÉSUS-CHRIST te ressuscite, lève-toi, va dans ta maison prépare-moi de la nourriture. » Elle se leva aussitôt, et s’empressa d’exécuter l’ordre de l’Apôtre, tellement qu’il lui semblait qu’il l’avait réveillée et non pas ressuscitée.

(3) Clément d’Alexandrie, Quis dives, ch. XLII - Eusèbe, l. III, ch. XXIII - Saint Chrysostome, ad Theodos lapsum, livI, ch. II.

Le lendemain, Craton le philosophe convoqua le peuple sur la place, pour lui apprendre comment on devait mépriser ce monde. Il avait fait acheter, à deux frères très riches, du produit de leur patrimoine, des pierres précieuses qu’il fit briser en présence de l’assemblée. L’Apôtre vint à passer par-là et, appelant le philosophe auprès de lui, il condamna cette manière de mépriser le monde pour trois raisons :

1° il est loué par les hommes, mais il est réprouvé par le jugement de Dieu,

2° ce mépris ne guérit pas le vice, il est donc inutile, comme est inutile le médicament qui ne guérit point le malade,

3° ce mépris est méritoire pour celui qui donne ses biens aux pauvres. Comme le Seigneur dit au jeune homme : « Allez vendre tout ce que vous avez et donnez-le aux pauvres. » Craton lui dit : « Si vraiment ton Dieu est le maître, et qu’il veuille que le prix de ces pierreries soit donné aux pauvres, fais qu’elles redeviennent entières, afin que, de ta part, cette œuvre tourne à sa gloire, comme j’ai agi pour obtenir de la renommée auprès des hommes. » Alors saint Jean, rassemblant dans sa main les fragments de ces pierres, fit une prière, et elles redevinrent entières comme avant. Aussitôt le philosophe ainsi que les deux jeunes gens crurent, et vendirent les pierreries dont ils distribuèrent le prix aux pauvres.

Deux autres jeunes d’une famille honorable imitèrent l’exemple des précédents, vendirent tout ce qu’ils avaient, et après l’avoir donné aux pauvres, ils suivirent l’Apôtre. Mais un jour qu’ils voyaient leurs serviteurs revêtus de riches et brillants vêtements, tandis qu’il ne leur restait qu’un seul habit, ils furent pris de tristesse. Saint Jean, qui s’en aperçut à leur physionomie, envoya chercher sur le bord de la mer des bâtons et des cailloux qu’il changea en or et en pierres fines. Par l’ordre de l’Apôtre, ils les montrèrent pendant sept jours à tous les orfèvres et à tous les lapidaires ; à leur retour ils racontèrent que ceux-ci n’avaient jamais vu d’or plus pur ni des pierreries si précieuses ; et il leur dit : « Allez racheter vos terres que vous avez vendues, parce que vous avez perdu les richesses du ciel ; brillez comme des fleurs afin de vous faner comme elles ; soyez riches dans le temps pour que vous soyez mendiants dans l’éternité. » Alors l’Apôtre parla plus souvent encore contre les richesses, et montra que, pour six raisons, nous devions être préservés de l’appétit immodéré de la fortune.

- La première tirée de l’Écriture, dans le récit du riche à sa table que Dieu réprouva, et du pauvre Lazare que Dieu élut.

- La seconde puisée dans la nature, qui nous fait venir pauvres et nus, et mourir sans richesses.

- La troisième prise de la créature : le soleil, la lune, les astres, la pluie, l’air étant communs à tous et partagés entre tous sans préférence, tous les biens devraient donc être en commun chez les hommes.

- La quatrième, est la fortune. Il dit alors que le riche devient l’esclave de l’argent et du diable ; de l’argent, parce qu’il ne possède pas les richesses, mais que ce sont elles qui le possèdent ; du diable, parce que, d’après l’Évangile, celui qui aime l’argent est l’esclave de Mammon.

- La cinquième est l’inquiétude : ceux qui possèdent ont jour et nuit des soucis, soit pour acquérir, soit pour conserver.

- La sixième, ce sont les risques et périls auxquels sont exposées les richesses ; d’où résultent deux sortes de maux : ici-bas, l’orgueil ; dans l’éternité, la damnation éternelle ; perte de deux sortes de biens : ceux de la grâce dans la vie présente, ceux de la gloire éternelle dans la vie future. Au milieu de cette discussion contre les richesses, voici qu’on portait en terre un jeune homme mort trente jours après son mariage. Sa mère, sa veuve et les autres qui le pleuraient, vinrent se jeter aux pieds de l’Apôtre et le prier de le ressusciter comme Drusiane au Nom du Seigneur. Après avoir pleuré beaucoup et avoir prié, Jean ressuscitas à l’instant le jeune homme auquel il ordonna de raconter à ces deux disciples quel châtiment ils avaient encouru et quelle gloire ils avaient perdue. Celui-ci raconta alors bien des faits qu’il avait vus sur la gloire du paradis, et sur les peines de l’enfer. Et il ajouta : « Malheureux êtes-vous, j’ai vu vos anges dans les pleurs et les démons dans la joie. » ; puis il leur dit qu’ils avaient perdu les palais éternels construits de pierreries brillantes, resplendissants d’une clarté merveilleuse, remplis de banquets copieux, pleins de délices, et d’une joie, d’une gloire interminables. Il raconta huit peines de l’enfer qui sont renfermées dans ces deux vers :

Vers et ténèbres, tourment, froid et feu,

Présence du démon, foule de criminels, pleurs.

Alors, celui qui avait été ressuscité se joignit aux deux disciples qui se prosternèrent aux pieds de l’Apôtre et le conjurèrent de leur faire miséricorde. L’Apôtre leur dit : « Faites pénitence trente jours pendant lesquels vous prierez que ces bâtons et ces pierres reviennent dans leur état naturel. » Quand ils eurent exécuté cet ordre, il leur dit : « Allez porter ces bâtons et ces pierres où vous les avez pris. »

Ils le firent ; les bâtons et les pierres redevinrent alors ce qu’ils étaient, et les jeunes gens recouvrèrent la grâce de toutes les vertus qu’ils avaient possédées auparavant.

Après que Jean eut prêché par toute l’Asie, les adorateurs de Jules excitèrent une sédition parmi le peuple et traînèrent le saint à un temple de Diane pour le forcer à sacrifier. Jean leur proposa cette alternative ou qu’en invoquant Diane, ils fissent crouler l’Église de JÉSUS-CHRIST, et qu’alors il sacrifierait aux idoles ; ou qu’après avoir lui-même invoqué JÉSUS-CHRIST, il renverserait le temple de Diane et alors eux-mêmes crussent en JÉSUS-CHRIST. La majorité accueillit la proposition, tous sortirent du temple ; l’Apôtre fit sa prière, le temple croula jusque dans ses fondations et l’image de Diane fut réduite en pièces. Mais le pontife des idoles, Aristodème, excita une affreuse sédition dans le peuple ; une partie se préparait à se ruer contre l’autre. L’Apôtre lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour te faire fléchir ? » « Si tu veux, répondit Aristodème, que je croie en ton Dieu, je te donnerai du poison à boire, et si tu n’en ressens pas les atteintes, ton Seigneur sera évidemment le vrai Dieu. » L’Apôtre reprit : « Fais ce que tu voudras. » « Je veux, dit Aristodème, que tu en voies mourir d’autres auparavant afin que ta crainte augmente. » Aristodème alla demander au proconsul deux condamnés à mort, auxquels, en présence de tous, il donna du poison. À peine l’eurent-ils pris qu’ils rendirent l’âme. Alors l’Apôtre prit la coupe et se fortifiant du signe de la Croix, il avala tout le poison sans éprouver aucun mal, ce qui porta tous les assistants à louer Dieu. Aristodème dit encore : « Il me reste un doute, mais si tu ressuscites ceux qui sont morts du poison, je croirai indubitablement. » Alors l’Apôtre lui donna sa tunique. « Pourquoi, lui dit-il, m’as-tu donné ta tunique ? » « C’est, lui répondit saint Jean, afin que tu sois tellement confus que tu brises avec ton infidélité. » « Est-ce que ta tunique me fera croire ? » dit Aristodème. « Va, dit l’Apôtre, la mettre sur les corps de ceux qui sont morts et dis : « L’Apôtre de JÉSUS-CHRIST m’a envoyé vers vous pour vous ressusciter « au Nom de JÉSUS-CHRIST ». Il l’eut à peine fait que sur-le-champ ils ressuscitèrent. Alors l’Apôtre baptisa au Nom de JÉSUS-CHRIST le pontife et le proconsul qui crurent, eux et toutes leurs familles. Ils élevèrent ensuite une église en l’honneur de saint Jean.

Saint Clément d’Alexandrie rapporte, dans le IVe livre de l’Histoire ecclésiastique, que l’Apôtre convertit un jeune homme beau mais fier, et le confia à un évêque à titre de dépôt. Peu de temps après, le jeune homme abandonne l’évêque et se met à la tête d’une bande de voleurs. Or, quand l’Apôtre revint, il réclama son dépôt à l’évêque. Celui-ci croit qu’il est question d’argent et reste assez étonné. L’Apôtre lui dit : « C’est ce jeune homme que je vous réclame, c’est celui que je vous avais recommandé d’une manière si pressante. » « Père saint, répondit l’évêque, il est mort quant à l’âme et il reste sur une telle montagne avec des larrons dont il est lui-même le chef. »

En entendant ces paroles, saint Jean déchire ses vêtements, se frappe la tête avec les poings. « J’ai trouvé là un bon gardien de l’âme d’un frère, ajouta-t-il ! » Il se fait aussitôt préparer un cheval et court avec intrépidité vers la montagne. Le jeune homme, l’ayant reconnu, fut couvert de honte et s’enfuit aussitôt sur son cheval. L’Apôtre oublie son âge, pique son coursier de ses éperons et crie après le fuyard : « Bien-aimé fils, qu’as-tu à fuir devant un père et un vieillard sans défense ? Ne crains pas, mon fils, je rendrai compte de toi à JÉSUS-CHRIST, et bien certainement je mourrai volontiers pour toi comme JÉSUS-CHRIST est mort pour nous. Reviens, mon fils, reviens, c’est le Seigneur qui m’envoie. » En entendant cela, le brigand fut tout contrit, revint et pleura à chaudes larmes. L’Apôtre se jeta à ses pieds et se mit à embrasser sa main comme si elle eût déjà été purifiée par la pénitence ; il jeûna et pria pour lui, obtint sa grâce et par la suite il l’ordonna évêque. On lit encore dans l’Histoire ecclésiastique et dans la glose sur la seconde épître canonique de saint Jean, que ce saint étant entré à Éphèse pour prendre un bain, il y vit Cérinthe l’hérétique et qu’il se retira vite en disant : « Fuyons d’ici, de peur que l’établissement ne croule sur nous, Cérinthe, l’ennemi de la vérité, s’y baigne. »

Cassien(4), au livre de ses conférences, raconte qu’un homme apporta une perdrix vivante à saint Jean. Le saint la caressait et la flattait pour l’apprivoiser. Un enfant témoin de cela dit en riant à ses camarades : « Voyez comme ce vieillard joue avec un petit oiseau comme ferait un enfant. » Saint Jean devina ce qui se passait, appela l’enfant qui lui dit : « C’est donc vous qui êtes Jean qui faites cela et qu’on dit si saint ? » Jean lui demanda ce qu’il tenait à la main. Il lui répondit qu’il avait un arc. « Et qu’en fais-tu ? » « C’est pour tuer des oiseaux et des bêtes »,  lui dit l’enfant. « Comment ? » lui dit l’Apôtre. Alors l’enfant banda son arc et le tint ainsi à la main. Comme l’Apôtre ne lui disait rien, le jeune homme débanda son arc. « Pourquoi donc, mon fils, lui dit Jean, as-tu débandé ton arc ? » « C’est, répondit-il, que si je le tenais plus longtemps tendu, il deviendrait trop mou pour lancer les flèches. » Alors l’Apôtre dit : « Il en est de même de l’infirmité humaine, elle s’affaiblirait dans la contemplation si, en restant toujours fermement occupée, sa fragilité ne prenait pas quelques instants de relâche. Vois l’aigle : il vole plus haut que tous les oiseaux, il regarde fixement le soleil, et cependant, par la nécessité de sa nature, il descend sur la terre. Ainsi l’esprit de l’homme, qui se relâche un peu de la contemplation, se porte avec plus d’ardeur vers les choses célestes, en renouvelant souvent ses essais. » Saint Jérôme(5) assure que saint Jean vécut à Éphèse jusqu’à une extrême vieillesse ; c’était avec difficulté que ses disciples le portaient à bras à l’église ; il ne pouvait dire que quelques mots, et à chaque pause il répétait : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. » Enfin, étonnés de ce qu’il disait toujours la même chose, les frères qui étaient avec lui, lui demandèrent : « Maître, pourquoi répétez-vous toujours les mêmes paroles ? » Il leur répondit : que c’était le Commandement du Seigneur et que, si on l’observait, cela suffisait. Hélinaud rapporte(6) aussi que quand saint Jean l’Évangéliste entreprit d’écrire son Évangile, il indiqua un jeûne par avance, afin de demander dans la prière d’écrire que son livre soit digne du sujet. Il se retira, dit-on, dans un lieu solitaire pour écrire la Parole de Dieu, et qu’il pria tandis qu’il vaquait à ce travail, il ne fût gêné ni par la pluie ni par le vent. Les éléments, dit-on, respectent encore aujourd’hui, en ce lieu, les prières de l’Apôtre. À l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans et l’an soixante-sept, selon Isidore(7), après la Passion du Seigneur, JÉSUS-CHRIST lui apparut avec ses disciples et lui dit : « Viens avec moi, mon bien-aimé, il est temps de t’asseoir à ma table avec tes frères. » Jean se leva et voulut marcher. Le Seigneur lui dit : « Tu viendras auprès de moi dimanche. » Or, le dimanche arrivé, tout le peuple se réunit à l’église qui avait été dédiée en son nom. Dès le chant des oiseaux, il se mit à prêcher, exhorta les chrétiens à être fermes dans la foi et fervents à pratiquer les Commandements de Dieu. Puis il fit creuser une fosse carrée vis-à-vis de l’autel et en jeter la terre hors de l’Église. Il descendit dans la fosse, et, les bras étendus, il dit à Dieu : « Seigneur JÉSUS-CHRIST, vous m’avez invité à votre festin, je viens vous remercier de l’honneur que vous m’avez fait. Je sais que c’est de tout cœur que j’ai soupiré après vous. » Sa prière finie, il fut environné d’une si grande lumière que personne ne put le regarder. Quand la lumière eut disparu, on trouva la fosse pleine de manne, et jusqu’à aujourd’hui il se forme de la manne en ce lieu, de telle sorte qu’au fond de la fosse, il paraît sourdre un sable fin comme on voit l’eau jaillir d’une fontaine(8). Saint Edmond, roi d’Angleterre, n’a jamais rien refusé à quelqu’un qui lui adressait une demande au nom de saint Jean l’Évangéliste. Un pèlerin lui demanda donc un jour l’aumône avec importunité au nom de saint Jean l’Évangéliste ; alors que son camérier était absent, le roi qui n’avait rien sous la main qu’un anneau de prix le lui donna. Plusieurs jours après, un soldat anglais, qui était outre-mer, fut chargé de remettre au roi l’anneau de la part du même pèlerin qui lui dit : « Celui à qui et pour l’amour duquel vous avez donné cet anneau, vous le renvoie. » On vit clairement par là que c’était saint Jean qui lui était apparu sous la figure d’un pèlerin. Isidore, dans son livre "De la naissance, de la vie, et de la mort des Saints Pères", dit ces mots : « Jean a changé en or les branches d’arbres des forêts ; les pierres du rivage en pierreries ; des fragments de perles cassées redevinrent entières ; à son ordre une veuve fut ressuscitée ; il fit rappeler l’âme dans le corps d’un jeune homme ; il but un poison mortel et échappa au danger ; enfin il rendit à la vie ceux qui avaient bu de ce poison et qui avaient été tués. »

(4) XXIVe conférence, ch. XXI.

(5) Sur l’épître aux Galates.

(6) Il est probable que J. de Voragine possédait le commencement de la chronique d’Hélinand, dans les ouvrages, duquel nous n’avons pas rencontré trace de ce fait. On sait qu’il ne nous reste de son histoire qu’à partir de l’année 634, au livre XLV.

(7) De ortu et obitu Patrum, ch. LXXII.

(8) Saint Augustin, Saint Jean, homélie 424 - Grégoire de Tours, Gloria M., liv. I, ch. XXX - Itinerarium Willebaudi, en l’an 745.

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SAINT JEAN, DEVANT LA PORTE LATINE

Saint Jean, Apôtre et Évangéliste, prêchait à Éphèse quand il fut pris par le proconsul, et invité à immoler aux dieux. Comme il rejeta cette proposition, il est mis en prison ; on envoie alors à l’empereur Domitien une lettre dans laquelle saint Jean est signalé comme un grand sacrilège, un contempteur dès dieux et un adorateur du Crucifié. Par l’ordre de Domitien, il est conduit à Rome, où, après lui avoir coupé tous les cheveux par dérision, on le jette dans une chaudière d’huile bouillante sous laquelle on entretenait un feu ardent ; c’était devant la porte de la ville qu’on appelle Latine. Il n’en ressentit cependant aucune douleur, et en sortit parfaitement sain. En ce lieu donc, les chrétiens bâtirent une église, et ce jour est solennisé comme le jour du martyre de saint Jean. Or, comme le saint Apôtre n’en continuait pas moins à prêcher JÉSUS-CHRIST, il fut, par l’ordre de Domitien, relégué dans l’île de Pathmos. Toutefois les empereurs romains, qui ne rejetaient aucun Dieu, ne persécutaient pas les Apôtres parce que ceux-ci prêchaient JÉSUS-CHRIST ; mais parce que les Apôtres proclamaient la divinité de JÉSUS-CHRIST sans l’autorisation du Sénat qui avait défendu que cela ne se fît de personne.

- C’est pourquoi dans l’Histoire ecclésiastique, on lit que Pilate envoya une fois une lettre à Tibère au sujet de JÉSUS-CHRIST(1). Tibère alors consentit à ce que la foi fût reçue par les Romains, mais le Sénat s’y opposa formellement, parce que JÉSUS-CHRIST n’avait pas été appelé Dieu d’après son autorisation. Une autre raison rapportée par une chronique, c’est que JÉSUS-CHRIST n’était pas tout d’abord apparu aux Romains. Un autre motif, c’est que JÉSUS-CHRIST rejetait le culte de tous les dieux qu’honoraient les Romains. Un nouveau motif encore, c’est que JÉSUS-CHRIST enseignait le mépris du monde et que les Romains étaient des avares et des ambitieux. Me Jean Beleth assigne de son côté une autre cause pour laquelle les empereurs et le Sénat repoussaient JÉSUS-CHRIST et les Apôtres : c’était que JÉSUS-CHRIST leur paraissait un Dieu trop orgueilleux et trop jaloux, puisqu’il ne daignait pas avoir d’égal. Voici une autre raison donnée par Orose (liv. VII, ch. IV) : « le Sénat vit avec peine que c’était à Tibère et non pas à lui que Pilate avait écrit au sujet des miracles de JÉSUS-CHRIST et c’est sur ce prétexte qu’il ne voulut pas le mettre au rang des dieux. Aussi Tibère irrité fit périr un grand nombre de sénateurs, et en condamna d’autres à l’exil. »

- La mère de Jean, apprenant que son fils était détenu à Rome, et poussée par une compassion de mère, s’y rendit pour le visiter. Mais quand elle fut arrivée, elle apprit qu’il avait été relégué en exil. Alors elle se retira dans la ville de Vétulonia en Campanie, où elle rendit son âme à Dieu. Son corps resta longtemps enseveli dans une autre mais, dans la suite, il fut révélé à saint Jacques, son fils. Il répandit alors une grande et suave odeur et opéra de nombreux et éclatants miracles. Il fut transféré avec grand honneur dans la ville qu’on vient de nommer.

(1) Eusèbe, 1. II, c. II.

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