LA VIE DE L’APÔTRE
SAINT PIERRE
Pierre eut trois noms : il s’appela :
1° Simon Barjona. Simon
veut dire obéissant, ou se livrant à la tristesse. Barjona,
fils de colombe, en syrien bar veut dire fils, et en hébreu
Jona signifie colombe. En effet, il fut obéissant ; quand
JÉSUS-CHRIST l’appela, il obéit, au premier mot d’ordre du Seigneur : il
se livra à la tristesse quand il renia JÉSUS-CHRIST « Il sortit dehors et
pleura amèrement. » Il fut fils de colombe parce qu’il servit Dieu avec
simplicité d’intention.
2° Il fut appelé Céphas, qui signifie
chef ou pierre, ou blâmant de bouche : chef, en raison qu’il eut la
primauté dans la prélature ; pierre, en raison de la fermeté dont il fit
preuve dans sa passion ; blâmant de bouche, en raison de la constance de sa
prédication.
3° Il fut appelé Pierre, qui veut dire connaissant, déchaussant,
déliant : parce qu’il connut la divinité de JÉSUS-CHRIST quand il
dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant » ; il
se dépouilla de toute affection pour les siens, comme de toute œuvre morte et
terrestre, lorsqu’il dit : « Voilà que nous avons tout quitté pour
vous suivre » ; il nous délia des chaînes du péché par les clefs
qu’il reçut du Seigneur. Il eut aussi trois surnoms :
- a° on l’appela Simon Johanna, qui veut dire beauté du
Seigneur ;
- b Simon, fils de Jean, qui veut dire à qui il a été
donné ;
- c Simon Barjouay qui veut
dire fils de colombe. Par ces différents surnoms on doit : entendre qu’il
posséda la beauté de mœurs, les dons des vertus, l’abondance des larmes, car la
colombe gémit au lieu de chanter. Quant au nom de Pierre, ce fut JÉSUS-CHRIST
qui permit qu’on le lui donnât puisqu’il dit (Jean, I) : « Vous vous
appellerez Céphas, qui veut dire Pierre. »
2° Ce fut encore JÉSUS-CHRIST qui le lui donna après le lui avoir promis,
selon qu’il est dit dans saint Marc (III) : « Et il donna à Simon le
nom de Pierre. »
- d Ce fut JÉSUS-CHRIST qui le lui confirma, puisqu’il
dit dans saint Mathieu (XVI) « Et moi je vous dis que tu es Pierre, et sur
cette pierre je bâtirai mon Église. » Son martyre fut écrit par saint
Marcel, par saint Lin, pape, par Hégésippe et par le pape Léon.
* La plupart des
faits qui ont rapport à saint Pierre et que signalent les livres saints sont
consignés ici. Le reste est tiré d’un livre connu sous le nom d’Itinéraire de
saint Clément, regardé comme apocryphe, mais cité par un grand nombre d’auteurs
des premiers siècles.
Saint
Pierre, fut celui de tous les Apôtres qui eut la plus grande ferveur : car
il voulut connaître celui qui trahissait le Seigneur, en sorte que s’il l’eût
connu, dit saint Augustin, il l’eût déchiré avec les dents : et c’est pour
cela que le Seigneur ne voulait pas révéler le nom de ce traître. Saint
Chrysostome dit aussi que si JÉSUS-CHRIST avait prononcé son nom, Pierre
aussitôt se serait levé et l’aurait massacré sur l’heure. Il marcha sur la mer
pour aller au-devant du Seigneur ; il fut choisi pour être le témoin de la
Transfiguration de son Maître et pour assister à la résurrection de la fille de
Jaïre ; il trouva, dans la bouche du poisson, la pièce d’argent de quatre dragmes pour le tribut ; il reçut du Seigneur les
clefs du royaume des cieux ; il eut la commission de faire paître les
brebis ; au jour de la Pentecôte, par sa prédication, il convertit trois mille
hommes ; il prédit la mort d’Ananie et de Saphire : il guérit Énée de sa paralysie ; il
baptisa Corneille ; il ressuscita Tabithe ;
il rendit la santé aux infirmes par l’ombre de son corps ; mis en prison
par Hérode, il fut délivré par un ange. Pour sa nourriture et son vêtement, il
nous témoigne lui-même quels ils furent, au livre de saint Clément :
« Je ne me nourris, dit-il, que de pain avec des olives et rarement avec
des légumes ; quant à mon vêtement, vous le voyez, c’est une tunique et un
manteau, et avec cela je ne demande rien autre chose. » On rapporte aussi
qu’il portait toujours dans son sein un suaire pour essuyer les larmes qu’il
versait fréquemment ; car quand la douce allocution du Seigneur et la
présence de Dieu lui venaient à la mémoire, il ne pouvait retenir ses pleurs,
tant était grande la tendresse de son amour. Mais quand il se rappelait la
faute qu’il commit en reniant JÉSUS-CHRIST, il répandait des torrents de
larmes : il en contracta tellement l’habitude de pleurer, que sa figure
paraissait toute brûlée, selon l’expression de saint Clément. Le même saint
rapporte qu’en entendant le chant du coq, saint Pierre avait coutume de se
lever pour faire oraison et de pleurer abondamment. Saint Clément dit encore,
comme on le trouve dans l’Histoire ecclésiastique(1),
que lorsqu’on menait au martyre la femme de saint Pierre, celui-ci tressaillit
d’une extraordinaire joie, et l’appelant par son propre nom, il lui cria :
« Ô ma femme, souvenez-vous du Seigneur. » Une fois, saint Pierre
avait envoyé deux de ses disciples prêcher ; après avoir cheminé pendant
vingt jours, l’un d’eux mourut, et l’autre revint trouver saint Pierre, et lui
raconter l’accident qui était arrivé (on dit que ce fut saint Martial, ou selon
quelques autres, saint Materné. On lit ailleurs que le premier fut saint Front,
et que son compagnon, celui qui était mort, c’est-à-dire le second, fut le
prêtre Georges). Alors saint Pierre lui donna soli bâton avec ordre d’aller
retrouver son compagnon et de poser ce bâton sur le cadavre. Quand il l’eut
fait, ce mort de quarante jours se leva tout vivant(2).
(1) Eusèbe,
lib. III, c. XXX ; - Clément d’Alexand., l. VII.
Ses paroles à sa femme qu’on menait au martyre.
(2) Harigarus, c. VI ; - Orton
de Friocesque, Chronique, III., XV ; - Pierre de
Cluny, Contre les Petrobrusiens.
En ce temps-la, il se trouvait à Jérusalem un magicien, nommé Simon, qui
se disait être la première vérité ; il avançait que ceux qui croyaient en
lui devenaient immortels ; enfin il prétendait que rien ne lui était
impossible. On lit aussi, dans le livre de saint Clément ; que Simon avait
dit : « Je serai adoré comme un Dieu ; on me rendra publiquement
les honneurs divins ; et tout ce que j’aurai voulu faire, je le pourrai.
Un jour que ma mère Rachel m’ordonnait d’aller dans les champs pour faire la
moisson, je vis une faux parterre à laquelle je commandai de faucher
d’elle-même : et elle faucha dix fois plus que les autres
moissonneurs. » Il ajouta, d’après saint Jérôme : « Je suis la
parole de Dieu ; je suis beau, je suis le paraclet, je suis tout-puissant,
je suis le. tout de Dieu. » Il faisait aussi mouvoir des serpents
d’airain ; rire des statues de bronze ou de pierre, et chanter des
chiens : Simon donc, comme le dit saint Lin, voulant discuter avec saint
Pierre et montrer qu’il. était Dieu, saint Pierre vint le jour indiqué, au lieu
de la conférence, et dit aux assistants : « La paix soit avec vous,
mes frères, qui aimez la vérité. » Simon lui dit : « Nous
n’avons pas besoin de la paix, nous : car si la paix et la concorde
existent ici, nous ne pourrons parvenir à trouver la vérité : ce sont les
larrons qui ont la paix entre eux ; n’invoque donc pas la paix, mais la
lutte : entre deux champions il y aura paix, quand l’un aura été supérieur
à l’autre. » Et Pierre répondit : « Qu’as-tu à craindre
d’entendre parler de paix ? C’est du péché que naît la guerre, et là où
n’existe pas le péché, règne la paix. On trouve la vérité dans les discussions
et la justice dans les œuvres. » Et Simon reprit : « Ce que tu
avances n’a pas de valeur, mais je te montrerai la puissance de ma divinité
afin que tu m’adores aussitôt. Je suis la première vertu et je puis voler
parles airs, créer de nouveaux arbres, changer les pierres en pain, rester dans
le feu sans en être endommagé et tout ce que je veux, je le puis faire. »
Saint Pierre donc discutait contre lui et découvrait tous ses maléfices. Alors
Simon, voyant qu’il ne pouvait résister au saint Apôtre, jeta dans la mer tous
ses livres de magie, de crainte d’être dénoncé comme magicien ; et alla à
Rome afin de s’y faire passer pour Dieu. Aussitôt que saint Pierre eut
découvert cela, il le suivit et partit pour Rome.
La
quatrième année de l’empire de Claude, saint Pierre arriva à Rome, où il resta
vingt-cinq ans. Et il ordonna évêques Lin et Clet, pour être ses coadjuteurs,
l’un, comme le rapporte Jean Beleth(3),
dans l’intérieur de la ville, l’autre dans la partie qui était hors des murs.
En se livrant avec grand zèle à la prédication, il convertissait beaucoup de
monde à la foi, et guérissait la plupart des infirmes. Et comme dans ses
discours il louait et recommandait toujours de préférence la chasteté, il
convertit les quatre concubines d’Agrippa qui se refusèrent à retourner
davantage au près de ce gouverneur. Alors celui-ci entra en fureur et il
cherchait l’occasion de nuire à l’Apôtre. Ensuite le Seigneur apparut à saint
Pierre et lui dit : « Simon et Néron forment des projets contre ta
personne, mais ne crains rien, car je suis avec toi pour te délivrer, et je te
donnerai la consolation d’avoir auprès de toi mon serviteur Paul qui demain
entrera dans Rome. » Or, saint Pierre, sachant, comme le dit saint Lin,
que dans peu de temps il devait quitter sa tente, dans l’assemblée des frères,
il prit la main de saint Clément, l’ordonna évêque et le força à siéger en sa
place dans sa chaire. Après cela Paul arriva à Rome, ainsi que le Seigneur
l’avait prédit, et commença à prêcher JÉSUS-CHRIST avec saint Pierre. Or, Néron
avait un tel attachement pour Simon qu’il le pensait certainement être le
gardien de sa vie, son salut, et celui de toute la ville. Un jour donc, devant
Néron (c’est ce qu’en dit saint Léon, pape), sa figure changeait subitement, et
il paraissait tantôt plus vieux et tantôt plus jeune. Néron, qui voyait cela,
le regardait comme étant vraiment le fils de Dieu. C’est pourquoi Simon le
magicien dit à Néron, toujours d’après saint Léon : « Afin que tu
saches, illustre empereur, que je suis le fils de Dieu, fais-moi décapiter et
trois jours après je ressusciterai. » Néron ordonna donc au bourreau qu’il
eût à décapiter Simon. Or, le bourreau, en croyant couper la tête à Simon,
coupa celle d’un bélier : grâce à la magie, Simon échappa sain et entier,
et ramassant les membres du bélier il les cacha, puis il se cacha pendant trois
jours : or, le sang du bélier resta coagulé dans la même place. Et le
troisième jour Simon se montra à Néron et lui dit : « Fais essuyer
mon sang qui a été répandu, car me voici ressuscité trois jours après que j’ai
été décollé, comme je l’avais promis. » En le voyant, Néron fut stupéfait
et le regarda comme le vrai fils de Dieu. Un jour encore qu’il était dans une
chambre avec Néron, le démon qui avait pris sa forme parlait au peuple
dehors ; enfin les Romains l’avaient en si grande vénération qu’ils lui
élevèrent une statue sur laquelle ils mirent cette inscription : Simoni Deo sancto(4).
À Simon le Dieu saint.
(3) Cap.
CXXXVIII.
(4) Voyez
Eusèbe, lib. II, c. XIII, et Tillemont, t. II, p. 482.
Saint Pierre et saint Paul, au témoignage de saint Léon, allèrent chez
Néron et dévoilèrent tous les maléfices de Simon, et saint Pierre ajouta :
« que de même qu’il y a en JÉSUS-CHRIST deux substances, à savoir, celle
de Dieu et celle de l’homme, de même en ce magicien, se trouvaient deux
substances, celle de l’homme et celle du diable. »
Or,
Simon dit, d’après le récit de Marcel et de saint Léon(5) :
« Je ne souffrirai pas plus longtemps cet ennemi, je commanderai à mes
anges de me venger de cet homme. » Pierre lui répondit : « Tes
anges, je ne les crains point, mais ce sont eux qui me craignent. » Néron
ajouta : « Tu ne crains pas Simon qui prouve sa divinité par ses
œuvres ? » Pierre lui répondit : « Si la divinité existe en
lui, qu’il nous dise en ce moment ce que je pense ou ce que je fais ; je
vais d’avance te dire tout bas à l’oreille quelle est ma pensée pour qu’il
n’ait pas l’audace de mentir. » « Approche-toi, reprit Néron, et
dis-moi ce que tu penses. » Or, Pierre s’approcha et dit à Néron tout
bas : « Ordonne qu’on m’apporte un pain d’orge et qu’on me le donne en
cachette. » Or, quand on le lui eut apporté, Pierre le bénit et le mit
dans sa manche, et dit ensuite : « Que Simon, qui s’est fait Dieu,
dise ce que j’ai pensé, ce que j’ai dit, ou ce qui s’est fait. » Simon,
répondit : « Que Pierre dise plutôt ce que je pense moi-même. »
Et Pierre dit : « Ce que pense Simon, je prouverai que je le sais,
pourvu que je fasse ce à quoi il a pensé. » Alors Simon en colère
s’écria : « Qu’il vienne de grands chiens et qu’ils te
dévorent. » Tout à coup apparurent de très grands chiens qui se jetèrent
sur saint Pierre ; mais celui-ci leur présenta le pain bénit, et, à
l’instant, il les mit en fuite. Alors saint Pierre dit à Néron : « Tu
le vois, je t’ai montré que je savais ce que Simon méditait contre moi, et ce
ne fut point par des paroles, mais par des actes. Car celui qui avait promis
qu’il viendrait des anges contre moi, a fait venir des chiens, afin de faire
voir que les anges de Dieu, ne sont autres que des chiens. » Simon dit
alors : « Écoutez, Pierre et Paul ; si je ne puis vous rien
faire ici, nous irons où il faut que je vous juge ; mais pour le moment,
je veux bien vous épargner. »
(5) Sigebert de
Gemblours, Trithème, Conrad
Gessner.
Alors,
selon que le rapportent Hégésippe et saint Lin, Simon, enflé d’orgueil, osa se
vanter de pouvoir ressusciter des morts ; et il arriva qu’un jeune homme
mourut. On appela donc Pierre et Simon, et de l’avis de Simon on convint
unanimement que celui-là serait tué, qui ne pourrait ressusciter le mort. Or,
pendant que Simon faisait ses enchantements sur le cadavre, il sembla aux
assistants que la tête du défunt s’agitait. Alors tous se mirent à crier en
voulant lapider saint Pierre. Le saint Apôtre put à peine obtenir le silence
qu’il réclama : « Si le mort est vivant, dit-il, qu’il se lève, qu’il
se promène, qu’il parle : s’il en est autrement, sachez que l’action
d’agiter la tête du cadavre est de la fantasmagorie. Qu’on éloigne Simon du lit
afin que les ruses du diable soient pleinement mises à nu. » On éloigne
donc Simon du lit, et l’enfant resta immobile. Alors saint Pierre, se tenant
éloigné, fit une prière, puis élevant la voix : « Jeune homme,
s’écria-t-il, au Nom de Jésus de Nazareth qui a été crucifié, lève-toi et
marche. » Et à l’instant il se leva en vie et marcha. Comme le peuple
voulait lapider Simon, saint Pierre dit : « Il est bien assez puni de
se reconnaître vaincu dans ses artifices. Or, notre maître nous a enseigné à
rendre le bien pour le mal. » Alors Simon dit : « Sachez, vous,
Pierre et Paul, que vous n’obtiendrez rien de ce que vous désirez, car je ne
daignerai pas vous faire gagner la couronne du martyre. » Saint Pierre
reprit : « Qu’il nous arrive ce que nous désirons, mais à toi il ne
peut arriver rien de bon, car chacune de tes paroles est un mensonge. »
Saint Marcel dit qu’alors Simon alla à la maison de son disciple Marcel, et
qu’il y lia à la porte un chien énorme en disant : « Je verrai à
présent si Pierre, qui vient d’ordinaire chez toi, pourra entrer. » Peu
d’instants après saint Pierre arriva, et en faisant le signe de la Croix, il
délia le chien. Or, ce chien se mit à caresser tout le monde, et ne poursuivait
que Simon, il le saisit, le renversa par terre, et il voulait l’étrangler,
quand saint Pierre accourut et cria au chien de ne point lui faire de mal. Or,
cette bête, sans toucher son corps, lui arracha tellement ses habits qu’elle le
laissa nu sur la terre. Alors le peuple et surtout les enfants coururent après
le chien en poursuivant Simon jusqu’à ce qu’ils l’eussent chassé bien loin de
la ville, comme ils eussent fait d’un loup. Simon, ne pouvant supporter la
honte de cet affront, resta un an sans reparaître. Marcel, en voyant ces
miracles, s’attacha désormais à saint Pierre. Dans la suite, Simon revint et
rentra de nouveau dans les bonnes grâces de Néron. Simon donc, d’après saint
Léon, convoqua le peuple, et déclara qu’il avait été outrageusement traité par
les Galiléens, et pour ce motif, il dit vouloir quitter cette ville qu’il avait
coutume de protéger, qu’il fixerait un jour où il monterait au ciel, car il ne
daignait plus rester davantage sur la terre. Au jour fixé, il monta donc sur
une tour élevée, ou bien, d’après saint Lin, il monta au Capitole et, couvert
de laurier, il se jeta en l’air et se mit à voler. Or, saint Paul dit à saint
Pierre : « C’est à moi de prier et à vous de commander. » Néron
dit alors : « Cet homme est sincère, et vous n’êtes que des
séducteurs. » Or, saint Pierre dit à saint Paul : « Paul, levez
la tête et voyez. » Et quand Paul eut levé la tête et qu’il eut vu Simon
dans les airs, il dit à Pierre : « Pierre, que tardez-vous ?
achevez ce que vous avez commencé, déjà le Seigneur nous appelle. » Alors
saint Pierre dit : « Je vous adjure, Anges de Satan, qui le soutenez
dans les airs, par N.-S. JÉSUS-CHRIST, ne le portez plus davantage, mais
laissez-le tomber. » À l’instant il fut lâché, tomba, se brisa la
cervelle, et expira(6).
Néron, à cette nouvelle, fut très fâché d’avoir perdu, quant à lui, un pareil
homme et il dit aux Apôtres : « Vous vous êtes rendus suspects envers
moi, aussi vous punirai-je d’une manière exemplaire. » Il les remit donc
entre les mains d’un personnage très illustre, appelé Paulin, qui les fit
enfermer dans la prison Mamertine sous la garde de Processus et de Martinien,
soldats que saint Pierre convertit à la foi, ils ouvrirent la prison et
laissèrent aller les Apôtres en liberté. C’est pour cela qu'après le martyre
des Apôtres, Paulin manda Processus et Martinien, et quand il eut découvert
qu’ils étaient chrétiens, on leur trancha la tête par ordre de Néron. Or, les
frères pressaient Pierre de s’en aller, et il ne le fit qu’après avoir été
vaincu par leurs instances. Saint Léon et saint Lin assurent qu’arrivé à la
porte où est aujourd’hui Sainte-Marie ad passus(7).
Pierre vit JÉSUS-CHRIST venant à sa rencontre, et il lui dit :
« Seigneur, où allez-vous ? » JÉSUS-CHRIST répondit :
« Je viens à Rome pour y être crucifié encore une fois. » « Vous
seriez crucifié encore une fois, répartit saint Pierre. » « Oui, lui
répondit le Seigneur. » Alors Pierre lui dit : « Seigneur, je
retournerai donc, pour être crucifié avec vous. » Et après ces paroles, le
Seigneur monta au ciel à la vue de Pierre qui pleurait. Quand il comprit que
c’était de son martyre à lui-même que le Sauveur avait voulu parler, il revint
et raconta aux frères ce qui venait d’arriver. Alors, il fut pris par les
officiers de Néron et mené au préfet Agrippa. Saint Lin dit que sa figure
devint comme un soleil. Agrippa lui dit : « Es-tu donc celui qui se
glorifie dans les assemblées où ne se trouvent que la populace et de pauvres
femmes que tu éloignes du lit de leurs maris ? » L’Apôtre le reprit
en disant qu’il ne se glorifiait que dans la Croix du Seigneur. Alors Pierre,
en qualité d’étranger, fut condamné à être crucifié, mais Paul, en sa qualité
de citoyen romain, fut condamné à avoir la tête tranchée.
(6) Ce fait de
la chute et de la mort de Simon le magicien est constaté par les Constitutions
apostoliques d’Arnobe, par saint Cyrille de Jérusalem, saint Ambroise,
saint Augustin, Isidore de Peluse, Théodorat, Maxime de Turin, etc.
(7) Origène sur
saint Jean, saint Ambroise, sermon 68, saint Grégoire le Grand, sur le
Psaume-ci.
Cette église existe
encore sur la voie Appia et est connue sous le nom Domine quo vadis.
Hetychius, De excidio Hierosol. ; saint Athanase, De fuga sua ; Innocent III, Pierre de Blois.
À l’occasion de cette sentence, Denys en son épître à Timothée parle
ainsi de la mort de saint Paul : « Ô mon frère Timothée, si tu avais
assisté aux derniers moments de ces martyrs, tu aurais défailli de tristesse et
de douleur. Oui, est-ce qu'il n’aurait pas pleuré quand fut rendue la sentence
qui condamnait Pierre à être crucifié et Paul à être décapité ? Tu aurais
alors vu la foule des gentils et des Juifs les frapper et leur cracher au visage. »
Or, arrivé l’instant où ils devaient consommer leur affreux martyre, on les
sépara l’un de l’autre et on lia ces colonnes du monde, non sans que les frères
fissent entendre des gémissements et des sanglots. Alors, Paul dit à
Pierre : « La paix soit avec vous, fondement des Églises, pasteur des
brebis et des agneaux de JÉSUS-CHRIST » Pierre dit à Paul :
« Allez en paix, prédicateur des bonnes mœurs, médiateur et guide du salut
des justes. » Or, quand on les eut éloignés l’un de l’autre, je suivis mon
maître, car on ne les tua point dans le même quartier (saint Denys). Quand
saint Pierre fut arrivé à la croix, saint Léon et Marcel rapportent qu’il
dit : « Puisque mon maître est descendu du ciel en terre, il fut
élevé debout sur la Croix ; pour moi qu’il daigne appeler de la terre au
Ciel, ma croix doit montrer ma tête sur la terre et diriger mes pieds vers le
ciel. Donc, parce que je ne suis pas digne d’être sur la croix de la même
manière que mon Seigneur, retournez ma croix et crucifiez-moi la tête en bas. »
Alors, on retourna la croix et on l’attacha les pieds en haut et les mains en
bas. Mais, à ce moment, le peuple rempli de fureur voulait tuer Néron et le
gouverneur, ensuite délivrer l’Apôtre qui les priait de ne point empêcher qu’on
le martyrisât. Mais le Seigneur, ainsi que le disent Hégésippe et Lin, leur
ouvrit les yeux, et, comme ils pleuraient, ils virent des anges avec des
couronnes composées de fleurs de roses et de lys, et Pierre au milieu d’eux sur
la croix recevant un livre que lui présentait JÉSUS-CHRIST, et dans lequel il
lisait les paroles qu’il proférait. Alors saint Pierre, au témoignage du même
Hégésippe, se mit à dire sur la croix : « C’est vous, Seigneur, que
j’ai souhaité d’imiter, mais je n’ai pas eu la présomption d’être crucifié
droit, c’est vous qui êtes toujours droit, élevé et haut. Nous sommes les
enfants du premier homme qui a enfoncé sa tête dans la terre, et dont la chute
indique la manière avec laquelle l’homme vient au monde, nous naissons en effet
de telle sorte que nous paraissons être répandus sur la terre. Notre condition
a été renversée, et ce que le monde croit être à droite est certainement à
gauche. Vous, Seigneur, vous me tenez lieu de tout, tout ce que vous êtes, vous
l’êtes pour moi, et il n’y a rien d'autre que vous seul. Je vous rends grâce de
toute mon âme par laquelle je vis, par laquelle j’ai l’intelligence et par
laquelle je parle. » On connaît par là deux autres motifs pour lesquels il
ne voulut pas être crucifié droit. Et saint Pierre, voyant que les fidèles avaient
été témoins de sa gloire, rendit grâces à Dieu, lui recommanda les chrétiens et
rendit l’esprit. Alors Marcel et Apulée qui étaient frères, disciples de saint
Pierre, le descendirent de la croix et l’ensevelirent en l’embaumant avec
divers aromates. Isidore dans son livre de la Naissance et de la Mort des
Saints s’exprime ainsi : « Pierre après avoir fondé l’Église
d’Antioche, vint à Rome, sous l’empereur Claude, pour confondre Simon, il
prêcha l’Évangile pendant vingt-cinq ans en cette ville dont il occupa le siège
pontifical, et la trente-sixième année après la Passion du Seigneur, il fut
crucifié par Néron, la tête en bas, ainsi qu’il l’avait voulu. Or, ce jour-là
même, saint Pierre et saint Paul apparurent à Denys, selon qu’il le rapporte en
ces termes dans la lettre citée plus haut : « Écoute le miracle,
Timothée, mon frère, vois le prodige arrivé au jour de leur supplice, car
j’étais présent au moment de leur séparation. Après leur mort, je les ai vus,
se tenant par la main l’un et l’autre, entrer par les portes de la ville,
revêtus d’habits de lumière, ornés de couronnes de clarté et de
splendeur. »
Néron
ne demeura pas impuni pour ce crime et bien d’autres encore qu’il commit, car
il se tua de sa propre main. Nous allons rapporter ici en peu de mots
quelques-uns de ses forfaits. On lit dans une histoire apocryphe, toutefois,
que Sénèque, son précepteur, espérait recevoir de lui une récompense digne de
son labeur ; et Néron lui donna à choisir la branche de l’arbre sur
laquelle il préférait être pendu, en lui disant que c’était là la récompense
qu’il en devait recevoir. Or, comme Sénèque lui demandait à quel titre il avait
mérité ce genre de supplice, Néron fit vibrer plusieurs fois la pointe d’une
épée au-dessus de Sénèque qui baissait la tête pour échapper aux coups dont il
était menacé ; car il ne voyait point sans effroi le moment où il allait
recevoir la mort. Et Néron lui dit : « Maître, pourquoi baisses-tu la
tête sous l’épée dont je te menace ? » Sénèque lui répondit :
« Je suis homme, et voilà pourquoi je redoute la mort, d’autant que je
meurs malgré moi. » Néron lui dit : « Je te crains encore comme
je le faisais alors que j’étais enfant, c’est pourquoi tant que tu vivras je ne
pourrai vivre tranquille. » Et Sénèque lui dit : « S’il est nécessaire
que je meure, accordez-moi au moins de choisir le genre de mort que j’aurais
voulu. » « Choisis vite, répondit Néron, et ne tarde pas à
mourir. » Alors Sénèque fit préparer un bain où il se fit ouvrir les
veines de chaque bras, et il finit ainsi sa vie épuisé de sang. Son nom de
Sénèque fut pour lui comme un présage, se necans,
qui se tue soi-même, car ce fut lui qui, en quelque sorte, se donna la mort,
bien qu’il y eût été forcé. On lit que ce même Sénèque eut deux frères, le
premier fut Julien Gallio, orateur illustre qui se
tua de sa propre main, le second fut Méla, père du
poète Lucain, lequel Lucain mourut après avoir eu les veines ouvertes par
l’ordre de Néron, d’après ce qu’on lit. On voit, dans la même histoire
apocryphe, que Néron, poussé par un transport infâme, fit tuer sa mère et la
fit partager en deux pour voir comment il était entretenu dans son sein. Les
médecins lui adressaient des remontrances par rapport au meurtre de sa mère et
lui disaient : « Les lois s’opposent et l’équité défend qu’un fils
tue sa mère, elle t’a enfanté avec douleur et elle t’a élevé avec tant de
labeur et de sollicitude. » Néron leur dit : « Faites-moi
concevoir un enfant et accoucher ensuite, afin que je puisse savoir quelle a
été la douleur de ma mère. » Il avait encore conçu cette volonté
d’accoucher parce que, en passant dans la ville, il avait entendu les cris
d’une femme en couches. Les médecins lui répondirent « Cela n’est pas
possible, c’est contre les lois de la nature, il n’y a pas moyen de faire ce
qui n’est pas d’accord avec la raison. » Néron leur dit donc :
« Si vous ne me faites pas concevoir et enfanter, je vous ferai mourir
tous d’une manière cruelle. » Alors les médecins, dans des potions qu’ils
lui administrèrent, lui firent avaler une grenouille sans qu’il s’en aperçût,
et, par artifice, ils la firent croître dans son ventre. Bientôt son ventre,
qui ne pouvait souffrir cet état contre nature, se gonfla, de sorte que Héron
se croyait gros d’un enfant, et les médecins lui faisaient observer un régime
qu’ils savaient être propre à nourrir la grenouille, sous prétexte qu’il devait
en user ainsi en raison de la conception. Enfin tourmenté par une douleur
intolérable, il dit aux médecins : « Hâtez le moment des couches, car
c’est à peine si la langueur où me met l’accouchement futur me donne le pouvoir
de respirer. » Alors, ils lui firent prendre une potion pour le faire
vomir et il rendit une grenouille affreuse à voir, imprégnée d’humeurs et
couverte de sang. Et Néron, regardant son fruit, en eut horreur lui-même, et
admira une pareille monstruosité, mais les médecins lui dirent qu’il n’avait
produit un fœtus aussi difforme que parce qu’il n’avait pas voulu attendre le
temps nécessaire. Et il dit : « Ai-je été comme cela en sortant des
flancs de ma mère ? » « Oui, lui répondirent-ils. » Il
recommanda donc de nourrir son fœtus et qu’on l’enfermât dans une pièce voûtée
pour l’y soigner. Mais ces choses-là ne se lisent pas dans les chroniques, car
elles sont apocryphes. Ensuite, s’étant émerveillé de la grandeur de l’incendie
de Troie, il fit brûler Rome pendant sept jours et sept nuits, spectacle qu’il
regardait d’une tour fort élevée, et, tout joyeux de la beauté de cette flamme,
il chantait avec emphase les vers de l’Iliade. On voit encore dans les chroniques
qu’il pêchait avec des filets d’or, qu’il s’adonnait à l’étude de la musique,
de manière à l’emporter sur les harpistes et les comédiens. Il se maria avec un
homme, et cet homme le prit pour femme, ainsi que le dit Orose(8).
Mais les Romains, ne pouvant plus supporter davantage sa folie, se soulevèrent
contre lui et le chassèrent hors de la ville. Lorsqu’il vit qu’il ne pouvait
échapper, il affila un bâton avec les dents et il se perça par le milieu du
corps , et c’est ainsi qu’il termina sa vie. On lit cependant ailleurs
qu’il fut dévoré par les loups. À leur retour, les Romains trouvèrent la
grenouille cachée sous la voûte, ils la poussèrent hors de la ville et la
brûlèrent, et cette partie de la ville où avait été cachée la grenouille reçut,
au dire de quelques personnes, le nom de Latran (Lateus
rana) (raine latente)(9).
(8) Hist., lib.
III, cap. VII.
(9) Sulpice
Sévère, Hist., liv. II, n° 40, Dialogue II ; - Saint Augustin, Cité de
Dieu, liv. XX, chap. IX, rapportent des traditions étranges sur cet odieux
personnage. Consultez une dissertation du chanoine d’Amiens de L’Estocq, sur l’auteur du livre intitulé : De morte persecutorum.
Du temps du pape saint Corneille, des chrétiens grecs volèrent les corps
des Apôtres et les emportèrent, mais les démons, qui habitaient dans les
idoles, forcés par une vertu divine, criaient : « Romains, au
secours, on emporte vos dieux. » Les fidèles comprirent qu’il s’agissait
des Apôtres, et les gentils de leurs dieux. Alors, fidèles et infidèles, tout
le monde se réunit pour poursuivre les Grecs. Ceux-ci effrayés jetèrent les
corps des Apôtres dans un puits auprès des catacombes, mais dans la suite les
fidèles les en ôtèrent. Saint Grégoire raconte dans son Registre (liv. IV, ép.
XXX,) qu’alors il se fit un si affreux tonnerre et des éclairs en telle
quantité que tout le monde prit la fuite de frayeur, et qu’on les laissa dans
les catacombes. Mais comme on ne savait pas distinguer les ossements de saint
Pierre de ceux de saint Paul, les fidèles, après avoir eu recours aux prières
et aux jeûnes, reçurent cette réponse du Ciel : « Les os les plus
grands sont ceux du prédicateur, les plus petits ceux du pêcheur. » Ils
séparèrent ainsi les os les uns des autres et les placèrent dans les églises
qui avaient été élevées à chacun d’eux. D’autres cependant disent que saint
Sylvestre, pape, voulant consacrer les églises, pesa avec un grand respect les
os grands et petits dans une balance et qu’il en mit la moitié dans une église
et la moitié dans l’autre. Saint Grégoire rapporte dans son Dialogue(10),
qu’il y avait, dans l’église où le corps de saint Pierre repose, un saint homme
d’une grande humilité, nommé Agontus, et il se
trouvait, dans cette même église, une jeune fille paralytique qui y habitait,
mais réduite à ramper sur les mains, elle était obligée de se traîner, les
reins et les pieds par terre, et depuis longtemps elle demandait la santé à
saint Pierre. Il lui apparut dans une vision et lui dit : « Va
trouver Agontius, le custode, et il te guérira
lui-même. » Cette jeune fille se mit donc à se traîner çà et là de tous
côtés dans l’église, et à chercher qui était cet Agontius,
mais celui-ci se trouva tout à coup au-devant d’elle : « Notre
pasteur et nourricier, lui dit-elle, le bienheureux Pierre, Apôtre, m’a envoyé
vers vous, pour que vous me délivriez de mon infirmité. » Il lui
répondit : « Si tu as été envoyée par lui, lève-toi. » Et lui
prenant la main, il la fit lever et elle fut guérie sans qu’il lui restât la
moindre trace de sa maladie. Au même livre, saint Grégoire dit encore que
Galla, jeune personne des plus nobles de Rome, fille du consul et patrice
Symmaque, se trouva veuve après un an de mariage. Son âge et sa fortune
demandaient qu’elle convolât à de secondes noces, mais elle préféra s’unir à
Dieu par une alliance spirituelle, dont les commencements se passent dans la
tristesse mais par laquelle on parvient au Ciel, plutôt que de se soumettre à
des noces charnelles qui commencent toujours par la joie pour finir dans la
tristesse. Or, comme elle était d’une constitution toute de feu, les médecins
prétendirent que si elle n’avait plus de commerce avec un homme, cette ardeur
intense lui ferait pousser de la barbe contre l’ordinaire de la nature. Ce qui
arriva en effet peu de temps après. Mais Galla ne tint aucun compte de cette
difformité extérieure, puisqu’elle aimait la beauté intérieure, et elle
n’appréhenda point, malgré cette laideur, de n’être point aimée de l’époux
céleste. Elle quitta donc ses habits du monde, et se consacra dans le monastère
élevé auprès de l’église de saint Pierre, où elle servit Dieu avec simplicité
et passa de longues années dans l’exercice de la prière et de l’aumône. Elle
fut enfin attaquée d’un cancer au sein. Comme deux flambeaux étaient toujours
allumés devant son lit, parce que, amie de la lumière, elle avait en horreur
les ténèbres spirituelles comme les corporelles, elle vit le bienheureux
Pierre, Apôtre, au milieu de ces deux flambeaux, debout devant son lit. Son
amour lui fit concevoir de l’audace et elle dit : « Qu’y a-t-il, mon maître ?
Est-ce que mes péchés me sont remis ? » Saint Pierre inclina la tête
avec la plus grande bonté, et lui répondit : « Oui, ils sont remis,
viens ! » Et elle dit : « Que sœur Benoîte vienne avec moi,
je vous en prie. » Et il dit : « Non, mais qu’une telle vienne
avec toi. » Ce qu’elle fit connaître à l’abbesse qui mourut avec elle
trois jours après.
- Saint Grégoire raconte encore dans le même ouvrage, qu’un prêtre
d’une grande sainteté réduit à l’extrémité, se mit à crier avec grande
liesse : « Bien, mes seigneurs viennent ; bien, mes seigneurs
viennent ; comment avez-vous daigné venir vers un si chétif
serviteur ? Je viens, je viens, je vous remercie, je vous remercie. »
Et comme ceux qui étaient là lui demandaient à qui il parlait de la sorte, il répondit
avec admiration : « Est-ce que vous ne voyez pas que les saints
Apôtres Pierre et Paul sont venus ici ensemble ? » Et comme il
répétait une seconde fois les paroles rapportées plus haut, sa sainte âme fut
délivrée de son corps.
- Il
y a doute, chez quelques auteurs, si ce fut le même jour que saint Pierre et
saint Paul souffrirent. Quelques-uns ont avancé que ce fut le même jour, mais
un an après. Or, saint Jérôme et presque tous les saints qui traitent cette
question s’accordent à dire que ce fut le même jour et la même année, comme
cela reste évident d’après la lettre de saint Denys, et le récit de saint Léon
(d’autres disent saint Maxime), dans un sermon où il s’exprime comme il
suit : « Ce n’est pas sans raison qu’en un même jour et dans le même
lieu, ils reçurent leur sentence du même tyran. Ils souffrirent le même jour
afin d’aller ensemble à JÉSUS-CHRIST. Ce fut au même endroit, afin que Rome les
possédât tous les deux, sous le même persécuteur, afin qu’une égale cruauté les
atteignît ensemble.
(10) Liv. III,
c. XXIV et XXV.
Ce jour fut choisi pour célébrer leur mérite, le lieu pour qu’ils y
fussent entourés de gloire, le même persécuteur fait ressortir leur
courage. » Bien qu’ils aient souffert le même jour et à la même heure, ce
ne fut pourtant pas au même endroit, mais dans des quartiers différents, et ce
que dit saint Léon qu’ils souffrirent au même endroit, doit s’entendre qu’ils
souffrirent tous les deux à Rome. C’est à ce sujet qu’un poète composa ces
vers :
Ense coronatur
Paulus, cruce Petrus, eodem
Sub duce, luce, loco, dux Nero, Roma
locus.
Traduction de Jean Batallier :
Paul fut couronné
d’une épée, Pierre eut la croix renversée.
Néron fut duc, si
comme l’on nomme, le lieu fut la cité de Rome.
Un autre dit encore :
Ense sacrat Paulum, par lux, dux, urbs, cruce
Petrum(11).
Quoiqu’ils aient souffert le même jour, cependant saint Grégoire ordonna
qu’aujourd’hui on célébrerait, quant à l’office, la solennité de saint Pierre,
et que le lendemain on ferait la fête de la Commémoration de saint Paul, en
voici les motifs : en ce jour fut dédiée l’Église de saint Pierre ;
il est plus grand en dignité ; il est le premier qui fut converti ;
enfin il eut la primauté à Rome.
(11) Paul est
sacré par le glaive, Pierre par la Croix : à tous deux, la même gloire, le
même bourreau, et Rome pour théâtre.
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