LE BIENHEUREUX ISIDORE BAKANJA
et le Scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel
Isidore Bakanja naît vers 1885 au Congo Belge (Zaïre, République dém. du Congo) à Bokandela-Mbilankamba (...) Encore très jeune, il part à Coquilhatville (Mbandaka), chercher du travail. Il est
embauché comme aide-maçon. On le reconnaît comme un travailleur intègre et très
consciencieux. Il côtoie des chrétiens de Bolokwa Nsimba, une mission ouverte par les pères Grégoire Van Dun
et Robert Brepoels, Trappistes, et demande de s'instruire
et de devenir chrétien. Baptisé le 6 mai 1906, il reçoit le jour même
le Scapulaire du Mont Carmel qu'il portera toujours. En moins de trois ans il
reçoit la Confirmation et fait sa première Communion.
Une fois expiré le contrat, Bakanja rentre dans son
village. Mais comme il n'y a pas de travail, il se rend à Busira,
où il est engagé comme domestique par un blanc de la S.A.B. (Société Anonyme
Belge), Reynders. (...) Assidu au travail, tout aussi
intègre et consciencieux, le jeune homme se distingue comme un chrétien très
« engagé » et, frappés par sa sagesse, beaucoup le choisissent comme
catéchiste. (...) Lorsque Reynders est nommé à Ikili, où il sera l'adjoint de Monsieur Van Cauter, Bakanja le suit.
M. Van Cauter, le gérant de la S.A.B., appelé Longange, est un homme très dur, qui n'aime pas les
Africains convertis à la religion chrétienne. Il est ennemi fanatique du
catholicisme, ne tolère pas l'influence religieuse de Bakanja
sur les autres travailleurs de l'entreprise, ni les signes extérieurs de sa vie
chrétienne, notamment le Scapulaire qu'il porte au cou. Sa haine est d'autant
plus forte qu'Isidore est respectueux, irréprochable, très courageux et plein
d'assurance dans ses convictions religieuses. Il défend à Bakanja
d'enseigner la prière à ses compagnons de travail. Une première fois, en
février 1909, Van Cauter ordonne avec grossièreté à
Isidore, qui le sert à table, d'ôter son Scapulaire. Le jeune homme répond
calmement : « Maître, tu exiges que j'enlève l'habit de la Sainte
Vierge. Je ne le ferai pas. En tant que chrétien, j'ai le droit de porter mon
Scapulaire ». Le lendemain, Van Cauter ordonne à
ses employés de frapper Bakanja de 25 coups de
« chicotte » (fouet de cuir). Il supporte cette torture avec une
patience angélique.
La punition se répète plusieurs fois, car Bakanja
n'est pas un chrétien à refuser de manifester librement et ouvertement sa foi. Longange crie, furieux, qu'à Ikili
le patron c'est lui et qu'il ne veut pas de chrétiens dans ses plantations.
(...) Malgré cela, Isidore ne plie pas et continue à se retirer pour prier le
chapelet, médite seul ou en compagnie de quelques ouvriers désireux d'apprendre
le catéchisme.
Un jour, le gérant le rencontre sur le chemin du verger. Au comble de
l'exaspération devant la ténacité du jeune Isidore, il lui fait donner, avec un
fouet à clous, 250 coups qui lui arrachent la peau et entament la chair...
Les témoins au procès de béatification, en 1913, parlent d'au moins deux
cents coups. Après ce supplice, Isidore, inconscient, doit être porté en
prison. Van Cauter lui attache les pieds dans deux
anneaux métalliques fermés avec un cadenas et reliés à un énorme poids. Le
blessé demeure quatre jours dans cet endroit, sans soins et sans nourriture.
À ce moment, parvient à Ikili la nouvelle de
l'arrivée, par le fleuve Congo, d'un inspecteur de la Société. Pris de panique,
Van Cauter fait transporter Isidore à Isako, pour le dissimuler, mais celui-ci se laisse glisser
au bord d'un marais, près du chemin qui mène au débarcadère. C'est un bon
Samaritain qui, horrifié à la vue de ce malheureux couvert de plaies, le
recueille et le conduit dans son propre village. (...)
Isidore reçoit les premiers soins par des gens charitables. Après six mois
de souffrances atroces, sa situation empire chaque jour. Le 24 ou
le 25 juillet, Bakanja reçoit la visite des
missionnaires, les pères Grégoire Kaptein et Georges Dubrulle. Il peut se confesser, recevoir l'Onction des
malades et la Communion. Il leur dit qu'il a pardonné à celui qui lui a fait du
mal et que, du ciel, il priera pour lui. « Père, je ne suis pas fâché. Le
blanc m'a frappé, c'est son affaire. Il doit savoir ce qu'il fait. Bien sûr
qu'au ciel, je prierai pour lui. »
Le dimanche, 15 août 1909, en la fête de l'Assomption de la Bienheureuse
Vierge Marie, les chrétiens se réunissent devant la maison où se trouve Bakanja (...). Le malade est rayonnant de joie de pouvoir
unir sa voix à celle de la communauté. Au grand étonnement de l'assemblée, il
se lève et fait quelque pas, en silence, le chapelet à la main. Après il se
couche de nouveau. Puis il entre en agonie et s'éteint. Au cou, il a toujours
le Scapulaire.
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