LE DIEU DE CLOTILDE
Joli
personnage que ce Clovis, roitelet barbare belliqueux, cruel, vindicatif,
jaloux de son pouvoir, avide de nouvelles terres, à la tête de ses guerriers
rompus aux batailles les plus âpres et aux pillages les plus voraces. Prudent, aussi :
avant son baptême comme après, il éliminait sans scrupules rivaux et cousins
héritiers en puissance du bien qu’il était en train de constituer pour ses
fils. Polygame par-dessus le marché. Clotilde, princesse chrétienne, non
seulement acceptera de l’épouser malgré une première femme toujours bien
présente, mais déjouera un complot qui cherchera à empêcher ses noces.
Il est aussi, intéressé, Clovis. Clotilde lui parle de son Dieu, mais
l’armée de Clovis est formée de païens. Prendre le risque d’une conversion, qui
plus est à un Dieu crucifié, cela se peut-il ? Que feraient ses hommes ?
Écouter les conseils de Rémi, soit. L’évêque a déjà multiplié les approches
tant que Clovis remportait victoire sur victoire, ville sur ville. Car ce roi
fort pourrait bien assurer aux chrétiens une protection dont ils ont grand
besoin, pour pouvoir exercer leur foi dans un monde hostile, rempli de païens
et d’hérétiques. Rémi s’impose par son savoir et sa sagesse, devient
conseiller. Clotilde fait baptiser les enfants de Clovis mais son Dieu se
révèle impuissant… à le servir. L’aîné, Ingomer, ne mourra-t-il pas encore
revêtu de sa robe de baptême ?
Ce n’est qu’acculé face aux Alamans que Clovis, en désespoir de trouver une
divinité païenne capable de le soustraire à une défaite certaine, se souvenant
de Clotilde et se souvenant de Rémi, fait sa promesse en plein champ de
bataille. S’il l’emporte malgré tout, Clovis s’engage à se convertir à ce
« Jésus que sa femme Clotilde proclame fils du Dieu vivant ». Et
c’est la victoire. Inespérée.
Clovis s’instruira ensuite de la foi chrétienne, non sans résistance,
auprès de Rémi. Et c’est à la tête de 3.000 hommes qu’il recevra le baptême, et
fera de la religion catholique celle de son royaume. France, fille aînée de
l’Église.
Clovis, c’était le choix de Dieu. Qui l’eût cru ?
Les temps et les mœurs ont bien changé. La barbarie a pris d’autres formes,
et aujourd’hui on n’en est plus à se vouer à un dieu et encore moins à Dieu
pour remporter une victoire, fût-elle électorale. Enfin, pas à ma connaissance.
La laïcité est passée par là.
Mais il y a toujours des catholiques à protéger, et des droits naturels à
défendre. Ces catholiques qui ont besoin de pouvoir affirmer et transmettre
leur foi ; qui savent leur droit menacé de ne pas devoir confier leurs
enfants à des écoles et des enseignants où les programmes officiels de l’État
imposent les faux dogmes d’aujourd’hui. Il y a toujours un pouvoir qui peut
laisser moins de place, ou davantage, à ce qui nous est étranger, voire
hostile.
L’histoire de Clovis ne dit pas comment voter dimanche.
Elle promet encore moins une rechristianisation de ce pays en 2012, même si
nos « racines chrétiennes » font vibrer les foules – n'est-ce pas que
c'est nouveau ?
Mais elle enseigne que pour la sauvegarde, autant que faire se pouvait, des
« principes non négociables », ou pour le dire de manière plus
classique, la loi naturelle, la vérité, les chemins peuvent être étranges et
inattendus, et les décisions apparemment bien éloignées des principes.
Fallait-il accepter devenir une « première épouse » ? Avec un
meurtrier, un chef de guerre soucieux d’abord d’élargir ses frontières ?
Fallait-il négocier avec un païen les meilleures conditions possibles pour
faire vivre les chrétiens sur cette terre qui attendait encore de devenir
française ? Fallait-il épouser sa soif de victoires et utiliser ses
ambitions pour obtenir quoi que soit ? et ce fut
l’inimaginable, sa conversion, et celle d’un royaume ! Ni Clotilde ni Rémi
ne pouvaient parier sur la réussite.
Mais ils ont agi aussi loin qu’allait leur pouvoir. Auprès d’un homme qui a
fini par ouvrir ses oreilles et les entendre. Et qui n’a pas été parfait
ensuite, loin s’en faut.
Mais le bien était fait !
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