DIEU A HABITÉ PARMI NOUS

 

Le texte que nous vous proposons ici est une réflexion personnelle. Nous souhaitons qu’elle soit une préparation au temps de Noël si le lecteur le désire. Les citations et les références des textes bibliques sont nombreuses. Que le lecteur nous pardonne s’il les trouve trop envahissantes ; nous les avons introduites dans l’espoir de rendre la Bible plus familière et de donner la soif de découvrir ses richesses.

 

De Franz Krause : adoration des Bergers (église Saint-Michel à Dijon)

Dans quelques jours, ce sera Noël, l’une des grandes fêtes chrétiennes. Mais une fête qui a peut-être plus ou moins perdu de sa signification profonde, dans un monde qui vit une crise spirituelle et pour lequel ce qui est affectif compte plus que ce qui est religieux, peut-être aussi à cause de la concurrence de nombreuses offres de loisirs et d’évasion à cette époque de l’année. En cette année 2011, la fête de Noël s’inscrit aussi dans la crise financière qui touche le monde entier et engendre une incertitude insupportable pour l’avenir, avenir qui apparaît plein de périls, vrais ou supposés.

Aujourd’hui, personne ne semble être à l’abri de l’affaiblissement du sens de Noël. Aussi est-il bon d’essayer d’opérer un retour sur l’origine de Noël, et principalement sur ce qu’il faut bien appeler la venue de Dieu en ce monde, d’où le titre retenu pour l’enseignement de l’Avent :

« Dieu a habité parmi nous »

Qu’on ne s’attende pas ici à une étude exhaustive ; nous proposons plutôt une approche, qui servira de point de départ à chacun pour une méditation personnelle, s’il le désire. Le plan en est très simple. Il s’articule en deux parties :

1 - D’abord, si je retiens pour vraie l’affirmation : « Dieu a habité parmi nous », alors pourquoi a-t-il eu ce désir ?

2 - Ensuite, si je reconnais Jésus comme envoyé de Dieu, en quoi sa Résurrection est-elle si importante pour moi ?

1– Dieu a voulu habiter parmi nous

L’attente du Messie.

Dans l’histoire de l’humanité, Dieu a choisi un peuple pour être un peuple à part parmi les nations : « Ton serviteur est au milieu du peuple que Tu as élu, un peuple nombreux, si nombreux qu'on ne peut le compter ni le recenser. » (1 R 3,8), ce que confirme cet extrait du livre d’Isaïe : « Les bêtes sauvages m'honoreront, les chacals et les autruches, car j'ai mis dans le désert de l'eau et des fleuves dans la steppe, pour abreuver mon peuple, mon élu. Le peuple que je me suis formé publiera mes louanges. » (Is 43,20-21). Le peuple juif a une histoire ancrée sur l’attente d’un envoyé de Dieu, un Élu de Dieu, le Messie, fils de David (Lc 1,32), dont la naissance a été prophétisée par Michée : « Et toi, Bethléem-Éphrata, petite parmi les clans de Juda, c'est de toi que sort pour moi celui qui doit gouverner Israël. » (Mi 5,1a). Ce Messie tant espéré se fait attendre et cette attente crée un manque dans le cœur des Juifs, car l’histoire du peuple juif est une histoire d’amour : on se reportera avec profit au passage du prophète Isaïe (chapitre 54, versets 7-10) : « Un court instant je t'avais délaissée, ému d'une immense pitié, je vais t'unir à moi. Débordant de fureur, un instant, je t'avais caché ma face. Dans un Amour éternel, J'ai eu pitié de toi, dit Yahvé, ton rédempteur. Ce sera pour moi comme au temps de Noé, quand j’ai juré que les eaux de Noé ne se répandraient plus sur la terre. Je jure de même de ne plus m'irriter contre toi, de ne plus te menacer. Car les montagnes peuvent s'écarter et les collines chanceler, mon Amour ne s'écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas, dit Yahvé qui te console. » (Isaïe 54,7-10). Au cours des siècles, se précisera de plus en plus cette notion d’envoyé, mais, même à l’époque de Jésus, des doutes subsisteront sur sa véritable personnalité.

Messie, décalqué de l'hébreu et de l'araméen, et Christ, transcrit du grec, signifient tous deux "qui a reçu l’onction". Cette appellation est celle qui sera retenue pour Jésus. Elle soulignait d'ailleurs avec bonheur le lien profond qui rattachait sa personne à l'espérance millénaire du peuple juif, centrée sur l'attente du Messie, fils de David. Néanmoins les emplois du mot dans l'Ancien Testament puis dans le judaïsme ne comportaient pas encore la richesse de sens que le Nouveau Testament a donné au mot Christ, qui l’a transformé en projetant sur ce mot la lumière d'une révélation inscrite dans les paroles et dans l'histoire de Jésus.

Dans l'Ancien Testament, le mot Messie eut plusieurs significations, désignant tout d'abord un roi ; mais plus tard ce mot a désigné aussi d'autres personnages, notamment les prêtres. Néanmoins, c’est le premier usage du mot et qui a laissé le plus de traces dans l'histoire du peuple juif ainsi que dans son espérance. On pourra se reporter avec intérêts au livre des psaumes, et notamment le psaume 45 au verset 8, qui met en évidence la place du mot Messie dans la vie de la foi d'Israël, l'onction étant le signe d'une préférence divine. Cependant il arrivera que le peuple juif doutera de la sollicitude de Dieu, notamment lorsqu'après la chute de Jérusalem les juifs seront déportés à Babylone. Le peuple juif ne comprendra pas pourquoi Dieu a rejeté son peuple. L'humiliation ressentie sera une épreuve pour la foi d'Israël, d'autant qu’il n'y aura plus, à cette époque, de messie royal à la tête du peuple juif (Cf Lm 4,18-20).

L'espérance juive enracinée dans les textes sacrés est extrêmement vive à l'époque du Nouveau Testament, notamment chez les Pharisiens, dont on ne dira jamais assez que c'est grâce à eux que la foi du peuple juif a pu se maintenir intacte ; cependant plus tard ce mot pharisien prendra une connotation péjorative par ce que ces hommes seront plus attachés à la lettre de la Loi qu’à son esprit. Le Messie est perçu comme un Messie royal par tout le peuple, ou un Messie sacerdotal dans certains milieux ; c’est cette différence de perception qui sera à l'origine du malentendu qui conduira à la perte de Jésus après son entrée triomphale à Jérusalem. Mais les promesses contenues dans les Écritures ne se réduisent pas qu’à cela : l’espérance juive est souvent liée à des rêves de restauration temporelle. Les Écritures annonçant également l'instauration du Royaume de Dieu engendrent une nouvelle confusion dans les esprits, confusion entre la notion de roi et le Royaume du ciel. Jésus annonce un royaume du ciel alors que les juifs de son époque attendent la restauration de la royauté d'Israël, ce sera notamment le cas des zélotes. Seule la venue de Jésus dissipera sur ce point l'ambiguïté des prophéties.

La prophétie d’Isaïe

Quand Pierre et Jean, animés par l’Esprit-Saint, guérissent l’infirme de la porte du Temple au nom de Jésus le Nazaréen (Cf. Ac 3), Pierre s’adresse au peuple et lui dit en substance que, par Jésus, son Messie, Dieu a accompli ce qu'il avait annoncé d'avance par la bouche de tous les prophètes. Quel est donc alors ce Messie annoncé par les prophètes ?

Au chapitre 11 du livre d’Isaïe (versets 1 à10), le prophète présente le Messie comme étant descendant de David, et que, rempli de l'Esprit-Saint, le Messie fera naître un monde nouveau. Dans ce court passage, le prophète définit les caractères essentiels du Messie :

à Son origine :

1         Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David,

un rejeton jaillira de ses racines.

à Son intelligence :

            2          Sur lui reposera l'esprit du Seigneur.

à Sa sagesse, qui sera impressionnante :

Comme un bâton, sa parole frappera le pays,

à Sa mission enfin : universelle, elle annoncera la venue d’un Monde Nouveau où règnera l’Amour et d’où la violence et la mort auront définitivement disparu.

6         Le loup habitera avec l'agneau,

8         Le nourrisson s'amusera sur le nid du cobra,

9         Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu

Dans cette description, on ne trouve aucune précision sur la nature du Messie : sera-t-il un roi temporel ou bien sera-t-il un envoyé de Dieu, et encore quel type d'envoyé ? On se rappellera ici la confusion qui était présente dans l'esprit des autorités juives lorsque Jean le Baptiste prêchait dans le désert (Jn 1,19), confusion qui sera encore confirmée plus tard lorsque Jésus lui-même demandera à ses disciples : « Pour vous qui suis-je ?, Et pour les gens qui suis-je ? » (Mt 16,13.15)

Le prologue de l’Évangile de Jean

C’est saint Jean qui mettra le point final à la révélation du Messie, dans le très connu prologue de son évangile, qui rappelle de façon très forte le récit de la Genèse sur la création du monde, récit où Dieu affirme de manière très claire son Amour pour cette création au sommet de laquelle il a placé l’homme :

Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu,

et le Verbe était auprès de Dieu,

et le Verbe était Dieu.

Il était au commencement auprès de Dieu.

Par lui, tout s'est fait,

et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui.

(Jn 1, 1-3)

Plus loin, il ajoute :

Le Verbe était la vraie Lumière,

qui éclaire tout homme en venant dans le monde.

Il était dans le monde,

lui par qui le monde s'était fait

(Jn 1,9-10)

C’est ainsi que Jean exprime sa foi. Le Verbe, c’est-à-dire Jésus-Christ, est venu dans notre monde pour porter la lumière de Dieu à tous les hommes disposés à la recevoir. Tous les évènements que rapporte saint Jean, toutes les paroles de Jésus qu’il a consignées, le rappel des actes de celui qu’il désigne comme l’envoyé de Dieu, le Fils de Dieu, Dieu lui-même, tout cela Jean peut le proclamer parce que

« Celui qui a vu rend témoignage, afin que vous croyiez vous aussi. Son témoignage est véridique et le Seigneur sait qu'il dit vrai. » (Jn 19,35)

Jean s’affiche ainsi comme témoin authentique de ce qu’il rapporte, un témoin que les siècles à venir ne parviendront pas à récuser, un témoin privilégié parmi des milliers qui vont subir le martyre pour la même foi, un témoin qui affirme que Dieu s’est fait homme et a habité parmi nous.

Le titre donné à Jésus.

Frappés par la sainteté, l'autorité et la puissance de Jésus, ses auditeurs s'interrogent : « Dans la foule, beaucoup crurent en lui et disait : le Christ, quand il viendra, fera-t-il plus de signes que n'en a faits celui-ci ? » (Jn 7,31)

Leur perplexité persistera car en effet plusieurs questions se posent à eux : par exemple « N'est-ce-pas le Messie ? », question qui sera posée par la Samaritaine à ses congénères en revenant du puits après son entretien avec Jésus (Jn 4,29). Ou encore : "N'est-ce-pas le fils de David ?", exprimant la stupeur de la foule qui a assisté à la guérison du démoniaque aveugle et muet (Mt 12,23). Et elle presse Jésus de se déclarer lors de la fête de la Dédicace, les juifs faisant cercle autour de Jésus et lui demandant : « jusqu'à quand vas-Tu nous tenir en haleine ? Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement. » (Jn 10,24), car les avis sont partagés et certains s'en irritent.

À la lumière de Pâques, maintenant libérée de toute équivoque et incertitude, la jeune Église attribue donc à Jésus ce titre de Messie-Christ. Il lui faut montrer aux Juifs, et les en convaincre, que le Christ, objet de leur espérance, est venu en la personne de Jésus. Cette démonstration repose sur une théologie très sûre qui souligne la continuité des deux Alliances et voit dans la seconde l'accomplissement de la première, comme leur maître l'a affirmé : « N'allez pas croire que Je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » (Mt 5,17). Jésus apparaît ainsi comme le véritable fils de David, destiné dès sa conception en vertu de l'Esprit-Saint à recevoir le trône de David, pour conduire à sa fin la royauté israélite en établissant sur terre le Royaume de Dieu. C'est la Résurrection qui l'a intronisé dans sa gloire royale.

Le plan divin du salut

Avec Jésus, reconnu comme Christ par ses disciples et les premiers chrétiens, se révèlent enfin les intentions de Dieu envers l’humanité. Les textes qui les explicitent sont relativement peu nombreux, mais ils suffisent cependant à éclairer notre propos : on peut citer deux passages des épîtres de saint Paul, aux Romain (8,28) et aux Éphésiens (1,4-14). Dans cette dernière, Paul écrit ceci :

Selon la richesse de sa grâce, que Dieu nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence, Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu'Il avait formé en lui par avance, pour le réaliser quand les temps seraient accomplis : ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres. (Ep 1,7b-10)

Dieu a voulu le salut universel dans le Christ : le grand dessein de Dieu, c’est de rassembler toute la création dans le Christ, qui est la tête de l'Église. Ce dessein de Dieu est resté longtemps caché aux hommes jusqu’au moment où Dieu a jugé bon de le révéler dans son entier :

« à moi, le moindre de tous les saints, a été confiée cette grâce-là, d'annoncer aux païens l'insondable richesse du Christ et de mettre en pleine lumière la dispensation du Mystère : il a été tenu caché depuis les siècles en Dieu, le Créateur de toutes choses, pour que les Principautés et les Puissances célestes aient maintenant connaissance, par le moyen de l'Église, de la sagesse infinie en ressources déployée par Dieu en ce dessein éternel qu'il a conçu dans le Christ Jésus notre Seigneur. » écrira saint Paul (Ep 3,8-11).

Dieu s'est fait connaître aux hommes dès le début de ce que l'on peut appeler l'Histoire : il y eut Abraham, puis Moïse par lequel Dieu donna aux hommes sa Loi, ensuite il y eut les prophètes inspirés par Dieu, mais le cœur des hommes est souvent resté fermé à leurs paroles. Enfin, précédé par Jean-Baptiste, le dernier grand prophète, sinon le plus grand, vint Jésus, celui que Dieu avait prévu dans son immense sagesse pour révéler son plan de salut. Espérance des hommes, Jésus, le Messie (Christ), est venu jusqu’à nous pour nous conduire au Père, son Père, mais aussi notre Père, qui a voulu ainsi manifester son Amour infini pour l’humanité de tous les temps, Amour qui s’exerce dans deux directions, celle de la création façonnée par Dieu, et celle du malheureux implorant Dieu, afin que tous les hommes soient réunis pour une vie éternelle, en ce que les évangiles appellent "le Royaume", et que ce qui était la Loi fut accompli entièrement dans l’Amour (« L'accomplissement parfait de la Loi, c'est l'Amour. » en Rm 13,10). Notons au passage l’insistance marquée par tous les textes à propos de l’Amour de Dieu ; si on enlève l’Amour de Dieu de toute l’histoire de l’humanité, il ne reste qu’un banal récit sans fil conducteur, une absurdité comme le soulignera le philosophe Jean Guitton.

Par Jésus, Dieu accomplissait ce qu'il avait annoncé d'avance par la bouche de tous les prophètes, que son Christ souffrirait (Ac 3,18) et mourrait sur la Croix (Cf Isaïe 52,13-53,12 : quatrième chant du Serviteur). Mais Jésus, dont Dieu avait authentifié la mission en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes, Dieu l'a ressuscité en mettant fin aux douleurs de la mort, car il n'était pas possible qu'elle le retienne en son pouvoir (Cf. Ac 2,22-24).

Tout cela, nous le savons aujourd’hui par le témoignage de ceux qui ont vécu à cette époque. La conclusion appartient à saint Jean :

« Nous qui avons vu,

nous attestons que le Père a envoyé son Fils

comme Sauveur du monde. »

(1 Jn 4,14)

Il ne faut pas oublier que la foi, qui est la nôtre en ce temps, bénéficie à la fois de l’action d’évangélisation des tout premiers témoins des évènements et de la réflexion entreprise par la suite par les premiers chrétiens dans les quatre premiers siècles de notre ère.

Ce qu’il nous faut retenir, c’est que tout au long de l’histoire de l’humanité, l’Amour de Dieu pour sa Création ne cesse pas d’être une réalité. Nous l’avons évoqué avec Isaïe, nous le retrouvons dans les textes du Nouveau Testament, et c’est peut-être saint Jean qui l’exprime le plus clairement en son chapitre 15 :

« Comme le Père m'a aimé, Moi aussi Je vous ai aimés. Demeurez dans mon Amour. ... Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand Amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que Je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, ... maintenant, Je vous appelle mes amis, car tout ce que J'ai appris de mon Père, Je vous l'ai fait connaître. » (Jn 15,9-13 et 17,26).

2 – Le sens profond de l’Incarnation

Jésus est-il un personnage historique ?

Avant de poursuivre, il nous paraît indispensable de se poser la question : Jésus a-t-il existé, en un mot est-il un personnage historique ? Il est certain que l'historicité de Jésus n’est pratiquement plus contestée aujourd’hui, même par des historiens agnostiques. Des écrits contemporains de Jésus permettent d'affirmer que Jésus a existé. Ces écrits doivent être reçus avec toutes les ressources et les précautions de la critique historique, aucun d’eux n’ayant été rédigés selon les normes modernes de la relation historique.

Quels sont donc les textes qui parlent de Jésus en dehors des évangiles et autres épîtres apostoliques ? Citons trois auteurs romains (Pline le Jeune dans Lettres, panégyrique de Trajan, livre X, lettres 96 et 97 ; Tacite dans ses Annales (15,44) (début du 2ème siècle) et dans Vie de Néron 16 ; et Suétone dans Vie de Claude (25,4) où Suétone justifie l’expulsion des juifs de Rome (en 41 ou 49) par l’agitation soulevée par un certain Christus), et enfin un historien juif, Flavius Josèphe. Il y eut aussi Philon d’Alexandrie, philosophe grec d’origine juive, né en 20 av .JC, mort vers 54.

Que disent ces textes de Jésus ?

a) Chez les Juifs, peu de choses si ce n'est un passage de Flavius Josèphe (historien juif né en 37 et mort en 100), passé du côté des Romains. Certains ont pensé que ce texte était trop élogieux pour Jésus, et par conséquent que c'était un faux ! L'avis dominant aujourd'hui est qu'au moins le noyau du texte de Flavius Josèphe est authentique. Voici le passage essentiel, extrait de : Antiquités juives, publiées en 93-94, XVIII, 63-64 :

"À cette époque-là, il y eut un homme sage nommé Jésus, si seulement il est juste de l'appeler un homme, car c'était un faiseur d'œuvres merveilleuses. Et beaucoup de juifs et de gens d'autres nations se firent ses disciples. Pilate, sur la proposition des principaux parmi nos chefs, le condamna à être crucifié et à mourir. Mais ceux qui s'étaient fait ses disciples prêchèrent sa doctrine. Ils racontèrent qu'il leur apparut trois jours après sa crucifixion et qu'il était vivant comme les divins prophètes l'avaient prédit, de même que dix mille autres choses merveilleuses le concernant. Et le groupe des chrétiens, c'est ainsi qu'ils se nomment depuis, n'est pas éteint à ce jour."

À part ce texte, le silence des sources juives s'explique par la rupture entre la Synagogue et l'Église, consommée en 70. Dès lors, les autorités juives interdirent toute mention du fait chrétien. Un texte tardif du Talmud (Sanhédrin 43a) a pourtant recueilli sans doute une ancienne tradition : « La veille de la Pâque, ils pendirent Yeshou de Nazareth et le héraut le précéda pendant quarante jours disant : "Yeshou de Nazareth va être lapidé, car il a pratiqué la sorcellerie et trompé et égaré Israël. Que celui qui connait quelque chose pour sa défense vienne et plaide pour lui. Mais ils ne trouvèrent rien en sa défense et le pendirent à la veille de la Pâque". »

b) Les Romains, eux, n'avaient aucune raison de s'intéresser directement à la personne de Jésus. Les sages de Rome n'avaient pas grande estime pour les superstitions de l'Orient, parmi lesquelles ils rangeaient le judaïsme et plus tard sa variante, le christianisme. Jésus passe donc inaperçu. Mais, dès le 1er siècle, apparaissent les chrétiens. Ils sont persécutés.

Qui sont-ils ? Vers 111, l’historien Pline le jeune parle de gens qui se réunissent "à jour fixe avant le lever du soleil, et chantent un hymne au Christ comme à un dieu". Un autre historien, Tacite, explique comment Néron, en l'an 64, a pu persécuter les chrétiens sans avoir rien à leur reprocher : "Ce nom leur vient du Christ, qui a été exécuté sous le règne de Tibère par le procurateur Ponce Pilate". Suétone parle de Jésus indirectement.

En conclusion, les quelques mentions du Christ Jésus dans la littérature juive ou païenne suffisent à confirmer son existence et orientent l'attention vers l'essentiel : sa Mort et la foi en sa Résurrection. Mais presque tout ce que nous savons de la vie et de l'enseignement de Jésus vient des sources chrétiennes, spécialement des quatre évangiles. En effet, la source de loin la plus importante pour connaître la vie, l'action et l'itinéraire de Jésus est le Nouveau Testament. Les quatre évangiles nous racontent en détail la vie de Jésus. Parmi eux, les trois premiers évangiles, ceux de Marc, Matthieu et Luc, appelés synoptiques, sont étroitement apparentés ; l'évangile de Jean, au contraire, a un caractère propre. Par ailleurs, nous connaissons encore des paroles isolées du Seigneur, que le Nouveau Testament ne nous transmet pas, mais qui sont attestées par des Pères de l'Église. En dehors de ces documents, les informations sur Jésus sont plus tardives, rares et pauvres. Néanmoins, aucun historien sérieux ne conteste plus aujourd'hui que Jésus ait réellement vécu en Palestine et qu'il soit mort crucifié à Jérusalem, vers l'an 30 de notre ère, quand le gouverneur romain était Ponce Pilate.

Et n’omettons pas de citer d’autres écrits, les apocryphes, des textes qui citent Jésus mais que l’Église ne reconnaît pas officiellement. Leur lecture et leur analyse doivent rester prudentes ; ils présentent cependant de l’intérêt par certains côtés pour se faire une idée des débuts du christianisme.

L’originalité du christianisme

L’originalité de la religion chrétienne est double :

1-Elle affirme qu’un homme, envoyé de Dieu, est ressuscité (retenons cette formulation pour quelques instants).

2-Son Dieu est unique, mais en trois personnes de même nature.

1-À y regarder de plus près, force est de constater que la religion qui va émerger, se fortifier, se développer, pour finir par s’imposer dans le monde romain, est la seule qui affirme qu’un homme, envoyé de Dieu, est ressuscité. Certains Juifs n’ont pas osé franchir le pas ; les religions qui les ont précédés n’ont pas également osé aller si loin, de même celle qui suivra quelques siècles plus tard. Pour toutes, Dieu est l’inaccessible ; Dieu ne descend pas au niveau de sa création, Dieu reste Dieu mais ne partage pas la nature de sa créature suprême qu’est l’homme.

Aucune autre religion ne parle de résurrection. Au mieux on envisage une suite de vies, des "réincarnations", mais dans un éventail de possibilités toutes plus attristantes les unes que les autres. Ce dernier phénomène traduit l’aspiration de beaucoup d’hommes et de femmes, selon laquelle la vie n'a de sens que si elle ne se limite pas à l'existence terrestre ; l'humanité aspire à une forme de vie au-delà de la mort, dépouillée de toute injustice, de toute souffrance, de toutes les contraintes et limites de la condition humaine sur Terre. L'originalité du christianisme est de prétendre à la résurrection des morts, leur existence terrestre ne couvrant qu'une vie. Après la mort, il y a une autre vie, la mort n'étant qu'une étape transitoire et la Résurrection de Jésus-Christ étant là pour le prouver ; certains parlent même de re-naissance.

2-Autre originalité, et de taille celle-là, le christianisme est une religion monothéiste, mais son Dieu est unique en trois personnes de même nature. Comment expliquer simplement cela ?

La raison parvient à concevoir l'unicité de Dieu. Il ne saurait y avoir plusieurs dieux, car affirmer qu'il y a des dieux, c'est inévitablement créer une subordination entre eux ; c’est même envisager qu’ils puissent entrer en conflit. Quelle est alors la place de l’homme ? C’est un jouet pour certains de ces dieux ; c’est bien ce que concevaient les mythologies. C’est aussi, vraisemblablement, finir par affirmer qu'il y a un dieu au-dessus de tous les autres. La philosophie grecque a évolué ainsi.

Que dit la Bible ? Des textes et psaumes anciens mentionnent les dieux des nations, qu'ils subordonnent au Dieu d'Israël : c'est vers le 6ème siècle av. J-C que l'on dit que ces dieux ne sont rien. Le monothéisme biblique et chrétien prend sa source dans l'Alliance, et non pas dans la philosophie. Le Dieu unique a fait alliance avec Israël au Sinaï, et ce peuple est devenu son témoin privilégié devant les nations. Dieu accordera aux hommes une nouvelle alliance que réalisera Jésus. « Je crois en un seul Dieu » indique que Dieu est unique. L'affirmation de cette unicité est au centre du témoignage de l'Ancien Testament. « Écoute Israël. Le Seigneur notre Dieu est l'unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Dt 6,4-5) : c'est ainsi que commence la prière « Shema Israël », dans laquelle s'expriment l'histoire de l'Alliance et la profession de foi du peuple juif. Dieu a dit : « Je suis le premier et le dernier ; Moi excepté, il n'y a pas de dieu. » (Is 44,6). C'est la vérité que traduit le premier commandement : « Tu n'auras pas d'autres dieux que Moi. » (Ex 20,3). Il en résulte immédiatement l'interdiction des idoles (Ex 20,4-5). Au scribe qui lui demande « Quel est le premier de tous les Commandements ? », Jésus cite le shema Israël (Mc 12,28-31), qu’Il va d’ailleurs compléter par un autre commandement.

À ce point de notre réflexion, il nous reste à traiter de la partie la plus difficile du mystère le plus profond de la foi chrétienne en Dieu : l’affirmation que le Dieu des chrétiens est un Dieu trinitaire. La raison s’insurge si on dit que Dieu est en trois personnes ; on ajoute parfois de même nature. Aussi, de prime abord, la doctrine du Dieu trinitaire est tout simplement incompréhensible, pour ne pas dire contradictoire et illogique. Que répondre ? Ce serait effectivement le cas, si le Credo disait trois fois un font un, ou encore si on est mathématicien : 1 + 1 + 1 = 1. Mais, comme on va le montrer, il n'est pas question de cela.

Affirmer que le Dieu des chrétiens est un Dieu trinitaire résulte de la rencontre des disciples avec Jésus-Christ et de l'expérience de l'Esprit-Saint qui continue d'agir. Déjà l'ordre du Seigneur ressuscité résume la révélation du Dieu trinitaire :

"Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit" (Mt 28,19).

Par le baptême, l'homme reçoit la vie de Dieu et entre en communion avec lui : il est uni au Fils de Dieu de telle manière que, rempli de son Esprit, il devient enfant de Dieu, fils ou fille du Père. C'est pourquoi l'apôtre Paul résume le mystère trinitaire de Dieu par un souhait de bénédiction et de grâce, que l’Église, dans sa sagesse, a conservé dans la salutation qui ouvre la célébration de l'eucharistie :

"La grâce de Jésus notre Seigneur, l'Amour de Dieu le Père et la communion de l'Esprit-Saint soient avec vous tous" (2 Co 13,13).

Ce qui fonde l'existence chrétienne, c'est le fait d'être baptisé "au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit". La célébration de l'eucharistie, qui constitue le centre de la vie chrétienne et ecclésiale, s'ouvre et s'achève par l'invocation du Dieu trinitaire.

L'explicitation doctrinale du témoignage de la Sainte Écriture a été l'œuvre des deux premiers conciles œcuméniques, celui de Nicée (325) et celui de Constantinople (381). Elle a été précédée de longues polémiques. Il a fallu réfuter principalement deux théories erronées : le Fils et l'Esprit seraient subordonnés au Père, et le Dieu unique apparaîtrait pour ainsi dire sous trois formes différentes comme Père, Fils et Esprit. Contre ces erreurs, l'Église a maintenu fermement cette doctrine : tel que Dieu apparaît, tel il est. Père, Fils et Esprit ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois Personnes de même nature.

La préface de la fête de la Sainte Trinité dit de même :

"Avec ton Fils unique et le Saint-Esprit,

Tu es un seul Dieu, Tu es un seul Seigneur,

dans la trinité des personnes et l'unité de leur nature".

Cette profession de foi au Dieu trinitaire est un profond mystère, qu'aucun esprit créé ne peut découvrir par lui-même ni comprendre parfaitement. C'est le mystère d'un Amour insondable et débordant : Dieu n'est pas un être solitaire, mais un Dieu qui, dans la surabondance de son être, se donne et se communique ; un Dieu qui vit dans la communion du Père, du Fils et de l'Esprit, et qui, par conséquent, peut aussi offrir et fonder une communion.

La Résurrection de Jésus est-elle une fable ?

C’est un évènement exceptionnel et unique que les témoins contemporains de Jésus rapportent et affirment comme vrai, avec une inébranlable conviction comme le montre le martyre d’Étienne (Ac 7). L’homme que de nombreux témoins ont approché, entendu, vu opérer des signes inspirés par Dieu (Cf. Matthieu 12, 22-28 et passages parallèles, par exemple), ce Jésus, il est ressuscité ! Les Actes des Apôtres et les lettres de saint Paul reprennent cette affirmation en de nombreuses circonstances.

Cependant, des affirmations de gens convaincus ne prouvent pas un fait ; c’est l’objection, semble-t-il, que l’on puisse avancer pour nier la Résurrection de Jésus Crucifié. Seul le témoignage des Apôtres et des premiers disciples atteste de cette Résurrection : la foi chrétienne est fondée sur le témoignage des Apôtres, qui confirme la parole des prophètes. On en trouve l’affirmation dans les Actes des Apôtres (Ac 2,22-24.26) et dans la seconde lettre de Pierre (2 P 1,12.16-18). En voici le rappel des points principaux de ces deux passages :

Pierre s’adresse à la foule à la Pentecôte : « Hommes d'Israël, écoutez ces paroles. Jésus le Nazaréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous, ainsi que vous le savez vous-mêmes, cet homme qui avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l'avez pris et fait mourir en le clouant à la Croix par la main des impies, mais Dieu l'a ressuscité, le délivrant des affres de l'Hadès…Dieu l'a ressuscité, ce Jésus ; nous en sommes tous témoins. »

Pierre s’adresse à la foule en une autre occasion : « C'est pourquoi je vous rappellerai toujours ces choses, bien que vous les sachiez et soyez affermis dans la présente vérité … Ce n'est pas en suivant des fables sophistiquées que nous vous avons fait connaître la puissance et l'Avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais après avoir été témoins oculaires de sa majesté. Car ce n'est pas en suivant des fables sophistiquées que nous vous avons fait connaître la puissance et l'Avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais après avoir été témoins oculaires de sa majesté. Il reçut en effet de Dieu le Père honneur et gloire, lorsque la Gloire pleine de majesté lui transmit une telle parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur » Cette voix, nous, nous l'avons entendue ; elle venait du Ciel, nous étions avec lui sur la montagne sainte. [Allusion à la Transfiguration]

Des apparitions ultérieures auront lieu mais elles sont réservées à des personnes choisies par Dieu pour leur foi. Aucune apparition ne s'est faite auprès de personnes autres que des disciples de Jésus. Cette restriction alimente encore de nos jours une attitude méprisante ou condescendante ou incrédule envers la croyance des chrétiens en la Résurrection de Jésus. Il en était de même au temps de saint Paul lors de sa tentative à l’aréopage d’Athènes : quand les Athéniens présents entendirent parler de résurrection des morts, les uns riaient, et les autres déclarèrent : « Sur cette question nous t'écouterons une autre fois. » (Ac 17,32). Pourquoi n’en serait-il pas de même de nos jours ?

La Résurrection de Jésus est attestée par les Apôtres et les martyrs, mais ce témoignage est-il recevable pour autant ? Les évangiles rapportent des actes et des paroles d’un homme bien réel, mais deux questions se posent : quelle valeur accorder aux Évangiles, et ces documents sont-ils fiables ? Il est juste de se poser ces deux questions. En effet, pour un esprit logique et réaliste, l’affirmation centrale des évangiles est invérifiable : aucun raisonnement, aucune expérimentation, ne pourront jamais prouver que le Christ est ressuscité. Donc le doute est permis, et à la limite, on peut qualifier de fable mythologique ce que ces textes racontent ; on peut même accuser d’hystérie collective les évangélistes et les premiers témoins, et certains opposants à toute idée de religion ne s’en privent pas. Il s’ensuit que le même sort est réservé aux miracles, aux déclarations de Jésus sur lui-même, à l'annonce de son retour, etc... Et du coup les récits de l'enfance de Jésus dus à saint Luc relèveraient du conte féerique.

Et cependant, aucun texte de toute la littérature mondiale n'a jamais été soumis à autant d'analyses, d'hypothèses et de reconstructions. Et les évangiles tiennent toujours. C’est parce que derrière les textes, il y a du réel. Les évangiles sont quatre récits pour un même personnage présenté sous des jours très différents, ce qui s’explique par la diversité des communautés qui recevront ces récits : juifs, païens d’origine grecque ou autre, gens simples ou cultivés, hommes libres ou esclaves, etc. Entre ces récits, des différences mais aussi une irrésistible cohésion. Bien loin de se contredire, ces quatre récits, que l'Église n'a jamais voulu réduire autoritairement à un seul, s'enrichissent mutuellement.

Les évangélistes ne développent pas des idées qu'ils croient justes. Ils témoignent de faits qui leur permettent de dire : le Christ est venu, c'est Jésus. Il est Fils de Dieu ; il est ressuscité, aujourd'hui vivant.

Le témoignage des Apôtres repose tout entier sur la Résurrection de Jésus qui est l'évènement fondateur de leur action. Or ces hommes ont bravé la puissance romaine et les chefs religieux de leur pays : souvent ils ont payé de leur vie le témoignage qu'ils ont porté au monde, sans qu'ils en retirent un bénéfice matériel ou social quelconque. Cela devrait suffire à accepter pour vrai ce qu’ils ont proclamé.

La réflexion des premiers chrétiens

Alors, si Jésus est vraiment ressuscité, l’attention de tout homme devrait se focaliser sur lui, dans la mesure où les chrétiens en sont les hérauts. Qui est cet homme ? Qui est-il, lui qui se dit Fils de l’Homme ou encore, plus rarement, Fils de Dieu ? Ne s’est-il pas nommé de lui-même « Je suis » (Jn 8,28) comme Yahvé s’était désigné à Moïse : « Dieu dit à Moïse : « Je suis Celui qui Suis. Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : 'Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est : Je-Suis'. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : 'Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est Yahvé, c'est le Seigneur, le Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob'. C'est là mon nom pour toujours. » (Ex 3,14-15) ? Est-il Dieu alors ? Est-il seulement homme ? Est-il les deux en même temps ? Est-ce un illuminé ? Quelle est sa relation avec Dieu ?

Nous ne souhaitons pas ici insister sur le cheminement de la pensée des premiers chrétiens ; certes, il est important pour nous aujourd’hui d’en connaître l’essentiel, pour être capable de comprendre et faire préciser les questions de ceux que le Christ nous demande d’évangéliser ((Mt 28,16-20). Quatre conciles ont été nécessaires pour préciser l'identité de Jésus : Nicée (325), Constantinople I (381), Éphèse (431), et enfin Chalcédoine (451). La conclusion finale est importante : Jésus est vrai Dieu, engendré non pas créé, de même nature que le Père et par lui tout a été fait (Cf. le Credo). Mort sur la Croix, il est ressuscité, monté auprès du Père.

Il en résulte que vient de Dieu tout ce que Jésus a révélé et fait. À ses disciples, dont quelques-uns n’ont pas encore tout compris, Jésus dira le soir de la Cène :

« Puisque vous me connaissez, dès maintenant vous connaissez le Père, et vous l'avez vu. Celui qui m'a vu a vu le Père. Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c'est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres œuvres. Croyez ce que Je vous dis : Je suis dans le Père, et le Père est en Moi. » (Cf. Jn 14,7-11)

Ainsi Dieu s’est adressé aux hommes, directement pour ainsi dire ! Il a voulu nous donner la vie par sa parole de vérité (Jc 1,18), ce qui doit nous inciter à étudier et méditer les paroles et les actes de Jésus, pour en imprégner nos paroles et nos actes.

Jésus-Christ, vérité des Écritures

C'est par la Résurrection de Jésus que les Apôtres ont compris finalement le mystère de sa filiation divine : la Résurrection accomplissait le psaume 2 (Cf. Ps 2,7 et Ac 13,33), et Dieu confirmait les revendications de Jésus devant Caïphe et sur la Croix. Dès le lendemain de la Pentecôte, le témoignage apostolique et la confession de foi chrétienne ont donc pour objet Jésus-Christ, ressuscité, Fils unique de Dieu (Voir par exemple : Ac 9,20 & 13,33 ; 2 P 1,17-18 ; 1 Jn 3,8 & 4,15 & 5,10.20 ; Rm 1,4 & 8,3 ; 2 Co 1,19 ; Ga 4,4 ; etc.). Les écrits chrétiens qui s’ancrèrent sur le témoignage des Apôtres restèrent fidèlement dans la ligne de celui-ci. Ils prirent pour point de départ la Résurrection de Jésus, rejoignant ainsi le commencement à partir de la fin. Ces écrits insistent sur le prophétisme qui met en œuvre les correspondances lumineuses et l'unité profonde des deux Testaments dont Jésus, le Christ, est la vérité ultime. L’étude objective de la Bible met en évidence l’exceptionnelle cohérence de la pensée des nombreux auteurs bibliques, qui sur près de onze siècles ont écrit l’histoire religieuse d’un peuple. Cette unité suffit à dire que la Bible est bien l’expression de la Parole de Dieu. Laissons à Pierre le soin de nous le rappeler :

« Ce n'est pas d'une volonté humaine qu'est jamais venue une prophétie, c'est portés par l'Esprit-Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu. » (2 P 1,21)

Ce qu’accomplit Jésus s'est accompli selon les Écritures. Cette conviction est affirmée, dans les Actes, par Pierre à la Pentecôte : le don de l'Esprit réalise la prophétie de Joël (3,1-5) : « Je répandrai mon esprit sur toute créature, vos fils et vos filles deviendront prophètes, vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes je répandrai mon esprit en ces jours-là [les temps messianiques]. Je ferai des prodiges au ciel et sur la terre : du sang, du feu, des colonnes de fumée. Le soleil se changera en ténèbres, et la lune sera couleur de sang, avant que vienne le Jour du Seigneur, grand et redoutable. Alors, tous ceux qui invoqueront le Nom du Seigneur seront sauvés. »

La Résurrection de Jésus était annoncée par le psaume 15 :Tu ne laisseras pas ton saint connaître la décomposition ” La glorification de Jésus auprès de Dieu accomplit la prophétie du psaume 109 : “Siège à ma droite ”. Il n'y a pas d'annonce de Jésus comme Christ qui ne fasse une référence essentielle aux Écritures.

Importance de la venue de Dieu en notre monde

Dieu est venu en notre monde ; il s’est fait homme, en tous points sauf le péché (Voir He 4,15 : 2 Co 5,21). Alors, en définitive, quel sens donner à la venue de Dieu sur Terre ?

Dieu veut que l’homme vive.

En premier lieu, on l’a vu, l’Incarnation, la Mort et la Résurrection sont pour tous les hommes, de tous les temps, la garantie que Dieu veut notre vie et non pas notre mort (Sg 1,13 : Mc 12,26-27). Tout ce que fait ou dit Dieu est Amour. Si le Christ n’a pas été réellement ressuscité, alors tout n’est qu’illusion :

Si l'on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu'il n'y a pas de résurrection des morts ? S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Mais si le Christ n'est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi. Il se trouve même que nous sommes des faux témoins de Dieu, puisque nous avons attesté contre Dieu qu'il a ressuscité le Christ, alors qu'il ne l'a pas ressuscité, s'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si le Christ n'est pas ressuscité, vaine est votre foi … Alors aussi ceux qui se sont endormis dans le Christ ont péri. Si nous qui sommes dans le Christ n'avons d'espoir que cette vie, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. (1 Co 15,12-15.18-19)

Le salut apporté par le Christ intéresse la totalité de ce que nous sommes et il promet la résurrection de notre chair. C’est l'argumentation de Paul.

Vivre avec le Christ.

En second lieu, le sacrifice de Jésus s’est accompli pour réconcilier Dieu avec les hommes. En effet, dès l'Ancien Testament, Dieu travaille à la réconciliation des hommes avec lui, en ne cessant pas de leur offrir son pardon, et il multiplie avec eux les alliances, malgré les nombreuses ruptures de l'alliance du Sinaï dues aux hommes. Il s'est révélé lui-même comme le « Dieu de tendresse et de pitié » (Ex 34,6). C'est une réconciliation - même si le mot n'est pas utilisé - que Yahweh propose à son épouse infidèle et à ses enfants rebelles (Os 2,16-22). Mais le temps n'était pas encore venu de la complète réconciliation par la rémission des péchés, et les fidèles de Dieu restaient dans l'attente de quelque chose de meilleur. C’est le Christ Jésus qui accomplira la réconciliation parfaite et définitive (Cf. 1 Tm 2,4-5).

Par lui-même, l'homme est incapable de se réconcilier avec Dieu ; c’est Dieu qui est l’initiateur de la réconciliation, car Dieu nous aimait déjà quand nous étions ses “ ennemis ”, écrira saint Paul (Cf. Rm 5,10). Dieu est avec nous ; c’est ainsi qu’il veut qu’on appelle celui qu’il envoie :

« Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : “ Dieu-avec-nous ” » (Mt 1,22-23 rappelant Is 7,14).

Ainsi celui qui écoute et met en pratique la Parole de Dieu, révélée définitivement par Jésus, celui-là est mort au péché, il ne sera plus séparé de Dieu. Saint Paul a écrit que, baptisés en Jésus-Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. En menant une vie nouvelle, en communion avec le Christ, nous vivrons avec lui, puisque, ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus (Voir Rm 6,2-11).

L’Amour comme seule règle de vie.

Enfin, Dieu a voulu que notre seule règle de vie soit l’Amour. Encore faut-il s’entendre sur le sens de ce mot, aujourd’hui si galvaudé, et qui désigne maintenant bien des réalités différentes. Essayons de préciser le sens de ce mot en termes de relation entre Dieu et sa création.

Notre langue, si riche de nuances, est bien pauvre quand il s’agit du mot aimer. Nous connaissons bien le passage de saint Jean, au chapitre 21 (versets 15 à 19), où Jésus demande à Pierre : « M’aimes-tu ? ». L’Amour dont le Christ parle à Pierre est celui qui donne à l’objet aimé tout, le corps, l’esprit, l’âme. C’est un Amour qui ira jusqu’à donner sa vie pour l’autre, s’il le faut : Marc (12,30-31) et Luc (10,27) insistent sur le don total (corps, esprit, âme), et n’oublient pas le prochain (« comme toi-même »). Ces citations établissent un lien très étroit avec les livres du Lévitique (19,18) et du Deutéronome (6,5).

Quand la notion d'Amour pénètre le domaine religieux, elle soulève au moins deux questions :

¾ Comment Dieu, créateur de cet univers si vaste, créateur de cette vie si inventive et si diversifiée, comment Dieu peut-il s'abaisser à aimer l'homme si petit, si négligeable, si insignifiant ?

¾ Et si Dieu condescend à aimer l'homme, comment l'homme pourrait-il répondre à cet Amour par un amour ?

La Bible, et tout particulièrement l’Évangile, répondent avec clarté : Dieu a pris l'initiative d'un dialogue d'amour avec les hommes, et au nom de cet Amour il les engage à l’aimer et leur apprend à s'aimer les uns les autres. L'Amour de Dieu s'exprime par le fait que Jésus est venu vivre en Homme-Dieu le dialogue d'amour entre Dieu et l'homme. L’Amour que porte Dieu pour sa création est un Amour dépourvu de toute contrainte : les hommes restent libres, totalement libres, de répondre à cette offre d’Amour car si Dieu imposait son Amour d’une quelconque manière, ce ne serait plus un amour parfait, or Dieu est parfait (Cf. Mt 5,48). Jésus est venu pour révéler aux hommes ce qu’est le véritable amour, invitant tous les hommes à tendre vers cet idéal, et c’est pourquoi l’Esprit-Saint vient au secours de notre faiblesse (Rm 8,26). Cet Amour donné par Dieu à toute créature est destiné à donner la vie éternelle à cette créature. C’est donc un Amour qui a un but, mais qui en même temps est un Amour total et désintéressé. Isaïe a très bien exprimé ce désintéressement : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! Même si vous n'avez pas d'argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent et sans rien payer. » (Is 55,1-2a. 3a.6-8).

Le scandale de la Croix, signe d’Amour.

Tout cela est bien beau, mais qu’en penser lorsque la souffrance, la maladie, le malheur, surgissent dans notre vie ? Les mots semblent se vider de leur sens, et il ne reste plus qu’un bavardage creux. C’est alors que la Croix prend tout son sens et livre son mystère. En prenant notre nature humaine, le Christ a librement accepté ce qui est le lot de la vie ordinaire, et peut atteindre chacun de nous, même dans sa finitude. Il a connu la violence du monde, les injures, la médisance, l’injustice d’un procès inique, il a été abandonné par ceux auxquels il avait fait du bien, il a connu les affres de l'agonie, il a été réduit à l'impuissance. La peur de la mort et la tentation du désespoir l’ont envahi : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Mt 27,46)

Ayant atteint le fond du gouffre profond de son Agonie, Jésus a trouvé la force de dire : « Père, Je remets mon esprit entre tes Mains. » Cette confiance inébranlable et totale en l’Amour de Dieu lui a fait vaincre la mort. C’est cela que Jésus est venu communiquer aux hommes : l’Amour de Dieu est plus puissant que le mal et la mort, et Dieu est toujours disposé à aimer. C’est cela que nous rappelle chaque eucharistie quand le prêtre dit : « Ceci est la coupe de mon Sang, le Sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. » Par l’incarnation du Fils, le Père a partie liée avec l'humanité, il a pris le visage de l'innocent torturé. Et cela transforme complètement l’ancienne Alliance.

L’Amour, critère du Jugement.

Le Christ en prenant notre humanité est d’abord venu sauver les hommes en leur indiquant le chemin qui mène à Dieu et qui s’appelle l’Amour : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, l'Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise. » (Jn 3,16-17) Le Jugement est pour plus tard, mais les hommes savent désormais que l’Amour en est à la base : « J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif, et vous m'avez offert à boire, j'étais étranger, et vous m'avez recueilli, nu, et vous m'avez vêtu, infirme, et vous m'avez rendu visite en prison, et vous êtes venus à Moi. » (Mt 25,35-36)

Le critère du Jugement, c'est donc l'Amour. Il s'agit d'aimer, en actes concrets, et dans une authentique compassion, ceux auxquels le Christ s'est identifié en vivant sa vie d'homme : les faibles, les malheureux, les disgraciés. Saint Jacques a écrit que « Le jugement est sans Miséricorde pour celui qui n'a pas fait miséricorde, mais la Miséricorde se moque du Jugement. » (Jc 2,13). Aimer comme Jésus nous a aimés, être miséricordieux comme Dieu est miséricordieux (Lc 6,36). Toutefois, on peut se sentir impuissant à suivre le Christ dans cette voie quand on est confronté à des souffrances qui nous dépassent ou qui nous déconcertent ; seul, l’abandon dans la prière peut nous soutenir et nous guider.

Ce critère d’Amour est cependant redoutable. Qui est capable d'aimer réellement et de suivre la voie tracée par Jésus ? Mais alors : « Qui donc peut être sauvé ? » (Cf. Mt 19,25 ; Lc 18,26.) À cette question posée par les disciples, le Christ a fourni une réponse : « Pour les hommes c'est impossible, mais, pour Dieu, tout est possible » (Mt 19,26 : Lc 18,27). Dieu peut tout, et surtout changer des cœurs de pierre en cœurs de chair (Cf. Ez 11,19 et 36,26). Voilà pourquoi le Christ est venu changer les cœurs en leur communiquant son Esprit d'Amour, et en accomplissant l’Alliance annoncée par le prophète Jérémie : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être, Je l'écrirai dans leur cœur » (Jr 31,33). Il n'y a plus Dieu d'un côté, et l'homme de l'autre, mais Dieu à l'intérieur de l'homme, pour peu que celui-ci l'accepte. L’homme ne se sépare de Dieu que si l’homme le veut réellement.

Dieu est avec nous pour toujours

Dieu a habité parmi nous. Mais cette formule n’est pas complètement satisfaisante. Elle implique que Dieu est venu sur Terre rejoindre les hommes à un moment de leur Histoire, puis qu’il est reparti dans son Royaume. Nous a-t-il pour autant abandonnés comme la formule pourrait le laisser entendre ?

Non, bien sûr, nous ne sommes pas abandonnés. En quittant les siens pour rejoindre son Père, Jésus leur dit : « Moi, Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. » (Matthieu 28,20b). Pierre disait aussi : « Pour le Seigneur, un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de ce qu'Il a promis, comme certains l'accusent de retard, mais il use de patience envers vous, voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir. » (2 P 3,8b-9)

Pour conclure....

Pour les hommes qui veulent bien écouter la Parole de Dieu que nous avons à leur faire connaître, ne l’oublions pas (Cf. Mt 28,16-20), l'Incarnation et la Résurrection de Jésus sont le gage précieux que Dieu veut que tous les hommes vivent avec Lui, débarrassés pour toujours de ce qui fait leurs peines, leurs doutes et leurs souffrances d’ici-bas. Si Jésus n'est pas Dieu fait homme, né comme l'homme, mort comme l'homme, et ressuscité, alors notre foi est vide de sens comme l’écrivait saint Paul. La Résurrection du Christ et notre propre résurrection sont inséparables.

Pour vous qui avez lu ce texte,

que Dieu vous fasse la grâce

de vivre Noël

dans sa PAIX !

(Jn 14,27)

Théophile, diacre permanent

(19 décembre 2011)

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