Pays-Bas :
à Amsterdam, une église dans un grenier !
Rencontre avec la
directrice du musée, Judikje Kiers
ROME, lundi 29 octobre 2012 (ZENIT.org) – Dans le cœur
d’Amsterdam, aux Pays-Bas, se cache un trésor très spécial : un petit
musée dont le nom curieux, Ons’ Lieve Heer
op Solder, signifiant littéralement « Notre Seigneur dans le
grenier », renvoie à un fait particulier : ce musée est en fait une
église : « une église cachée ».
Pour comprendre, il faut revenir aux années 1500 quand, au lendemain du
passage de la ville d’Amsterdam du catholicisme au protestantisme calviniste,
tous les biens furent rachetés par la municipalité et professer la religion
catholique publiquement devint interdit.
« En réalité, dans la tolérante Amsterdam, on fermait souvent un œil
mais il est certain que les églises catholiques ne pouvaient être visibles
extérieurement », affirme Judikje Kiers, la directrice du musée, qui est aussi une
spécialiste de l’histoire religieuse dans la ville.
« À l’époque, le centre d’Amsterdam comptait 24 églises cachées
qui furent toutes détruites à l’exception de celle-ci et de la chapelle de
Béguinage », ajoute l’organisateur Thijs Boers, qui est aussi un
spécialiste de l’histoire religieuse dans cette ville.
Pour les deux spécialistes, la grande particularité de ce musée est de se
trouver à l’intérieur d’une maison. Ils expliquent que tout est parti de
l’acquisition par un commerçant allemand, venu s’installer à Amsterdam, de
trois édifices, l’un donnant sur le canal Oudezijds Voorburgwal et les deux autres sur une étroite ruelle (Heintje Hoekssteeg), où il aurait
fait construire son magasin et sa demeure (on y trouve d’ailleurs encore l’un
des salons les mieux conservés du siècle d’or hollandais).
Son fils Cornelis étant séminariste, il avait fait aménager dans les étages
supérieurs, un appartement pour un prêtre, pour sa petite communauté
spirituelle et une église, très belle, pouvant contenir 150 personnes environ,
avec un double matroneum et une petite
chapelle dédiée à la Vierge.
En attendant que son fils devienne prêtre, l’église fut confiée au père
Petrus Parmantier, un prêtre augustin provenant de la
province du sud, qui devient ainsi son premier « curé ». La
directrice du musée, Judikje Kiers,
en dit davantage aux lecteurs de Zenit.
Zenit - Jusqu’à quand dura l’interdiction de construire des églises catholiques
en public ?
Judikje Kiers - Jusqu’en
1795, date à laquelle toutes les religions eurent la liberté de culte. Mais il
faudra encore un autre siècle environ pour que la très belle église de
Saint-Nicolas soit terminée : c’est en 1887 que « Ons’
Lieve Heer op Solder » cessa son activité paroissiale.
Et maintenant qui est le propriétaire et par qui elle est-elle gérée ?
Dans la même année, un groupe de catholiques d’Amsterdam créa la fondation Amstelkringche et acheta l’édifice pour éviter sa
démolition. Un an plus tard, le 28 avril 1888, l’église fut rouverte comme
musée. Une situation encore en vigueur aujourd’hui. La gestion reste aux mains
du conseil de cette fondation, dans laquelle est présente aussi un prêtre
catholique, mais l’église ne dépend pas du diocèse.
Tous les premiers dimanches du mois, entre les mois d’octobre et avril, on
y célèbre la messe (pour plus de renseignements et connaître les horaires
consulter le site www.opsolder.nl). Dans ce
cas, l’entrée est gratuite et comprend un café à consommer à l’intérieur du
musée. Bien que n’étant pas un lieu consacré, une autorisation spéciale le
permet, l’édifice ayant été utilisé pendant des années comme église pour les
artistes.
Dans quel état se trouve l’édifice et quels sont les projets futurs ?
L’édifice est en bon état mais il faut être très prudents. Le projet est de
requalifier cet espace, le vider de toute la structure administrative pour en
faire un lieu d’exposition à tous les effets. Pour cela nous travaillons sur
deux fronts.
Premièrement, nous sommes en train de restaurer tout le bâtiment pour le
ramener le plus possible à sa forme originale. Il faut tenir compte du fait
qu’à l’intérieur nous avons un appartement privé, un magasin, une église et la
maison du prêtre. L’espace présente donc divers temps de construction et nous
voulons tous les montrer. Ainsi nous avons fait appel à des restaurateurs et
des chercheurs pour qu’ils puissent nous dire ce qui est vraiment de cette
époque, par exemple pour les vernis, l’éclairage ou les parements sacrés et les
tapis de l’autel.
On ne doit pas oublier non plus que cet édifice renferme plusieurs périodes
historiques. Nous sommes donc allés à la recherche d’artisans qui produiraient
encore des objets de ce style pour pouvoir en faire des répliques. Les espaces
du musée ont doc été ramenés à leur aspect des origines jusque dans le plus
petit détail. Le visiteur peut revivre l’atmosphère d’une demeure privée du
XVIIe siècle et d’une église du XIXe siècle, date de sa dernière utilisation :
les couleurs, la lumière et les décors reflètent fidèlement les différentes
époques.
En même temps, on travaille à l’édifice historique juste à côté du musée,
de l’autre partie de la ruelle, qui a été acheté il y a 15 ans et sera bientôt
transformé en espaces pour organiser des expositions et parcours didactiques.
Les deux bâtiments seront reliés de manière souterraine, et très probablement
déjà à partir de l’année prochaine « Ons’
Lieve Heer op Solder » sera entièrement consacré aux expositions et
reprendra ainsi complètement sa fonction des origines: une splendide demeure
historique avec une incroyable surprise : une église cachée dans le
grenier!
Y a-t-il un élément historique et architectural particulier à souligner ?
Tout le bâtiment est très particulier. Déjà la demeure historique,
merveilleusement conservée, vaudrait la peine d’une visite, puis dans le salon
on trouve une collection de tableaux importants datant du XVIe et XVIIe siècle.
Tandis qu’une des œuvres les plus intéressantes se trouve dans la Chapelle de
la Vierge, qui a été ramenée le plus possible à son éclat d’antan. Il s’agit
d’une peinture à huile de Dirck de Bray - « Nature
morte avec les symboles de la Vierge Marie » - qui, en même temps qu’une
petite statue en bois datant de la fin du XVIIe siècle, provenant du sud des
Pays-Bas, et de récente restauration, a retrouvé sa place d’honneur à l’intérieur
de la chapelle, comme on pense que cela devait être le cas à l’origine.
À propos d’objets de grande valeur, nous pourrions citer aussi la
collection d’anciens livres, missels et manuscrits appartenant au musée.
On y trouve aussi une curiosité : une petite boîte en argent datant de
la moitié du XVIIe siècle qui était utilisée pour conserver de la terre
consacrée et qui était enterrée avec le défunt à l’époque où il était interdit
aux catholiques d’être enterrés dans des cimetières consacrés.
Enfin, la dernière surprise, on l’a avec l’autel où, à l’intérieur de la
colonne latérale, grâce à un système d’encastrement ingénieux, on a la
possibilité d’extraire un pupitre duquel le prêtre pouvait proclamer la Parole
de Dieu et annoncer la bonne nouvelle en étant parfaitement audible à tous.
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