QUE PROPOSE L'ÉGLISE
POUR ÉVITER LES PARADIS FISCAUX
Alors que l'affaire Cahuzac
a placé la question des paradis fiscaux sur le devant de la scène, Jean Merckaert propose de mettre fin au mensonge économique et
invite chaque chrétien à se questionner personnellement.
"Les
principes fondamentaux de la pensée sociale de l'Église légitimement un
discours fort sur le sujet des paradis fiscaux, par le principe du bien commun,
l'idée de destination universelle des biens, selon laquelle les richesses de la
création ne sont pas destinées à être confisquées par quelques-uns mais doivent
bénéficier à tous. D'ailleurs, cette pensée sociale légitime le principe même
de l'impôt. Benoît XVI, par exemple, a souvent regretté la concurrence à
laquelle se livrent les États en matière fiscale.
Les
chrétiens sont particulièrement en pointe contre les paradis fiscaux. Une
brochure "Au service du bien commun,
les chrétiens s'engagent pour plus de justice sociale" a été publiée
en octobre 2011 par Justice et Paix-France, le CCFD-Terre solidaire, le
Secours catholique et le Ceras. Mgr Michel Dubost, ancien président de Justice et Paix, a organisé
dans son diocèse d'Évry une série de débats pour sensibiliser les chrétiens à
la question (La Croix du 23 janvier
2012).
Les
paradis fiscaux sont des lieux pour contourner nos lois : en matière
fiscale, en matière de prudence financière, ou nos lois pénales. On y retrouve
l'argent de la corruption, des marchés publics truqués, du financement occulte
de partis politiques, de la drogue, de mafias, etc. Ce contournement de la loi
est insupportable pour les chrétiens, puisque ceux qui la contournent sont les
acteurs qui ont les moyens de se payer l'opacité : les individus les plus
riches et les plus grandes entreprises.
Nous
aboutissons à un gigantesque mensonge économique. Pour en finir, il faut passer
les comptes des entreprises au détecteur de mensonges, c'est-à-dire obliger les
entreprises à déclarer, dans chacun des pays où elles opèrent, la nature de
leurs activités, leurs chiffres d'affaires, les bénéfices dégagés et les impôts
versés. L'autre volet d'action consiste à obtenir des informations grâce aux
intermédiaires.
Il
faut également durcir les sanctions. Le vol de recettes publiques ne donne
quasiment jamais lieu à des peines de prison. Une forme de criminalité en col
blanc est normalisée. Or, une dimension éthique entre en jeu : derrière
l'impôt, c'est le pacte social qui se joue. À partir du moment où l'exemple est
donné -l'évitement de la contribution au bien commun-, le risque d'explosion
est extrêmement fort.
En
tant que chrétiens, nous avons une responsabilité particulière dans la prise en
compte de ces questions, non seulement sous l'angle de la légalité mais sous
celui de la légitimité. Certaines professions, exercées aussi par des
chrétiens, traversent une vraie crise déontologique : banquiers, experts-comptables,
agents d'optimisation fiscale, directeurs financiers de certaines grandes
entreprises.
Devant
sa feuille d'impôt, chacun doit se poser la question de sa propre attitude. Les
chrétiens se sont fait une spécialité du paradis. Le paradis fiscal, ils
doivent en claquer la porte."
Jean Merckaert
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