DOCUMENT
FAISANT PARTIE DES MINUTES
DU
PROCÈS EN CANONISATION
DE
PADRE PIO
Cher
Père,
Vous m’avez demandé un résumé écrit au sujet
de l’évidente protection dont j’ai été l’objet en Août 1958, pendant la guerre
d’Algérie.
J’étais, à ce moment-là, au service de santé des armées. J’avais
remarqué qu’à chaque moment important de ma vie, Padre Pio qui m’avait pris en
1955 comme fils spirituel, me faisait parvenir une carte m’assurant de sa
prière et de son soutien. Tel fut le cas avant mon examen de l’Université
Grégorienne de Rome, tel fut le cas au moment de mon départ à l’Armée, tel fut
le cas au moment où je dus rejoindre les combattants d’Algérie.
Un soir, un commando F.L.N. (Front de Libération Nationale Algérienne)
attaqua notre village et je fus bientôt maîtrisé et mis devant une porte avec
cinq autres militaires et là, nous fûmes fusillés. Je me souviens que je n’ai
pensé ni à mon père, ni à ma mère dont j’étais pourtant le fils unique mais
j’éprouvais seulement une grande joie car « j’allais voir ce qu’il y a de
l’autre côté ». J’avais reçu, le matin même, une carte de la part de Padre
Pio avec deux lignes manuscrites : « La vie est une lutte
mais elle conduit à la lumière » (souligné deux et trois fois).
Immédiatement, je fis l’expérience de la dé-corporation. Je vis mon
corps à côté de moi-même, couché et sanglant au milieu de mes camarades tués,
eux aussi. Et je commençai une ascension curieuse dans une sorte de tunnel. De
la nuée qui m’entourait, émergeait des visages connus et inconnus. Au début,
ces visages étaient sombres ; il s’agissait de gens peu recommandables,
pécheurs, peu vertueux. À mesure que je montais, les visages rencontrés
devenaient plus lumineux.
Je m’étonnais de ce que je pouvais marcher… et je me dis que, pour moi,
j’étais hors du temps, donc déjà ressuscité… Je m’étonnais de voir tout autour
de ma tête sans me retourner… Je m’étonnais de n’avoir rien ressenti des
blessures occasionnées par les balles de fusils… et je compris qu’elles étaient
entrées dans mon corps tellement vite que j’avais pu ne rien sentir.
Subitement, ma pensée s’envola vers mes parents. Immédiatement, je me
suis trouvé chez moi, à Annecy, dans la chambre de mes parents que je vis
dormir. J’essayais de leur parler, sans succès. J’ai visité l’appartement
notant le changement de place d’un meuble. Plusieurs jours après, écrivant à ma
mère, je lui ai demandé pourquoi elle avait déplacé ce meuble. Elle m’écrivit
en réponse : « Comment le sais-tu ? ».
J’ai pensé au Pape Pie XII que je connaissais bien (j’étais
étudiant à Rome) et, de suite, je me suis trouvé dans sa chambre. Il venait de
se mettre au lit. Nous avons parlé par échange de pensées, car c’était un grand
spirituel.
J’ai continué mon ascension jusqu’au moment où je me suis trouvé dans un
paysage merveilleux, enveloppé d’une lumière bleutée et douce… Il n’y avait
pourtant pas de soleil « car le Seigneur est leur lumière… » comme dit l’Apocalypse. J’ai vu là des milliers de
personnes, toutes à l’âge de trente ans à peu près, mais j’en rencontrais
quelques unes que je connaissais de leur vivant… Telle était morte à 80 ans…
et elle semblait en avoir 30…telle autre était morte à 2 ans…et elles
avaient le même âge…
J’ai quitté ce « paradis » plein de fleurs extraordinaires et
inconnues ici-bas. Et je suis monté encore plus haut...Là, j’ai perdu ma nature
d’homme et je suis devenu une « goutte de lumière »
Je vis beaucoup d’autres « gouttes de lumière » et je savais
que telle était Saint Pierre, telle autre Paul ou Jean ou un apôtre, ou tel
saint…
Puis je vis Marie, merveilleusement belle dans son manteau de lumière,
qui m’accueillait avec un sourire indicible… Derrière elle, il y avait Jésus,
merveilleusement beau, et derrière, une zone de lumière dont je savais qu’elle
était le Père, dans laquelle je me suis plongé…
J’ai ressenti là l’assouvissement total de tout ce que je pouvais
désirer…J’ai connu le bonheur parfait…et brusquement, je me suis retrouvé sur
terre, le visage dans la poussière, au milieu des corps sanglants de mes
camarades.
Je me suis rendu compte que la porte devant laquelle je me trouvais,
était criblée par les balles qui m’avaient traversé le corps, que mon vêtement
était percé et plein de sang, que ma poitrine et mon dos étaient maculés de
sang à moitié séché, un peu visqueux …mais que j’étais intact. Je suis allé
voir le commandant dans cette tenue. Il vint à moi et cria au miracle. C’était
le commandant Cazelle, aujourd’hui décédé.
Cette expérience m’a beaucoup marqué, on s’en doute. Mais lorsque,
libéré de l’Armée, je me rendis auprès de Padre Pio, celui-ci m’aperçut de loin
dans le salon Saint-François. Il me fit signe de m’approcher et me donna, comme
d’habitude, un petit signe d’affection. Puis il me dit ces simples mots :
« Oh ! que tu as pu me faire courir,
toi ! Mais ce que tu as vu, c’était très beau ! ». Et il borna
là son explication.
On comprend maintenant pourquoi je n’ai plus peur de la mort… puisque je
sais ce qu’il y a de l’autre côté.
Père Jean Derobert
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Ce
document fait partie des minutes du procès en canonisation de Padre Pio.
Cette
lettre nous avait été donnée à condition de ne pas la faire connaître, c’était
avant sa canonisation.
Maintenant
qu’elle est publiée, nous vous la transmettons. Merci au lecteur qui nous l’a
remémorée.
Ce 2 mai
est le 13ème anniversaire de sa béatification.
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