La
Vierge Marie et le P. Guérin à Pontmain, par le P. Court
Un Curé lié
« à la vie, à la mort » à ses paroissiens
Propos recueillis par
Anita Bourdin
ROME,
mardi 29 mai 2012 (ZENIT.org) – À
l’occasion du mois de mai, le P. Pierre Court, Oblat de Marie Immaculée et
chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Pontmain rappelle les événements de
1871 et il souligne leur actualité.
C’est
aussi aujourd’hui 29 mai, l’anniversaire de la mort de Michel Guérin, premier
et extraordinaire Curé de Pontmain, dont le ministère a en quelque sorte
préparé la « visite » de Marie : il avait « la trempe d’un
missionnaire lié "à la vie, à la mort" - comme il le dit - à ses
paroissiens », explique le P. Court.
Zenit
- Quelle est votre mission spécifique à Pontmain comme Oblat de Marie Immaculée ?
P.
Pierre Court - Ma mission en ce lieu est d’être au service des pèlerins, pour
qu’ils découvrent le beau message d’espérance que Marie donne à Pontmain. Avec
des Sœurs du Christ Rédempteur (de Rillé, près de Fougères), des Sœurs Amantes de
la Croix (vietnamiennes), 8 laïcs salariés et plus de 80 bénévoles,
nous nous efforçons de faire de ce sanctuaire un lieu où l’on prie et où l'on
peut se ressourcer.
Comment
est-ce que votre congrégation est arrivée en ce lieu ?
L’Apparition
de la Vierge Marie à Pontmain a eu lieu en 1871 et a été reconnue
officiellement en 1872 par Mgr Wicart, premier évêque de Laval. Or, avant de
venir à Laval, Mgr Wicart était dans le diocèse de Fréjus-Toulon, où il avait
connu Mgr Eugène de Mazenod (canonisé en 1995), évêque de Marseille, et
fondateur des Missionnaires Oblats de Marie, qui œuvraient pour
l’évangélisation des campagnes par des missions paroissiales, et servaient dans
quelques sanctuaires mariaux. Mgr Wicart a donc fait appel aux Oblats de Marie
pour venir organiser les pèlerinages déjà nombreux à Pontmain, et construire
une basilique. Les Oblats ont fait connaître le message de Pontmain lors de
missions paroissiales, dans tout l’Ouest de la France, et bien au-delà, dans
les pays de mission où ils partaient. Ils ont servi le sanctuaire de Pontmain
jusqu’en 1903, date de l’expulsion des religieux hors de France. Le clergé
diocésain les a remplacés, jusqu’en 1999, date à laquelle l’actuel évêque de
Laval a confié à nouveau le service du sanctuaire aux Oblats de Marie. Depuis
ce temps, le Recteur Oblat du sanctuaire est le P. Bernard Dullier.
Pourquoi
la Vierge Marie s'est-elle manifestée à la date du 17 janvier 1871 ?
En
1871, les paroissiens de Pontmain se sont découragés et ont mis en doute
l’efficacité de la prière. Le dimanche 15 janvier, ils ont confié à leur Curé,
le P. Michel Guérin : « Monsieur le Curé, on a beau prier, Dieu ne
nous écoute pas ! ». Et c’est pour cela que le ciel s’est ouvert le
mardi 17, « le 3ème jour » ! On sait que dans l’Écriture, le 3ème
jour est le Jour de l’intervention de Dieu (les références sont nombreuses), ce
qui nous fait dire dans le Credo que Jésus est ressuscité des morts « le 3ème
jour, conformément aux Écritures ». Quand le cri de détresse et de
désespérance est très fort, et que malgré tout on « prie » quand-même
ne serait-ce qu’avec ce cri, alors Dieu intervient. Les habitants de Pontmain,
mine de rien, étaient des sacrés priants quand même ! Et le soir de
l’Apparition, l’Esprit-Saint comblait leur cœur : ils dormirent tous dans
la paix, alors qu’ils ne savaient pas que la guerre s’arrêterait une dizaine de
jours plus tard et que leurs enfants reviendraient tous saufs. L’espérance, que
Dieu seul donne, certainement avec la prière de Marie, leur apportait la Paix
pascale.
Quel
est le message de la Vierge Marie à Pontmain ?
Marie
est venue rappeler l’amour miséricordieux de Dieu pour les hommes : le
crucifix rouge de Jésus-Christ que présente Marie nous redit la Bonne Nouvelle
de l’Amour de Dieu pour les hommes, avec la promesse de participer à la
victoire du Christ, à sa Croix Glorieuse, comme le disent aussi les 2 Croix
apparues sur les épaules de Marie à la fin de l’Apparition.
Le
message qui s’est écrit aux pieds de la Vierge, en lettres d’OR, est celui-ci :
"PRIEZ
MES ENFANTS DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS".
Et en-dessous, en lettres d’OR soulignées : "MON FILS SE LAISSE TOUCHER" (sans
point final !)
Marie
n’a pas parlé, mais son attitude fait partie aussi du message : sourire -
presque pendant tout le temps de l’Apparition - ,
gestes, regards, tristesse lors de la présentation de la Croix. Pendant plus
d’une heure, elle a attendu patiemment, et en souriant, que la communauté se
rassemble. Elle a participé à la prière de la petite communauté paroissiale
rassemblée devant elle, avec son Curé, l’abbé Michel Guérin.
Le
message est évangélisateur.
À qui l’a-t-elle confié ?
Aux
enfants, puisque seuls des enfants ont vu. Mais les grandes personnes ont vu
aussi les 3 grosses étoiles qui entouraient l’ovale dans lequel était la
Sainte Vierge. En fait le message est confié, délivré à la communauté
paroissiale qui était rassemblée avec son Curé. Le message est venu confirmer
ce que le P. Michel Guérin leur disait toujours. Ce message est maintenant
confié à l’Église, puisque l’Apparition a été reconnue comme authentique en
1872. Il est confié à l’Église de Laval qui a la charge du sanctuaire.
Quel
rôle a eu le Curé, Michel Guérin, « en amont » de l’Apparition ?
Coïncidence :
je réponds à cette question aujourd’hui, 29 mai, jour anniversaire de la
mort de Michel Guérin !
La
servante du P. Guérin disait : « C’est grâce à lui que la Sainte
Vierge nous a fait l’honneur de sa visite ». Ce saint homme, ce saint
prêtre avait « préparé » cette Apparition. Entièrement dévoué à son
« petit peuple » qui était abandonné dans ce pauvre hameau, il avait
éveillé en chaque famille un grand amour pour la Sainte Vierge. Le plus sûr
moyen d’aller au Christ Sauveur est de passer par Marie, sa Mère, notre Mère,
selon la spiritualité de Saint-Louis-Marie Grignon de Montfort : « À Jésus par Marie ».
Chaque jour, on disait le chapelet en famille. Et quand les moments difficiles
sont arrivés - épidémies, guerre perdue car l’armée est française était en
déroute, et on pensait au pire pour les 38 jeunes de Pontmain partis à la
guerre -, le père Guérin n’a jamais douté de la protection de la Sainte Vierge,
et chaque dimanche après les vêpres, la communauté chantait « Mère de
l’Espérance » à la Vierge pour les 38 jeunes partis sous les drapeaux !
Quelle
émotion pour lui quand tous ont été sûrs que c’était bien Marie qui était là
devant eux, dans le ciel, au-dessus de la maison Guidecoq, et surtout quand les
mots « mon fils » se sont inscrits en 2ème ligne du message !
Pas de doute, elle venait redire ce que ce saint prêtre disait ; elle
venait réconforter cette communauté souffrante comme lui-même n’avait cessé de
le faire depuis plusieurs décennies.
Le
rôle du P. Michel Guérin est capital dans cette Apparition. Mais il y aurait
tellement à dire sur ce prêtre, qui comme le Seigneur de l’Évangile se
préoccupait autant des corps que des âmes ! Impressionnante est la liste
de tout ce qu’il a fait pour ce petit hameau et par ses « petites
gens » elles-mêmes et pour les sœurs qu’il a fait venir :
reconstruire l’église, l’agrandir, construire une école, un petit centre de
soins, un bureau de tabac où l’on trouvait le papier timbré, une boîte à
lettres, amélioration des chemins et des routes, créations de bureaux de
bienfaisance pour les pauvres et les malades, etc. … Michel Guérin avait la
trempe d’un missionnaire lié « à la vie, à la mort » - comme il le
dit - à ses paroissiens. Il collaborait avec ses gens qu’il savait féliciter
pour leurs travaux généreux ; tout ce qui concernait la gestion et
l’argent était dans les mains de laïcs (conseil de fabrique)…
On
fête, avec le Cœur du Christ, le 15 juin, la Journée pour la sanctification des
prêtres : que dit le P. Guérin pour la sainteté sacerdotale aujourd’hui ?
Si
beaucoup souhaitent la canonisation de Michel Guérin, c’est bien parce qu’ils
reconnaissent en lui la Sainteté de Dieu qui l’emplissait et le mettait au
service de sa communauté. Il faudrait dire beaucoup pour répondre à cette
question.
Il
a été un homme de prière, de foi intrépide, avec une absolue confiance en Dieu
et en la Vierge Marie, usant ses forces pour ce qu’il entreprenait mais faisant
confiance en même temps à Dieu pour l’aboutissement de ce qui était entrepris,
se battant pour son « petit peuple » avec « l’obstination des
doux », se moquant des honneurs, refusant un bon poste pour revendiquer
d’aller avec les plus pauvres, soucieux d’avoir une belle église avant d’avoir
une maison décente et confortable pour lui-même, connaissant tous ses
« paroissiens », médecin des âmes et des corps.
Pour
la sainteté sacerdotale d’aujourd’hui, il dit l’essentiel, ce que Jésus a fait
avant de mourir quand il a lavé les pieds de ses disciples : il s’est mis
au rang des ignorants, des délaissés. Car Pontmain était un hameau au bout du
département qui n’intéressait ni l’Administration, ni l’Église : l’évêque
acceptera difficilement que Pontmain soit une vraie paroisse ! Si les
prêtres sont des hommes de prière, humbles, des apôtres, allant aux plus
abandonnés, luttant avec eux pour défendre leur dignité, ne cherchant pas les
belles places, connaissant et visitant les personnes et les familles,
collaborant avec les laïcs, … à coup sûr la sainteté qui vient de Dieu seul
sera en eux, et rayonnera.
Malgré
les rudes difficultés de la vie de l’époque, le P. Michel Guérin a « eu la
chance » de pouvoir se dévouer à une partie de la population dans un
service « à taille humaine » : un prêtre pour 400 habitants,
vivant au milieu d’eux ! Une situation qui peut faire rêver les prêtres
d’aujourd’hui !
On
est loin de la souffrance des prêtres d’aujourd’hui qui ont à
« gérer » des dizaines de « clochers » en faisant beaucoup
de kilomètres ! … et qui risquent de perdre « souffle ».
Les
premiers pas pour aller vers la béatification de Michel Guérin ont été faits
par les diocèses de Laval et du Mans. Quand le P. Guérin a été nommé à la
paroisse de Saint-Ellier du Maine, située à 5 kms de Pontmain, le diocèse
de Laval n’était pas créé. L’évêque est au Mans.
Avez-vous
quelque projet pour la fête de l’Apparition, le 17 janvier 2013, en l’année de
la Foi ?
Nous
n’y avons pas encore pensé. Par contre nous avons pensé il y a quelques mois
prendre un thème pour chaque année, thème sur lequel nous insisterions auprès
des pèlerins, dans les conférences, dans la Revue Notre-Dame de la Prière …
Pour 2013, comme le désire le Pape, le thème sera tout trouvé !
Notre-Dame
de Pontmain est-elle connue dans le monde ?
Notre-Dame
de Pontmain est connue et priée dans divers endroits du monde grâce aux
Missionnaires Oblats français qui ont été missionnaires dans diverses régions
du monde.
Je
note entre autres le diocèse de Long Xueng au Sud Vietnam, placé sous sa
protection comme Notre-Dame de la Paix ; On y trouve la plus grande
représentation de la Vierge de Pontmain (8 m), sur la façade de la
cathédrale.
Depuis
quelques années, à Bechwat, au Liban (plaine de la Bekaa) plus d’un million de
pèlerins, chrétiens et musulmans confondus, viennent prier devant une statue de
Notre-Dame de Pontmain qui aurait fait des signes à un enfant musulman
jordanien venu prier avec son papa dans la chapelle où elle est.
Quel
autre fruit de l’Apparition voudriez-vous mentionner ?
Il
est intéressant aussi de voir ce que sont devenus les enfants voyants : un
des voyants, Joseph Barbedette, est devenu Oblat de Marie Immaculée.
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