Il est celui qui
a « demeuré » dans ce monde le plus longtemps, de longues années,
après le martyre de Philippe au Pont en 81, jusqu'au règne de Trajan, à en
croire Saint Irénée ou Saint Jérôme, il est le dernier Apôtre vivant.
Il est encore le
seul à ne pas mourir martyr, au mystérieux destin évoqué par Jésus lui -même
devant Pierre: « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que
t'importe ? ». Il est celui qui a reçu l'extraordinaire révélation de
l'Apocalypse, le seul qui ait révélé dans ses Epitres que « Dieu est amour ». Il est enfin celui qui a composé un
Prologue et un Evangile d'une hauteur de vue tout à fait singulière.
Comment peut-on
expliquer ce destin absolument extraordinaire ? La nature du secret de
Saint Jean est à chercher dans ce qu'il
a été confié comme fils à la Vierge Marie et qu'il la prit ainsi « chez lui »
de la Croix à l'Assomption pendant sans doute une vingtaine d'années !
Il
est celui qui a « demeuré » dans ce monde le plus longtemps, de longues
années, après le martyre de Philippe au Pont en 81, jusqu'au règne de Trajan, à
en croire Saint Irénée ou Saint Jérôme, il est le dernier Apôtre vivant.
(II) En mettant en perspective la vie de Saint Jean, les
grâces et les privilèges qu'il a reçus se font jour et nous éclairent sur la qualité d' « aigle »
que la Tradition reconnaît en lui. Jean a été d'abord disciple de
Jean-Baptiste, puis disciple de Jésus pendant 3 ans, puis il a passé une
vingtaine d'années seul avec la Vierge Marie, la mère de mémoire, qui l'a aidé
à mûrir cet Evangile étonnant de clairvoyance et de précision, qu'il va ensuite
enseigner oralement pendant 40 ans, avant de recevoir la grande révélation de
l'Apocalypse qui lui donnera alors une vision plus aiguisée du mystère du
Christ à travers la méditation de l'Incarnation, méditation que Saint Jean
creusa pendant de longues années avec la Vierge Marie.
Le Pape Jean Paul
II a très souvent insisté sur ce moment si important où Jésus va confier à sa
Mère ce disciple qu'il aimait et qui l'aimait tellement, et dans lequel chaque
disciple du Christ est invité à se reconnaître : « Le nom du disciple
était Jean. C'est précisément lui, Jean, fils de Zébédée, apôtre et
évangéliste, qui entendit les paroles du Christ venant du haut de la Croix :
« Voici ta mère ». Auparavant,
le Christ avait dit à sa Mère : « Femme,
voici ton Fils ». C'était là un testament admirable.
En quittant ce
monde, le Christ donna à la Mère un homme qui serait pour elle comme un fils :
Jean. Il le lui confia. Et par la suite de ce don, de cette remise entre ses
mains, Marie devint la mère de Jean. La mère de Dieu est devenue la mère de
l'homme.
À partir de cette
heure-là, Jean la « prit chez
lui » et il devint sur terre le gardien de la Mère de son Maître ;
c'est en effet pour des enfants un droit et un devoir de prendre soin de leur
mère. Mais Jean devient surtout, par la volonté du Christ, le fils de la Mère
de Dieu. Et à travers Jean, tout homme devint son fils à elle.
Jean-Paul II : Homélie de la messe du 13 mai 1982 à Fatima
On peut
facilement s'imaginer le petit Jean s'émerveillant de la beauté de la nature,
et se demandant très jeune qui peut être l'Auteur de tant de merveilles. Son
père, Zébédée, est, selon l'Evangile, responsable
d'une petite entreprise de pêche, propriétaire de ses barques, et faisant
travailler quelques ouvriers. Le poisson est péché puis vendu à
Capharnaüm, ou séché puis transporté pour être vendu dans la Décapole par André
et Philippe qui parlent grec et à Jérusalem, où le bon poisson de Galilée est
particulièrement apprécié, par Jacques et Jean.
Il est fort
probable qu'à partir de 12 ou 13 ans, Jean se rend régulièrement à Jérusalem,
en suivant son grand frère Jacques, pour les affaires de son père ou pour les
fêtes de pèlerinage. Jean, spécialement attiré par les choses de Dieu, a
vraisemblablement fréquenté les impressionnants maîtres de l'époque : le
notable Schammaï, le grand Hillel, et son neveu Gamaliel, déjà enseignant
renommé.
Au témoignage de
l'Evangile, Jean connait très bien la ville, les fêtes et même l'entourage du
grand Prêtre (Jn 18,15-16). C'est sur la route de la Cité Sainte lors d'un de
ses voyages que Jean adolescent rencontre Jean-Baptiste. Il trouve en lui
quelqu'un de plus extraordinaire et de plus fascinant encore que tous les
maîtres du Temple. Il devient rapidement son disciple, avec son frère Jacques,
et quelques amis pécheurs : André et son frère Pierre, Philippe et
Nathanaël.
De 24 à 27
environ, ce groupe sera disciple de Jean le Baptiste jusqu'à ce que celui-ci
leur désigne Jésus, comme « l'Agneau
de Dieu qui enlève le péché du monde ». Cet évènement scelle la vie de
Jean à tout jamais, il le placera centre de son Evangile et du livre de l'Apocalypse.
(IV) De 27 à 30, Jean passera 3 ans à suivre le Christ et
à recevoir avec la fraîcheur de son âme pure et enfantine l'enseignement du Maître
divin. Il deviendra le « bien-aimé »,
le disciple « préféré ».
Cette expression de la Tradition orientale désigne le disciple qui pénètre plus
profondément la pensée du Maître et qui peut la restituer avec les mots même du
Maître.
Son imitation du
Maître et son amour sont si fort qu'il sera le seul Apôtre présent au pied de
la Croix, à l'heure des ténèbres qui a dispersé tous les autres : « Marie, la Mère du Seigneur, était
debout devant la Croix de son Fils ; nul autre ne me l'a dit que Saint
Jean l'évangéliste. Jean m'a appris comment Jésus sur la Croix a appelé sa
Mère. C'est le Testament du Christ en
Croix, et Jean y apposait sa signature, digne témoin d'un si grand
testateur. Testament précieux qui lègue non de l'argent mais la vie éternelle ;
qui est écrit non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant. Et tandis
que les Apôtres étaient en fuite, Marie se tenait debout au pied de la Croix,
et de ses yeux maternels, elle contemplait les blessures de son Fils. Elle en attendait non la mort de son bien-aimé,
mais le salut du monde. » (Saint Ambroise de Milan +397).
« Dans la
personne de Jean, comme l'Eglise l'a toujours cru, explique Léon XIII, le
Christ désigna celle du genre humain, de ceux surtout qui croiraient en
lui ».
(V) Après l'Ascension de Jésus, Jean restera avec Marie
pendant une vingtaine d'année. De 30 à 36, après la Pentecôte, Jean, qui n'a
que 20 ans, est très proche de Pierre, qu'il seconde lors de la première
évangélisation de Jérusalem, comme on le voit dans les Actes des Apôtres, en
restant silencieux, comme son caractère et son jeune âge l'y inclinent, jusqu'à
ce que la persécution qui suit la révocation de Ponce Pilate oblige les Apôtres
à s'en aller.
C'est
certainement dès 37 que Jean part avec la Vierge Marie pour s'établir à Ephèse,
comme en témoigne une tradition locale solide, rappelée en 431 par la lettre
officielle que les Pères du Concile d'Ephèse envoyèrent à Nestorius. Toutefois,
ce ne sera pas Jean et Marie qui fonderont l'Eglise à Ephèse mais Paul, qui le
fera 17 ans plus tard lorsqu'il viendra pour 2 ans sur place.
Alors que tous
les Apôtres mettent à profit la dispersion pour fonder des Eglises et répandre
la Bonne Parole, Jean et Marie restent discrets, à l'écart. Comment se
l'expliquer ? Il semble que Jean et Marie aient inauguré à Ephèse un genre
de vie nouveau, sans apostolat direct, dans le silence et la prière. En
reprenant les termes de l'Apocalypse, « la
Femme poursuivie par le Dragon s'est enfuie au désert où Dieu lui a préparé une
place » et, c'est dans ce désert de la vie cachée que Dieu va la
nourrir pendant quelques années.
Jésus à confié
Jean à la Vierge Marie pour qu'il soit comme son fils et la Vierge obéissante
va lui faire vivre à Ephèse ce qu'elle a fait vivre à Jésus à Nazareth, en le
faisant grandir de la même manière, comme pendant les 30 années de vie cachée à
Nazareth. La « Maison de Marie » à
Ephèse constitue en quelque sorte le premier monastère où Jean va
prendre le temps d'approfondir puissamment le mystère du Christ, avec Marie,
dans une vie de silence, de prière et de contemplation. Ce temps de désert aura
une immense postérité dans l'Eglise mariale, l'Eglise des religieux et
religieuses, centrée sur la vie de prière, la contemplation et
l'approfondissement du mystère du Christ, loin du monde, dans le silence d'une
vie cachée comme l'écho de ce qu'ont vécu Marie et Jean.
Les premiers moines appelaient Jean leur
« père », comme un disciple d'Evagre le Pontique le mentionne, et
Epiphane de Salamine confirme qu'ils se réunissaient « pour imiter la vie de Marie et Jean à Ephèse » (règle
monastique des Agapètes). Par la suite, Saint Augustin et beaucoup d'autres
verront en Saint Jean le modèle de la vie contemplative : « Jean est à l'origine de notre plus
haute spiritualité. Comme lui, les "silencieux" connaissent ce
mystérieux échange de cœurs, invoquent la présence de Jean et leur cœur
s'enflamme »
(Athënagoras, Patriarche œcuménique de Constantinople).
(VI) La découverte de "Meryem Ana", la "Maison de
la Vierge" à Ephèse suite aux visions d'Anne-Catherine Emmerich eut
lieu sous le pontificat de Léon XIII (1878-1903). Informé de la chose, il manifesta
ouvertement sa satisfaction, et Pie X, Benoit XV, Pie XI s'intéressèrent
beaucoup à cette découverte. Paul VI, Jean-Paul II et Benoit XVI ont depuis
fait pèlerinage sur place, indiquant que la vie contemplative de Jean auprès de
la Vierge Marie à Ephèse est d'une certaine manière un modèle pour tous :
« le Saint Esprit guide les efforts de l'Eglise, l'engageant à adopter le
même comportement que Marie. Dans le récit de la naissance de Jésus, Luc note
que sa mère « conservait toutes ces
choses, les méditant dans son cœur », s'efforçant donc de « mettre ensemble » (en grec :
Symballousa), avec un regard plus profond, tous les événements dont elle avait
été le témoin privilégié.
De façon
analogue, le peuple de Dieu est lui aussi poussé par le même Esprit à
comprendre en profondeur tout ce qui est dit de Marie, pour progresser dans
l'intelligence de sa mission intimement liée aux mystères du Christ. Le mystère
de Marie engage chaque chrétien, en communion avec l'Eglise, à méditer dans son
cœur ce que la révélation évangélique affirme de la mère du Christ. »
(Jean-Paul II). Curieusement, c'est à Ephèse qu'Héraclite 480 av JC) a conçu et
popularisé la notion de Logos, et où Jean, certainement composera, avec Marie,
le Prologue de son Evangile, et le reste de son enseignement centré autour du
mystère de l'Incarnation - que la Vierge Marie lui aura permis de découvrir en
profondeur Dès lors Jean n'aura de cesse que de vouloir transmettre l'ineffable
richesse qu'il venait de recevoir là.
D'après Jean-Paul II : Catéchèse 8 novembre 1995
(VII) Après la fin de la persécution, les Apôtres
essayeront de se retrouver à Jérusalem, vers 41, mais Jacques de Zébédée, frère
de Jean, sera arrêté sans que personne ne s'y attende et décapité par Hérode
Agrippa. Le frère de Jean est le premier Apôtre à donner le témoignage du sang.
Cet évènement marquera Jean, à qui Jésus avait aussi promis « ma coupe, vous y boirez ».
Les Apôtres
finiront par se retrouver en 48 puis vers 49 avec Paul, pour ce qu'on appelle
le « Concile de Jérusalem »,
réunion au cours de laquelle sera définie la doctrine sur la circoncision et
seront relus et vérifiés les Evangiles. C'est sans doute à ce moment là, que la
Vierge Marie en présence de Jean, aura transmis à Luc les Evangiles de
l'enfance, les paraboles de la Miséricorde et le récit de la Passion, avant de
rejoindre son Fils Jésus au Ciel par son Assomption quelques temps après.
Jean-Paul II
explique ainsi que « les premières communautés chrétiennes elles-mêmes ont
recueilli les souvenirs de Marie sur les circonstances mystérieuses de la
conception et de la naissance du Sauveur. En particulier, le récit de
l'Annonciation répond au désir des disciples de connaître de façon plus
approfondie les événements ayant trait au début de la vie terrestre du Christ
ressuscité.
Marie est, en dernière analyse, à l'origine de la révélation sur le mystère de la conception virginale par l'opération de l'Esprit Saint. Cette vérité, qui démontre l'origine divine de Jésus, a été immédiatement saisie par les premiers chrétiens dans sa dimension importante, est inscrit au nombre des affirmations clés de leur foi »
Jean-Paul II : Catéchèse du 13 septembre 1995
D'après Tertullien : « La prescription des
hérétiques » chap. 36 - P.L. II, 59
Si certains
exégètes modernes doutent de l'attribution de l'Apocalypse à Jean, la
Tradition (Justin, Irénée, Jérôme, Clément, etc.) est unanime et les petites
discussions qui ont pu exister à ce sujet au IV° siècle ont été closes par le
Concile de Tolède qui conclut en 633 : « L'autorité de beaucoup de
conciles et les décrets synodiques des saints évêques romains établissent que
le livre de l'Apocalypse est de Jean l'Evangéliste et statuent qu'il doit être
rangé au nombre des divins Livres. Or, il en est beaucoup qui ne reçoivent pas
son autorité et refusent de la proclamer dans l'Eglise de Dieu. Si quelqu'un
désormais ne la reçoit pas et ne la reconnaît pas publiquement dans l'Eglise au
temps des messes entre Pâques et Pentecôte, il sera frappé d'une sentence
d'excommunication. » (ch
17, Dnz 486).
Dès lors, et
jusqu'au XIX° siècle, la Tradition a été absolument unanime dans toutes les
Eglises apostoliques comme sur place, dans l'île de Patmos. Jean retournera
ensuite à Ephèse, et ce sera même sa période la plus active sur le plan
apostolique, selon les Apocryphes (Actes de Jean, Actes de Prochore).
Jean publiera
finalement en grec avec son scribe Prochore la substance affinée de son
enseignement oral, et ce sera l'Evangile spirituel, entièrement centré autour
du mystère de l'Incarnation du Verbe, manifestant pleinement la divinité du
Christ.
« L'acuité
de son intelligence spirituelle fait comparer l'Apôtre Saint Jean à un aigle (...) l'Apôtre
parle de la divinité du Seigneur comme nul n'en a jamais parlé. Il rendait là
ce qu'il avait vu lui-même, car son propre Evangile raconte, non sans motif,
qu'à la Cène il repose sur la poitrine du Seigneur. » (St Augustin Traité
36,1).
C'est un Evangile
unique et essentiel, qui reflète la personnalité unique de son auteur : « Il faut oser dire
que, de toutes les Ecritures, les Evangiles sont les prémices et que, parmi les
Evangiles, les prémices sont celui de Jean, dont nul ne peut saisir le sens
s'il ne s'est renversé sur la poitrine de Jésus et n'a reçu de Jésus Marie pour
mère. » (Origène)
Jean est
finalement mort presque centenaire à Ephèse, sous le règne de Trajan, d'après
Saint Irénée, après l'an 104. Après le repos et l'ensevelissement merveilleux
du Saint Apôtre Jean le Théologien à Ephèse (qui est fêté chaque année le 26
septembre), son tombeau fut trouvé vide, et il devint une source de miracles
Le 8 mai,
l'Eglise d'Orient célèbre la Synaxe en l'honneur de la cendre ou Sainte
"Manne" que produisait le tombeau du saint et illustre. En effet
chaque 8 mai le tombeau était soudainement recouvert d'une sorte de cendre, que
les Chrétiens du lieu appelèrent la "Manne", laquelle avait la vertu
de guérir les maladies de l'âme et du corps de ceux qui s'en oignaient avec
foi. Ce miracle procura donc l'occasion à l'Eglise de célébrer solennellement
une seconde fois, tous les ans, le Disciple Bien-aimé du Seigneur, fils chéri
de la Mère de Dieu. Son tombeau est encore vénéré, aujourd'hui, sur place dans
l'immense Basilique Saint Jean qui lui a été consacrée.
Saint Jean
apparut ensuite bien des fois dans l'histoire de l'Eglise : dès le III°
siècle, à Grégoire le Thaumaturge, à Saint André le fou dans l'Eglise des
Blachernes à Constantinople, à Sainte Catherine de Sienne, à Saint Jean de
Dieu, au Pape Célestin V (1215-1296), à Ferdinand du Portugal (1402-1443), à un
jeune cistercien admis par Saint Bernard, à Flodoard de Reims (v.893-966), à
Gherardesca de Pise (+1269), à Marie Amice Picard le 19 mai 1634, à Heroldsbach
(1949-1952, à Knock en Irlande le 21 août 1879), ou à Séraphin de Sarov. Nous
devons noter que ces apparitions étaient toujours en compagnie de la Vierge
Marie, sa mère, comme pour insister sur son lien unique avec la Mère de Dieu.
La Révélation de
Dieu est scellée par les écrits johanniques - Révélation définitivement close à
la mort du grand Saint Jean.
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