TU SERAS UN HOMME, MON
FILS !
Si
tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un
seul mot, te mettre à rebâtir
Ou perdre en un
seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et
sans un soupir ;
Si tu peux être
amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être
fort sans cesser d’être tendre,
Et, et sentant haï,
sans haïr à ton tour
Pourtant lutter et
te défendre ;
Si tu peux
supporter d’entendre tes paroles
Travesties par les
gueux pour exciter les sots ;
Et d’entendre
mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir
toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester
digne en étant populaire,
Si tu peux rester
peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer
tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer,
observer et connaître,
Sans jamais devenir
sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans
laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être
qu’un penseur ;
Si tu peux être dur
sans jamais être en rage,
Su tu peux être
brave et jamais imprudent,
Si tu sais être
bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni
pédant ;
Si tu peux rencontrer
Triomphe après Défaite
Et recevoir ces
deux menteurs d’un même front,
Si tu peux
conserver ton courage et ta tête
Quand tous les
autres les perdront,
Alors les Roi, les
Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout
jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut
mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme,
mon fils.
Rudyard
Kipling
--