LE CANTIQUE SPIRITUEL
DU CORPS
Prière de saint Jean Gabriel Perboyre
Ô mon divin Sauveur,
par ta toute puissance
et ton infinie miséricorde,
que je sois changé et tout
transformé en Toi.
Que mes mains soient tes mains,
que mes yeux soient tes yeux,
que ma langue soit ta langue.
Que mes sens et mon corps
ne servent qu’à Te glorifier
mais surtout transforme-moi ;
que ma mémoire, mon intelligence,
mon cœur
soient ta mémoire, ton
intelligence et ton cœur ;
que mes actions, mes sentiments
soient semblables à tes actions, à
tes sentiments,
et de même que Ton Père disait de
Toi :
Je t’ai engendré aujourd’hui,
Tu puisses le dire de moi
et ajouter aussi comme Ton Père
céleste :
Voici mon Fils bien-aimé.
en lui, J’ai mis tout mon amour.
Amen !
INTRODUCTION
On doit respecter
les étapes de la vie spirituelle car la vie spirituelle n’est pas une vie figée
mais une vie intérieure qui évolue. À l’origine, c’est une éclosion de vie à
l’état embryonnaire, puis fœtal, puis c’est l’heure de la naissance. L’extérieur
et l’intérieur procèdent du même vécu : après la naissance, c’est l’élan
de l’enfance vers l’adolescence puis la maturation de la vie adulte et enfin la
vieillesse.
II en est de même
dans la vie spirituelle. On ne peut garder les mêmes règles que celles de notre
conversion ; on ne doit pas prier de la même manière que lorsque l’on
s’est converti, sinon on s’égare. On ne peut pas s’accrocher à une manière de
prier aussi grande qu’elle soit car au bout d’un certain temps on sera obligé
de forcer et une tension va se créer. Il n’y aura plus d’union à Dieu à travers
cette prière et c’est le démon qui prendra la place.
Mais on
s’accroche à la Très Sainte Trinité, au Cœur Sacré de Jésus et à l’Amour qui
embrase son Cœur dans l’éternité ; on s’accroche à l’Immaculée, à la
plénitude de grâces qui resplendit dans la gloire de la spiration glorieuse.
C’est dans notre vécu intérieur profond que la prière doit s’enraciner. Pour
cela, il faut obéir à ce que l’Esprit-Saint a initié en nous, à ce qu’Il nous
demande de vivre auprès de l’Immaculée, la Reine du ciel et de la terre.
N.B. Le vœu
d’obéissance dans la vie monastique s’enracine dans l’obéissance au
Saint-Esprit. Le rôle du vrai père spirituel est d’être témoin de ce que
l’Esprit-Saint fait en nous. II ne doit pas imposer sa propre spiritualité. II
va nous aider à sortir un petit peu de notre subjectivité transcendantale. Il
va prier pour nous, il va s’offrir pour nous, il est solidaire. Mais ce qu’il
nous dit n’est jamais infaillible. Par contre, le Saint-Esprit, à travers lui,
peut nous dire une chose et le lendemain, nous dire autre chose : on ne
sait pas d’où il vient ni où il va, il souffle où il veut. Il ne faut pas
s’accrocher psychologiquement à ce qu’il nous a dit il y a trois mois, sinon nous
laïcisons, nous mettons Dieu au niveau de l’homme.
Sous le souffle
de l’Esprit-Saint, et l’obéissance spirituelle et surnaturelle à notre Père,
nous nous adoucissons, notre vie spirituelle s’assouplit.
L’assouplissement
parfait, c’est l’accueil de la grâce et de l’Esprit-Saint ; c’est
l’accueil de l’Immaculée Conception, l’affinité avec Marie, le mariage total
avec Elle tel que l’a vécu avec saint Joseph, la justice incarnée, c’est-à-dire
l’amour parfaitement juste de Dieu incarné.
Saint Joseph
était le juste par excellence, mais il ne possède pas la grâce prévenante de
l’Immaculée Conception, il est marqué comme nous par le péché originel. La
spiritualité de saint Joseph, époux de l’Immaculée Conception, est donc notre
propre spiritualité, parce que nous sommes comme lui, nous, ses fils, marqués
par le péché originel. Voilà pourquoi nous voulons commencer par regarder du
côté de ce Juste, parfaitement
ajusté à Dieu, à l’Esprit-Saint et à la grâce, jusque dans sa chair, pour
donner le ton juste à notre
méditation du Cantique Spirituel du Corps...
CHAPITRE I
SAINT JOSEPH ET
LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION
Dans son
encyclique sur saint Joseph en 1989, le saint Père dit que le Verbe de Dieu est
venu sur terre parce qu’il a pu assumer dans l’humanité tout ce qui se passait
dans la Sainte Famille : il y avait le privilège de l’Immaculée
Conception, il y avait aussi l’union transformante de saint Joseph, les deux
s’associant dans l’unité sponsale d’une humanité intégrale. Le Fils a ainsi pu
« assumer » un corps dans cette unité sponsale.
Quand Dieu le
Verbe vient assumer le corps de la Vierge pour se constituer un corps, c’est
déjà une assomption. L’incarnation et l’Assomption relèvent du même
mystère : l’alpha rejoint toujours l’oméga. Le premier contact de
l’éternité au temps entre Jésus et Marie et le dernier contact de l’éternité au
temps entre Jésus et Marie est le même contact, car dans l’éternité, il n’y a
pas « deux » mais « un ». Quand le Verbe de Dieu a assumé
Son corps en l’Immaculée Conception, c’est le mystère de l’Incarnation, et
quand il a assumé Marie, l’Immaculée Conception dans son corps, c’est le
mystère de l’Assomption. C’est la même activité d’Amour à la fois éternelle et
incarnée puisque le corps est impliqué.
Saint Joseph
vivait de la Très Sainte Trinité, de la foi, de la grâce d’une manière telle
qu’il pouvait épouser l’Immaculée Conception qui était toute disposée à être
assumée.
Donc, quelque
part, le Verbe de Dieu ne pouvait pas s’incarner pour la Rédemption si le
mariage n’était pas absolument total entre Marie et Joseph. D’où l’importance,
pour nous, d’essayer de comprendre quelle a été la vie spirituelle de saint
Joseph et quelle est la mystique de la Sainte Famille pour voir comment rentrer
dans l’union transformante. Parce qu’il y a bien une union transformante
incroyable dans ce mystère de l’Incarnation.
Contempler le mystère de l’Incarnation nous immerge dans le
tourbillon vivant de l’union transformante.
Quand le Verbe de
Dieu se fait chair, cela transforme tout ! C’est pourquoi Joseph est tellement
étonné qu’il se demande, puisqu’il est juste, s’il ne doit pas s’effacer
complètement. C’est cela l’union transformante de sainte Thérèse d’Avila. Pour
y entrer, pour en vivre comme Dieu le veut, il faut être entièrement ajusté au
Saint-Esprit dans l’obéissance, à la grâce en plénitude incarnée. On voit bien
que Jésus ne peut vivre que de l’obéissance tant que Joseph est là. C’est donc
bien aussi un mystère d’obéissance.
I. Le 5ème
mystère joyeux est la porte d’entrée de l’union transformante dont saint Joseph
est la clé.
Dans ses deux
livres « Joseph, ombre du
Père » et « Joseph, gardien
du Shabbat », le Père Doze nous commente quelque part le 5ème
mystère joyeux.
Dans le 5ème
mystère joyeux nous voyons Jésus passer du Temple à Nazareth, pour s’y
soumettre à une vie cachée en Marie et Joseph. Au premier abord, on ne voit pas
en quoi ce mystère est joyeux.
Il faut remarquer
qu’à partir du moment où Jésus sort du 5ème mystère joyeux, il est
écrit qu’il grandissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant
les hommes. Il y a deux relations « ad », comme à l’intérieur de la
Très Sainte Trinité où le Verbe de Dieu est entièrement relatif au Père. En
effet, s’il n’y a pas le Père, il n’y a pas de Fils ; car on n’existe
qu’en fonction d’une relation. Et la réciproque est vraie : s’il n’y a pas
de Fils, il n’y a pas de Père non plus car il n’y a aucun fondement en Dieu aux
Personnes de la Très Sainte Trinité ; sinon il serait impossible que Dieu
soit à la fois un et trois et trois en un.
Mais comment
Jésus pouvait-il croître en sagesse puisse qu’Il est éternellement dans la
vision béatifique, dans la plénitude de gloire, puisqu’il est Dieu dès le
premier instant de son Incarnation, donc dans la vision béatifique, dans la
toute puissance et dans l’absolue simplicité ? Son humanité subsiste dans
cette toute puissance, dans cette divinité ; et c’est à travers le corps
qu’il crée tout ce qui existe. il n’y a donc aucune croissance en Lui. En
effet, la charité de Jésus n’augmente pas depuis le premier instant de Sa
conception jusqu’à Sa mort. Il est toujours dans un Amour quasi infini et dans
la vision béatifique.
Mais l’Écriture
dit que Jésus grandissait en taille, en sagesse et en grâce «ad », devant Dieu
et devant les hommes. Ce n’est pas pareil ! C’est cette relation
surnaturelle incarnée avec tous les hommes qui augmente en Lui. Ce sont donc
tous les hommes de tous les temps et de tous les âges de l’humanité qui, de
plus en plus, viennent subsister dans Son Verbe d’infinitude et dans son
Incarnation laquelle reste toujours la même.
Et ceci se fait
en présence de Joseph. Joseph est le seul récepteur qui permette cette
croissance de toute l’humanité dans le Christ, en taille, en sagesse et en
grâce. C’est quelque chose de très fort ! Par exemple, quand nous sommes
en adoration devant le Saint Sacrement, Jésus est là en face de nous, Il est
comme un soleil, nous L’adorons, nous sommes en relation avec Lui mais ce n’est
pas une relation subsistante (nous croyons en Lui, nous L’aimons). Quand nous
communions, il commence à y avoir le vin qui se mélange à l’eau, alors on fait
une seule vie quelque part on vit du même Esprit-Saint. Puis, petit à petit,
comme Il s’est donné à moi, je porte en moi tout ce qu’il porte, par la
création, par la sainteté, par la grâce, par la gloire, par le désir ou par la
matière, puisque par la Résurrection, il porte tous les éléments de matière
physiquement. Or, tous nous subsistons dans le Verbe. Cela veut dire que,
maintenant, notre identité n’est pas pulvérisée mais absolument revitalisée à
notre identité dans le Verbe, dans le Fils unique de Dieu qui récapitule tout,
nous compris, et ceci à travers notre corps. Voilà un résumé de la spiritualité
de saint Joseph. Et cela peut grandir de plus en plus, puisque cela doit se
terminer par la récapitulation glorieuse de tout, par le retour du Christ.
Saint Joseph est donc la clé pour les derniers temps.
L’entrée dans
cette clé, c’est justement ce 5ème mystère joyeux où l’on voit Jésus
descendre du Temple, se rendre à Nazareth et être soumis à Marie et Joseph.
Essayons de voir
ce que veulent dire ces trois verbes : descendre, partir, se soumettre.
À douze ans,
Jésus a atteint l’âge de la maturité en Israël (la Barmitsva). Il est adulte et il peut s’exprimer socialement de
manière libre. Il discute en effet avec les plus grands Nacis d’Israël, comme
Hillel. Pendant trois jours et trois nuits, Jésus parle dans le Temple et
Hillel découvre qu’il est beaucoup plus tendresse et détresse et sainteté et
unification dans l’Esprit-Saint que tout ce qu’il pouvait penser.
Or, la grande
fonction de Jésus est de faire miséricorde à Israël ; et faire miséricorde
à Israël c’est lui révéler la grande communication de la sagesse du Verbe
incarné à ceux-là seuls qui peuvent l’entendre. Jusque là, depuis douze ans,
les seuls à pouvoir en vivre avec Lui étaient Marie et Joseph. Et maintenant
cela se communique dans le Temple de Jérusalem, dans la Maison du Père !
Mais le corps de Joseph est comme la Maison du Père.
C’est son origine
et sa fonction, son alpha et son oméga à saint Joseph d’être comme la maison du
Père, en présence de Jésus, lequel vit essentiellement, dans sa science infuse,
de l’origine et de la fin dans le temps présent. Alors, le corps de saint
Joseph devient le temple de la présence de la première Personne de la Très
Sainte Trinité. Comme le Verbe de Dieu est entièrement relatif au Père, II est
ainsi entièrement relatif au corps de Joseph, et les milliards de milliards de
cellules du corps de Joseph, qui dans leur mémoire génétique, ontologique,
portent son origine et sa fin portent, du coup, toutes les origines et toutes
les fins de l’humanité.
C’est par cette médiation de saint Joseph que le Corps
mystique de Jésus commence à croître.
Cette médiation
de saint Joseph nous fait comprendre à quel point la matière vivante, pas la
matière inerte, est le lieu pour la manifestation du Père. C’est la raison pour
laquelle le Père n’est jamais envoyé dans le monde comme le dit saint Thomas
d’Aquin.
Quand Jésus est
dans le Temple, il se passe quelque chose d’extraordinaire qui est dans la
ligne de tout ce qui s’est passé avec Marie et Joseph depuis le mystère de
l’incarnation jusqu’à l’âge de douze ans et qui commence à se communiquer à
Israël. C’est la plus grande miséricorde que Dieu ait jamais faite à son peuple
élu...
Dans le
recouvrement de Jésus au Temple, quand l’Immaculée arrive avec Joseph, le
premier acte libre que Jésus doit faire, c’est de quitter la Maison de son Père
à Jérusalem, de quitter ce qu’il y a de plus glorieux de la miséricorde de Dieu
dans le Temple de Dieu en Israël, pour que le monde entier puisse en jouir.
Et c’est la joie
de Jésus que la plus grande miséricorde qui est faite puisse sortir du
Temple ! Dans le livre d’Ezéchiel, quand le Verbe de Dieu sort du Temple,
on voit effectivement que ce sont tous les torrents de gloire et de grâce qui
sortent du Temple de Jérusalem dans le monde entier. Et le premier acte libre
de Jésus est de renoncer à la miséricorde concrète (la shékinah) pour rentrer dans la gloire incarnée. C’est autre
chose ! C’est une transformation absolue ! Il doit sortir du Temple,
lieu où on vit tout, où on comprend tout, où la religion est à son maximum
d’amour et de lumière. Il doit quitter ce Temple pour se rendre à Nazareth,
pour obéir et être soumis à Joseph !
Car l’Immaculée est déjà soumise à Joseph comme nous
l’indique ce 5ème mystère joyeux.
Quand Marie dit à
Jésus : « Ton père et moi nous
Te cherchions tout angoissés. Pourquoi nous as-Tu fait cela ? »,
c’est Joseph qui était dans l’angoisse ; parce qu’à partir de douze ans,
la responsabilité de la vie intérieure et extérieure de l’enfant est confiée au
père. Et Joseph sait qu’il doit obéir à l’Esprit-Saint. Or il sait par
expérience que quand on passe à une étape très importante dans la vie de Jésus,
cela transforme tout. De plus, Jésus leur répond : « Ne savez-vous pas que Je dois être dans la Maison de mon
Père ? ». Alors Joseph se demande ce qu’il doit faire, s’il ne
doit pas s’effacer. Cette angoisse de Joseph, Marie la pénètre de l’intérieur
et en vit : Elle fait une seule chair avec Joseph, Elle est entièrement
unie à tout ce que son époux vit intérieurement et Elle l’épouse dans sa
mystique parfaitement ajustée à Dieu, comme Joseph épouse Marie dans sa
plénitude de grâce. Dans cette angoisse, Marie est
« hypotasso » : Elle y pénètre de l’intérieur, la porte par en
dessous. C’est en effet l’angoisse de Joseph qui est la sienne : « Ton
père et moi, nous étions dans l’angoisse ». On voit bien que
l’Immaculée est entièrement soumise à Joseph. C’est cette unité sponsale vivant
dans le corps de Marie que Marie présente à Jésus. Joseph ne dit rien.
Cette joie des
épousailles, qui se communique aux joies de l'Époux par rapport au mystère
d’Israël dans la « kabod » du Temple, cette rencontre entre les deux,
fait la joie du 5ème mystère joyeux ; parce que, à ce
moment-là, Joseph comprend qu’il est plus que le Temple. L’Immaculée et Joseph
comprennent qu’ils sont plus, dans leur unité sponsale, que toutes les grâces
et toutes les gloires qui sont sorties des mains du Créateur dans la création
du monde, car elles sont entre eux deux et en même temps dans la Très Sainte
Trinité, c’est-à-dire en même temps dans le créé et dans l’incréé. C’est
pourquoi c’est une joie formidable !
Quand Jésus
revient dans la Très Sainte Trinité incarnée de Nazareth, c’est la joie !
Il y a, à l’âge de douze ans, une révolution copernicienne de la glorification
qui se fait. Jésus quitte le Temple, Il monte à Nazareth où Joseph se trouve
corporellement dans l’unité sponsale avec l’Immaculée. C’est l’Incréé qui
trouve, là, sa ressemblance à la Très Sainte Trinité dans toutes ses relations
de dépendance ; et ils s’y soumettent. Dans ce 5ème mystère
joyeux, il y a donc ces trois verbes : descendre du Temple, partir,
se rendre à Nazareth et puis se
soumettre.
À partir du
moment où Jésus rentre dans cette obéissance, saint Joseph est projeté dans son
rôle définitif, concret, analogue à celui du Père Éternel. C’est à ce moment-là
que la croissance peut se faire, que la sagesse peut se répandre, à partir d’un
capteur qui est le Capteur du Père Éternel, « l’instrument du Père
éternel » comme dit Monsieur Olier, dans toute la création qui peut
croître surnaturellement en sagesse, en taille et en grâce. C’est le Corps
mystique du Christ qui commence à croître et qui doit aller jusqu’à sa
maturité.
Saint Joseph est l’instrument de cette croissance du Corps
mystique jusqu’à la fin du monde.
Tout commence et
tout se termine avec le 5ème mystère joyeux. On voit bien notre
origine, on voit bien notre fin mais entre les deux, on rame !
Justement, la vie
spirituelle consiste à descendre de toutes nos manières de comprendre et de
concevoir, à quitter tout ce que l’on a reçu jusqu’à maintenant, même la grande
tradition sur laquelle on s’appuyait et qui est contenue dans le Temple pour
rentrer dans le renouvellement de la Sainte Famille.
Avant de rentrer
dans l’union transformante, il faut quitter le Temple, expirer, mourir à notre
liberté (même religieuse) pour trouver un endroit au fond de nous où nous
expirons complètement et où se trouve saint Joseph. Nous expirons à l’intérieur
de Joseph qui, lui, respire la paternité dans le Fils ; et c’est
l’Esprit-Saint qui commence à venir. Alors il y a une idée, une pensée, une
prière, etc. C’est le temple : nous expirons à nouveau et c’est ainsi,
quand ces trois verbes s’accomplissent, qu’on rentre dans la 4ème
demeure de sainte Thérèse d’Avila.
Ce serait
intéressant de regarder comment lire les mystères du Rosaire en fonction des 7 demeures de sainte Thérèse d’Avila et
en fonction de ce 5ème mystère joyeux qui en est le gond, l’axe,
le milieu :
- 1er mystère joyeux - Il descend : le Verbe de Dieu s’incarne.
- 2ème mystère joyeux - Il se rend à Nazareth. Pendant que la Vierge chantait son
Magnificat, Joseph revenait tout
seul de Jérusalem
à Nazareth ayant laissé l’Immaculée chez sa cousine Élisabeth.
Or, « Ce que le Fils voit faire à son Père,
Il le fait pareillement », comme le dit Jésus dans
l’Évangile selon
saint Jean.
- 3ème mystère joyeux - La Nativité : c’est la soumission.
Jésus est soumis au Saint-Esprit. On
est porté par Marie et
Joseph.
De même, dans les 7 jours de la création, le
jour du milieu, l’axe, c’est le 4ème jour où sont créés le soleil,
la lune et les étoiles. Moïse disait que le mystère du soleil, c’est le mystère
du Messie rempli de gloire ; le mystère de la lune illuminant la nuit,
c’est le mystère d’Israël dans la gloire de Dieu au milieu de la nuit des
nations ; le mystère des étoiles, c’est le mystère des saints de la
théologie et des prophètes. L’axe c’est donc Jésus, Marie et les saints. C’est
tout le mystère de la médiation, le trait d’union.
C’est l’amour de
sainte Thérèse pour saint Joseph qui l’a fait se relever, et c’est ainsi
qu’elle a pu engendrer le Carmel dans
l’union transformante. Elle a fait le passage d’Élie à l’union
transformante grâce à saint Joseph. Ce parallèle entre le 5ème
mystère joyeux, la 4ème demeure de sainte Thérèse d’Avila, le 4ème
jour de la création et le Carmel de l’union transformante est quelque chose de
très beau.
On va basculer
vers l’union transformante à partir de Joseph en se soumettant à lui, car il
est notre père, beaucoup plus que notre père génétique que notre propre père.
Ce mystère joyeux nous aidera beaucoup à apprendre comment pénétrer dans le
mystère de l’oraison de quiétude et dans le mystère de la Sainte Famille.
Comme Jésus,
quittons le Temple, expirons à nous-mêmes et soumettons-nous à saint
Joseph ; alors l’Esprit -Saint pourra commencer son œuvre en nous. À
travers saint Joseph, nous commençons un peu à toucher quelque chose du mystère
de la paternité de Dieu dans le Fils. Et notre oraison peut commencer
véritablement dans l’oraison de quiétude.
II. Saint Joseph et l’oraison de quiétude
D’après sainte
Thérèse d’Avila, l’oraison de quiétude est le moment à partir duquel notre
oraison commence à devenir surnaturelle. Dans les trois premières demeures, on
fait une oraison dans la foi, l’espérance et la charité avec toute notre bonne
volonté ; mais à partir de la 4ème demeure, dans l’oraison de
quiétude, c’est l’Esprit-Saint qui commence à croître et à opérer Lui-même.
Cela veut dire que la vie chrétienne ne commence que là. Vivre de l’oraison de
quiétude nous sanctifie et nous permet de passer de la promesse, à savoir
l’ancien Testament, à la réalisation concrète de l’union transformante, à
savoir le nouveau Testament.
À ce moment-là,
notre oraison peut donner l’apparence du sommeil extérieur parce que c’est
l’Esprit-Saint qui œuvre Lui-même en nous. II faut retrouver le goût de
l’oraison car sans elle rien ne se fait.
Nous devons
demander à saint Joseph cette grâce de l’oraison de quiétude sous la mouvance
de l’Esprit-Saint. Sainte Thérèse disait : « Si tu demandes comment
faire oraison à saint Joseph, tu ne risques pas de t’égarer. ». Le
« secret » de sainte Bernadette, c’était saint Joseph, son silence,
sa simplicité et son humilité. Il faut comprendre sainte Bernadette quand elle
dit : « Maintenant, mon père
c’est Joseph. ». Il faut entendre Marie nous dire de descendre de
notre temple, de toutes nos manières de prier, et là, trouver la tranquillité,
le silence de saint Joseph où le Père Éternel est là
« corporellement ». On peut alors respirer dans l’Immaculée
Conception, dans l’Esprit-Saint. C’est la Sainte Famille qui commence là dans l’oraison
de quiétude.
II faut entendre
Marie nous dire : « Ne sais-tu
pas que ton Père (première Personne de la Très Sainte Trinité) et Moi (l’Esprit-Saint) nous te cherchons dans
l‘angoisse ? ! ». C’est l’unité entre les deux relations
dans la Très Sainte Trinité et les deux relations dans la Sainte Famille, ad deum et ad hommes qui se conjoignent ; alors on rentre dans l’oraison
véritablement. Sans l’oraison, toutes les révélations, toutes les lumières
qu’on a eues ne nous sanctifient pas, elles restent des signes extérieurs et, à
ce moment-là, on est une génération mauvaise ; car elles engendrent
quelque chose de mauvais en nous.
Nous devons aimer
Dieu et notre prochain comme nous-mêmes intérieurement. Notre prochain le plus
proche c’est Jésus dans notre contemplation spirituelle, c’est l’Immaculée dans
notre âme par la grâce, et c’est Joseph dans notre corps. Quand on vit de la
spiritualité de l’amour de Dieu et du prochain en un seul acte, on est adopté
dans la Sainte Famille ; alors on commence à naître à la Très Sainte
Trinité dans l’incarnation de notre identité catholique, c’est-à-dire qui
rassemble tout ce qui existe, tout ce qui existera et tous les hommes dans
notre prière.
Il faut que
toutes nos puissances soient absorbées dans cette quiétude, cette sécurité,
cette grâce, cette finitude absolument silencieuse, très pauvre, soumise,
incarnée, originelle, finale, et que cela dure pour que l’éternité transforme
notre temps corporellement.
Dans la 12ème
strophe du Cantique spirituel qui établit le passage des fiançailles au
mariage, saint Jean de la Croix écrit :
« Ah ! si dans le miroir de tes
eaux argentées,
Tu me laissais voir soudain
Les yeux que sans fin je cherche (les yeux du
Père, le regard du Père)
Et que je garde à l’ébauche dans mon âme. »
À un moment donné, c’est la
fulgurance du Saint-Esprit qui nous met face au Père (ad Patrem) dans l’expiration d’amour, dans le repos absolu, dans
la quiétude, dans le silence total, dans le corps, dans l’origine, dans la
Résurrection. Alors la transformation est trop grande et l’ Épouse crie dans la
13ème strophe :
« Ah non, éloigne-les, mon
Bien-Aimé ! »
C’est trop, je suis trop grand en
Dieu et je me fais peur à moi-même dans l’humilité parfaite car, à ce
moment-là, Dieu voit en moi son Fils, son Verbe. Alors on entend le Verbe brûlé
par l’Esprit-Saint, l’ Époux, le
Père dire :
« Viens, ma colombe, reviens !
Car voici qu’au sommet des monts
Apparaît le cerf blessé,
Savourant la brise fraîche de ton
vol. »
C’est
alors le passage de la 6ème demeure.
Nous
allons essayer de voir comment, en même temps, vivre de la 4ème
demeure avec saint Joseph et faire ce passage des fiançailles (5ème
demeure) au mariage spirituel (6ème demeure) et à l’union
transformante (7ème demeure) en s’aidant de saint Jean de la Croix
et de la mystique de la Sainte Famille.
Ce
passage de 4 à 7, c’est le mystère du shabbat. Et le gardien du shabbat c’est Joseph ! On fait alors le
passage du 4ème jour au 7ème jour où Dieu se repose,
grâce à Joseph qui épouse l’Immaculée Conception dans la soumission de Jésus.
Est-ce que trouver notre corps spirituel
ce n’est pas trouver ce qu’engendre saint Joseph dans son corps glorieux qui fait qu’il
est plus mon père en mon corps spirituel que mon propre père en mon corps
terrestre, grâce à son unité sponsale avec la présence vivante, débordante,
rayonnante de l’Immaculée, et qu’à ce moment-là tout le mal est transformé en
bien ?
Jésus
est né dans la Sainte Famille, non pas pour Lui, mais pour nous montrer la voie
afin qu’on puisse rentrer dans cette Sainte Famille pour vivre de l’union
transformante par l’oraison de quiétude.
(N.B.
II n’y a pas d’autre voie que l’oraison ; on peut recevoir des grâces
surnaturelles par accident, mais elles restent périphériques, charismatiques et
ne nous sanctifient pas).
Saint
Jean de la Croix dans son Cantique spirituel parle pour Mère Anne de Jésus qui
vit déjà de l’oraison de quiétude. L’oraison de quiétude c’est ce climat
intérieur qui retrouve la source de sérénité de la Sainte Famille (là où
commencent la nuit, l’aridité, la foi, l’amour, la grâce, la vie éternelle dans
l’autre monde, dans le monde nouveau). Il explique les fiançailles, et dans les
fiançailles l’éclosion de l’union transformante de l’Époux et de l’Épouse, du
Verbe et de son Père, dans un corps qui est le mien.
Quand
on lit ce Cantique spirituel, tranquillement, secrètement, mortellement
(puisqu’il faut quitter le Temple), expirationnellement,
transformationnellement, dans le repos de cette quiétude absolue, chaque mot
tombe dans la Sainte Famille, là où se trouve Joseph.
CHAPITRE II
LE CANTIQUE
SPIRITUEL
1 - « Où t’es-tu caché, Ami,
Toi qui me laissas dans les gémissements ? (Là, on parle à
Celui qu’on aime, Jésus, qui est à la fois mon Père, mon Verbe, mon identité et
mon amour dans l’Esprit-Saint. On ne peut pas ne pas voir là saint Joseph
disant par la bouche de Marie « Ton Père et moi nous Te cherchions II
était dans le Temple)
Pareil au cerf Tu
as fui ;
M’ayant navré,
après Toi
Je sortis criant,
et Tu étais parti !
2 - « Pâtres qui vous en irez
Là-bas, jusqu’au
sommet, par les bergeries.
Si vous voyez
d’aventure
Le Mieux Aimé, (Celui que j’aime
le plus)
Dites-lui que je
suis dolente, peineuse, mourante.
3 - « En quête de mes amours,
Je m’en irai par
ces monts et ces rivages, (les mystères et les torrents des sacrements)
Point ne
cueillerai de fleurs, (je n’en tirerai aucun fruit)
Les fauves point
ne craindrai, (même dans le mariage, je ne trouve pas mon bien)
Et je passerai
les forts et les frontières. (je dépasserai toutes les limites de la
création)
4 - « Ô forêts, sombres bosquets,
Qui fûtes plantés
par la main de l’Ami !
Pâturages
verdoyants,
Ô Pré de fleurs
émaillé,
Dites-moi s’Il
passa au milieu de vous ? (toutes les
œuvres, tous les charismes, toutes les gloires de Dieu)
5 - « En répandant mille grâces, (l’Immaculée
Conception)
Il a passé par
ces bois en grande hâte, (mes nuits, mes croix, mes misères)
Posant sur eux
son regard,
D’un reflet de
son visage,
Il les laissa
tout revêtus de beauté. (je commence à aimer la croix, la nudité, l’aridité, la
purification)
6 - « Las, qui pourra me guérir ?
Achève de Te
livrer sans feinte aucune, (directement)
Ne veuille plus
désormais
M’envoyer de
messagers
Qui ne savent me
dire ce que je veux. (ce dont j’ai soif)
7 - « Tous ceux qui sont de Ta suite
Me vont
rapportant mille grâces de Toi ;
Tous davantage me
navrent
Et mourante je
demeure
D’un je ne sais quoi par eux balbutié. (il faut dépasser
le mystère de l’Immaculée Conception (les mille grâces) pour atteindre avec
Elle la pauvreté instrumentale de saint Joseph)
8 - « Mais comment peux-tu survivre
Ô ma vie, en ne
vivant pas où tu vis,
Quand déjà il te
faudrait
Mourir sous le
coup des flèches (les blessures de l’amour)
De ce qu’en ton
cœur tu conçois de l’Aimé ?
9 - « Que ne guéris-Tu ce
cœur,
Puisque c’est de
Toi qu’il a reçu sa plaie ?
Et, me l’ayant
dérobé,
Pourquoi le
laisser ainsi
Et ne pas
emporter le vol que Tu fis ?
10 - « Éteins mes impatiences,
Puisque d’y
mettre fin nul n’a le pouvoir ;
Et puissent mes
yeux Te voir,
Puisque Tu es
leur lumière
Et c’est pour Toi
seul que je les veux garder.
11 - « Découvre-moi Ta présence,
Que la vision de
Ta beauté me tue !
Qui pour l’amour
est en peine
Guérir ne peut,
Tu le sais,
Qu’en présence du
visage de l’Aimé !
12 - « Ô Fontaine
cristalline !
Si dans le miroir
de tes eaux argentées
Tu me laissais
voir soudain
Les yeux que sans
fin je cherche
Et que je garde à
l’ébauche dans mon cœur...
13 - « Éloigne-les, mon
Aimé !
Voici que je m’envole, (ici, nous touchons pour la
première fois le Père qui dans son Sein nous montre le Verbe dont Il se nourrit
pour produire l’Esprit-Saint. C’est le passage de la 6ème à la 7ème
demeure, des fiançailles au mariage mystique, à l’union transformante. Et cela
est trop fort pour moi. Je m’envole, je fuis à présent, je fuis éperdument la
Très Sainte Trinité, le Verbe parce que l’amour est trop fort, et que je me
meurs de terreur. Et là, c’est le retournement du Cantique. Alors la voix du
Verbe, la voix du Père, la voix de l’Esprit-Saint se fait entendre :
Viens ma colombe,
revient ! (on va passer de la Très Sainte Trinité au Sacré-Cœur de
Jésus)
Car voici qu’au
sommet des monts
Apparaît le cerf
blessé
Savourant la
brise fraîche de ton vol. (dans le Sacré-Cœur de Jésus, les grandeurs de la Très
Sainte Trinité continuent de croître sans qu’il y ait d’angoisse. C’est le
passage du 5ème mystère joyeux au 5ème mystère douloureux
et au 5ème mystère glorieux, mais c’est le même mystère car il y a
une simultanéité et une continuité entre ces trois mystères.)
14 - « Mon Bien-Aimé, les montagnes,
Les solitaires et
ombreuses vallées,
Les îles
étrangères,
Les fleuves au
bruit puissant,
Le sifflement des
vents porteurs de l’amour.
15 - « La nuit accoisée (intense)
Qui laisse
deviner l’éveil de l’aurore,
Le concert
silencieux,
La solitude
sonore, (la solitude habitée)
Le souper qui
récrée et qui énamoure.
16 - « Notre lit est tout fleuri, (l’union
transformante, c’est le repos, le lit, mais cette unité de l’époux et de
l’épouse est quelque chose de très vivant)
Environné de
cavernes de lions,
Teint d’une
teinture pourpre,
Édifié dans la
paix,
De mille écus
d’or portant une couronne. (Marie-Reine)
17- « À la quête de Ta trace,
Les jeunes filles
courent sur le chemin,
Sous le choc de
l’étincelle,
Du vin aromatisé,
Comme des parfums
nés d’un baume divin. (dérivé des cieux : les cieux c’est la simplicité de
Dieu dans son essence)
18 - « Dans le secret du cellier
De mon Aimé j’ai
bu, et quand je sortis,
Parmi toute cette
plaine,
Plus ne savais
chose aucune,
Et je perdis le
troupeau jadis suivi.
19- « Là, son cœur Il me
donna ;
Il m’apprit une
savoureuse science.
Moi. je me
donnais vraiment
À Lui, sans rien
excepter.
Et là je lui
promis d’être son épouse. (d’être son Verbe, car l’Épouse dans la Très Sainte Trinité,
c’est le Verbe)
20 - « Mon âme s’est employée
Avec son domaine
entier à son service,
Je ne pais plus
de troupeau,
D’autre office je
n’ai plus,
Je n’ai plus d’autre œuvre que celle d’aimer. (c’est pourquoi dans la vie religieuse, la règle interdit
d’avoir aucune œuvre, si grande qu’elle
soit. La seule œuvre c’est l’amour et l’oraison. Ici on rentre dans le mariage
qui fait dire à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Dans le cœur de l’Église, ma mère, je serai l’amour ».)
21 - « Que si donc au pré
public,
De ce jour nul ne
me voit, nul ne me trouve,
Dites que je suis
perdue ;
Et qu’allant
énamourée, (l’amour à l’intérieur de l’amour)
Je me suis faite perdante et j’ai gagné. (en choisissant
la nuit, l’aridité, j’ai gagné la Très Sainte Trinité. C’est lorsque j’ai tout
perdu que je suis gagnant et si j’essaie de garder un tout petit peu, je perds
tout ; c’est pour cette raison qu’on pardonne.)
22 - « D’émeraudes et de fleurs,
Moisson faite dans les fraîches matinées,
Nous tresserons des guirlandes
Que ton amour fleurira
Et qu’un seul de mes cheveux entrelacera.
23 - « Un seul cheveu seulement
Que sur mon cou Tu as regardé
voler ;
Tu regardas sur mon cou
Et tu restas pris en lui,
Et par un seul de mes yeux Tu Te navras. (je ne peux plus
faire un seul mouvement, même dire à Dieu « je T’aime ». Un seul
cheveu blesse l’amour, un seul mouvement de mon âme. II faut expirer à
nous-mêmes, sortir du Temple et rentrer dans le silence corporel de Joseph, lieu
de la Très Sainte Trinité.)
24 - « Lorsque Tu me regardais,
C’est leur grâce qu’en moi Tes yeux
imprimaient ;
Pour ce, Tu me chérissais ;
Et pour ce, méritaient-ils,
Les miens, d’adorer ce qu’ils voyaient en
Toi ?
25 - « Ne me méprise donc plus
Si Tu m’as trouvé le teint brun,
maintenant
Tu peux bien me regarder
Puisque Tu m’as regardée
Et que Tu laissas en moi grâce et beauté.
(je
me laisse regarder et aimer par Dieu)
26 - « Chassez-nous les renardeaux
Car notre vigne est déjà toute fleurie,
Cependant qu’avec des roses
Nous serrerons une pigne,
Et que sur la montagne nul ne paraisse. (que le
Père ; il ne reste plus que le mystère)
27 - « Arrête, Aquilon de mort !
Viens, Auster, Toi qui réveille les
amours,
Viens souffler par mon jardin,
Et que ses parfums s’épandent,
Et l’Aimé se nourrira parmi les fleurs.
28 - « Et l’épouse a pénétré (la Parole du
Père, la parole du Verbe, la présence de l’Esprit-Saint)
Dans le jardin charmeur qu’elle désirait.
Elle repose, enivrée,
Tandis que son cou se penche
Appuyé sur les doux bras du Bien-Aimé.
29 - « C’est à l’ombre du pommier,
C’est là que Je reçus ta promesse et là
Que je te donnais la main ;
Et tu retrouvas l’honneur
Là où ta mère en malheur était tombée.
30 -
« Oiseaux qui légèrement
Vous envolez, lions, cerfs, daims
bondissants,
Rivages, monts et vallées,
Ondes, souffles et ardeurs,
Et craintes qui faites les nuits sans
sommeil,
31 - « Par les lyres caressantes
Et le chant des sirènes, Je vous conjure,
Que s’apaisent vos colères ; (la création
toute entière rentre dans la Gloire lorsque je fais oraison)
Et ne touchez pas au mur,
Pour que l’épouse trouve un sommeil plus
sûr.
32 - « Ô vous, nymphes de Judée,
Tandis que parmi les fleurs et les
rosiers
L’ambre donne un parfum,
Demeurez dans les faubourgs,
Et veuillez ne point toucher à notre
seuil.
33 - « Cache-Toi, mon doux Ami, (ma Très Sainte
Trinité)
Vois - le visage tourné vers les
montagnes -
Et veuille ne point le dire ;
Mais regarde les compagnes
De celle qui va par les îles étranges.
34 - « La colombe toute blanche
Avec le rameau dans l’arche est
retournée,
Et la tourterelle enfin
Sur les rives verdoyantes
A trouvé le compagnon tant désiré.
35 - « Solitaire elle vivait,
Et en solitude elle a posé son nid, (c’est l’oraison
qui nous permet de vivre de l’amour universel catholique et incarné)
Et la guide en solitude,
Solitaire son Ami,
Lui aussi navré d’amour en solitude.
36 - « Mon Ami, soyons en joie,
Et allons-nous en nous voir en Ta beauté,
Au mont ou à la colline
Où l’eau pure vient jaillir,
Et pénétrons plus avant dans l’épaisseur.
(de
l’Amour).
37 - « Bientôt alors nous irons
Dans les cavernes très hautes de la
pierre, (jusque dans le monde minéral)
Elles sont si bien scellées !
C’est là que nous entrerons,
Et nous y goûterons le moût des grenades.
(c’est
dans le monde minéral qu’on trouve le fruit de l’unité sponsale incréée et
créée)
38 - « Et là Tu me montrerais
Ce que mon âme désirait instamment,
Et là Tu me donnerais
Bientôt, Toi qui es ma vie,
Ce que l’autre jour déjà Tu me donnas.
39 - « Et c’est le souffle de l’air,
Le rossignol dans la douceur de son
chant,
Le bocage avec ses charmes
Au sein de la nuit sereine,
Dans la flamme qui consume et plus ne
peine.
40 - « Nul regard n’y atteignait,
Plus ne se montrait désormais l’Ennemi, (le mal)
Les assiégeants s’accoisaient,
Tandis que les cavaliers (ce sont les
Anges)
À l’aspect des eaux poursuivaient leur
descente.
N.B. : Voir
en annexe 1 une deuxième traduction, celle du Père Cyprien de la Nativité
CHAPITRE III
L’UNION
TRANSFORMANTE INTÈGRE LE POINT DE VUE DU CORPS
I. Comment le Père, le Fils et le
Saint-Esprit sont présents, pour ainsi dire, corporellement.
C’est ce Cantique
Spirituel que nous allons essayer de commenter à la lumière de l’Oraison de
quiétude, à la lumière de l’union avec Joseph de manière incarnée, car il faut
que le Verbe de Dieu puisse prendre chair en nous. Il faut intérioriser le
mystère de l’incarnation par notre oraison, par notre vie spirituelle, pour que
notre foi en Jésus devienne une foi surnaturelle et qu’une transformation
s’opère de l’intérieur pour qu’on puisse enfin faire partie de la famille
chrétienne. Car la grâce est un jaillissement de vie éternelle, c’est une
résurrection. C’est ainsi que nous passerons de la Promesse de l’Ancien
Testament à la réalité du Nouveau Testament.
II faut demander
à l’Esprit-Saint, au maître de sagesse, la grâce de nous expliquer ce mystère
de l’Union transformante qui fait que la transcendance de Dieu s’empare de
manière de plus en plus proche de notre vie intérieure. Cette spire
progressive, qui passe par les sept demeures de l’union transformante, jusqu’à
nous rendre proxime et un avec la transcendance du Verbe incarné, se termine
dans la grande transformation en gloire qui nous rend, dès à présent, fils de
Dieu dans le Fils.
L’Union transformante est un jaillissement de vie éternelle,
c’est une résurrection intérieure.
À partir de la 4ème
demeure, l’Esprit-Saint, nous immergeant dans la grâce de manière surnaturelle,
nous permet de saisir comment la grande trame, la grande dramatique de l’union
transformante, qui est la fusion de cette partie spirituelle la plus profonde,
la plus personnelle en nous, avec la gloire qui embrase le Cœur de Jésus dans
la Résurrection, intègre aussi le point de vue du corps.
Car si l’on
regarde bien, dans le Cantique de l’Époux et de l’Épouse, c’est notre âme qui
épouse Dieu, qui est l’Épouse du Christ, comme dans le Cantique spirituel de
saint Jean de la Croix. C’est une course de l’âme, une fusion entre la partie
spirituelle qui est en nous et l’Esprit-Saint ; mais notre corps est un
petit peu absent comme s’il fallait en faire abstraction ! L’union
transformante est bien le fruit d’une adhésion spirituelle où notre
intelligence est engagée par la foi ; notre identité, notre liberté dans
le don sont engagées par l’espérance et notre volonté spirituelle (toutes nos
soifs d’amour) est engagée par la charité : les trois puissances de la vie
spirituelle sont là. Effectivement, par la foi, l’espérance et la charité
surnaturelles, on vit de cette union transformante de manière merveilleuse.
Mais il y a aussi en nous des puissances de vie sensitive et de vie
corporelle : on voit bien saint François d’Assise dire à son corps « marche ou crève » ; le
corps doit obéir. Aujourd’hui cela nous ennuie un peu, peut-être à juste
titre !
En
effet, la doctrine spirituelle et apostolique de l’Église nous a appris que le
Père, le Fils et le Saint-Esprit sont, pour ainsi dire, présents
corporellement.
Le Verbe de Dieu,
deuxième Personne de la Très Sainte Trinité, est rendu présent par le Christ
Jésus dans la chair humaine, et l’Esprit-Saint est rendu présent par
l’Immaculée Conception. En effet, l’Église vient de proclamer que MARIE est
Immaculée dans sa Conception. Elle est le fruit de l’unité de deux Personnes
divines, le Verbe de Dieu et l’Esprit-Saint, dans le Cœur sacerdotal du
Christ ; grâce par laquelle nous comprenons qu’il y a quelque chose de
nouveau qui s’incarne dans le monde à la « constitution » du mystère
de l’Immaculée Conception et qui fait que le Saint-Esprit, troisième Personne
de la Très Sainte Trinité, a un visage incarné, celui de l’Immaculée
Conception.
·
Le
Mystère de l’Immaculée Conception
L’identité de
quelqu’un dans l’ordre de l’être se détermine en fonction de son origine. Nous
sommes créés à partir de rien tandis que Marie est constituée à partir du
Mystère de l’Immaculée Conception. C’est inouï ! C’est quand même une
créature, mais on peut dire, avec crainte et tremblement, que ce n’est pas une
créature comme nous !
Au moment où il
est blessé par le coup de lance, le corps du Christ est dans l’état
cadavérique, il n’est pas porté par l’humanité du Christ : son Âme s’est
arrachée de son corps, donc l’humanité du Christ n’est plus présente dans le
corps mort de Jésus. Mais le corps mort de Jésus n’est pas un cadavre, il n’est
pas corrompu parce qu’il est gardé dans une unité formelle et même biologique,
physiologique, en tant que corps, par le Verbe de Dieu. Le corps mort de Jésus
subsiste dans le Verbe de Dieu. C’est la seule fois, dans l’histoire de
l’humanité, qu’un Etre qui est mort continue, quant à son corps, à subsister de
manière vivante dans sa Personne : et pour cause, puisque c’est le Verbe
de Dieu.
C’est donc le
Verbe de Dieu qui est atteint directement quand on touche le corps mort du
Christ. À ce moment-là, le Verbe de Dieu se donne, se livre, personnellement,
directement, dans un amour et dans un don total à travers un geste d’amour qui
est d’une passivité absolue puisqu’Il pâtit substantiellement une blessure
mortelle. Il ne souffre pas activement, puisqu’Il est mort, c’est donc une
passivité substantielle d’amour. Et il rejoint, dans sa manière de se donner,
en tant que Personne divine, donc absolue et éternelle, la manière dont l’Esprit-Saint
se constitue comme Don dans la Très Sainte Trinité, c’est-à-dire de manière
substantiellement passive.
Pour la première
fois, la deuxième Personne de la Très Sainte Trinité, le Verbe, aime, nous
aime, de la même manière que le Saint-Esprit aime le Père et le Fils dans la
Très Sainte Trinité. Il y a une similitude entre l’Esprit-Saint dans la Très
Sainte Trinité, et le Verbe dans le Don qui nous est fait à travers le Cœur
sacerdotal du Christ ; et nous pouvons percevoir une nouvelle communion de
Personnes, une sorte de mariage dont le fruit est l’Immaculée Conception qui
s’origine ainsi dans la fusion d’Amour du Verbe de Dieu et de l’Esprit-Saint, à
travers le Cœur sacerdotal du Christ.
Le Verbe de Dieu
est lié, quant à son Incarnation, au corps du Christ ; et l'Esprit-Saint
va être manifesté à travers le corps de l’Immaculée Conception. On a progressé
par rapport à saint Jean de la Croix ; notre Église s’est
approfondie ! On est passé du
mystère de l’Incarnation, première incorporation du corps dans le mystère de la
Très Sainte Trinité, au mystère de la Croix où l’on voit que Marie est le
visage incarné de l’Esprit-Saint, là où Marie rejoint Elle-même le mystère de
son origine, celui de sa conception immaculée.
C’est cela le
secret du Cantique des Cantiques de l’Ancien Testament, qui nous montre comment
la Femme, face à l’arbre de vie (la Croix) découvre son origine et dit à son
Époux : « Ah, que je Te fasse
rentrer dans la chambre de ma mère, dans le lit de celle qui m’a
conçue ! ». L’Immaculée Conception, découvrant son origine, veut
faire rentrer l’Esprit-Saint jusqu’à la plus grande profondeur de son origine
personnelle pour réaliser ce mariage absolu. Il y a comme une espèce de retour
prodigieux au mystère, non pas de l’Incarnation, mais de la conception de
l’Immaculée Conception et de ce qui a précédé le mystère de l’Incarnation. Tout
le mystère de l’Immaculée Conception est pour la maternité divine de Marie,
pour arriver au mystère de l’Incarnation du Christ. Donc tous les premiers
moments de l’Immaculée Conception jusqu’à l’Incarnation du Christ trouvent leur
signification dans ce qui précède immédiatement le mystère de l’Incarnation,
son mariage avec Joseph. C’est pourquoi il y a là quelque chose de très
important pour nous.
De cette communion
sponsale entre la 2ème et la 3ème Personne de la Très
Sainte Trinité, émane cette sphère de Lumière qu’on appelle l’Immaculée
Conception, que l’Immaculée rejoint à la Croix, à travers le corps mort du
Christ. C’est ce mariage d’Amour surnaturel qu’il va falloir intérioriser
jusque dans le point de vue de notre corps, puisque Dieu est pur Esprit :
c’est cela le mystère de la « sponsalité » comme le dit le saint
Père.
Le Verbe de Dieu
se trouve au ciel dans la Résurrection : c’est le Christ ressuscité. Quant
à Marie, l’Esprit-Saint va s’emparer de plus en plus de son corps et Elle va
progressivement disparaître jusqu’à ne plus subsister que dans cette brûlure
d’Amour. Et l’Esprit-Saint Lui-même va disparaître pour se fondre dans ce
mariage d’amour réalisé à la Croix.
Ainsi, cette
unité d’Amour réalisée à la Croix entre le Verbe de Dieu et l’Esprit-Saint va
se réaliser de plus en plus dans la chair de Marie dans le mystère de la
Dormition, jusqu’à l’incarnation ultime de ce mystère d’amour qui est le
mystère de son Assomption (proclamation du dogme en 1950).
C’est cela le
grand tremblement de terre ! Dans le mystère de l’Assomption, c’est
presque plus l’Esprit-Saint et le Verbe qui trouvent un mariage dans la chair,
que Jésus et Marie qui font une seule Chair glorieuse.
Quand
l’Esprit-Saint a fait cheminer l’Église jusqu’en 1950, Il nous fait comprendre
qu’il faut prendre saint Jean de la Croix, certes, mais qu’il faut voir
maintenant comment le corps doit s’intégrer. On passe de l’Église des débuts où
on a intégré le mystère de l’Incarnation, qui aboutit à la grande mystique du
Carmel, au mystère de l’Immaculée Conception où on est projeté à retrouver ce
que Marie fait en tant que Reine, c’est-à-dire où Elle réalise ce qu’est son
origine. Parce qu’il y a trois aspects dans le mystère de l’Assomption :
la Dormition, l’Assomption et le mystère de Marie Reine.
Nous sommes amenés, avec Elle, à nous projeter dans
l’origine du mystère de l’Immaculée Conception et à retrouver ce mystère de
mariage qui trouve son terme sur terre dans son mariage avec saint Joseph.
On voit bien la manifestation humaine du Verbe, on voit bien
la manifestation humaine de l’Esprit-Saint, mais où est la manifestation
humaine du Père ?
II y a là quelque
chose de très important. C’est pourquoi les prophètes du Christianisme ont dit
que c’est seulement à la fin des temps que l’on comprendra ce que le mystère de
Joseph peut signifier et qu’on en vivra. Et c’est seulement à ce moment-là que
le Christ pourra revenir, que le cosmos pourra être intégré. C’est pourquoi
c’est si important de comprendre cette espèce d’union qu’il y a eu entre
l’Immaculée Conception et saint Joseph dans cette présence silencieuse de Dieu
le Père. II n’y a pas de parole pour cela. Comment se fait-il que saint Joseph
soit comme cela ? N’est-ce pas parce que c’est ce que l’on doit
faire ? N’est-ce pas là notre vocation ?
II va donc
falloir pénétrer dans cette Sainte Famille Glorieuse, pour saisir cette
présence silencieuse, paternelle et incarnée de Dieu auprès de l’Immaculée Conception,
à travers saint Joseph, où la Très Sainte Trinité, de l’intérieur de notre âme,
va pouvoir être présente, non seulement à l’intérieur de notre âme, mais aussi
de notre corps.
C’est par cette
incorporation de l’union transformante dans le mystère de la Sainte Famille que
notre corps sera lui-même transformé en corps spirituel.
II.
Communions sponsales au Ciel où le
corps est impliqué
1. Dans le Sacré Cœur de Jésus, on va trouver la communion sponsale qu’il y a
entre Jésus rempli de gloire et Marie remplie de gloire, s’associant dans un
seul Amour intégral humain rempli de gloire. C’est le nouvel Adam et la
nouvelle Ève dont le terme pour Jésus est le Mystère du Sacré Cœur, et pour
Marie, le Mystère de son Assomption.
Quand on rentre dans le Sacré Cœur de
Jésus, il faut comprendre comment cela se réalise et où notre corps se situe.
2. Il y a aussi une communion sponsale entre
Marie remplie de gloire et l’époux de l’Immaculée Conception rempli de gloire,
saint Joseph. Cette Union est portée par le Verbe de Dieu dans l’incréé et se
termine dans le mystère de la Sainte Famille Glorieuse.
3. Il y a une communion de complémentarité
des personnes entre Joseph et l’Enfant-Jésus, l’Innocent. C’est bien une
communion analogue à l’union sponsale parce que, dans la Très Sainte Trinité,
le Fils est le Fils du Père en même temps qu’Il est l’Épouse de l’Époux. Et
quand il y a le Verbe incarné, Jésus qui est fils de saint Joseph en même temps
que Joseph est son père, cette unité d’Amour va impliquer un amour tout à fait
extraordinaire et qui est actué par la présence des Personnes divines.
Ces trois
communions sponsales vont engendrer une espèce de nouveau mystère de
l’Incarnation que l’on appelle la Jérusalem Céleste. Ces trois communions
sponsales dans la Sainte Famille Glorieuse où le corps est impliqué vont
attirer notre corps en premier, le Corps mystique de l'Église en second, puis
la Jérusalem Céleste, et finalement, la création toute entière. II faut que
l’on puisse rentrer dans cette espèce de tourbillon incarné dans ces trois
rencontres interpersonnelles dont le soubassement théologique est le Mystère de
l’Immaculée Conception.
4. Le
mystère de l’Immaculée Conception
Marie possède
comme nous un corps. Elle est notre sœur. Et pourtant Elle est immaculée dans
sa conception. Ce privilège unique qui est le sien, est le fruit de l’unité
entre le Verbe de Dieu et l’Esprit-Saint, dans le Cœur sacerdotal du Christ. De
même que l’Esprit-Saint est le fruit de l’unité du Verbe de Dieu et du Père, de
même l’Immaculée Conception est le fruit de l’unité des deux Personnes divines,
le Verbe et l’Esprit-Saint ; mais, comme c’est à travers le corps créé et
mort du Christ, Marie est une créature... Mais quelle créature !
Du Cœur de Jésus,
blessé par le coup de lance, est sorti l’eau, le sang et l’Esprit-Saint :
l’Esprit-Saint est la 3ème Personne de la Très Sainte Trinité, le
Sang représente la vie intime du corps du Verbe crucifié, donc du Verbe de
Dieu, directement lié à son corps et l’Eau, l’Immaculée Conception.
Par le mystère de
l’Immaculée Conception, nous pouvons rejoindre le Verbe de Dieu lorsque
Lui-même se conjoint à l’Esprit-Saint, à l’intime de son corps glorifié dans le
Sein du Père.
II y a donc bien une Communion des Personnes, entre la 1ère
et la 2ème Personne de la Très Sainte Trinité et une Communion des
Personnes entre la 2ème et la 3ème Personne de la Très
Sainte Trinité.
Mais, n’y a-t-il pas une Communion des Personnes entre la 1ère
Personne de la Très Sainte Trinité (le Père) et la 3ème Personne de
la Très Sainte Trinité (l’Esprit-Saint) ?
C’est toute la
question que l’on se pose. Grâce au Père Maximilien Kolbe, nous pouvons bien
répondre par l’affirmative en nous orientant théologiquement à travers le
mystère de l’Immaculée Conception.
Le Père Kolbe dit
qu’il faut reprendre toute la théologie à partir du mystère de l’Immaculée
Conception. Je dirais plutôt à partir du mystère de l’Assomption, donc de
l’Immaculée Conception dans son terme ; parce que le mystère de
l’Immaculée Conception est un mystère d’origine dont le fruit au ciel est le
mystère de Marie Reine. En effet, l’Amour de Marie s’intensifie tout le
temps : Elle va de survenue en survenue de l’Esprit-Saint. Cela commence à
sa conception et se déploie dans l’éternité, mais c’est le même mystère.
5. Le
mystère de Marie Reine
Marie est comme
le visage visible du Saint-Esprit, porté par le Verbe ; car l’Esprit-Saint
est un Amour tellement parfait qu’il ne peut agir plus d’Amour. Il n’est que
plénitude d’Amour, celle de l’Union du Père et du Fils dans l’incréé. Il n’y a
donc pas d’initiative d’amour pour l’Esprit-Saint, il ne peut que demeurer dans
une passivité d’Amour substantielle et totale ; Il ne peut pas produire
activement d’Amour dans l’incréé. Mais lorsqu’il rejoint la passivité
substantielle d’Amour du Verbe de Dieu dans le Cœur sacerdotal du Christ à la
Croix, l’unité des Deux devient exprimable activement dans l’Immaculée
Conception. L’Immaculée Conception est en puissance ce que l’Esprit-Saint est
en acte.
Et lorsque Marie
se révèle à sainte Bernadette, en lui disant : « Je suis l’Immaculée
Conception », Bernadette comprend que c’est l’Esprit-Saint qui nous révèle
qui Il est. Saint Louis Marie Grignon de Montfort dit qu’il suffit qu’on rentre
à l’intérieur du mystère de l’Immaculée Conception pour que l’Esprit-Saint se
précipite en nous comme un torrent. Marie est Épouse de l’Esprit-Saint. C’est
Marie qui, par la médiation de son Corps ressuscité au ciel, donne à
l’Esprit-Saint le vecteur d’unification qui Lui permet de rejoindre dans
l’amour incarné la communion des Personnes : c’est le mystère de Marie Reine.
6. Le mystère de la Sainte Famille
Glorieuse
De son côté, le
Père, parce qu’Il engendre un Fils, le Verbe de Dieu, envoie le Verbe prolonger
en Lui sa Présence incarnée, à travers la médiation du corps ressuscité de
saint Joseph. Or, en même temps, l’union entre l’Immaculée Conception et
l’Époux de l’Immaculée Conception est portée par le Verbe de Dieu : c’est le mystère de la Sainte Famille
Glorieuse.
Alors nous
comprenons à quel point Dieu a mis un lien de nécessité entre le Corps glorifié
du Christ et celui qu’Il va assumer dans l’Immaculée lors de son Assomption. Et
enfin ce besoin, pour ainsi dire, qu’ils en auront ensemble de se retrouver
dans le sein du corps glorifié de saint Joseph qui incarne glorieusement la
Présence du Père, pour Jésus et Marie. Dès lors, tout est prêt pour attirer
tous les corps spiritualisés dans le monde nouveau de la Gloire du Père, du
Fils et de l’Esprit-Saint.
Tel
est bien le contexte incarné du Cantique spirituel de notre corps : le
mystère de la Sainte Famille Glorieuse.
Il faut beaucoup
prier l’Esprit-Saint pour que l’on puisse trouver, à travers le Cœur de Jésus,
comment le Verbe de Dieu dans la gloire permet que se réalise l’union entre
l’Immaculée Conception et l’Époux de l’Immaculée : c’est toute la mystique de la Sainte Famille Glorieuse qui est au ciel,
dans l’incréé, et qui se révèle à nous, celle qu’on atteint par la foi ;
car la Sainte Famille de Nazareth n’est pas un mystère. Il faut demander cette
grâce à Jésus de pouvoir vivre de son Sacré-Cœur pour pénétrer dans l’union
transformante et saisir ce que porte le Verbe de Dieu. Il porte le Père et Il
est porté par le Père. C’est ce que Jésus nous dit : « Le Père est en Moi et Je suis dans le Père ». Il porte
également l’Esprit-Saint, corporellement, à travers l’Immaculée Conception
(Marie Reine) et l’Époux de l’Immaculée. C’est ce dernier Amour qui révèle tout
le mystère du ROYAUME DES CIEUX, celui de la Sainte Famille Glorieuse. II y a
là quelque chose de terminal. Toute commence par la Sainte Famille et tout se
termine par la Sainte Famille : c’est cela le soleil de la Jérusalem
Céleste.
Le corps est
impliqué pour la première fois dans une communion sponsale glorieuse dans le
mystère de l’Assomption. Mais je préfère dire que tout commence encore avant,
dans le mystère de l’Immaculée Conception : Le mystère de l’Immaculée Conception précède le mystère de
l’Incarnation.
En effet, cette
communion sponsale entre le Verbe de Dieu et l’Esprit-Saint, dans le Cœur
sacerdotal du Christ, précède le mystère de l’Incarnation. C’est pourquoi,
quand Marie est au pied de la Croix, c’est si important pour Elle, car Elle
découvre qui Elle est : Elle découvre qu’Elle est originée dans l’union de
deux Personnes divines, le Verbe et l’Esprit-Saint et qu’ELLE EST cette
origine. C’est pourquoi Elle dit : «
Je suis l’Immaculée Conception ».
On peut donc dire
que la 1ère communion sponsale qui est le principe de tout, c’est
bien l’Immaculée Conception ;
La 2ème
communion sponsale, c’est le face à face, le « HE » entre l’Homme et la Femme, l’Époux et l’Épouse, le
nouvel Adam et la nouvelle Ève. Lorsque nous découvrons ce mystère de
l’Immaculée Conception, et notre pauvreté instrumentale, nous n’avons plus
qu’un désir, celui de nous plonger dans le Cœur Immaculé de Marie uni au
Sacré-Cœur de Jésus. Alors, immergés dans le Cœur de Marie, nous commençons à
vivre de son mystère dans son Assomption jusque dans le Sacré-Cœur de Jésus et
nous commençons à vivre de cette gloire qui embrase le Cœur de Jésus dans la
Résurrection. C’est le début du processus.
Alors, nous
devenons présents à ce qui attire en eux les corps de ceux qui ont été, comme
saint Joseph, blessés par le péché originel et par le mal du monde.
La 3ème
communion sponsale dans la gloire qui assume le corps humain, c’est celle de
Marie, l’Immaculée Conception et de saint Joseph, époux de l’Immaculée, le
mariage terrestre de Marie et de Joseph étant une prophétie, une icône.
La 4ème
communion quasi-sponsale concerne l’Enfant-Jésus, le Verbe, le Fils, et son
père, Joseph.
Toute la vie chrétienne ne consiste-t-elle pas en
cela ? Vivre corporellement, de manière incarnée, tout le mystère d’union
à Dieu ; découvrir comment le Père se révèle à nous à travers le mystère
de la Sainte Famille Glorieuse ?
Mais il est
important de bien comprendre que les différentes unions au sein de la Sainte
Famille ne procèdent pas de la même origine. L’union est hypostatique dans le Christ, elle est actuelle entre l’Esprit-Saint et Marie, et elle est instrumentale entre saint Joseph et le
Père. Chaque union ne peut donc s’exprimer que dans des termes différents et
pourtant chaque union est une union d’Amour absolu. Le Père, par exemple, peut
se servir intégralement de la glorification du corps de saint Joseph pour se
livrer à son Fils rempli de Gloire.
Toute la création
est appelée à être récapitulée dans tous ces mystères de Communion des
Personnes.
La porte d’entrée
pour découvrir notre corps spirituel, c’est ce mystère d’union entre le Christ
ressuscité et la Vierge glorifiée en son Assomption : le Mystère du
Sacré-Cœur.
En vivant du
mystère de Marie, dans son Immaculée Conception, brûlée par le Feu de
l’Esprit-Saint, et portée par le Verbe de Dieu, nous pénétrons dans le mystère
du Sacré-Cœur de Jésus et nous pouvons commencer à vivre de cette communion
sponsale entre le Verbe de Dieu et l’Esprit-Saint. On se retrouve vraiment dans
le Cœur de Jésus ouvert à la Croix, mais rempli de gloire dans l’éternité.
Vivre du Sacré-Cœur c’est très important, c’est vivre de cette fusion d’Amour
des Cœurs de Jésus et de Marie remplis de gloire où nous trouvons la Gloire du
Verbe incarné et la Gloire de l’Esprit-Saint actuellement royal (Marie Reine),
les deux ne formant qu’UN seul Amour royal tout puissant.
En vivant de
cette fusion d’amour des Cœurs de Jésus et Marie, nous rejoignons le lieu où le
Père féconde la résurrection universelle, la résurrection des corps, la
résurrection de la chair et nous actuons notre acte de foi « Je crois en la résurrection de la chair, et en la vie
éternelle » et nous pouvons
entrer dans la Sainte Famille Glorieuse qui vient du Ciel.
C’est là, dans
cette Sainte Famille Glorieuse que notre
corps spirituel va pouvoir être engendré clans la véritable enfance qui
nous permettra de devenir fils de Dieu, jusque dans la chair.
D’où
la charte intuition (que nous avons étudiée plus en détail dans un texte
précédent : « Le Monde Nouveau
ou le Règne du Sacré-Cœur ».)
III. Charte
pour le Monde nouveau
« Nous devons, et c’est le Père Tout-Puissant qui le
demande, refaire le monde nouveau ; mais ce monde ne peut se refaire que
spirituellement. C’est donc l’homme qui doit resurgir, le fils de l’homme qui
doit resurgir. Et chaque personne a, devant elle, son corps spirituel... »
Il faut
comprendre que l’union transformante n’est pas quelque chose de purement
spirituel au sens où l’on doit se décorporer, c’est purement spirituel au sens
où l’on doit passer par l’union transformante. Mais au terme, il faut découvrir
que c’est corporellement aussi que notre corps doit se relever spirituellement
lui-même dès cette terre, qu’il rayonne déjà de ce qu’il rayonnera
éternellement.
Jésus, Marie, Joseph, forment donc une seule Chair glorieuse
dans le mystère de la Résurrection.
Cette unité
glorieuse est un peu comme une matrice dans laquelle va naître et se développer
notre corps spirituel. Nous devons découvrir notre corps s’illuminant là de
manière vivifiante dès cette terre afin d’être glorifié éternellement.
Nous pouvons dès
à présent choisir de vivre de cette Résurrection, de cette éternité brûlante
d’amour qui se rend présente à nous dans les sacrements, si nous vivons des
sacrements spirituellement, c’est-à-dire étant intégrés dans ce que saint
Joseph vit corporellement de son union avec le Père, dans ce que la Vierge
Marie vit corporellement de son union avec l’Esprit-Saint, et dans ce que Jésus
vit corporellement de son union avec le Verbe. C’est cette unité là en une
seule hypostase dans la Gloire de Dieu qui produit l’advenue de notre corps
spirituel.
« Chaque personne a, devant elle, son corps spirituel
et elle a le devoir, pendant sa vie sur la terre, de rentrer à nouveau dans
cette enveloppe ».
Recevoir le
scapulaire, par exemple, c’est demander à rentrer dans cette enveloppe de la
Sainte Famille Glorieuse où ils font tous les Trois une seule Chair
glorieuse ; car le Nazareth de la terre en ce moment est au ciel. Dans
cette « une seule Chair glorieuse », il y a un seul corps, un seul
feu qui brûle corporellement l’humanité intégrale d’Amour, et c’est dans ce Feu
que jaillit mon corps ressuscité.
« Ce monde ne peut se refaire que
spirituellement ».
Cela donne à
présupposer que saint Joseph est monté au Ciel avec son corps ; la foi
nous dit que Jésus est ressuscité avec son Corps, que Marie, dans son
Assomption, est au Ciel avec son corps, mais elle ne nous dit pas encore que
Joseph est au Ciel avec son corps. Des saints le disent déjà, comme saint
François de Sales, docteur de l’Église.
Il faut rentrer
dans cette Sainte Famille Glorieuse, découvrir notre corps spirituel, pénétrer
dans cette enveloppe et, c’est de là que, torrentiellement, vont apparaître du
centre de notre corps, toutes nos qualités, toutes les purifications, les
vivifications, les fortifications et surtout ce contact avec le Père de manière incarnée, par le Sacré-Cœur et
par Marie, de manière à naître enfin en tant qu’homme, mais d’une manière
nouvelle, d’une manière réelle.
« C’est cette enveloppe, cette réalité de notre corps
ressuscité qui est engendrée et qui m’attend ; c’est la matrice de ma vie
nouvelle qui va nourrir le petit enfant que je suis dans une nouvelle innocence
triomphante : c’est la naissance du fils de Dieu. Et je reçois, par cet
acte, la vie éternelle. »
On peut prier ainsi : « Ma très sainte Mère, tous mes
désirs, je viens les enclore, les enfermer dans votre Présence rayonnante, au
moment où votre Présence rayonnante est en train de se fondre dans la présence
rayonnante de saint Joseph »
Nous possédons déjà notre corps de gloire présent dans cette
éternité lumineuse brûlante d’Amour qu’est la Résurrection.
C’est très
simple, c’est très facile et ça change tout ! C’est ce qui s’est passé
quand le Verbe de Dieu a pris Chair : Il est venu s’enfermer, s’engloutir
dans la Présence rayonnante de l’Immaculée Conception au moment où cette
Présence rayonnante de l’Immaculée venait se fondre dans la présence rayonnante
de saint Joseph, présent à Elle dans l’unité sponsale d’une manière totalement
spirituelle et, en même temps, totalement incarnée.
IV. Le
but que nous poursuivons est de regarder comme le corps peut participer aux
différentes
étapes que la tradition stigmatise dans les
demeures de l’Union transformante.
Nous nous
aiderons en cela par le livre de A. TANQUEREY « Précis de Théologie
ascétique et mystique » qui est le trésor du chrétien et les deux livres
de Dom Marie Eugène de l’Enfant-Jésus « Je veux voir Dieu » (pour les
4 premières demeures) et « Je suis fille de l’Église » (pour les 3
dernières demeures.)
Saint Jean de la
Croix essaie d’expliquer les touches de la Vie divine dans l’âme pour que
chacun puisse repérer dans quelle étape il est dans sa course vers la
sainteté ; c’est-à-dire s’il est parmi les commençants, s’il est parmi les
généreux, s’il est déjà dans l’union de volonté, s’il a connu les fiançailles
ou s’il est déjà dans l’union transformante (il ne faut pas dire trop vite que
l’on est dans la 7ème demeure !)
Dans la manière
« masculine » de saint Jean de la Croix, tout se termine par un
mariage.
Or, tout mariage relève des lois de l’unité sponsale.
Selon que je suis
un homme, une femme ou un enfant, le mariage se réalisera différemment. Il y a
donc une mystique de l’Époux (saint Jean de la Croix), une mystique de l’Épouse
(sainte Thérèse d’Avila) et une mystique de l’Enfant (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus).
Les trois voies
mystiques de l’union transformante.
Saint Jean de la Croix va trouver son Épouse dans la
gloire qui embrase le Sacré-Cœur de Jésus dans la Résurrection et qui fait
l’unité entre le Père et le Fils. Dans le Sacré-Cœur, il contemple le Verbe que
brûle le Feu de l’Esprit-Saint. Dans ce feu qui brûle le Sacré-Cœur de Jésus
dans la Résurrection il y a une demande en mariage ; le Verbe incarné me
demande en mariage. Il veut s’engloutir en moi, dans les profondeurs de ma
terre pour y vivre de la Résurrection.
Dans la Très Sainte Trinité, le Père est l’Époux et le Verbe
est l’Épouse parce qu’il sort du Sein du Père intérieurement, comme Ève sort
d’Adam tout en lui étant donnée intérieurement, toute abandonnée. Le Père et le
Fils alimentent un tourbillon d’Amour d’où jaillit l’incendie divin qui fait
que Dieu est Dieu et qu’en Lui-même Il est UN. Parce que l’Un et l’Autre
s’unissent dans un Amour tel qu’ils disparaissent l’Un et l’Autre et qu’il ne
reste plus qu’Un qui est
l’Esprit-Saint, cet embrasement d’Amour. C’est ainsi qu’il y a trois Personnes
qui disparaissent vraiment dans l’unité. C’est là, dans le Feu de
l’Esprit-Saint qui brûle le Cœur sacerdotal du Verbe dans la Résurrection que
saint Jean de la Croix vit son mariage mystique, c’est-à-dire dans le Verbe
incarné. Nous voyons là combien l’Union hypostatique du corps de Jésus et du
Verbe est importante !
Sainte Thérèse d’Avila va davantage trouver son Époux
dans le Christ, comme icône du Père. Le Christ est son Père et son Époux. Il
l’engendre à la grâce. C’est l’Humanité sainte du Christ, donc la masculinité
du Christ, qui va jouer un rôle prépondérant chez elle dans l’union
transformante.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus va porter
différemment cette même grâce du mont Carmel ; c’est la voie du petit
enfant ; c’est la voie la plus rapide, celle de l’ascenseur.
Ces trois voies
sont différentes et elles vont avoir des répercussions gigantesques quant aux
signes des étapes dans la course vers l’union transformante. Dom Marie Eugène
de l'Enfant-Jésus dit bien qu’il faut prendre les sept demeures de l’union
transformante, selon saint Jean de la Croix, sainte Thérèse d’Avila et sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus, mais qu’il faut en faire la synthèse pour en voir le
vrai principe. Telle est la vision carmélitaine de la vie mystique : vie
de communion de notre cœur, de notre volonté et de notre liberté intérieure
quand nous nous donnons à Dieu. C’est le point de vue spirituel qui est repéré
ici.
Mais le but de
notre méditation est de comprendre comment le
corps va s’intégrer dans cette union transformante c’est-à-dire au Corps
mystique de l'Église du Christ pour donner naissance à la Jérusalem Céleste et
quel est le rôle de la Sainte Famille Glorieuse.
CHAPITRE IV
COMMENTAIRE DU
CANTIQUE SPIRITUEL DE SAINT JEAN DE LA CROIX
Dans son Cantique
spirituel, saint Jean de la Croix n’intervient directement qu’à partir de la 4ème
demeure où le point de vue surnaturel transforme réellement l’esprit dans son
lien avec l’âme à l’intérieur même de notre corps. Il délaisse les trois
premières demeures où le travail de la grâce reste naturel, consistant à
enlever les péchés graves dans la 1ère demeure, les péchés
habitudinaires dans la 2ème demeure, et les péchés véniels dans la 3ème
demeure. À partir de la 4ème demeure, notre nature étant devenue
saine, va pouvoir être mêlée à la liqueur de la grâce qui va agir en nous de
manière surnaturelle. La grâce est toujours surnaturelle, mais son effet est
naturel dans les trois premières demeures, il ne devient surnaturel qu’à partir
de la 4ème demeure dans l’oraison de quiétude et de recueillement.
Pour cela, il
faut quitter le temple, expirer, puisque nous ne sommes que péché. Quand on ne
ressent plus rien, on atteint le point de vue spirituel le plus pur de notre
âme, et on se repose dans cette quiétude de la mort spirituelle (car toutes nos
impressions, toutes nos émotions sont infectées par le péché) où l’on trouve la
tranquillité toute pure d’une humanité substantiellement elle-même, de manière
incarnée et actuelle où saint Joseph est présent. Pour cela, il faut faire
oraison. Alors commencent la nuit, l’aridité, la foi, l’amour, la grâce, la vie
éternelle dans le monde nouveau. C’est l’heure des épousailles de l’Époux et de
l’Épouse, du Verbe et de son Père, dans notre corps. Nous sommes là,
spirituellement, dans cette mort au monde, cette nuit, cette pauvreté
instrumentale ; c’est là que se trouve la Paternité de la Première
Personne de la Très Sainte Trinité. Immergé au plus intime de notre âme, le
Père est là, et nous sommes en contact avec Lui. Et nous commençons à voir un
peu ce que saint Joseph vit intérieurement, depuis le premier moment de sa vie
On rentre alors dans l’oraison de quiétude.
Saint Jean de la
Croix fait jaillir ce Cantique à partir du moment où il a été en contact avec
le Père, parce que Jésus n’est pas venu pour que nous nous attachions à Lui,
mais Il est venu pour que nous soyons en
contact avec le Père. Il n’est pas venu pour se manifester, mais au contraire,
pour que sa manifestation soit broyée et détruite. Jésus est venu nous montrer
le Père, nous révéler le Père.
1 « Où te caches-Tu, Toi que j’aime.
« Toi qui me laissas dans les gémissements
« Pareil au cerf, Tu as fui ;
« M’ayant navrée, après Toi,
« Je sortis, criant, et Tu étais parti ! »
Là, je parle à
Celui que j'aime, qui est à la fois mon Père, mon identité dans le Verbe, et à
la fois mon amour dans l'Esprit-Saint.
« En ce 1er
couplet, l’âme éprise de l’amour pour le Verbe, Fils de Dieu, son Époux,
désirant s’unir à Lui par une vision claire, essentielle, expose ses angoisses
d’amour, se plaignant à Lui de son absence. Et ce, d’autant plus qu’étant
blessée, parce qu’elle l’aime de manière brûlante, pour elle, elle veut quitter
tout, elle veut se quitter elle-même ; et pourtant elle se voit néanmoins
privée de la présence de Celui qu’elle aime éperdument ; et, en plus, Lui
ne s’occupe pas d’elle, et ne la délivre pas de cette chair mortelle pour lui
donner la jouissance de la Gloire de l’éternité. Alors, elle parle : « Où
te caches-Tu, Toi que j’aime ? », comme si elle disait au Verbe de
Dieu « Mon Époux, montre-moi le lieu où Tu te caches ».
Il est caché dans
le sein du Père et en saint Joseph corporellement comme Marie est cachée en
saint Joseph ; sinon il n’y aurait pas eu le mystère de l’Incarnation. On
commence à comprendre ce que veut dire le mariage entre l’Immaculée Conception
et le Juste par excellence (Matthieu 1, 19).
« En quoi elle lui demande la manifestation ouverte de
sa substance divine, parce que le lieu où est caché le Fils de Dieu est,
d’après saint Jean (1, 18), le sein du Père qui est l’Essence Divine, laquelle
est éloignée et cachée aux yeux des mortels et à toute compréhension humaine.
Ce qu’Isaïe a exprimé par révélation en disant : « Vraiment,
Seigneur, Vous êtes un Dieu caché ». C’est ici qu’il faut remarquer que,
si grandes que soient les communications et la Présence de Dieu dans nos
prières, si hautes et sublimes soient les connaissances de Dieu qu’une âme
puisse pénétrer en cette vie, recevoir par pure grâce, cela n’est pas Dieu du
tout et n’approche en rien de Lui, parce que cela manifeste à l’âme qu’Il est
tout autre que ce qu’elle en a perçu par ces grâces. Et Il reste, de plus en
plus, et demeure en totale vérité, caché à l’âme qui a pénétré dans la connaissance
de Dieu par cette touche divine ».
Si on ne quitte
pas toutes les connaissances sensibles, on ne peut pas pénétrer dans la 4ème
demeure de l’oraison de quiétude.
« Parce que, malgré qu’Il ait donné ces consolations et
ces touches de connaissance sensible, Il demeure plus encore véritablement
caché à l’âme, et toujours il convient à cette âme, si elle L’aime, de
considérer qu’Il n’est pas là et qu’Il est caché au-delà de toutes les
grandeurs qu’il lui semble avoir reçues pour elle-même ; et elle doit le
tenir caché et c’est pourquoi elle dit « Où te caches-Tu, Toi que
j’aime ? ».
C’est ce que fait
saint Joseph, lui qui cache le mystère du Père, tout le temps, qui cache le
mystère de l’Immaculée Conception, qui cache le mystère de l’Incarnation.
« Car, ni la haute communication et présence sensible
ne vous fait avancer plus profondément en la Présence de Dieu, mais pas plus
cependant l’aridité et absence de toutes ces grâces sensibles dans
l’âme ».
Autrement dit,
que vous soyez dans un ravissement extatique ou que vous soyez dans une aridité
totale, ni l’un ni l’autre ne sont le moindre indice d’une plus grande Présence
de Dieu.
« Et l’un. pas plus que l’autre, ne vous rapproche de
Dieu. C’est pourquoi Job, en prophétisant par révélation, dit ceci :
« Si Dieu vient à moi, je ne Le vois pas, et s’Il se retire de moi, je
n’en sais rien ».
C’est ce qu’a dit
sainte Jeanne d’Arc : « Si je
suis dans la Grâce de Dieu, qu’Il m’y garde, si je n’y suis pas, qu’Il m’y
mette ». Je suis totalement abandonné à la Volonté de Dieu. Mais,
pourtant, j’ai reçu des grâces incroyables ! J’ai compris que Dieu est
avec moi ! Peut-être pas ! Il m’a abandonné ? sûrement
pas !
« Voilà ce qu’il faut conclure : si l’âme sent une
grande communication ou quelconque sentiment divin, elle ne doit pas pour
autant se persuader que cela soit une preuve qu’elle est plus en Dieu
qu’avant. » Elle doit penser que ce qu’elle ressent à ce moment-là ou ce
qu’elle entend, si haut et si sublime que cela puisse être, elle doit penser
que ce n’est pas le Dieu qu’elle aime.
Elle ne doit pas
rejeter cette grâce, mais elle doit savoir que ce n’est pas le Dieu qu’elle
aime, parce que Dieu est beaucoup plus grand que cela. Elle doit le chercher là
où Il est caché.
« Et si toutes ces communications
sensibles et intelligibles venaient à lui manquer, elle ne doit jamais penser
que, si elle en est privée, Dieu n’est pas là puisque réellement ni par l’une,
communication, ou l’autre, aridité, elle ne peut savoir si elle est en sa grâce
ou si elle est en dehors de la grâce. »
On peut très bien recevoir les plus hautes communications sensibles
et ne pas être en grâce avec Dieu et on peut très bien être dans une aridité
absolue, continuellement et être en grâce avec Dieu.
« Le sage, dans l’Ecclésiastique, au chapitre 9 verset
1, le disait lui-même par révélation : « Nul homme mortel ne peut
savoir s’il est en grâce ou s’il est en horreur avec Dieu » ; de
sorte que l’intention principale de l’âme dans ce vers lorsqu’elle crie sa
souffrance en disant : « Où vous cachez-vous, Vous que j’aime, Vous
qui m’avez laissée dans ce deuil comme un cerf éperdument courant qu’on va
comme en poursuivant, vous fuyez, m’ayant bien blessée, je sortis, je crie
après vous, mais vous, vous fuyez toujours en avant et vous cachant » quand
elle dit cela, ce n’est pas seulement pour demander la dévotion affective et
sensible où il n’y a aucune certitude ni clarté de la possession de grâce de
l’Époux, ce qu’elle désire, c’est la claire Présence de Dieu, la vision de son
Essence. Et elle dit par-là qu’elle ne veut être satisfaite que quand elle
verra son Essence même, sa Lumière elle-même en sa substance pour qu’elle
puisse être satisfaite dans la gloire et que ce ne soit que cette Gloire qui
fasse sa satisfaction. C’est ce que l’Épouse a voulu dire dans le Cantique des
Cantiques (ch. 1, v. 6) lorsque, désirant l’union de la divinité du Verbe, son
Époux, elle la demanda au Père en disant : « Enseignez-moi où Vous
paissez et où Vous reposez sur le midi ».
C’est le premier moment de l’oraison de quiétude.
Quand nous allons
au-delà de ce que nous éprouvons, de nos aridités, de nos sentiments, de nos
impressions, quand nous expirons, que nous sortons du temple, même du point de
vue religieux, quand nous rentrons au fond de notre âme, dans ce qu’elle a de
plus pur spirituellement, là où il n’y a plus rien que la pauvreté
instrumentale de saint Joseph, là où il y a ce cri de notre âme
spirituelle : « Où est le Verbe
Incarné ? Où est Mon Époux ? Je ne veux que Dieu, son Essence
divine ! ». À ce moment-là, nous sommes en contact avec le Père et nous Lui disons :
« Enseignez-moi où est votre Pâture, où est votre repos
sur le midi ». C’est extraordinaire parce que, pour l’âme, demander au
Père de montrer où Il se nourrit, c’est le prier de lui montrer l’Essence du
Verbe divin, parce que le Père ne se glorifie et ne se nourrit et ne se repaît
en rien d’autre qu’en l’Essence même de son Verbe, le Fils unique ; et en
le suppliant ainsi de lui montrer où Il se couche au midi, Il lui demande la
même chose ; car le Père ne se trouve en son repos et sa plénitude et
n’est contenu et présent en d’autre lieu que dans la nourriture dont Il se
nourrit, son Verbe éternel. Et c’est là qu’Il se repose, lui communiquant toute
son Essence au plein midi de la Résurrection et le midi, c’est l’éternité,
c’est l’engendrement éternel.
C’est comme une nouvelle naissance du Fils de
Dieu qui apparaît en nous dans l’oraison de quiétude.
« Ce
repos où le Père se repaît est ce lit fleuri du Verbe divin où Il se repose,
dans les délices d’un Amour infini, caché à toute créature mortelle. C’est ce
que demande l’âme en oraison, qui cherche à L’épouser quand elle dit :
« Où Te caches-Tu, Toi que j’aime ? ».
« C’est
pourquoi il faut comprendre, pour savoir où trouver cet Époux, autant qu’il
soit possible en cette vie, que le Verbe de Dieu, uni au Père et au
Saint-Esprit est substantiellement caché au centre le plus intime de notre
âme. »
« Et pourtant notre âme, qui, par
union d’amour, cherche à le trouver, doit encore sortir d’elle-même, pour communiquer
avec son Dieu, pour la première fois en amoureuse et dans un entretien vrai. »
« Et désormais, elle ne pourra plus
faire cas (c’est-à-dire faire attention) à tout ce qui est dans le monde, à
tout ce qui apparaît (les apparitions) pas plus que si elles n’existaient pas.
« C’est pourquoi saint Augustin
s’écrie, lorsqu’il parle seul dans ses soliloques : « Seigneur, je ne
Vous trouvais pas au-dehors parce que dehors, je Vous ai cherché et c’était mal
puisque Vous étiez dedans ». Dieu, donc, est caché dans l’âme où le
contemplatif qui a choisi l’Amour, commence sa contemplation en disant :
« Où Te caches-Tu. Toi que j’aime, Toi qui me laissas dans les
gémissements ? »
Là, on laisse l’Esprit-Saint nous
enseigner Lui-même, du centre de notre âme : pour cela il faut faire oraison.
I. Comment
faire oraison pour rentrer dans l’oraison de quiétude
Dans les trois
premières demeures, on cherche ces grâces sensibles, ces apparitions, ces
visions, ces sentiments, ces ardeurs, ces gémissements, ces pulsations d’amour
sensible, ces brûlures, etc... Tout cela est charismatique, ce n’est pas
spirituel. C’est un rebondissement, parce que Dieu se donne toujours à celui
qui se livre à fond. Mais si notre maturité spirituelle n’est pas très forte,
nous allons attribuer ces effets sensibles à la Présence de Dieu. Or, ce ne
sont que des manifestations qui s’originent dans notre imperfection. Si on
était parfait, il n’y aurait pas ces effets ; donc nous allons confondre
notre péché et la Présence de Dieu ! Quand notre corps est dans le péché,
il n’est pas dans l’obéissance à l’Esprit-Saint : alors les Grâces que
Dieu nous donne manifestent que notre corps est tordu par rapport à ce que nous
vivons spirituellement. Si nous recherchons ces grâces charismatiques, cela veut
dire que nous nous cherchons du côté de notre péché, et nous tombons dans
l’illusion. Cela aboutit à la magie blanche présente dans beaucoup de
révélations privées.
On comprend alors
qu’il faut se séparer de tout cela, le mépriser pour rentrer dans la foi :
c’est Dieu qu’on veut, ce ne sont pas ses Dons. Et Jésus nous dit qu’à la fin
des temps, les hommes seront tellement dans le froid, l’amour se sera tellement
refroidi, la foi aura tellement disparu, qu’il y aura beaucoup de signes. Or,
c’est dans le Temple que se manifestent toutes ces grandes nuées glorieuses
kabodiques.
Alors, il faut
faire comme Jésus, sortir du temple et rentrer dans le lieu où l’on expire (4ème
demeure) en-dessous de toutes nos émotions. Là on est dans le gémissement car,
par l’oraison, on s’est installé dans ce lieu où il n’y a plus rien en nous, ni
spirituellement, ni corporellement, où il n’y a plus de grâces sensibles. On
croirait que Jésus nous a abandonné, alors qu’au contraire, c’est Jésus qui,
enfin, va commencer à œuvrer en nous, ce ne sont plus nos impressions qui
dominent. On commence alors à entrer dans l’oraison de quiétude.
C’est le « Remez(1) » qui commence, c’est un clin d’œil
d’éternité où Jésus va enfin pouvoir pénétrer tous les espaces intimes de notre
corps et de notre esprit. Il va y avoir un début d’union, une paix va se faire
entre Jésus et nous, une unité, car c’est Jésus qui est au fond de nous source
de paix et d’unité. Alors, engloutis en Lui, nous nous livrons à Lui. C’est Lui
que nous voulons, et Lui seulement, le Verbe Incarné, et non pas seulement ses
Dons. Dans cette 1ère strophe on est dans les gémissements, une soif
commence à apparaître ; alors seulement l’amour peut commencer à devenir
spirituel. Jusque-là c’était un amour sensible qui correspondait à des besoins,
à des phénomènes de compensation, à des projections où la concupiscence,
l’orgueil et la vanité jouent un rôle important, alors que le Christ veut se
donner Lui-même spirituellement !
À ce moment-là,
l’Esprit-Saint pour la première fois commence à agir dans notre oraison et
notre corps lui-même va participer, il va s’engloutir dans cette
sérénité ; c’est pourquoi nous l’appelons « oraison de
quiétude », parce que le monde spatio-temporel, à travers notre corps,
s’assoupit. Dans cet état de passivité corporelle notre conscience reste encore
très éveillée, spirituellement parlant, mais c’est encore la Présence sensible
de Jésus que nous recherchons : d’où cette première strophe du Cantique
spirituel.
Vivre de
l’oraison, c’est dépasser les états de grâce sensible pour chercher l’état le
plus dépouillé possible, l’état de nudité absolue, d’oubli, de purification, de
nuit et de pauvreté. On ne regarde pas si on est malheureux, si on est aride,
ou si on est brûlé par des vibrations d’énergies.
Dans cette nudité
de l’âme, on découvre le visage du Père, l’atmosphère à travers laquelle le
Verbe, en s’incarnant, a trouvé son Père en saint Joseph. Alors, nous
commençons à naître dans ce mystère de la rencontre du Verbe incarné et du
corps de son Père Éternel à travers l’instrumentalité de saint Joseph :
« Le Verbe s’est fait Chair et Il a demeuré parmi nous ». À ce
moment-là, il y a quelque chose de notre corps originel, quelque chose de notre
mémoire ontologique qui est mis à nu et nos cellules commencent à se mettre à
la recherche du Verbe de Dieu. Nous pénétrons dans le Mystère de la Sainte
Famille où nous découvrons que saint Joseph est notre Père, le père de notre
corps, de notre chair, c’est-à-dire, le père de notre corps d’origine. Et avec
lui, un jour, dans les fiançailles, nous découvrirons notre corps spirituel.
Mais, pour cela, il faut faire oraison !
Dans l’oraison, nous nous engloutissons dans la Présence réelle,
concrète, lumineuse, rayonnante et glorieuse de l’Immaculée, Elle-même
engloutie dans le Sein du Père d’une manière incarnée en saint Joseph. Alors,
tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons, tout ce que nous pensons, il
faut en prendre conscience, est englouti dans cette Présence rayonnante de la
très Sainte Vierge qui l’engloutit dans la présence de saint Joseph. Alors,
tout monte et se surcharge d’un rayonnement spirituel, et tout ce que nous
disons, tout ce que nous faisons, tout ce que nous pensons, se présente
totalement spiritualisé.
Ce débordement de
la Présence rayonnante de l’Immaculée Conception, lorsqu’Elle s’engloutit dans
la Présence rayonnante du Père, dans sa toute puissance de lumière au sein du
corps glorieux de saint Joseph, devient pour nous, source des mots que nous
prononcerons, des pensées qui traverseront notre esprit, des actes que nous
ferons, des regards qui vont s’opérer en dehors de l’oraison. C’est le reflet
de ce qui se produit quand l’Esprit-Saint et le Père vivent une communion
sponsale à travers l’unité sponsale de Marie et Joseph, dans la Gloire.
Alors tout devient
spirituel. C’est simple. Il n’y a pas d’autre voie.
2 « Pâtres qui vous en irez
« Là-bas jusqu’au sommet, par les bergeries,
« Si vous voyez d’aventure,
« Le Mieux-Aimé, dîtes-Lui
« Que dolente je suis, et peineuse et mourante. »
« L’âme s’adresse aux pâtres, au sommet et aux
bergeries. Comme elle ne trouve plus Jésus en elle, dans ces soubresauts, ces
jubilations, ces lévitations, ces illuminations, ces transfigurations, ces
palpitations, alors elle s’adresse à tout ce qui, dans la création, est à la
recherche de Dieu ». C’est que la création aspire à la révélation des enfants
de Dieu et les enfants de Dieu sont ceux qui arrivent ici : ici,
l’adoration commence à devenir une adoration en esprit et en vérité ; ici,
elle va se chercher des médiations. Et la grande médiation est ce lien entre le
Créateur et sa créature et cette omniprésence de Dieu silencieuse, pas
sensible.
Cette
omniprésence de Dieu va accentuer la quiétude et faire rentrer l’âme en oraison
dans la 5ème demeure.
C’est pourquoi il
est si important de récapituler toute la création et la présence créatrice de
Dieu dans tout le monde, dans tous les temps et dans tous les lieux, dans cette
oraison de quiétude et d’unir notre quiétude à cette quiétude du Créateur et de
la créature en tant que créature qui repose dans le Père Créateur, dans
l’attente de la révélation des Fils de Dieu.
Elle appelle ici « pâtres », les affections, les
désirs parce qu’ils apaisent l’âme de biens spirituels et que par leur moyen
Dieu se communique à l’âme, car sans eux Il ne se communique pas à l’âme. Et
elle dit : « Pâtres, vous vous en irez ».
Si les affections
et les palpitations sont parties, c’est que je l’ai demandé. Et si je ne le
demande pas, je ne passerai pas aux 4ème et 5ème demeures
ni à l’union transformante : « Allez-vous en ! » et
« Où irez-vous ? » « Au sommet, sur la montagne et dans les
bergeries ».
« Elle dit : « vous vous en irez » et
elle veut dire par là que ces affections et ces désirs partiront pour vivre du
pur amour parce que tous ne vont pas jusqu’au sommet mais seulement ceux qui
naissent à un amour véritable et fidèle. Alors, l’amour va trouver refuge dans
les bergeries. Elle appelle « bergeries » les chœurs
angéliques. »
II. Intervention des Anges
On va habiter les
chœurs angéliques. L’amour commence à devenir purement spirituel. Il est porté
directement et de l’intérieur par les neuf hiérarchies angéliques, à travers
lesquelles tout ce qui existe est imbibé et porté, directement et de
l’intérieur, par la Présence de Dieu. Pour la 1ère fois, le monde
angélique apparaît : les Anges, les Archanges, les Principautés, les
Dominations, les Vertus, les Puissances, les Trônes, les Anges de Lumière et
les Anges de feu.
Nous n’avons pas
le même mode de connaissance que les Anges. C’est la foi qui nous met en
présence de Dieu et qui nous fait progresser à travers les sept demeures de
l’union transformante tandis que les Anges sont illuminés directement et
entièrement, de l’intérieur, par Dieu. C’est la différence entre la science
infuse et la science acquise. Ainsi, quand nous abandonnons notre mode de
connaissance sensible, nous nous rapprochons des Anges. Nous commençons tout
autant à nous rapprocher de ce qu’il y a de plus corporel, puisque notre corps
est enfin disponible à la spiritualisation parce que nous sommes plus proches
de cet état où c’est Dieu, enfin, qui va directement manifester sa Lumière.
Nous pouvons commencer à vivre de la grâce illuminative
« Elle appelle « bergeries » les chœurs
angéliques par lesquels nos gémissements et nos oraisons vont de chœur en
chœur, de hiérarchie en hiérarchie, jusqu’à Dieu, et c’est pourquoi elle dit
ici « allez là-bas, jusqu’au sommet », parce que comme le sommet est
élevé, ainsi Dieu est la souveraine hauteur et parce qu’en Dieu, comme sur un
sommet, on découvre et on voit toute chose directement. Et c’est de cette
illumination qui vient de Dieu Lui-même que nos oraisons sont portées par le
ministère angélique ».
Notre humanité
est enfin entièrement livrée, par la foi, dans cette tranquillité et cette
paix, de l’oraison de quiétude, à travers toute la création, à tout le monde
angélique qui est au Ciel, jusque dans la Très Sainte Trinité (il ne faut pas
se livrer au monde angélique qui n’est pas au ciel, parce qu’il n’y a pas
d’intermédiaire chez les Anges : puissance intermédiaire veut dire démon).
« Car ce sont eux qui offrent nos oraisons et nos
désirs, comme le dit l’Ange Raphaël, lorsqu’il enseigne Tobie.. » (ch. 12,
v.12)
Quand je
récapitule toute la création, je rentre dans le 12 du 12 qui est l’apostolat
angélique.
L’apostolat
angélique est représenté par le chiffre 12. Il est entre le 1 et le 2, entre le
Père et le Verbe : le Père parle, et le message angélique c’est la Parole
du Père dans son Verbe, c’est le Verbe ; c’est ce qui fait la béatitude
angélique des Anges qui sont des êtres de lumière, car ils sont dans la vision
béatifique. On rentre ainsi avec eux dans la Très Sainte Trinité.
«... Quand tu
priais avec gémissements et larmes et que tu ensevelissais ce qui était mort...
»
Tous ces charismes, toutes ces grâces, c’est mortel. Arrivé à un
certain degré de vie spirituelle, c’est une imperfection, car nous voulons
faire notre œuvre pour Dieu alors que le Seigneur nous dit « C’est Moi qui
vais faire mon œuvre en toi ». Et si nous continuons à faire notre œuvre
pour Dieu, c’est pour notre ego ; et cela devient une faute parce que nous
sommes appelés à l’union transformante. Le petit signe que l’on est passé par
la 4ème demeure, c’est qu’à chaque échec vis-à-vis d’une œuvre
extérieure qu’on avait faite pour Dieu, on doit pouvoir dire « quel
bonheur ! »
«... Quand tu
priais avec gémissements et larmes et que tu ensevelissais ce qui était
mort..., alors c’est là que ton oraison pouvait être présentée à Dieu »
L’oraison commence à devenir surnaturelle dans la 4ème
demeure et le passage à la 5ème demeure. C’est là que la grâce
surnaturelle sanctifiante commence à travailler elle-même : jusque là,
elle travaillait de manière enveloppante ; maintenant, la grâce commence à
travailler de l’intérieur.
« On peut aussi entendre par « ces pâtres »
dont parle ici l’âme, les Anges eux-mêmes parce qu’ils ne portent pas seulement
nos requêtes à Dieu, mais ils rapportent aussi la Présence de Dieu en nos âmes
pour que notre âme trouve enfin son repos, sa nourriture. Comme de bons pâtres,
de douces inspirations et communications purement spirituelles de Dieu, ils
nous protègent des loups qui sont les démons et ils nous défendent d’eux comme
de bons bergers ».
Notre corps
assoupi sera peu à peu irradié mais il n’est pas ici de soi apte à recevoir sa
vie d’en haut, son corps spirituel (disons son corps de résurrection qui
l’attend pour ainsi dire dans la fécondité trinitaire et glorieuse de la
Jérusalem éternelle) ; il s’accoutume seulement à cet état de passivité
instrumentale dans lequel Dieu place le corps des justes.
3 « En quête de mes amours,
« Je m’en irai par ces monts et rivages, (les mystères et
les torrents des sacrements)
« Point ne cueillerai de fleurs, (je n’en tirerai
aucun fruit)
« Les fauves point ne craindrai,
« Et je passerai les forts et les frontières ». (je dépasserai
toutes les limites de la création)
« Nous commençons à sortir du créé et à rentrer en Dieu
qui dépasse tout. Notre âme comprend qu’il ne suffit pas de prier, de désirer,
de s’aider de médiateurs pour parler à Celui qu’elle aime, comme elle l’a fait
jusqu’à maintenant, il faut qu’elle puisse le chercher par ses actes. »
Elle va enfin
faire des actes de foi, d’espérance et de charité, surnaturellement parlant.
« Par ces « monts », elle entend les vertus,
tant à cause de la profondeur que pour la difficulté du travail pour y
parvenir, elle va enfin exercer des actes de vie contemplative ».
Faire des actes
de vie contemplative, c’est rentrer dans le mystère de Dieu, dans le mystère du
Verbe, dans le mystère de l’Immaculée Conception et ainsi vivre du mystère de
la rencontre de l’Esprit-Saint et du Verbe de Dieu, c’est-à-dire du mystère de
l’Immaculée Conception. C’est autre chose !
« Elle
nomme « rivages », les mortifications et les humiliations, le mépris
de soi qui s’exerce dans la vie active. »
On commence à
rentrer dans les montagnes, c’est-à-dire dans les profondeurs de la vie
contemplative, et cela va transparaître dans nos actes extérieurs.
« Je préfère l’humiliation, la mortification, le mépris
de moi, et je m’y exerce dans mes actes extérieurs car pour acquérir les
vertus, ces deux-là. « les monts et les rivages ». sont absolument
nécessaires.
« Ce
passage de la 4ème à la 5ème demeure implique également l’exercice
continuel de l’obéissance héroïque ».
Le secret de
l’obéissance c’est la disponibilité et l’humilité ; nous préférons les
petites choses, nous obéissons à celui qui nous guide, nous accueillons l’autre
dans ses difficultés, nous pardonnons à celui qui nous a blessé...
Je connais une
petite paysanne qui dit :
« Il est bon
de se rendre compte que nous ne sommes pas toujours charitable. Mais si nous
savions les conséquences que cela entraîne dans ce monde où nous sommes et qui
est en train de naître, nous essaierions de ne plus recommencer. Si chacun veut
emprunter le chemin qui lui plaît, ou veut être aidé en ceci, pas en cela, ou
donner de son temps pour ceci et pas pour cela, ou aimer celui-ci, pas
celui-là, tout cela, si nous sommes choisis par Dieu, ne doit plus nous
habiter. Et si cela nous arrive encore d’entendre une voix de ce genre parler
au fond de notre cœur, sortons-la au-dehors et donnons-la à notre Mère qui nous
aidera à la détruire, de manière à rester toujours disponible. »
Si on est
disponible, on obéit et il n’y a plus aucun murmure, ni aucune revendication.
Il faut savoir rester toujours disponible car on a besoin de nous à l’instant
même. Si nos plans sont bousculés, c’est très bon signe, car bien souvent c’est
grâce à cela que Satan rate le mauvais coup qu’il s’apprêtait à nous faire.
Voilà comment
nous arriverons à nous sanctifier. Ne rejetons jamais le pécheur, ne rejetons
jamais celui qui nous met à l’épreuve, mais prions pour que soit détruite notre
réaction. Et prions pour que soit détruit le péché dans le monde entier. Comme
nous sommes au temps où les Anges sont envoyés sur la terre, nous serons aidés
grandement par eux, et nous pourrons offrir au Ciel l’enfance qui est en nous
et qui désire être effacée de tout défaut et de tout péché, par la patience et
l’obéissance.
Commentaire de
saint Jean de la Croix : « Point
ne cueillerai de fleurs »
« Dans cette oraison, dans cette union à Dieu, union
pacifique, union de sérénité, elle dit qu’elle ne cueillera pas les fleurs
qu’elle rencontrera sur le chemin des monts, des pâturages et des bergeries,
parce que, par ces fleurs, elle entend tous les goûts, les contentements, les
délices qui peuvent s’offrir à elle dans cette vie spirituelle ou soi-disant
spirituelle ; car ces goûts, contentements et délices lui barrent la route
et, si elle les cueille, elle s’arrête. Et si elle voulait les admettre et les
accueillir, qu’elle sache qu’ils sont de trois sortes : ils sont
temporels, sensuels, mais aussi et surtout spirituels. Et parce que les uns et
les autres occupent le cœur et lui servent d’empêchement pour être nue
spirituellement (c’est-à-dire pour être contemplative), elle dit que pour les
chercher, désormais, elle ne cueillera plus aucune de ces fleurs.
« C’est comme si elle disait : « je ne
mettrai mon affection, mon amour, mon attachement, mon choix, ni dans les
richesses, ni dans les biens que le monde présente, je ne le ferai plus :
et je n’admettrai pas non plus les béatitudes, les délices de ma chair et je ne
m’arrêterai pas dans la saveur et les consolations de mon esprit personnel
parce que sinon, je serai empêchée de chercher mon Amour par les montagnes et
les rivières, par les actes de ma vie, par les vertus, la prudence et
l’obéissance et par les travaux, les humiliations, l’humilité et le mépris (être
caché) ».
« Et elle dit ceci pour faire ce que David le Prophète
conseille sur cette voie de la vie royale en Dieu dans le Psaume 61 « Si
les richesses spirituelles débordent, si elles affluent comme des torrents,
surtout n’y mets pas ton cœur, méprise-le, ce n’est pas Dieu ». (Si vous
abondez en richesses spirituelles, n’y mettez pas votre cœur). « Ce qui
pour l’âme, s’entend aussi bien des goûts sensuels que des consolations
spirituelles. Il faut donc ici remarquer que, non seulement les biens de ce
temps servent d’empêchement, mais s’opposent à la route qui conduit en Dieu.
Ces consolations et ces délices spirituels, si on s’arrête avec propriété ou si
on les cherche ou si on les désire seulement, empêchent de passer par le Chemin
du Christ Jésus, car son Chemin, c’est le chemin de la Croix et de la
Résurrection :
« Les fauves
alors point ne craindrai ».
« et je
passerai les forts et les frontières. »
« Par les
« fauves », elle entend le monde, par les « forts », le
démon et par les « frontières », la chair. »
Tous les ennemis de l’âme qui nous font la guerre, les forts et les
frontières, et qui représentent l’orgueil, le monde, le démon et la chair,
n’ont plus de prise sur nous et nous devenons libres spirituellement. La clé de
cette liberté, c’est l’obéissance aux épreuves, l’obéissance aux événements,
l’obéissance à l’autre qui est proche de nous. Alors nous allons pouvoir
rentrer dans l’obéissance au Saint-Esprit qui caractérise la 5ème
demeure et rentrer dans l’union de volonté où notre cœur pourra s’unir au Cœur
du Christ, dans une même volonté d’amour et d’obéissance au Père.
On a un petit
critère extérieur : si l’on est susceptible, il faut tout de suite se
reprendre grâce à l’oraison de quiétude où l’on décide de se convertir.
4 « Ô forêts, sombres bosquets,
« qui fûtes plantés par la main de l’Ami !
« Pâturage verdoyant,
« Ô pré de fleurs émaillé,
« Dites-moi s’Il passa au milieu de vous ? »
« Les
forêts » ce sont les croix, ce sont tous les éléments, ce sont les signes et
ce sont les sacrements ; « les
pâturages », c’est la grâce et « le
pré de fleurs émaillé », c’est la grâce où l’on trouve les sept Dons
du Saint-Esprit. On commence à chercher la grâce sanctifiante.
Saint Jean de la
Croix dit que « les forêts »
représentent la Présence de Dieu dans tous les éléments, dans toute l’humanité.
Notre oraison s’ouvre à l’omniprésence de Dieu dans la création et dans les
grâces des croix de la vie qui assombrissent les pas de l’homme sur la terre
(forêts, sombres bosquets).
On commence à
aimer aller dans la nature. Pacifiés dans notre intériorité, nous cherchons
intérieurement à faire oraison en union avec toute la nature en essayant de
découvrir, à l’intérieur de l’omniprésence de Dieu, ses attributs divins. Le
premier de ces attributs, c’est la simplicité ; car Dieu est simple, Jésus
est simple. Nous commençons à nous engloutir dans cette simplicité de Dieu, son
unité, sa sérénité, sa paix, sa stabilité, son omniprésence, sa perfection, sa
manière d’exister et sa bonté ; et nous commençons à rentrer dans l’odeur
de l’Adorateur, à travers ses attributs divins qui en découlent, sans nous
arrêter aux difficultés du temps présent. Et nous interrogeons sur notre
passage les pâturages verdoyants, les près de fleurs émaillés : « Est-ce
que vous n’avez pas vu Jésus, est-ce que vous n’avez pas vu le Verbe, dites-moi
s’Il passa au milieu de vous, Celui après Lequel mon âme
soupire ? ! »
Les attributs
divins ce sont les cieux dont le premier attribut est la simplicité.
« Notre Père qui es aux Cieux » Tout est paix,
tout est unifié dans l’intériorité divine d’où cette surabondance d’Amour qui
rayonne sur tout le monde angélique et sur la création. Être au Ciel, c’est
trouver en nous te source de sérénité en faisant des actes d’adoration, des
actes de foi théologale, d’espérance théologale, de charité théologale. « Que Ton Nom soit sanctifié »,
cela veut dire que le Nom de Jésus puisse rayonner.
Le « Notre
Père » ne commence à devenir
surnaturel, théologal qu’à partir du moment où l’on est dans
« l’habitus » de l’obéissance héroïque.
L’Église attribue aussi ce nom de verdure aux choses des
cieux, lorsque, priant Dieu, elle dit : « qu’Il vous admette parmi
les verdures » ; et l’âme dit aussi que ce pré est émaillé de fleurs.
Ces fleurs s’entendent du monde angélique et de tous les saints, car eux sont
dans le lieu paré et embelli comme serait un vase d’or excellent, d’un riche et
agréable émail ».
Les anges et les
saints sont dans l’intimité divine et dans les propriétés des attributs divins.
« Dites-moi s’Il passa au milieu de vous ».
« Cette demande c’est la considération qui a été dite ci-dessus et c’est
comme si l’âme, dans l’oraison et même dans l’union, c’est-à-dire en dehors de
l’oraison, disait : « Dites-moi quelles perfections vous ont été
données par le Créateur ? »
Cela fait partie
de notre pouvoir de baptisé de rentrer dans l’oraison de quiétude et de faire
quand nous le volons, un acte de foi théologale, d’espérance théologale, de
charité théologale, d’amour de Jésus surnaturel. Nous pouvons trouver au fond
de nous ce caractère et cette puissance du Baptême tout de suite et nous y
engloutir. Dans l’oraison, en doit trouver immédiatement la 4ème
demeure. Il faut faire une petite gestion des émotions, un acte d’adoration et
ça y est ! Alors, quand nous sortons de l’oraison, nous sommes dans
l’union avec Dieu. L’union à Dieu, c’est dans la vie active, et l’oraison c’est
dans la vie contemplative ; mais les deux sont liées.
La nuit doit être
une union à Dieu, il faut pour cela s’endormir en priant. On doit apprendre aux
enfants à faire la prière du matin et du soir.
5 « En répandant mille grâces,
« Il a passé par ces bois en grande hâte ;
« Posant sur eux son regard,
« D’un reflet de son visage,
« Il les laissa tout revêtus de beauté. »
Peu à peu la
croix quotidienne s’illumine de la Présence de Dieu. Le mystère de la grâce de
l’Immaculée Conception (mille grâces) commence à apparaître avec le chiffre
1000 (Marie).
Les 1000 ans de
l’Apocalypse, c’est 10 au cube, c’est la créature parfaite, c’est
l’anéantissement du Père, l’anéantissement du Verbe et l’anéantissement de
l’Esprit-Saint dans la Créature parfaite. Ce sont aussi les 10 Commandements
d’Amour de Dieu (3) et du prochain (7), à la puissance 3 de la Très Sainte
Trinité.
Les 1000 ans de l’Apocalypse cela veut dire que l’on rentre
dans le Temps de l’Immaculée Conception. Le millénarisme est condamné par
l’Église !
Dès que nous rentrons dans la grâce sanctifiante, à travers nos
croix vaincues par l’amour de Dieu, on commence à vivre du mystère de
l’Immaculée Conception ; parce que l’Immaculée est la Présence même de la
Plénitude des grâces. On en prend conscience et on découvre que, dans le
mystère du divin Cœur de Marie, dans le mystère de sa Compassion jusqu’à son
Assomption, EST cet embrasement de gloire du Cœur de Jésus dans la
Résurrection ; alors l’union avec Jésus va pouvoir se réaliser. À partir
du moment où l’on est avec l’Immaculée, on ne peut plus regarder les choses de
la même manière, même la Révélation, même les écrits des saints, et même la
théologie comme dit le Père Kolbe.
6 « Las, qui pourra me guérir ?
« Achève de Te livrer sans feinte aucune,
« Ne veuille plus désormais
« M’envoyer de messagers
« Qui ne savent me dire ce que je veux. »
À ce moment-là, on rentre dans la gloire qui embrase le Cœur de
Jésus dans la Résurrection et qui attire si fort l’Immaculée Conception dans
son Assomption. C’est Jésus Seul que je veux et c’est l’Immaculée qui le dit en
moi. L’âme s’adressant à Dieu lui demande de révéler Lui-même sa Présence.
7 « Tous ceux qui sont de Ta suite
« Me vont rapportant mille grâces de Toi ;
« Tous davantage me navrent,
« Et mourante je demeure
« D’un je ne sais quoi par eux balbutié. »
Nous commençons à
découvrir le sens profond de la grâce du Christ, de sa miséricorde, dans les
œuvres de son Incarnation, dans les vérités de la foi, dans les mystères. Nous
ne nous réjouissons plus d’une grâce particulière reçue, mais du rayonnement,
du resplendissement, du scintillement même de la grâce qui sortent des
mystères : du mystère de l’Incarnation, du mystère même de la grâce au
cœur de la Très Sainte Trinité. Les mystères commencent à devenir quelque chose
de très profond.
On rentre dans la
voie illuminative, dans l’union de volonté et dans l’oraison d’abandon.
III. L’union
de volonté d’après sainte Thérèse d’Avila
« Je me prends à éclater de rire parfois en voyant
certaines âmes ; quand elles sont en oraison, elles se croient prêtes à
être humiliées et méprisées publiquement pour l’amour de Dieu : et
ensuite, elles cacheront, si elles le peuvent, une légère faute qu’elles ont
commise. Mais si on les accuse faussement, les voilà hors d’elles-mêmes et en
colère »
« Il y a aussi des personnes tellement appliquées à
examiner leur oraison et tellement encapuchonnées lorsqu’elles s’y livrent.
qu’elles semblent ne pas oser bouger pour ne pas en détourner la pensée, dans
la crainte de perdre tant soit peu les goûts et la consolation qu’elles y
trouvent ; et quand je les vois s’imaginer que toute la perfection
consiste en cela, je me dis qu’elles comprennent bien peu ce que doit être le
chemin qui mène à l’union. Non, mes sœurs, non : ce n’est pas là le
chemin. Ce sont des œuvres que le Seigneur demande de nous, par lesquelles Il
travaille en nous. »
« Si par exemple, vous voyez une malade à qui vous
puissiez procurer du soulagement, n’ayez aucune peine de laisse là vos
dévotions pour l’assister et lui montrer de la compassion... Faites-le, non pas
tant par amour pour elle que par amour pour Dieu, qui le veut, comme vous le
savez. Telle est la véritable union à Sa Volonté ».
*
Nous découvrons alors notre vocation à la sainteté, qui est l’universalité à
être transformés dans le Verbe de Dieu.
Nous sommes
vraiment tout petits quand nous nous trouvons devant cet énorme travail de
notre vocation à la sainteté, c’est-à-dire à l’universalité à être transformés
dans le Verbe de Dieu ; car c’est cela qui se réalise et qui se réalisera
de manière visible dans tout notre corps, notre âme et notre sensibilité, mais
aussi dans notre esprit, notre intelligence et notre manière d’assimiler les
choses qui sera alors totalement ajustée à ce que vit le Verbe de Dieu incarné
dans notre chair. C’est cela devenir fils de Dieu. Par le Baptême, on l’est en
germe ; mais il va falloir passer de ce germe reçu au baptême à sa
réalisation. C’est ce que l’on appelle l’union transformante.
C’est un travail
qui s’opère par l’opération de l’Esprit-Saint à l’intérieur de la Plénitude de
Grâces, Marie, dans son Immaculée Conception. Ce n’est pas nous qui faisons ce
travail. Le fruit de cette œuvre est notre sanctification, notre transformation,
qui fera que nous ne rayonnerons plus de cette espèce de lumière vivante qui
fait notre rayonnement personnel et que l’on appelle l’âme, mais notre
rayonnement sera le fruit d’une nouvelle unité qui est l’unité avec le Verbe de
Dieu, avec le Fils.
À l’intérieur de
notre âme, il y a non seulement la grâce, mais, à l’intérieur de la grâce, il y
a le Verbe incarné, le Corps mystique du Christ qui fait que notre corps et
notre âme subsistent dans la vie divine. C’est cela la subsistance mystique des enfants de Dieu.
IV. Les
trois subsistances
La Vie divine en Dieu, c’est la gloire
La gloire, en
Dieu, c’est l’équivalent de l’âme en nous. Pour Dieu, il n’y a pas d’âme car,
dans la notion d’âme, il y a quelque chose de limité puisque l’âme est une
forme particulière, elle est la forme substantielle du corps ; et en Dieu,
il n’y a pas de corps.
En Dieu, il y a
la « vie », la vie étant une source intérieure en Dieu que l’on
appelle la Gloire. La Gloire est la source de toute cette lumière vivante et
brûlante qui fait que Dieu est illuminé d’une manière vivante, intime et
victorieuse de tout. Et quand nous recevons la grâce, nous recevons une partie
de cette Lumière vivante qui est à l'intérieur des Personnes divines, et c’est
cette participation à la vie divine qui nous permet de subsister dans le Corps
mystique du Christ.
La
subsistance est une propriété de la grâce en Dieu
De même qu’il y a
trois Personnes en Dieu, on atteindra en Lui trois types de subsistances
distinctes que la grâce opère, bien que la subsistance en Dieu soit par
elle-même unique.
Chacune des
subsistances opère un peu à la manière des vases communicants, grâce à la foi.
La
première subsistance qu’opère la grâce, c’est dans l’éternité.
Dans l’éternité,
il y a bien trois Personnes qui sont vraiment distinctes et qui ne constituent
qu’un seul Être. Il y a en même temps trois Personnes donc trois subsistances,
puisqu’une personne est une subsistance, dans un seul être donc une seule substance.
C’est du côté de la subsistance que réside le mystère de la Très Sainte
Trinité. Car le fait qu’il y ait un Seul Dieu en trois Personnes n’est pas un
mystère incompréhensible grâce à l’explication de l’unité sponsale. L’Amour en
Dieu est tellement absolu, la communication des Personnes est tellement
absolue, le Don est tellement substantiel qu’il n’y a qu’un seul Amour. Comme
la Vie, l’Amour et l’Être en Dieu sont exactement la même chose, cela ne me
paraît pas un mystère difficile à comprendre.
La grâce jaillit
au cœur de la relation entre la substance du Dieu Unique et la subsistance de
chacune des trois Personnes dans l’égalité. La Grâce est source de subsistance.
La Gloire, c’est-à-dire la victoire lumineuse de l’Amour incréé de Dieu, est source
de subsistance. Elle fait que les Personnes divines subsistent dans l’Être de
Dieu, lequel subsiste dans l’unité.
Dans une personne
humaine, il y a bien une unité entre le corps, l’âme et l’esprit qui
s’enracinent dans l’être : cela s’appelle subsister. C’est une des
propriétés de l’être de faire subsister le corps, l’âme et l’esprit dans
l’unité, mais c’est une subsistance naturelle, métaphysique. Tandis que dans la
Très Sainte Trinité c’est la Vie glorieuse de Dieu qui fait subsister les trois
Personnes dans l’unique divinité : II n’y a qu’un seul Dieu qui « EST ».
La
deuxième subsistance qu’opère la grâce, c’est la subsistance de l’humanité du
Christ dans le Verbe de Dieu.
Le corps, l’âme
spirituelle et l’esprit humain du Christ, dans leur unité vivante, s’unissent
pour subsister, non pas dans un être humain puisqu’il n’y a pas de subsistance
ou de personne humaine dans le Christ, mais dans le Verbe de Dieu. C’est ce que
l’on souligne quand on dit que la Grâce capitale de Jésus découle de la grâce
d’Union hypostatique dans le Christ.
Le Verbe de Dieu
Lui-même subsiste dans l’unité ; et l’unité de l’Être subsiste en Dieu. La
subsistance est rendue indivisible par l’action de la grâce. C’est cela qui est
extraordinaire !
On ne peut pas
séparer la subsistance de chacune des trois Personnes divines de la subsistance
de l’Être Unique et on ne peut pas séparer non plus la subsistance du corps et
de l’âme spirituelle dans le Verbe de Dieu de la subsistance des Personnes dans
l’Être divin, unique, lequel subsiste aussi : c’est la même subsistance.
Et c’est la grâce qui fait cela !
La
troisième subsistance qu’opère la grâce, c’est la subsistance du Corps mystique
du Christ dans le Verbe de Dieu.
Par la grâce
sanctifiante du Christ qui nous est communiquée, nous subsistons dans le Corps
mystique du Verbe de Dieu, du Verbe incarné. C’est notre personne, dans l’unité
de son corps, de son âme et de son esprit, qui s’enracine mystiquement,
c’est-à-dire réellement et vitalement dans la Personne du Verbe de Dieu. De
sorte que le Verbe de Dieu nous fait subsister nous-mêmes plus que notre propre
subsistance individuelle ne nous fait subsister nous-mêmes dans le fait que
nous soyons à nous-mêmes ce que nous sommes. Nous sommes finalement plus fils
de Dieu par la subsistance mystique que nous ne sommes nous-mêmes ce que nous
sommes ; dès lors que l’on va vivre de la grâce sanctifiante et de l’union
transformante, on sera plus le fils éternel du Père. Notre individualité n’en
sera pas supprimée pour autant, puisque c’est la même subsistance qui nous fait
subsister naturellement dans notre personne humaine et surnaturellement dans la
personne divine.
C’est ce qu’opère
la grâce sanctifiante qui a pour propriété cette subsistance mystique. Quand je
reçois la grâce sanctifiante, je reçois cette subsistance surnaturelle.
* La grâce sanctifiante s’appelle aussi
« grâce habituelle » :
« La grâce habituelle est un habitus entitatif qui
s’enracine dans notre âme » (définition du Catéchisme)
Un habitus est
quelque chose que l’on acquiert, cela ne fait pas partie de l’être mais de
l’avoir. Ce n’est pas quelque chose de subsistant, c’est accidentel.
La grâce est un
Don que Dieu me donne en plus (gratis
data veut dire en latin que la grâce habituelle est gratuite). L’habitus
est comme un accident parce qu’il vient se rajouter en nous tout en
s’enracinant quand même dans le point de vue vital, comme une greffe. Par
exemple, à force d’être humilié par la vie, on acquiert une vertu d’humilité
qui est une qualité mais qui ne fait pas partie de notre être, qui n’est pas
quelque chose de subsistant. C’est en même temps un accident et quelque chose
d’entitatif (ens-entis :
l’être). La grâce est à la fois plus que notre être, c’est surnaturel et c’est
aussi moins que notre être, c’est un accident. Pourquoi ? À cause de la
liberté. Cela ne transforme pas substantiellement notre identité (habitus
entitatif), donc notre liberté est respectée et, en même temps, cela nous
apporte plus que notre identité. La grâce nous fait subsister dans le Corps
mystique du Christ, et la grâce d’union fait subsister le Corps mystique du
Christ, c’est-à-dire l’Église, dans le Verbe de Dieu. II faut être lucide par
rapport à cela.
Ce qui nous
montre bien que la grâce chrétienne n’est pas pour nous seuls. La Vierge Marie,
la Plénitude de Grâce, a tout de suite été habitée par la Grâce qui va
s’emparer de tous les corps de tous les êtres humains de tous les temps et de
tous les lieux. Marie vit cela physiquement et nous subsistons dans le Verbe de
Dieu dès le premier instant de sa « Transverbération ». C’est
pourquoi on ne peut pas dire qu’on est enfant de Dieu s’il y a une quelconque
séparation avec qui que ce soit. Et si nous avons une difficulté à pardonner,
automatiquement, c’est un péché mortel qui nous coupe de la grâce sanctifiante
puisque nous ne vivons plus de la charité fraternelle (il n’y a pas de pire
ennemi que celui qui est proche de nous).
Subsister dans le Corps mystique du Christ, c’est vivre de
la subsistance du Corps ressuscité du Christ dans le Verbe de Dieu. Nous vivons
de cette subsistance, mystiquement, tandis que le Verbe de Dieu la vit
métaphysiquement. Du coup, nous vivons aussi de la subsistance de l’Unité des
Trois Personnes divines dans l’Unique Verbe de Dieu.
Nous sommes
vraiment divinisés sous trois grands rapports.
N’est-ce pas cela
le passage de la 4ème demeure où la grâce surnaturelle commence à
nous prendre et qui nous permet de vivre de la 5ème demeure où notre
corps est pris physiquement dans la subsistance mystique du Corps tout entier
du Christ, pour vivre ensuite les fiançailles et le mariage ?
Voilà dans quoi
notre corps va être imbibé, progressivement ou d’un seul coup avec la Vierge
Marie. Si l’on vit dans l’unité absolue avec l’Immaculée Conception, ces trois
subsistances sont là automatiquement, mais Elle dosera selon les besoins de
l’Église, selon la Volonté de Dieu et selon les caprices d’Amour du
Saint-Esprit.
Dès que nous
vivons de cette grâce sanctifiante, nous pouvons alors mieux percevoir ce que
l’Esprit-Saint exprime dans ce passage du Cantique spirituel de saint Jean de
la Croix :
8 « Mais comment peux-tu survivre
« Ô ma vie, en ne vivant pas où tu vis,
« Quand déjà il te faudrait
« Mourir sous le coup des flèches
« De ce qu’en
ton cœur tu conçois de l’Aimé ? »
Comment peux-tu
survivre (habitus entitatif) ô mon âme, en n’étant pas enracinée dans l’endroit
où ton âme subsiste, dans l’endroit où tu vis ? Tu vis dans le Corps
mystique du Christ, c’est-à-dire que tu subsistes dans le Verbe de Dieu.
Comment peux-tu survivre sur la terre alors que tu subsistes vitalement dans
l’incréé ?
«
... Quand déjà il te faudrait mourir sous le coup des flèches de ce qu’en ton
cœur Celui que tu aimes est conçu ».
La conception du Verbe de Dieu, à partir du Père, est conçue en
notre propre humanité à partir des blessures qui introduisent précisément dans
ce que l’on appelle ordinairement la 5ème demeure.
V. La 5ème demeure
Saint Jean de la Croix parle très peu de la 5ème demeure
où tout va bien. Il est docteur de l’Église et il s’intéresse plus aux problèmes
de l’âme dans son union transformante quand ça ne va pas.
Quand nous sommes
parvenus à cette union toute simple avec Dieu, nous ne pouvons plus concevoir
notre vie sans cette union intime de notre âme avec Dieu qui nous unifie à
l’intérieur de nous-mêmes. En effet, quelque chose s’est rassemblé en nous sous
l’influence de la grâce ; c’en est fini de nos caprices, de nos mouvements
d’humeur. Toute la Présence de Dieu est recueillie dans notre corps, comme on
rassemble des grappes de raisin pour en presser le vin. Toutes nos puissances
sont rassemblées dans la cuve profonde et attendent tranquillement la
transformation, de même qu’il faut rassembler patiemment les grappes avant de
les presser pour en sortir le jus. Dans cette oraison de quiétude, nous avons
quitté le temple de notre intelligence limitée à son corps
« psychique », nous sommes parvenus à la source de notre âme. Nous
sommes comme transformés en petits tabernacles dans lesquels il y a la Présence
aimante, silencieuse, cachée mais réelle de Jésus, de Celui que l’on aime, de
Jésus-Hostie-du-Père. Comme c’est tranquille, une Hostie ! Et, à un moment
donné, l’Esprit-Saint prend possession de nous de l’intérieur et toutes les
puissances, toutes les cellules de notre corps se rassemblent comme si le corps
était absorbé dans un mouvement centripète. C’est le passage du Tabernacle à la
Crèche. C’est Jésus qui se remplit de moi de l’intérieur de mon âme.
II est impossible
pour nous de produire cette oraison de quiétude. Mais il faut s’y disposer.
Pour cela, il faut être assez actif. Il faut renouveler notre baptême par où
notre âme est entièrement irriguée dans le Corps mort et ressuscité du Christ.
Il faut prendre des Paroles de l’Écriture, réciter le « Notre Père »,
le « Je Vous salue, Marie »... Il ne faut surtout pas faire le vide
(zazen). Il faut aimer Jésus de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses
forces.
À ce moment-là,
il y a comme une absorption des puissances, une profonde quiétude, un profond
rassemblement qui se fait, indépendamment de nous, à un niveau très profond,
très caché, absolument inaccessible quant à la lucidité, à la découverte, à la
révélation, à la vision ou à l’expérience de notre intelligence ou de notre
cœur. Mais à un moment donné, notre cœur est saisi, brûlé de l’intérieur dans
un élan et une soif inexprimable.
Cette union des cœurs caractérise la 5ème
demeure.
Cela peut être fulgurant, mais ordinairement, il faut des années
pour arriver à l’union de volonté, surtout pour ceux qui ne font pas oraison.
C’est ce quelque chose qui arrive un jour, qui nous fait entrer dans la course
vers l’union transformante où notre cœur va avoir une soif et un élan
incroyables.
1. Commentaire de
sainte Thérèse d’Avila sur cette strophe du cantique spirituel de saint Jean de
la Croix :
« Vous aurez entendu parler de la façon merveilleuse
dont se fait la soie et dont Dieu seul peut être l’inventeur. Vous aurez
surpris, en outre, comment elle vient d’une semence qui ressemble à de petits
grains de poivre... Or, dès que les mûriers commencent à se couvrir de
feuilles, cette semence se met, elle aussi, à prendre vie sous l’action de la
chaleur ; et tant que l’aliment qui doit la soutenir n’est pas prêt, elle
demeure comme morte (oraison de quiétude).
« C’est donc avec les feuilles du mûrier que se
nourrissent les vers qui viennent de cette semence. À peine ont-ils grandi,
qu’on place devant eux de petites branches, où avec leurs petites bouches ils
filent la soie qu’ils tirent d’eux-mêmes. (ils se nourrissent de leurs
propres feuilles et du coup, ils peuvent se nourrir de leur propre vie (nos
petites vies, nos petites blessures, nos petites croix) : ils font ainsi de petites coques très
étroites, où ils se referment (on s’enferme dans le fruit de la Croix). C’est là que ces vers qui sont grands et
difformes (on devient difforme à cause des phénomènes pathologiques qui
surgissent à ce moment-là) trouvent la
fin de leur vie ; puis de cette coque elle-même sort un papillon blanc
très gracieux... » (c’est la métamorphose, le passage à la 5ème
demeure).
« L’âme, représentée par ce ver de terre, commence à
vivre quand, à l’aide de la chaleur de l’Esprit-Saint, elle commence à profiter
de la grâce que Dieu nous accorde à tous, et à user des remèdes qu’Il a confiés
à l’Église, comme la confession fréquente, la lecture de bons livres, les
sermons... Avec eux, elle reprend peu à peu la vie, elle se soutient par les
moyens que je viens de dire et les bonnes méditations, (elle fait
souvent oraison, activement) ; enfin
elle a grandi, et c’est l’état où je la considère, sans me préoccuper de son
état précédent. Or, quand ce ver dont j’ai parlé au commencement a grandi, il
commence à filer la soie et à construire la demeure où il doit mourir. »
« Par là, vous voyez, mes filles, ce que nous pouvons
réaliser avec le secours de Dieu, afin que la divinité majestueuse qui est la
nôtre en Dieu devienne notre demeure comme elle l’est dans cette oraison
d’union, et comment d’ailleurs nous préparons nous-mêmes cette demeure. »
La transformation
opérée par l’oraison d’union équivaut à une véritable métamorphose. Tel est le
sens de la comparaison que sainte Thérèse souligne elle-même :
« Je vous le dis en toute vérité, cette âme ne se
reconnaît plus. Il y a la même différence entre son état passé et son état
actuel, qu’entre ce ver à soie difforme et le petit papillon blanc ».
Ce passage à la 5ème
demeure est une étape merveilleuse parce que d’un seul coup on est libre !
Mais c’est un passage très difficile aujourd’hui parce qu’il
implique l’obéissance et que l’obéissance est une mort à soi-même.
« Nous aurons à peine accompli tout ce qui dépend de
nous, que Dieu prendra ce petit travail qui n’est rien (faire oraison), l’unira
à Sa Grandeur et lui donnera tant de prix qu’Il en sera Lui-même la
récompense. »
« Courage donc, mes enfants, hâtons-nous d’accomplir
cette œuvre et de fortifier le tissu de notre petite coque mystique (Le corps
spirituel se tisse petit à petit à partir des blessures, des croix, des
failles, des brèches qui sont en nous et qui sont gardées par le monde spirituel.
C’est l’échelle de Jacob par où les Anges montent et descendent).
« Qu’il meure, oui, qu’il meure, ce ver mystique, comme
le fait le ver à soie dès qu’il a terminé l’ouvrage pour lequel il a été créé,
et alors vous constaterez comment vous verrez Dieu, et vous vous trouverez
enveloppé de Sa Grandeur, ainsi que le petit ver à soie dans sa coque. Quand je
dis que vous verrez Dieu, je l’entends de la manière que j’ai expliquée et
d’après laquelle Il se donne à être éprouvé dans l’Union mystique. »
« Considérons maintenant ce que devient ce ver mystique
car c’est pour en arriver là que j’ai dit tout ce qui précède. Lorsque vous
êtes élevé à cette oraison d’union, vous êtes totalement mort au monde et vous
vous transformez en un petit papillon blanc. »
« En vérité, l’âme passe d’ordinaire un temps très long
et même des années, où, après avoir franchi l’état de ceux qui commencent à
soupirer à l’union avec Dieu, elle doit s’exercer dans celui où la progression
de la grâce opère (2ème demeure). Semblable à celui qui est sorti
d’une étroite prison, elle s’avance dans les réalités divines avec beaucoup
plus d’aisance et de satisfaction, comme aussi avec une joie plus abondante et
plus intime, que dans les débuts avant son entrée dans cette nuit, puis elle rentre
dans la sécheresse. »
Quand on rentre
dans la sécheresse, c’est très bon signe, cela veut dire qu’on ne ressent plus
rien, qu’on se sent tout petit, on se demande ce que l’on a bien pu faire de
mal ; justement, on a fait beaucoup de bien et on paraît de plus en plus
monstrueux, on est devenu un ver de plus en plus difforme... C’est
excellent !
« C’est avec la plus grande facilité qu’elle trouve
immédiatement dans son esprit une douce et amoureuse contemplation ainsi qu’une
saveur spirituelle sans qu’il lui en coûte le moindre raisonnement ».
« Je ne peux
même plus parler, je ne peux même plus méditer, je ne peux même plus lire, je
n’arrive plus à faire oraison, je ne même plus dire mon chapelet....»
Excellent ! Alors que dois-je faire ?
« Comment peux-tu survivre, ô mon âme, en ne vivant pas
où tu vis ? »
« Je veux
mourir... » Le Verbe de Dieu se conçoit en moi, c’est normal : tout
s’arrête ! Face au Verbe, je me vois monstrueux et je ne vois que le côté
monstrueux puisque je ne vois pas le Verbe. Mon regard alors change... il
devient divin, il devient plus objectif, par comparaison, si l’on peut dire.
« Je veux vous donner un signe clair à l’aide duquel
vous ne pourrez ni vous tromper, ni douter que la faveur (de la
métamorphose) vient de Dieu... Dieu s’établit
Lui-même dans l’intime de votre âme de telle sorte que, quand vous revenez à
vous-même, vous ne pouvez avoir le moindre doute que vous n’ayez été totalement
plongé(e) en Dieu et que Dieu n’ait été totalement plongé en vous ».
C’est après cette
période de sécheresse, et en même temps d’amour et de recueillement, après une
période d’humiliation, de petitesse, d’anéantissement, de mort finalement, que
l’oraison de recueillement est telle qu’il n’y a plus aucun doute qu’il s’est passé
quelque chose... que nous avons cette certitude d’avoir été entièrement
englouti en Dieu et que Dieu a été entièrement englouti en nous.
II s’est passé
quelque chose, mais nous ne savons pas ce que c’est. Toutes nos puissances ont
été non seulement rassemblées, mais englouties dans le Verbe de Dieu. Cela a
duré peu de temps, même si on a l’impression que cela a duré longtemps. Le
recueillement est absolu puisque l’on a presque une perte de conscience, un peu
comme dans le sommeil, mais on est totalement éveillé. Le signe que donne
sainte Thérèse est intéressant :
« Cette vérité s’imprime si fortement en elle, et se
passerait-il plusieurs années sans qu’elle reçût de nouveau une pareille grâce.
qu’elle ne pourrait ni l’oublier ni la mettre en doute. Cette certitude
indépendante de toute vision. Dieu seul peut la donner ».
« Oui, le Seigneur entra dans le centre de l’âme, sans
passer par aucune de ses portes, comme Il entra chez ses disciples, quand Il
leur dit « La paix soit avec vous » ou qu’Il sortit du Sépulcre sans
même lever la pierre qui fermait son Tombeau ».
Nous rentrons
dans la demeure de la grâce, la 5ème demeure, où la grâce est comme
la locomotive du cœur.
Le Sceau divin a été mis dans notre cœur et une ouverture
s’est faite qui nous met en communication permanente avec le Cœur du Christ.
C’est pourquoi
l’âme s’écrie :
« Comment peux-tu survivre, ô mon âme, en ne vivant pas
où tu vis ? »
À ce moment-là,
nous vivons dans ce lieu où se trouve Celui que nous aimons et qui s’est planté
en nous, et pourtant, nous sommes encore sur la terre. Alors, nous sommes
assoiffés et en même temps, nous restons dans la sécheresse Mais notre cœur
n’est plus dans la sécheresse, il a soif ; il est accroché à Jésus, il
veut aimer, il a soif d’amour, il souffre d’amour. Comme la Présence du Christ
n’est plus une présence sensible psycho-mystique, mais surnaturelle dans notre
corps, notre cœur souffre, il est blessé. Comme le papillon qui était si bien
enfermé dans son cocon (comme nous dans notre petite grâce personnelle), on
vole à présent dans tous les sens, comme un cerf assoiffé, on court partout et
on ne sait même plus où se poser. Il y a alors une certaine angoisse. Même dans
l’oraison, on ne trouve plus le recueillement même s’il subsiste, car c’est un
recueillement de volonté, un recueillement cordial.
Cette soif
d’amour va nous pousser à aller dans toutes les directions pour aider ceux qui
sont proches de nous ; c’est l’éclosion brutale de la charité fraternelle
en nous, comme la métamorphose du papillon. Notre cœur assoiffé d’amour,
dérouté par le silence de Jésus, se répand en actes de charité et de
miséricorde envers le prochain. L’amour devient très actif, très concret, dans
les toutes petites choses comme dans les grandes. On va aimer la nature, la
création toute entière, l’humanité souffrante et affligée.
Notre oraison
devient une oraison cordiale, une oraison affective qui traverse notre corps et
ceux qui sont là présents corporellement. Nous allons les aimer concrètement
dans les petites choses, les riens-du-tout. C’est cela la métamorphose du
papillon : nous avons soif d’aimer tout le monde !
2. La transformation de notre corps en crèche.
On pourrait
prendre une autre image que celle du ver qui se transforme en papillon pour
expliquer cet état d'oraison.
Je connais une
petite paysanne qui, pendant l’Avent, avant Noël, éprouva comme une nécessité
de commencer à être éprouvée corporellement. Elle a eu une blessure physique
qui a fait comme une brèche en elle et qui lui a fait comprendre que cette
plaie profonde en elle était comme le Tombeau du Christ, comme le Saint
Sépulcre.
Mais on peut en
faire l’application à n’importe quelle autre blessure physique ou
psychosomatique, car toutes nos blessures sentent l’endroit ou on meurt un peu.
Alors il faut mettre un ange à droite, un ange à gauche, comme les saintes
Femmes qui ont vu dans le Sépulcre un Ange au pied et un Ange à la tête pour
garder le Tombeau. Il y a alors un lien de lumière, une descente dans le monde
spirituel, une montée dans les cieux (les Anges qui montent et descendent,
c’est à partir de la brèche). II y a, à chaque instant, une partie de notre
corps qui meurt et, quand nous offrons nos brèches, nos blessures, nos
douleurs, cela descend et cela monte et c’est remplacé par de la paille.
Notre petite
paysanne voyait son corps, petit à petit, qui était transformé en paille, en un
petit cocon, en une petite crèche. Pendant des semaines, tout le temps, à
partir des brèches offertes, à partir de ses croix, comme le ver, elle a tissé
un fil vers le haut, un fil vers le bas et son corps s’est transformé en
crèche, en paille, spirituellement.
C’est cette sorte de paille, en effet qui fait subsister notre
corps physique dans le Verbe de Dieu.
Et, à Noël, d’un seul coup, dans son corps, l’Enfant-Jésus était là
de manière vivante. C’était clair !
C’est typique de
la 5ème demeure où concrètement par l’offrande de nos moindres
souffrances et de nos moindres blessures concrètes, on fait participer notre
corps simultanément à ce que fait la grâce.
Saint Jean de la
Croix dit bien qu’il faut chasser toutes les souffrances psychologiques qui
viennent de notre caprice ou de notre orgueil, mais qu’il ne faut pas chasser
les douleurs bien concrètes ni les souffrances purement mystiques comme cette
soif d’Amour que l’on n’a pas ; car c’est là où notre corps participe.
Dans l’oraison de
quiétude (4èmedemeure), on est comme transformé en pierre, en quelque chose
de très lourd, de très minéral. On est comme pétrifié parce que les puissances
sont absorbées si bien que la vitalité ne fonctionne plus. C’est un peu comme
si on était dans le sommeil. À ce moment-là, il faut supplier l’Esprit-Saint de
faire en sorte qu’on soit comme un tabernacle avec, au fond, la Présence
cachée, silencieuse, invisible mais pacifiante du Christ : c’est le schème
de notre corps dans la 4ème demeure.
Mais le schème de notre corps dans la 5ème demeure,
c’est ce tissage à partir des petites croix, ce tissage de notre corps qui
devient paille de la crèche.
Voici le
témoignage textuel :
« J'ai vu que la très Sainte Vierge a été envoyée par
son Père adorable, par l’Amour du Cœur de Jésus et par la véhémence du
Saint-Esprit pour me transformer impérativement en crèche (c’est une
transformation) pour que l’Enfant puisse
être porté. Chaque jour qui passait, les Anges et les Archanges façonnaient
cette crèche. C’était pour porter l’Enfant et pour Le recevoir. Il fallait qu’à
chaque moment, je me fasse habiter corporellement à la manière dont le Ciel le
désirait, le voulait et devait faire cela en moi. Alors, du Ciel, un chemin s’est
ouvert et c’est par cette brèche (la blessure), c’est par là que montaient et descendaient, comme je l’éprouvais
effectivement, les Anges qui préparent ici la métamorphose de l’enfant du monde
nouveau. Et., à Noël, le Ciel m’a comme donné la possibilité d’être entièrement
pénétrée et de pénétrer entièrement cette paille et de grandir avec cette
paille devant Dieu, le Père du Verbe. »
Cette paille de
la crèche du Christ possède à la fois une dimension concrète parce qu’elle a
touché le Corps de l’Enfant-Jésus, il y a 2000 ans, et en même temps, une
dimension d’éternité parce qu’elle a été touchée par Jésus dans la
glorification de sa naissance.
C’est cette
paille là qu’elle a pénétrée et qui l’a pénétrée dans son corps de manière à ce
qu’il y ait une identification corporelle avec elle.
« Alors, j’ai reçu le Sceau donné par l’Enfant-Dieu qui
permet de reconstruire une humanité nouvelle en moi. Et en recevant ce Sceau
sur cette crèche que mon corps avait pénétré, l’Enfant-Jésus y fut reçu et le
revêtit ».
La paille, la
crèche, fut revêtue de l’Enfance du Christ !
« C’est « enfant de Dieu » que nous devons
renaître pour donner à l’enfance la grâce et être ainsi renouvelés dans un
corps nouveau. »
Ce n’est pas mal
comme schème corporel ! Il y a quelque chose dans notre corps qui doit
jouer : une transpiration, une fatigue, une blessure, une douleur,
n’importe laquelle, ou aussi des réactions comme du déséquilibre, des vertiges,
ou des phénomènes psychosomatiques. Il faut utiliser cela de manière à ce que
nos cellules, petit à petit, soient offertes et qu’il y ait ce tissage !
Alors on demande
l’aide des Anges, on demande au « miracle
des trois éléments » de se faire, ce qui va permettre à notre prière,
dans ces blessures-là, dans ces brèches, d’être spiritualisée immédiatement. Du
coup, on est transformé en paille. Et au moment où nous ne nous y attendons
pas, sur cette paille il y a Jésus, l’Enfant glorieux du Père, le Verbe incarné
qui est là, qui pénètre cette paille et, d’un seul coup, on est enfant de Dieu
en notre corps. Ce n’est pas nous qui allons l’inventer : à un moment
donné, il y a l’advenue de notre corps spirituel, de l’Enfance innocente et
glorieuse de Jésus qui apparaît.
Pour cela, il faut un jour être transformé en paille, préparer par
la spiritualisation de notre corps, une terre d’accueil de notre corps
spirituel venu d’en haut ; c’est très beau ! Pour redevenir petit
enfant, il faut passer par la Crèche. C’est un très beau schème !
« Nous devenons alors enfant de Dieu dans
notre corps renouvelé par la grâce ! »
Dès que nous faisons oraison et que nous commençons à vivre de la
grâce sanctifiante avec le vol libre du corps habité par la présence créatrice
de Dieu, l’union transformante est déjà là, mais elle n’est pas
accomplie : on va vers l’union transformante, on court vers l’union
transformante.
3. Commentaire de
saint Jean de la Croix :
« Comment peux-tu survivre, ô mon âme, quand déjà il te
faudrait mourir sous le coup des flèches... ».
« C’est comme si l’âme disait : « Comment,
mon âme, peux-tu encore subsister dans le corps puisque les flèches d’Amour,
les attouchements de l’Amour que tu as reçus dans ton cœur, de ton Bien-Aimé,
sont suffisants à eux seuls pour te faire mourir d’amour
totalement ? »
Nous sommes morts
à cette terre, et en même temps, nous sommes tellement assoiffés d’amour que
nous commençons à devenir davantage présents à ce monde, en posant de plus en
plus d’actes d’amour concrets. C’est pourquoi il faut persister dans l’oraison
de recueillement pour parvenir à l’union de volonté. On ne s’arrête pas pour
autant de faire oraison mais on est dans ce que l’on appelle l’oraison
d’abandon.
L’oraison
d’abandon
Dans l’oraison
d’abandon, nous sommes touchés par le feu ardent de l’Amour du Christ et, en
même temps, par notre monstruosité et nous devons apprendre à nous abandonner.
Notre cœur est blessé par l’Amour du Christ par cette plénitude qui purifie et
ce feu tellement ardent qu’il y a beaucoup de fumée, et nous ne voyons plus que
de la fumée.
Dans l’oraison
nous ne voyons plus que la fumée parce que c’est l’Amour de Jésus qui brûle
toutes nos puanteurs, nos putréfactions, nos impuretés, nos haines et tout
notre orgueil, et bien que tout cela s’évapore en fumée, ces émanations sont
infernales, c’est très désagréable. Néanmoins, on ressent la même chose
exactement que lorsqu’on faisait ces péchés de manière volontaire,
peccamineuse, alors que là, on le subit.
Il faut laisser
sortir cette fumée car elle est le signe que nos péchés sortent au lieu de
rentrer en nous. Dans l’oraison d’abandon, on comprend alors que c’est Jésus
qui brûle tout cela et c’est notre joie de le comprendre. On laisse faire
Jésus, on est abandonné, on accepte :
« Fais
de moi ce qu’il Te plaira, pourvu que Ta Volonté se fasse en moi, je ne désire
rien d’autre, Ô mon Dieu ! »
Dans l’union de
volonté, l’oraison elle-même devient, non pas seulement aride, mais presque le
contraire, car on a l’impression de régresser de façon monstrueuse.
Saint Jean de la
Croix dit qu’ici on est comme mort quand on fait oraison et l’âme, à ce
moment-là, peut être saisie de découragement, ce qui fait s’écrier à sainte
Thérèse d’Avila : « Mon Dieu,
quel drame, le nombre d’âmes religieuses, d’âmes chrétiennes qui s’arrêtent
dans la fidélité à l’oraison, alors que c’est le moment où l’Amour
commence ! quel gâchis, quelle horreur ! » parce que c’est
avec cela qu’on va vers les fiançailles. Du cœur, cela va passer à
l’intelligence et de l’intelligence au corps, automatiquement. Il ne faut
surtout pas prendre d’antidépresseur à ce moment-là. Il faut pratiquer
l’obéissance héroïque !
Alors l’âme s’écrie :
9 « Que ne guéris-Tu ce cœur
« Puisque c’est de Toi qu’il a reçu sa plaie ?
« Et, me l’ayant dérobé, (mon cœur m’a été
dérobé par le Christ. J’ai l’impression que je n’aime plus, je ne vaux plus
rien, je ne fais plus rien, je suis devenu inutile, nul)
« Pourquoi le laisser ainsi
« Et ne pas emporter le vol que Tu fis ? » (pourquoi ne me
guéris-Tu pas ?)
10 « Éteins mes impatiences,
« Puisque d’y mettre fin nul n’a le pouvoir ;
« Et puissent mes yeux Te voir, (on ne veut plus
d’apparitions, on veut voir la Lumière de Dieu qui est au centre de notre âme,
cette Lumière incérée)
« Puisque Tu es leur Lumière
« Et c’est pour Toi seul que je les veux garder. » (alors, on fait
oraison)
Et on Le cherche
partout ! À ce moment-là, nous sommes source d’exaspération pour
nous-mêmes et pour les autres, et nous voudrions entrer en présence de Dieu de
manière définitive, quitte à en mourir.
Et l’âme s’écrie :
11 « Découvre-moi Ta présence, (on veut Le voir partout - c’est
le cri de Heidegger qui n’arrive pas à faire l’induction de l’énergéia)
« Que la vision de Ta Beauté me
tue ! (on ne peut plus se regarder nous-mêmes, on est trop
monstrueux : une mouche devient une splendeur à côté de nous ! Je veux mourir à
mon identité néo-formée, à ma fausse personnalité)
« Qui pour l’amour est en peine
« Guérir ne peut, Tu le sais,
« Qu’en présence du visage de l’Aimé ! » (Il est au centre
de ses yeux, au centre de sa vie, au centre de son âme, au centre de son corps)
« Découvre-moi Ta Présence »
« Parce qu’il
est certain que Dieu est toujours présent dans l’âme au moins selon sa Présence
perpétuelle ; mais sa Présence de grâce, comme sa Présence d’immensité, sa
Présence d’Amour (la blessure) sont
recouvertes. Et comme cette âme est poussée à L’aimer, à Le retrouver, à Le
trouver totalement rempli de cette ferveur, elle demande ici de voir, elle
demande une présence affective de l’Amour brûlant que le Christ fait de
Lui-même dans son âme.
Il
lui a fait une fois, et d’une manière si haute, qu’il lui a semblé qu’elle y a
éprouvé avoir là un immense être couvert. »
Et sainte Thérèse
d’Avila dit de cette blessure, dans cette étape :
« Dans
cet instant, Dieu lui avait communiqué certain rayon clair-sombre de sa divine
brûlure et de sa divine beauté, et avec un effet tel dans son âme qu’à partir
de là. Il y a causé des désirs ardents et des défaillances pour l’amour de ce
qu’elle sent là, caché dans la Présence ».
Et, du coup elle
Le cherche partout. C’est là que l’amour du prochain commence à devenir
effervescent.
« Ce
qui est conforme à ce que David éprouva lorsqu’il disait : « Mon âme
désire et défaille dans toutes les voies du Seigneur ». (Chaque rencontre
est une voie du Seigneur !)
« Parce
qu’alors l’âme défaille avec désir de s’engolfer (le golfe), dans ce souverain bien qu’elle sent
présent et couvert (s’engolfer : s’enfoncer dedans, s’immerger)
« Que la
vision de Ta Beauté me tue !
« Qui pour
l’Amour est en peine, guérir ne peut,
« Tu le
sais, que s’il voit Ton visage »
Cette maladie
d’amour est quand même assez extraordinaire !
« Il
faut remarquer ici, que l’amour n’arrive jamais à être parfait jusqu’à ce qu’il
arrive à un état où ceux qui s’aiment viennent à être tellement appareillés
dans une ressemblance d’identité qu’ils se transforment l’un dans l’autre, et
alors l’amour est entièrement sain. Et parce que l’âme éprouve ici une première
ébauche de l’amour, elle aspire à cette identité et c’est sa maladie et c’est
sa mort de ne pas y être. Et elle désire donc achever de se conformer au visage
de celle dont elle n’est que l’ébauche, qui est son Époux, le Verbe de
Dieu. »
Elle subsiste
déjà, mais elle n’est pas engolfée dedans. Et le Verbe de Dieu, Lui est engolfé
dans l’amour de toutes les créatures. Elle va donc aimer toutes les créatures à
l’infini et elle va préférer mourir pour chacune plutôt que de la voir
commettre un seul péché véniel… comme le Christ Lui-même l’a fait !
VI. Il
est important de comprendre comment la course vers l’union transformante implique
la dimension du corps, jusque dans son aspect le plus fondamental, le plus
élémentaire.
Il est le lieu de
notre course vers l’union transformante qui implique le poids de notre corps,
avec notre métabolisme, nos maladies, nos douleurs et jusqu’à notre
respiration, notre nourriture, notre atavisme, nos instincts… Il faut être
attentif à cela.
Quand Jésus nous
dit à l’Eucharistie : « Ceci est mon corps », il y a une attention au
corps et à la substance même du corps. L’union transformante se fait dans le
corps, le mystère de la transsubstantiation l’appelle et le symbolise. Nous
devons être attentifs à ce mystère parce que dans la formulation carmélitaine
classique de saint Jean de la Croix, sainte Thérèse d’Avila, sainte Thérèse de
l’Enfant-Jésus, sainte Élisabeth de la Sainte Trinité, et Don Marie Eugène de
l’Enfant-Jésus, c’est essentiellement l’union transformante vécue au niveau de l’âme, vécue à
travers le mystère de l’Immaculée Conception qui est expérimentée et ensuite
décrite dans leurs œuvres. La grâce vit au centre de l’âme et introduit l’âme
dans cette course vers l’union transformante. C’est l’âme qui est transformée
en grâce sanctifiante, c’est-à-dire dans la vie qui anime le Cœur, l’Âme, la
divinité de Jésus dans la vision béatifique.
Il y a alors une
unité de vie avec Jésus qui fait que c’est l’animation du Christ qui donne les
formes, qui donne les déterminations à notre vie dans sa source. La source de
tous nos actes, de toutes nos pensées, de toutes nos vitalités, de notre
vérité, c’est la Vérité, c’est le Christ Jésus Ressuscité.
C’est cela
l’union transformante qui se fait dans la tempête ou dans la quiétude ou dans
la simplicité ou dans l'effervescence, selon la demeure dans laquelle on se
trouve. Nous nous sommes intéressés spécialement à la 4ème demeure
qui se fait dans la tranquillité, dans la quiétude, dans notre petit Nazareth,
dans la caverne des sens où se trouve saint Joseph.
L’union transformante avec la Vierge Marie nous met plutôt
dans une vision carmélitaine, c’est-à-dire, une vision de la grâce dans l’âme
spirituelle, dans notre vie contemplative. C’est la partie où l’âme est
spirituelle, contemplative, qui passe ces grandes traverses de l’union
transformante, où l’âme se spiritualise en passant d’une contemplation humaine
de Dieu (dans la 1ère demeure) à une contemplation purement
spirituelle, celle du Verbe de Dieu face au Père (dans la 7ème
demeure). La transformation est totale, mais c’est spirituel.
Mais nous devons
nous demander comment la foi de Marie a pu La faire pénétrer dans les
processions de la Très Sainte Trinité jusqu’à engendrer dans son corps l’Incarnation du Verbe de Dieu.
C’est sa foi qui
fait pénétrer Marie dans les Processions de la Très Sainte Trinité, et c’est sa
contemplation qui engendre dans son corps l’Incarnation du Verbe de Dieu. Son
activité est donc par rapport à une grâce qui pénètre spirituellement dans l’incréé
des Processions de la Très Sainte Trinité. Du coup, il y a un rejaillissement
sur le corps : c’est le mystère de l’Incarnation.
L’union transformante avec saint Joseph implique le
corps. C’est également le mystère de l’Incarnation qui nous fait pénétrer dans
la présence mystérieuse du Père en saint Joseph. De ce fait, notre
contemplation n’est plus seulement vécue au niveau du mystère de l’Immaculée
Conception, mais du mystère de l’Immaculée Conception et de l’Époux de
l’Immaculée Conception. La relation de saint Joseph avec Dieu dans
l’Esprit-Saint passe pour lui par la rencontre avec le mystère de Dieu dans le
corps spirituel parfaitement pur de la Vierge Marie. Et la première rencontre
concrète, substantielle, de saint Joseph avec le Verbe de Dieu, eut lieu avec
le Verbe incarné, avec le corps de Jésus déjà là, présent en Marie.
La manière dont saint Joseph a pénétré dans l’union
transformante, dans sa relation avec la Vierge Marie et avec Jésus à Nazareth,
est tellement incarnée, corporelle que cela nous éclaire sur la manière dont le
corps est intégré et va s’intégrer dans le processus de l’union transformante.
Nous comprenons
mieux comment notre corps va servir de lieu, de support, de bras de levier, de
possibilité concrète, c’est-à-dire de réalisation vraie, efficace et réelle de
cette union transformante dans notre vie ; parce que l’unité de notre
corps, de notre âme et de notre esprit n’est pas assumée totalement et
substantiellement dans la 1ère possession de la Très Sainte Trinité
comme la Vierge Marie l’a expérimenté dans sa foi au moment de l’Incarnation.
Pour nous, le centre de gravité de notre âme est plutôt dans
notre corps.
À partir du
moment où on fait oraison et où on vit de l’union transformante, on a une
conscience vive de notre pauvreté, on n’a plus qu’un désir, celui de
disparaître et de nous engloutir en Marie tant on a honte. On est alors dans
des dispositions très proches de celles de saint Joseph. Dans ce désir
d’effacement, notre corps joue un rôle considérable. Notre culpabilité, nos
tempêtes psychologiques s’apaisent et nous découvrons qu’un Don nous est
fait :
C’est l’Immaculée
Conception : « N’aie pas peur
de prendre chez toi Marie comme Épouse ».
VII.
Passage de la 4ème à la 5ème demeure
À ce moment-là,
notre tourment n’est plus exaspéré et nous pouvons vivre notre oraison dans une
tranquillité profonde parce que la Vierge Marie est là qui nous montre qu’Elle
nous aime, qu’Elle n’aime que nous, qu’Elle est entièrement consacrée à nous, donnée
à chacun d’entre nous. Nous découvrons à travers Elle que nous pouvons vivre
d’un lien d’amour particulier parce que nous pouvons nous reposer avec Elle, en
Elle, qui est toute enracinée en Dieu dans le corps ressuscité de Jésus.
Alors notre corps terrestre avec son opacité, son poids,
devient le nouveau Nazareth de la présence de Marie et de Jésus dans la gloire
corporelle de la Résurrection.
Ce sont les
premiers moments de repos, de tranquillité corporelle, qui accompagnent
l’oraison de quiétude. Le corps n’est plus animé dans l’extériorité, mais dans
la spiration intérieure, donc il se rassemble. Ce rassemblement du corps vers
la spiritualité de l’âme, dans un rassemblement de tranquillité, ressemble
étrangement aux impressions que donne le sommeil de la nuit, lorsque nous
dormons, alors que nous sommes spirituellement conscients, éveillés, montre que
nous sommes entrés dans la 4ème
demeure.
Nous sommes comme
engourdis dans tout notre être, nous ne poursuivons pas de méditation active,
c’est le sommeil des puissances imaginatives et mentales qui peut aller
jusqu’au sommeil des puissances végétatives, (mais sainte Thérèse d’Avila ne le
recommande pas du tout). Et pourtant, il y a en même temps une lucidité
contemplative, spirituelle et substantielle, au centre même de ce sommeil qui
fait que, lorsque nous nous réveillons, que nous quittons notre oraison, nous
sommes encore en Dieu dans la prière.
Ce n’est plus
nous qui agissons, ce n’est plus notre manière de voir Dieu, d’atteindre Dieu
qui est là, c’est quelque chose qui descend dans le centre de notre âme et de
notre corps. Notre corps terrestre est alors aspiré en un centre intérieur qui
est l’esprit de l’âme animé par la grâce,
et il retrouve quelque chose de son état originel.
L’oraison de
quiétude n’est pas quelque chose de gratifiant pour notre orgueil, car nous ne
pouvons plus rien faire alors que nous voudrions faire quelque chose
spirituellement : on voudrait prier, méditer, etc... Quelque part un
relais nous est donné : c’est le passage du ver au papillon. D’un seul
coup il y a quelque chose qui s’est inversé dans le travail de l’âme. Nous
passons de l’opacité du corps extérieur, de l’animation vers l’extérieur à
l’animation vers l’intérieur : c’est le rassemblement, l’unification par
l’esprit.
*
Comment discerner le sommeil végétatif du sommeil de la grâce
Dans l’oraison de
quiétude, la grâce prend le corps, mais le sommeil végétatif n’est pas pris par
la grâce, sauf si on fait oraison avant de s’endormir et qu’on s’endort en
priant.
Quand on sort du
sommeil de l’oraison de quiétude, on n’a pas fait de rêves ni de cauchemars ni
de méditations, car il y a eu le sommeil des puissances imaginatives, de la
mémoire, des fantasmes, du mental (il n’y a pas eu de méditation).
Alors nous
retrouvons dans notre corps quelque chose de notre corps originel, de notre
corps d’innocence lorsque Dieu a créé notre âme spirituelle et l’a insufflée
dans notre corps, dans la première cellule, à la suite de l’amour de notre père
et notre mère. Dans l’oraison de quiétude, notre corps retrouve cet instant
fulgurant de « grâce originelle » qu’il possède à l’instant de notre
conception et qui nous est arraché immédiatement par la faute du péché originel.
S’il n’y avait pas eu cette expérience de grâce originelle dans notre corps au
premier instant, il n’y aurait pas la tâche du péché originel et le sacrement
de Baptême ne serait pas nécessaire pour l’effacer.
Dans l’oraison de
quiétude, je laisse mon corps d’opacité et je retrouve mon corps d’innocence
qui est peut être la base de départ pour la découverte de la grâce au centre de
l’âme spirituelle dans mon corps originel. Mais c’est le même corps : il n’y
a pas un corps astral, un corps éthérique, un corps subtil, un corps lumineux,
etc....
Avec saint Joseph, nous entrons d’une manière nouvelle dans
un monde nouveau où le corps s’intègre dans l’oraison de quiétude.
Nous descendons
du Temple à Nazareth, dans la source où notre corps devient disponible, si
malléable et si animable par la Grâce, par la Présence de l’Esprit-Saint et par
la Présence corporelle du Christ, que nous trouvons au centre de notre âme, non pas la grâce contemplative mais le
fruit des sacrements, c’est-à-dire le Feu qui brûle le Cœur du Christ dans
la Résurrection.
Nous passons alors de l’oraison de quiétude (4ème
demeure) à cet incendie qui brûle de Cœur du Christ dans la Résurrection, au
fond de notre âme (5ème demeure).
Dans la 5ème
demeure, il n’y a plus ni signes, ni phénomènes charismatiques. Si nous avons
la sensation que nos mains chauffent et qu’en imposant les mains, nous allons
pouvoir guérir, c’est le signe que nous ne sommes pas encore dans la 4ème
demeure, parce qu’il n’y a que le corps terrestre qui peut recevoir ces énergies,
car dans le rassemblement qu’opère l’oraison de quiétude c’est impossible qu’il
y ait ces phénomènes parce que les parties végétatives ne viennent pas vibrer
dans le centre de la main !
Il est difficile
d’expliquer exactement les mécanismes de la pénétration, de l’infiltration de
la grâce, des énergies, dans le corps terrestre par rapport au corps originel
ou par rapport au corps spirituel. Mais c’est facile à comprendre.
C’est bien le
corps terrestre, le corps opaque qui vit ces espèces d’effluves. On ne les
méprise pas, mais ce n’est pas encore le corps dans sa relation avec la Grâce
sanctifiante, le corps est encore laissé à sa « vie végétative »,
c’est donc périphérique.
Mais quand il y
a, dans l’oraison de quiétude, le rassemblement de toutes nos puissances et une
simplification de tous nos actes, il y a alors une possibilité de rayonner,
mais pas tout de suite et c’est cela le problème.
Alors la sagesse
commence !
La métamorphose
du ver en papillon est faite là, dans la 5ème demeure. On se trouve
hors de notre corps habituel, hors de nos repères par rapport aux grâces
reçues, par rapport à nos sécurités « psycho-métapsychico-dingo ».
Cette métamorphose est un passage qui n’est pas mauvais puisqu’il nous a donné
le goût de Jésus, le goût de la prière, le goût de l’oraison, le goût des
sacrements, le goût du respect et de l’obéissance à la Sainte Église.
(L’obéissance et le respect à la Sainte Église vont ensemble.)
Mais le papillon
est tout honteux, car il ne sait pas où il est, il ne sait pas où est sa place.
Au fond, il va mourir, il le sait. Cela dure très peu un papillon tandis qu’une
chenille dure longtemps et, en plus, cela prolifère... Ces périodes durent
toujours longtemps parce que c’est long de se débarrasser de son moi
mystico-dingo. Mais Jésus a institué l’Église pour qu’il y ait ces
retrouvailles avec notre identité d’origine et cette possibilité de courir vers
l’union transformante en toute tranquillité, en toute simplicité. On se calme
humainement.
*
« Le « raccourci » de sainte Thérèse d’Avila
Sainte Thérèse
d’Avila dit qu’il y a deux possibilités pour passer de la 4ème à la
5ème demeure, une qui dure longtemps, et une plus rapide, le
« raccourci » lorsque nous faisons oraison. Si on ne fait pas
oraison, cela peut durer 20 ans. C’est à nous de choisir : 20 ans de
névrose ou bien le raccourci en faisant oraison. Le raccourci est plus
méritoire et en même temps plus facile car c’est Dieu qui fait tout. Si on ne
fait pas oraison, on va essayer pendant 20 ans de coopérer avec Dieu dans le
concret, en essayant de rester vigilant, de persévérer, de tenir le coup ;
c’est plus difficile et on souffre plus car Dieu intervient moins
directement ; c’est donc moins méritoire et on est moins saint,
contrairement à ce que l’on croit.
Dans la 5ème
demeure, la sainteté consiste à choisir le plus facile : Dieu a pris
possession de nous dans l’oraison de quiétude, on sait que c’est
définitif ; le doute ne viendra jamais en nous. Dans la 6ème
demeure, nous allons connaître la nuit de l’esprit, mais la nuit n’est pas le
doute. Rappelons cependant ici que, dans les premières demeures, celles des
commençants et des généreux, le plus saint est de choisir le plus difficile.
Il faut faire
oraison en étant conscient de ce que nous faisons puisque la différence entre
le sommeil végétatif et le sommeil de quiétude est qu’il y a une conscience
actuelle, dans une passivité active où on se laisse rassembler du centre de
l’âme. C’est Jésus qui est là et c’est Lui que nous voulons. Il faut toujours
se ramener à la Présence de Dieu et, à un moment donné, à force de le faire,
comme nos actes sont très tranquilles, pas violents, cela introduit un certain
sommeil végétatif, mais cette fois-ci cela va dans le sens de la direction de
la partie spirituelle du centre de l’âme de cette petite lumière qui est au
centre de nous, qui rassemble, qui attire et qui fait que là on trouve la
tranquillité, la paix, la douceur et la joie. Et d’un seul coup, à un moment
donné, on se rend compte que notre corps se transforme dans l’oraison et qu’il
a un poids extraordinaire. On peut retrouver cette quiétude (de la 4ème
demeure) qui est toujours là quand on le veut, sauf si on est en état de péché
mortel : parce que l’Amour ne diminue pas....
Voilà le
raccourci de la 5ème demeure. Quand nous nous réveillons de
l’oraison, nous savons qu’il s’est passé quelque chose de différent et nous ne
pouvons plus douter qu’il y ait eu une rencontre de notre âme avec Dieu. Le
corps a participé d’une manière telle qu’il n’y a aucune possibilité de douter
qu’il y a eu une intervention surnaturelle de Dieu et que Dieu ait pris
possession de nous.
Nous savons qu’il
s’est passé quelque chose qui ne s’est jamais passé avant. Il y a eu un
engloutissement total de toutes nos puissances : c’est toutes les secondes
et tous les temps qui ont été accumulés. Il y a une touche d’éternité qui fait
que l’on ne sait pas combien de temps elle a duré. C’est assez court. En fait,
on n’en sait rien. Quand on revient, cela nous parait encore plus court que
cela n’a été en réalité. Et cette fois-ci, c’est
la grâce qui a effectué un travail en nous, le Cœur de Jésus a pris possession
de nous, du centre de notre âme, jusque dans les parties de notre corps
originel. Ce n’est pas encore le corps spirituel, c’est dans les parties
disponibles innocentes de notre corps, dans les parties où notre corps se
rassemble, où il est noué à la partie spirituelle de l’âme.
VIII.
Le passage aux fiançailles (de la 5ème à la 6ème
demeure)
À partir du
moment où l’on a été touché par la grâce d’oraison de quiétude, dans cette
touche de rassemblement, non seulement du corps dans l’âme spirituelle, non
seulement du monde végétatif dans la partie spirituelle du recueillement des
puissances, mais aussi du temps qu’on y passe dans l’éternité de la Présence de
Dieu, on sait que l’on a été choisi pour l’union transformante.
Mais le démon
aussi le sait ! Et à partir de là, une quantité considérable de démons va
venir sur nous pour nous faire lâcher prise. Saint Jean de la Croix dit que
toutes les puissances disponibles de l’enfer vont se liguer contre nous pour
que cette union transformante qui a germé en nous ne parvienne pas à son terme.
Parce que le démon sait qu’en nous perdant il va perdre une multitude
considérable d’âmes. Il faut savoir que toutes les puissances de l’enfer se
précipitent sur tous les Carmels (c’est pourquoi on met des grilles).
Cette présence du démon est le signe du passage de la 5ème
à la 6ème demeure, le signe que les fiançailles approchent.
Le démon va
s’acharner à multiplier les contretemps et à tout faire pour nous empêcher de
faire oraison : il va envoyer des gens, des coups de téléphone, des
accidents de voiture, l’époux va nous soupçonner, le père spirituel ne va plus
nous comprendre, les enfants vont rater les examens, vont se disputer... tout
va se déchaîner contre nous et il va falloir que nous soyons tout à tous !
Heureusement, car
la seule attitude consiste à rester disponibles, conciliants, et obéissants en
multipliant les actes de charité pour être tout à tous. L’oraison se trouve
alors dans nos actes. Et cette attaque du démon fait sa perte car, du coup, on
est sollicité pour préparer un repas, pour répondre au téléphone, pour écrire
une lettre, pour prier. Enfin l’obéissance est active concrètement ! Et le
Saint-Esprit passe par les événements. C’est là qu’interviennent les mots
justes, les pensées justes, les actes justes.
C’est La première
mobilisation de notre corps originel et de tout notre être.
Mais cette
période est très perturbante et cet état est très déprimant. C’est tout notre
être qui est perturbé parce que c’est tout l’aspect superficiel et artificiel
de notre personnalité (notre identité néo-formée) qui doit être détruit. Il
faut que la lutte soit tellement épouvantable qu’il n’y ait plus aucune trace
de notre fausse personnalité, du visage qu’on s’est fait, de notre côté
artificiel. Avant la 5ème demeure, nous disons « on ne me
respecte pas ! ». Après la 5ème demeure on dit « enfin, je
reçois une gifle, tant mieux ! » parce que c’est notre identité
spirituelle dans le corps que nous aimons et non pas notre personnalité
néo-formée.
C’est à ce
moment-là qu’apparaissent la dépression et les phénomènes pathologiques. Il ne
faut surtout pas prendre d’antidépresseurs quand nous sommes dans la 6ème
demeure.
Nous devons accepter de vivre cette destruction totale,
cette crucifixion parce que c’est l’Épouse qui apparaît dans la 6ème
demeure, ce sont les fiançailles.
Là, il faut vivre
de l’obéissance héroïque à l’Église, aux commandements, aux supérieurs, au
mari, et ne jamais s’appuyer sur ses impressions, sur ses opinions, sur ses
idées, car tous les démons sont sur nous. Il faut savoir que tout ce qui vient
sur nous, psychiquement à ce moment-là, c’est presque sûr que cela vient du
démon. D’ailleurs, on le voit bien car il y a une chute incroyable, on est
devenu particulièrement mauvais dans les parties psychiques de notre âme.
*
La purification passive des sens
La purification
passive des sens commence dès la 4ème demeure où c’est la grâce
sanctifiante qui fait le travail de transformation... Tandis que dans les trois
premières demeures, c’est la même grâce sanctifiante que nous recevons, mais
elle nous aidait à devenir plus humain : on l’appelle la Grâce quoad modum. C’est la Grâce des premières demeures, la
grâce de préparation, la grâce des commençants, des généreux et de la
simplification. Elle est différente de la
Grâce in se.
La grâce
« quoad modum » est une grâce surnaturelle, elle donne
des vertus infuses, comme la chasteté, par exemple, sans aucun effort, sans
aucun mérite de notre part. Elle permet de poser des actes humains, simples,
naturels, elle a une manière surnaturelle (modum)
d’aller dans le concret naturel, dans la réalité saine et normale de l’homme.
La grâce
« in se » est une grâce surnaturelle sanctifiante. C’est
l’intervention surnaturelle et vivante de Jésus, de l’Esprit-Saint, de la
Vierge Marie, du ciel tout entier en moi, qui me permet de poser des actes
surnaturellement divins.
La métamorphose
du ver en papillon que nous avons vue s’opère justement dans ce passage de
l’effet naturel à l’effet surnaturel où c’est la grâce elle-même qui commence à
faire le travail surnaturel en nous (4ème demeure). C’est pour cela
que nous ne faisons plus rien dans l’oraison de quiétude.
Mais elle ne
consiste pas à faire le vide. Au contraire, elle est une attention plénière où
on se laisse remplir par Jésus, seulement, tranquillement, simplement. Et, à un
moment donné, c’est Lui qui fait le rassemblement d’une manière tranquille,
simple et progressive.
Dans la Grâce in se l’origine et l’effet sont tous les
deux surnaturels, tandis que dans la Grâce quoad
modum l’origine est surnaturelle et l’effet est naturel.
- Dans la 3ème
demeure : C’est la grâce quoad modum
- Dans la 4ème
demeure : C’est la grâce in se
où commence la purification passive des sens
- Dans la 5ème demeure : la grâce quoad modum et la grâce in se
sont simultanées, en un seul acte : c’est l’obéissance divine à
l’Esprit-Saint.
« Aimer,
c’est tout donner et se donner soi-même, activement, tranquillement, mais totalement,
c’est Jésus seul »
II faut demeurer
dans cette disponibilité immédiate, accepter cette obéissance aux événements,
au Saint-Esprit, au delà de nos impressions et de nos sentiments.
Chaque fois que
nous faisons un acte de charité, d’obéissance, d’unité totale, notre capital de
grâces augmente. Nous commençons alors à entrer dans la sainteté.
La Sainteté ne
consiste pas à être en état de grâce, elle consiste à faire que la grâce
sanctifiante qui est en nous augmente constamment par des actes d’oraison, d’un
de don total, d’engloutissement absolu en Dieu. C’est alors que la grâce de
Jésus augmente en nous jusqu’à prendre possession de tout nous-mêmes, y compris
des parties ténébreuses de notre âme, celles habitées par nos impressions, nos
idées, nos opinions, nos habitudes.
Quand la grâce
sanctifiante augmente, comme elle est au centre de notre âme, elle
« pousse les murs », c’est-à-dire toutes les parties de notre âme qui
sont entre la partie spirituelle et les parties végétatives, et qui sont
habitées par les ténèbres de notre personnalité, par nos impressions, nos
idées, nos opinions, nos habitudes, notre manière de voir Dieu, nos expériences
précédentes par rapport au divin, par rapport à la religion, par rapport à
notre union à Dieu, par rapport aux charismes que nous avons reçus. Tout cela
doit disparaître ! Heureusement ! C’est épuisant ! Et cela
épuise la grâce, justement, mais cela n’épuise pas notre ego. Toutes les
scories de notre irascible, de notre concupiscible, nos colères, tout ce qui
est refoulé, nos fantasmes, tout ce que le buvard de l’esprit de virginité a
absorbé d’impuretés qu’il y a dans le cosmos, dans la génération moderne, dans
les films vus ou non, parce qu’ils sont passés sur les ondes et parce que je
suis plus ou moins réceptif ; tout l’atavisme de mes parents, etc... tout
cela doit sortir !
Alors, on fait un
acte de foi, un acte d’espérance, un acte de charité… et la grâce augmente,
elle fait pression. Et qu’est-ce qui ressort ? Il ressort l’impureté,
l’obscénité, la perversion, l’envie d’étrangler, de tuer, de blasphémer, etc...
Quand tout cela sort, c’est la preuve que la grâce
travaille, et c’est cela la sainteté.
Dans l’innocence
originelle, je n’étais pas un saint puisque le péché originel étant venu, tout
cela était rentré dans mon innocence
et j’en suis responsable, mais non coupable. Il faut alors faire une gestion
des émotions pour que cela ne s’exprime pas trop et que cela sorte. C’est comme
un exorcisme. C’est la purification
passive des sens.
Si le critère de
ce que l’on vit, à ce moment-là, c’est ce qu’on ressent, ce sont nos
impressions.., c’est dramatique ! Si notre critère, c’est l’Abandon et la
foi, dans l’attention confiante que c’est Dieu qui nous purifie.., c’est
génial !
Il y a d’abord la
purification du concupiscible, puis de l’irascible. Puis, la grâce ayant
travaillé d’une manière telle qu’elle a pris jusqu’à l’extériorité du corps
dans le fameux « raccourci » de la 5ème demeure, commence la purification passive de la
mémoire.
C’est cette purification passive de la mémoire qui domine
dans la 5ème demeure et qui prépare la purification de l’esprit de
la 6ème demeure, la nuit de l’esprit… où l’orgueil va sauter.
Lorsque nous
sommes à ce moment-là, source d’exaspération pour tous ceux qui nous entourent
et pour nous-mêmes, nous voudrions enter en présence de Dieu de manière
définitive, quitte à en mourir. Alors nous pouvons dire avec saint Jean de la
Croix :
11 « Découvre-moi Ta Présence, (dévoile-moi Ta présence)
« Que la vision de Ta beauté me tue ! (je veux mourir â
mon identité néo-formée, à ma fausse personnalité)
« Qui pour l’Amour est en peine
« Guérir ne peut, Tu le sais,
« Qu’en Présence du visage de l’Aimé ! » (l’Aimé est au
centre de sa vie, au centre de son corps, au centre de son âme)
*
La 12ème strophe nous met à l’orée des fiançailles : 5ème demeure.
12 « Ô Fontaine cristalline !
« Si dans le miroir de tes eaux argentées
« Tu me laissais voir soudain
« Les yeux que sans fin je cherche
« Et que je garde à l’ébauche de mon cœur.
Ce passage aux
fiançailles est quelque chose de très marial. Au milieu de cette détresse, de
cette purification, de cette nullité qui est source d’exaspération pour les
autres et pour nous-mêmes, nous retournons à cette fontaine de grâces qui est
notre seul recours, celui aussi de saint Joseph : « Si dans le miroir de tes eaux argentées ».
C’est l’espérance
qui apparaît de manière active et surtout très personnelle qui implique la
Grâce en personne Marie. Nous comprenons que c’est Marie qui nous engloutit
pour que nous puissions découvrir ce feu, cette Lumière du Verbe de Dieu dans
le Cœur Sacré de Jésus.
C’est là que
notre corps originel, notre corps terrestre lui-même, se rassemble dans cette
présence d’une fontaine cristalline pleine de grâce.
Alors, nous
désirons être emportés intérieurement, engloutis totalement dans le Sacré-Coeur
de Jésus et nous le Lui demandons. Il faut le formuler et le penser d’une
manière très exacte, juste, plénière pour que l’acte se réalise. Et l’acte se
réalisera par une grâce, par une intervention divine, d’un seul coup. Ce sont
les Fiançailles avec Jésus, avec son Amour si lumineux, si extraordinaire, si
puissant et merveilleux en nous, pour nous, qui nous dit : « Tu es mon égal... Je te fais
confiance, tu es un saint. Mon saint. Je t’épouse ». Jésus met un sceau dans notre cœur.
Ici, nous
touchons pour la 1ère fois le Père qui, dans son Sein, nous montre
le Verbe dont Il se nourrit pour produire l’Esprit-Saint. Nous nous retrouvons
dans le Verbe de Dieu, Dieu Lui-même se révèle à nous, de l’intérieur, nous
engloutit en Lui et nous fait découvrir l’éternité de sa splendeur de Personne
divine dans le Verbe de Dieu.
À ce moment-là,
cette révélation dépasse tellement tout ce que nous avons pu désirer dans notre
soif d’amour, c’est un amour tellement fort et qui va tellement au-delà de tout
ce que nous avons pu concevoir dans notre imagination, que c’est trop fort pour
l’âme qui a alors un mouvement instinctif de frayeur et de recul :
13 « Éloigne-les, mon Bien-Aimé !
« Voici que je m’envole... »
Nous
allons passer de la Très Sainte Trinité au Sacré-Cœur de Jésus.
Dans la 5ème
demeure, nous ne voyons rien, mais maintenant, d’un seul coup, nous voyons,
dans une vision intellectuelle, surnaturelle le Verbe Incarné qui fait vivre en
l’illuminant de tout Lui-même le Cœur de Jésus dans la Résurrection et qui nous
dit : « J’ai besoin de toi, il
faut que tu te donnes, que tu te livres à Moi », et cela implique le
Don.
Nous comprenons alors tout ce que ce don implique : il
implique la croix, le martyre et nous avons peur de la souffrance, car nous ne
sommes pas encore complètement dans l’union transformante. C’est pourquoi l’âme
s’écrie :
« Éloigne-les,
mon Bien-Aimé ». Et si nous n’avons pas appris à aimer l’obéissance, les
croix, dans cette 5ème demeure où nous découvrons notre pauvreté qui
nous crucifie, nous ne pourrons pas dire Oui aux fiançailles. C’est vraiment la
grande Miséricorde de Dieu qui nous permet de dire OUI aux fiançailles et de ne
plus avoir peur des croix, du martyre et de la sainteté réelle, concrète,
actuelle, dans l’instant présent pour que ce soit Jésus qui assume tout. C’est le mystère de la Croix Glorieuse
qui prendra tout notre corps pour l’amener à la mise en place de notre corps
spirituel.
Si l’on n’est pas
avec l’Immaculée, on ne voit pas comment notre corps peut rentrer dans l’union
transformante.
Mais c’était sous
l’influence d’une grâce surnaturelle que l’on a reçu cette demande, si bien que
l’on dit « non » instinctivement. Et l’âme dit : « Éloigne-les, mon Bien-Aimé. Voici que
je m’envole ». Je vais vivre de ce que Tu viens de me donner et je
m’envole avec cela - laisse-moi un peu de temps !
Commentaire de
saint Jean de la Croix :
« L’âme en effet brûle du désir de voir son Dieu et dès
qu’elle Le saisit, dès qu’il y a cette minuscule étincelle substantielle
d’essence divine, elle ne veut pas »
C’est le
retournement du cantique spirituel.
« L’âme, en effet, conformément aux immenses désirs
qu’elle avait de ce regard divin qui aspire à voir la divinité incréée reçut de
son Bien-Aimé intérieurement une connaissance telle et une communication de ce
Verbe de Dieu telle qu’elle lui fait dire « Éloigne-les mon Bien
Aimé ». Car telle est la misère de la nature en cette vie que lorsque
l’âme se voit gratifiée par son Bien-Aimé de cette communication qu’elle désire
tant, elle ne peut la recevoir presque qu’aux dépends de sa propre vie.
L’âme comprend
immédiatement, que c’est presque aux dépends de sa propre vie. En effet cela
implique le martyre, ce témoignage d’engloutissement total.
« …de sorte que lorsqu’elle découvre les yeux qu’elle
recherchait avec tant de sollicitude et d’angoisse et par tant de voies, elle
dit, se surprenant elle-même, « Éloigne-les, mon Bien-Aimé »
Elle découvre
Dieu le Verbe, avec tant d’amour que cela lui est insupportable.
« Parce que le tourment qu’on éprouve, en de semblables
visites et ravissements du Verbe, est parfois si immense et si intense, qu’il
n’y a aucun tourment qui puisse disloquer autant les os et mettre la nature si
à l’étroit que si Dieu n’intervenait pas à ce moment-là, notre vie se
terminerait aussitôt. Et à la vérité c’est ce qui semble à la personne en qui
cela se passe parce qu’elle éprouve que l’âme est comme se détachant de la
chair et qu’elle abandonne le corps. Et la cause en est que de semblables
faveurs ne peuvent bien se recevoir, dans le corps et dans la chair, que dans
la proportion où l’esprit y est élevé lui-même dans cette communication avec
l’Esprit divin qui vient dans l’âme. »
Saint Jean de la
Croix nous dit explicitement, que c’est bien le corps qui n’est pas à la
hauteur, parce qu’il n’est pas rentré dans ce que l’esprit vit dans l’oraison.
Il faut avoir découvert précédemment notre innocence divine
incarnée, corporelle (cet exis comme
dit Aristote) pour pouvoir faire
participer notre corps à l’activité de la grâce en nous.
C’est une
nécessité pour nous de mettre à jour cette porte d’entrée du lieu où la grâce
sanctifiante peut surnaturaliser en même temps l’âme et le corps et rendre
ainsi possible notre entrée corporelle dans le corps mystique, dans le
Sacré-Cœur de Jésus, pour découvrir et toucher en nous le corps spirituel.
« …Et ainsi nécessairement, elle doit en quelque façon
abandonner la chair. La chair doit pâtir et par conséquent l’âme dans la chair
doit pâtir à cause de l’unité qu’elles ont en un seul suppôt. »
II faut
comprendre que la mort a été introduite dans l’unité entre le corps et l’âme
par le péché originel. Et lorsque nous recevons ces grâces d’union si fortes,
cette espèce de mort apparaît de manière plus claire, plus sensible, plus
limpide ; et c’est une mort dramatique parce qu’elle concerne la mort en
soi. C’est la mort liée au péché originel, la mort universelle, qui concerne
toute l’humanité et que nous devons traverser par notre mort personnelle.
Alors on ne peut
pas ne pas dire : « Éloigne-les,
mon Bien-Aimé ». C’est ce qu’expriment certains contemplatifs
lorsqu’ils disent : « Alors
là j’étais prêt à subir toutes les morts, de tous les temps, de tous les lieux
et mille morts, dix mille morts ».
« Et, partant, le grand tourment que
l’âme sent dans cette sorte de visite et la grande crainte qu’elle a de se voir
traiter par voie surnaturelle lui font dire « Éloigne-les, mon Bien
Aimé. »
On est alors
saisi par une espèce de frayeur d’être totalement brûlé par le surnaturel,
corps et âme. Et pour la première fois, à cet instant précis, nous rentrons
vraiment dans l’esprit de crainte de Dieu, dans cette peur d’être entièrement
un saint, entièrement amour, entièrement lumière, corps et âme. C’est cette
peur naturelle dans laquelle est notre âme qui nous fait dire à l’Aimé « Éloigne-toi. »
« Ce n’est pas que l’âme, en disant qu’Il détourne sa
présence visible, veuille qu’il les détourne vraiment, mais c’est une façon de
parler qui procède de la crainte naturelle, comme nous l’avons dit. Au
contraire, quoiqu’il lui en coûtât beaucoup plus, elle ne voudrait pas perdre
ces visites extraordinaires de l’Aimé parce que, bien que la nature blessée
pâtisse, l’esprit néanmoins vole dans ce recueillement surnaturel pour jouir de
l’Esprit de Celui qu’elle aime et c’est cela justement tout ce qu’elle
désirait. »
Mais en même
temps, il y a une réaction instinctive de notre corps lié aux autres corps.
N.B. : Même Adam, dans son corps originel, aurait
été mis à l’épreuve de la manifestation du Verbe dans sa foi de grâce
originelle puisque Adam est sous le régime de la foi, mais il n’aurait pas
connu la mort, il aurait été emporté au ciel. À un moment donné quand, se
livrant dans un amour total d’une humanité intégrale, homme et femme, en
présence de Dieu avec tous les corps et tout le cosmos dans une charité
ardente, le Verbe de Dieu se serait manifesté à lui corporellement du centre
même de son corps d’origine, entièrement englouti dans le Don, à ce moment-là,
il aurait éprouvé lui aussi ce « Éloigne-les.
mon Bien-Aimé » ; donc ce n’est pas uniquement le péché originel,
c’est aussi parce que la nature humaine est très éloignée de la transcendance
d’Amour de Dieu. Mais le péché originel accentue et on a peur de perdre.
Par l’épreuve de
la foi, le voile se déchire, le Verbe de Dieu se manifeste et il faut remettre
toute la création dans le Verbe. C’est ce qu’Adam aurait pu avoir à faire. Le
faisant puis le refaisant, Adam aurait connu l’union transformante mais, au
lieu de mourir, il aurait connu un mystère d’ascension. Dieu l’aurait
transformé dans son corps spirituel et son corps serait entré au ciel dans un
état céleste.
« Ce n’est pas qu’elle ne veut plus lorsqu’elle
s’écrie : « Éloigne-toi, mon Bien-Aimé » mais elle ne voudrait
pas Le recevoir dans la chair où elle ne peut pas encore en jouir parfaitement,
parce que dans la chair on n’enfouit que peu et avec peine, mais c’est bien
uniquement dans le vol de l’esprit et hors de la chair où on peut en jouir
librement. Et c’est pourquoi l’âme dit « Éloigne-les, mon Bien Aimé »
c’est-à-dire « Cessez de me communiquer tout cela, jusque dans la
sensibilité de ma chair ». (Je vois ! Avant je ne voyais pas.)
« Comme si elle disait voilà que je m’envole de la
chair afin que vous me les communiquiez hors de la chair, ces yeux divins étant
la cause que je m’élève hors de mon corps, hors de ma chair. Et, afin de mieux
faire comprendre quel est ce vol de l’Esprit, il faut remarquer que dans cette
visite fulgurante de l’Esprit de Dieu, comme nous avions dit, l’esprit de l’âme
est ravi (un rapt) avec une grande force à rentrer en relation avec
l’Esprit-Saint. Et il abandonne le corps et il cesse d’y éprouver et d’y
exercer ses actions, parce que toutes ses actions sont englouties en Dieu. C’est
pourquoi saint Paul dit que dans le ravissement qu’il eût ici il ne savait pas
si son âme était dans son corps ou s’il était hors de son corps » (2 Cor.
12, 2).
C’est
extraordinaire cette description du vol de l’esprit, ce moment où l’esprit de
l’âme est ravi, emporté, appelé à rentrer en relation avec l’Esprit-Saint avec
une telle force qu’il abandonne le corps !
« Non
pas qu’il faille entendre en cela que, dans ce passage, l’âme prive le corps de
la vie naturelle, mais il faut entendre plutôt qu’elle n’y fait plus ses
opérations. (Je ne fais plus aucune opération par moi-même). Et c’est pour cela que dans ces rapts et
ces vols de l’esprit, le corps demeure privé de tout sentiment ; et
quoiqu’on lui fasse, des choses de très grande douleur de l’extérieur,
néanmoins il ne sent rien, car ce n’est pas comme d’autres transports ou
pâmoisons naturels où on fait revenir les gens qui sont dans l’hystérie
(mystico-dingo) à force de les
torturer. »
« Ceux
qui ne sont pas encore arrivés à l’état de perfection, mais qui cheminent
encore dans l’état des progressants (3ème demeure), ont ces
souffrances dans ces visites parce que ceux qui y sont déjà arrivés ont
désormais la communication faite toute entière en paix et dans un amour
suave. »
« Et ces
ravissements s’espacent, s’estompent jusqu’à disparaître parce qu’ils ne sont
finalement que des communications qui nous préparent à la grande communication
totale. »
Petit à petit, de
ravissement en ravissement, de communication en communication, nous
progressons. Alors nous descendons très bas dans la déréliction et dans une
soif infiniment plus grande qu’avant de retrouver les yeux du Bien-Aimé. Et il
nous est donné à ce moment-là une nouvelle communication, puis un nouvel arrêt
et puis nous voilà plongés dans une suavité encore plus grande. La mort laisse
alors apparaître son secret de suavité et nous sommes à même de percevoir de
plus en plus cette mort d’amour.
« Donc
ce que l’âme dit ici du vol, ce qu’elle en dit, se doit entendre pour
ravissement et extase de l’Esprit à Dieu et c’est pourquoi elle dit
« Voici que je m’envole »
Alors, la Voix de l’Époux se fait entendre et, puisque j’ai échappé
à l’éternité du Verbe de Dieu, Dieu le Père et Dieu le Verbe vont me parler par
la bouche de Jésus crucifié. Et voici qu’au sommet des monts (le Verbe)
apparaît le cerf blessé au bois de la Croix, le cerf blessé d’amour qui nous
dit :
13 (suite) « Viens ma colombe, reviens !
« Car voici qu’au sommet des monts
« Apparaît le cerf blessé
« Savourant la brise fraîche de ton vol. »
C’est l’ouverture du Ciel dans le Cœur sacerdotal du Christ, dans
le feu qui brûle son Cœur dans la Résurrection, qui devient alors pour nous le
lieu habituel où nous aimons être, comme l’Esprit-Saint qui est notre brise
d’Amour vient nous rafraîchir et élargir en extension les horizons du Corps
mystique de Jésus. Ici, le sens de l’Église prend pour nous un sens plus
profond et nous ne vivons plus seulement notre présence dans le Cœur de la Très
Sainte Trinité par la foi, mais par la charité et la communion d’amour.
*
Nous passons de la Très Sainte Trinité au Sacré-Cœur de Jésus.
Le cerf blessé,
pris par le Mystère de la Croix, c’est Jésus Crucifié. Nous sommes devenus la
croix du Christ. Or, un cerf blessé a une soif terrible. Et Jésus nous
dit : « Viens, reviens, car sur
la Montagne (Le Verbe) apparaît, le
cerf blessé se désaltérant au souffle revivifiant de ton vol ». Le
vol, c’est de recommencer à dire à Jésus : « montre-moi Ton
Visage ». Et il faut découvrir, avec Marie, redécouvrir ce Face à face
avec Jésus où Il se (re)dévoilera, Lui qui s’est caché, et que nous puissions
dire notre fiat avec Marie Immaculée.
C’est ce Jeu
extraordinaire de l’Amour qui va nous permettre, après avoir découvert notre
corps spirituel, de l’harmoniser avec notre corps terrestre pour être ainsi au
centre de l’univers, là où se trouve le Cœur Sacré de Jésus, le Tabernacle de
la Très Sainte Trinité.
Nous devons être
conscients que, selon l’importance et l’attention que nous portons à notre vie
d’oraison, nous serons à même d’accélérer le processus d’union transformante.
Sainte Thérèse d’Avila dit : « Donnez-moi
quelqu’un qui fait oraison, en neuf mois j’en fais une sainte ». C’est
par la qualité de notre vie d’oraison que Jésus pourra se dévoiler à nous et
que nous pourrons ainsi trouver plus rapidement, au centre de notre âme, la
Grâce de la présence de l’Immaculée Conception et la Présence corporelle et
sacramentelle de Jésus.
Nous sommes alors
touchés au centre de notre cœur, dans notre vision des choses, et nos écailles
tombent, notre vielle peau tombe... c’est une mue complète... et nous sommes
alors prêts pour être crucifiés. Nous l’offrons et l’acceptons, car nous
comprenons que cette crucifixion ne touche finalement que l’erreur, que ce qui
est faussé en nous et que cela doit être crucifié pour que l’identité de notre
vocation apparaisse corporellement. Quand nous commençons à désirer cela, à
aimer cette Croix, c’est notre vraie vie qui commence, la vie chrétienne.
Avec notre corps,
avec notre cœur, nous sommes fiancés avec la Vérité, nous sommes fiancés au
Sacré Cœur de Jésus, à son Corps… à la matrice immaculée de la Vérité de notre
corps spirituel… et un Monde nouveau apparaît. Il nous appartient déjà dans ce
passage des fiançailles.
Comment
comprendre cette Parole mystérieuse de Jésus « Ne Me touche pas, Je ne
suis pas encore monté vers Mon Père » ?
À l’heure de la
Croix, la Vierge Marie s’est certainement souvenue de cette Parole de Son Fils,
prononcée trois ans auparavant : « Femme, mon heure n’est pas encore
venue ». Et maintenant Elle comprend que l’Heure est arrivée, que tout est
accompli et achevé, et que les Noces de Cana, c’est maintenant pour nous, ses
enfants. Alors, Elle accepte tout, Elle accepte la Croix pour nous. Elle
accepte de mourir avec son Fils sur la Croix. Elle sait qu’Elle va mourir,
qu’Elle ne peut traverser l’Heure de la Croix sans mourir. Même physiquement,
Marie ne peut pas, puisqu’il y a ce lien si intime entre sa Chair et la Chair
du Christ ; et s’Il meurt, Elle mourra aussi. Mais il y a aussi cette autre
prophétie : « Un glaive Te transpercera le cœur ». C’est le
Sacré-Cœur de Jésus qui saisit le divin Cœur de Marie à la Croix et qui fait
qu’Elle ne meurt pas.
C’est un miracle
d’Amour.
* La Transverbération est un miracle. Nous devons
toujours nous en souvenir dans notre vie d’oraison.
Normalement,
Marie n’aurait pu survivre à l’heure de la Croix, mais Jésus, à cette heure,
répand dans le Cœur de Sa Mère tous les trésors de Sa gloire et demande à Marie
de ne pas mourir, pour nous rendre héritiers de cette gloire. Jésus a pris
chair en Marie, et cette union corporelle va jusqu’à la prise de l’âme dans sa
substance et jusqu’au corps spirituel.
C’est cette Union
qui nous met vraiment dans l’éternité, dans le vol de l’esprit. Ce vol de
l’esprit fait que notre corps ne nous appartient plus : effectivement,
nous n’éprouvons plus la sensation de notre corps dans ces moments de
fiançailles. Nous touchons le Cœur de Jésus glorifié dans son instant
d’éternité à la Croix et ce franchissement du seuil de la mort fait que, d’une
certaine manière, nous n’avons plus peur de la mort. Mais nous devons vivre et
mourir pour aller au Ciel, nous devons suivre Jésus qui s’est incarné et
anéanti à la Croix.
Dans le processus du Monde nouveau, nous devons bien saisir
ce double aspect que présente l’union transformante. D’une part, il y a cet
appel du Cœur de Jésus qui nous aspire dans le feu de la Résurrection jusqu’à
l’union totale avec Dieu ; d’autre part, il y a pour nous cette nécessité
de nous enfoncer toujours davantage dans notre terre, de nous anéantir, de nous
incarner toujours davantage (dans notre chair, dans le concret) pour la désagrégation du mal.
Notre charité devient alors vraiment surnaturelle et nous
pouvons suivre Jésus dans le mystère de Son Incarnation, jusqu’au signe final
de la Croix glorieuse.
Dans cette union
stable avec le Christ, avec le Cœur de Jésus, dans le centre le plus profond de
notre âme, c’est tout notre corps qui est aspiré dans cette unité profonde
d’une quiétude absolue. « Alors, les
jaillissements fulgurants d’Amour de Jésus nous élèvent parfois dans un
ravissement étonnant et parfois nous plongent dans un désarroi absolu où les
stades de la fulgurante participation à sa Gloire succèdent aux effrayantes
purifications. Et survient alors en nous cette soif de feu plus inextinguible
de voir de manière constante la Lumière du Visage de Jésus. »
Alors, nous
pourrons commencer à « rayonner » (précisément dans cette 7ème
demeure), pour la destruction du mal, mais uniquement par l’intermédiaire des
anges exterminateurs et avec l’aide précieuse des Archanges.
À ce stade, ce n’est plus nous qui agissons par
nous-mêmes :
C’est par notre
humanité entièrement offerte que les saints
Anges agissent, interviennent et rayonnent. Selon les desseins du Père, notre
offrande, nos demandes, nos prières seront sélectionnées par l’Immaculée qui
les présente au Sacré-Coeur de Son Divin Fils pour être spiritualisées par Dieu
Lui-même afin d’aboutir à la désagrégation du mal, par l’intervention efficace
de la Cohorte des saints anges et archanges.
Ce qui nous est
révélé ici, est le processus du Monde nouveau, le processus d’intégration du
corps dans l’union transformante qui respecte les sept demeures du Cantique
spirituel de saint Jean de la Croix.
Pour parvenir à ce mariage spirituel qu’est la 7ème
demeure, nous allons devoir accepter ce long temps des fiançailles qui suit les
4ème, 5ème et 6ème demeures où c’est l’Épouse
qui va parler. (cf. les
strophes 14 à 27)
N.B. cf. annexe
n° 2 : « Parallèle entre les mystères du Christ et les 7 demeures de
l'union transformante. »
CHAPITRE V
L’UNION
TRANSFORMANTE AVEC SAINT JOSEPH
IMPLIQUE
LA DIMENSION DU CORPS
Nous pourrions chercher à approfondir
notre approche de l’union transformante en accentuant notre regard sur ce qui
se passe dans l’union transformante avec saint Jean de la Croix, avec sainte
Thérèse d’Avila et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
- L’union transformante vécue avec saint
Jean de la Croix, c’est très christocentrique c’est Jésus crucifié, c’est la
Croix, c’est le Verbe qui s’incarne et s’anéantit, c’est la nuit.
- L’union transformante avec sainte
Thérèse d’Avila, c’est très liturgique, c’est découvrir comment l’Esprit-Saint
intervient dans les différentes demeures de cette union que nous avons dans le
Christ avec le Père par la Grâce.
- L’union transformante que nous avons
avec sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, c’est très marial, très enveloppant
parce que c’est la voie de la toute petitesse, de la toute petite fille.
Mais à travers ces trois manières dont ces
trois saints ont figuré, transfiguré, exercé, explicité l’union transformante
progressive, nous allons tenter grâce à eux de découvrir à chaque fois un
aspect très particulier de la manière dont notre corps est impliqué et pénètre
dans l’union transformante.
Pour cela, nous allons regarder l’union
transformante avec saint Joseph où le corps commence à jouer un rôle
prodigieux.
Saint
Joseph est présent sur le Golgotha, et son corps n’y est pas.
Nous devons tenter de percevoir cette
« Présence-Absence » parce que dans la gloire qui embrase le Cœur de
Jésus dans la Résurrection, le Cœur de saint Joseph en son corps est devenu
présent. C’est cette présence si concrète du corps de saint Joseph qui fait que
notre corps peut être engendré de nouveau par la Première Personne de la Très
Sainte Trinité en Marie.
1. Les Âmes du Purgatoire
Parce que notre
corps terrestre est capteur par rapport à tout ce que vit le monde cosmique,
notre corps terrestre, actuel, est en relation avec tous les autres corps qui
forment l’ensemble du corps cosmique, comme le dit le saint Père dans sa « Lettre aux familles ». Notre
corps terrestre, lorsqu’il pénètre dans l’éternité vivante de la Paternité
créatrice de Dieu, comme lorsqu’il pénétrera plus tard dans la Lumière de la
Résurrection, devient un corps spirituel et il se trouve alors en relation
vivante avec les autres corps du corps cosmique. Il peut alors capter, dans ce
corps devenu spirituel, ce que vivent les âmes du Purgatoire dans leur foi
ultime, dans leur espérance ultime et dans leur charité ultime.
Dans son livre
sur les Âmes du Purgatoire, Monseigneur BRINCARD nous montre comment une petite
paysanne vit, à travers son corps, ce que vivent les âmes du Purgatoire dans
cette foi, cette espérance et cette charité ultimes qui est la leur (cf. : « Le Monde Nouveau ou Règne du
Sacré Cœur »)
Notre purgatoire
sur terre se fait avec notre corps terrestre si bien que la lumière
surnaturelle de la foi ne peut aller jusqu’au bout de son acte parce que, dans
notre corps terrestre, dans notre « nephesh », il y a beaucoup
d’influences néfastes. Il en est de même pour la lumière surnaturelle de
l’espérance et de la charité qui ne peuvent aller jusqu’au bout de leur
acte ; tandis qu’au Purgatoire, la foi, l’espérance et la charité se
déploient totalement et continuellement.
Ce qui est décrit
dans ce livre est une extraordinaire indication sur la manière spécifique dont
nous vivons de la foi, de l’espérance et de la charité, dans notre corps
spirituel, dans un corps qui n’est plus opaque, dans un corps qui vient
d’En-Haut.
Les âmes du
Purgatoire sont les âmes les plus assoiffées et les plus brûlantes d’amour qui
soient. Elles sont de ce fait beaucoup plus proches de nous que celles qui nous
aiment le plus sur la terre. Elles font partie du Corps mystique du Christ.
Elles vont d’abord dans la lumière d’étreinte d’Amour du Corps ressuscité du
Christ, mais elles ne peuvent pas encore pénétrer dans cette tornade lumineuse
d’Amour qu’est le Verbe, Lumière de Gloire. Leur corps terrestre n’est plus là,
il est en terre, si bien qu’il ne peut plus jouer son rôle contraignant de
limitation des exercices de la vie théologale.
Ce n’est pas pour
autant souhaitable de vivre notre vie théologale sans le corps puisque, sans
lui, il n’y a plus aucune augmentation de charité possible. C’est pourquoi
lorsque, dans l’union transformante, on a atteint cette plénitude merveilleuse,
Dieu nous demande de revenir, alors que nous pensions que c’était définitif.
Notre travail, dans la 6ème demeure, c’est de
comprendre que nous devons intégrer notre corps spirituel, dès cette terre pour
accéder au Verbe de Dieu. Ce serait dommage de faire cela au Purgatoire.
Lorsque la gloire
qui embrase le Cœur de Jésus dans la Résurrection brûle notre âme dans notre
corps actuel, nous nous trouvons face à notre corps spirituel. C’est une étape
importante dans le processus de la mise en place de notre corps spirituel.
Mais nous ne
devons pas oublier que l’aspect fondamental du corps, c’est la cellule.
2.
L’aspect fondamental du corps
Le corps
fondamental ne s’atteint pas comme un ensemble d’organes ni comme un ensemble
de particules élémentaires. Dans le nouvel âge, on dira que le tout fait la
substance, or un ensemble est une synthèse quantitative et non une source de
substance. Pour le panthéisme de même, la source d’une réalité c’est son
tout ; pour eux, la source de la réalité cosmique de l’univers, c’est son
tout ; l’atteindre c’est atteindre la bodéité ; l’atteindre c’est
toucher le « péras » de
l’univers, c’est-à-dire le feu qui enveloppe l’univers dans son tout et qui
fait qu’il se réalise comme univers ; de la même manière, le moyen terme
par lequel le corps serait corps, c’est l’ensemble des particules élémentaires.
Non ! Ce
n’est pas par l’enveloppant que l’on saisit fondamentalement le corps !
II ne faut jamais oublier que c’est toujours par l’aspect
principiel d’une réalité que l’on peut éventuellement avoir accès à sa source
d’actuation dont l’origine est l’Acte Pur qui est Dieu.
C’est pour cette raison qu’il est extrêmement important
qu’on n’oublie jamais que l’aspect fondamental du corps c’est la cellule,
tandis que l’aspect fondamental de l’univers c’est la matière.
L’ensemble des
cellules de notre corps se renouvelle constamment ; une dizaine d’années
est nécessaire pour renouveler tout notre poids cellulaire, et la grâce
sanctifiante, respectant le rythme de la nature, a besoin de cette durée
merveilleuse pour que notre corps spirituel soit totalement mis en place. Mais
la grâce sanctifiante peut aussi aller plus loin qu’elle-même dans son
principe, qui est l’Esprit-Saint. Celui-ci peut accélérer les principes de
l’union transformante en brillant avec une ardeur plus rapide les cellules,
dans une transformation où la grâce, qui habituellement respecte le rythme de
la nature, se permet de s’effacer devant l’Esprit-Saint. C’est ce qui se passe
dans la Transverbération (6ème demeure) où le corps est transformé
par la grâce à une vitesse beaucoup plus grande que celle du rythme de la grâce
respectant celui de la nature, grâce à une intervention directe du Verbe et de
l’Esprit-Saint, dans le feu des ardeurs du Christ. C’est donc bien la dimension
cellulaire dans notre corps qui fait rentrer ce dernier dans l’unité
fondamentale de la « personne ».
Mais, dans le
nouvel âge, où il faut prendre le tout corporel et essayer de s’en dégager, de
s’en séparer, et cela peut se faire par des voies métapsychiques, médiumniques,
parapsychologiques, préternaturelles, visionnaires, spirites, où se fait la
transformation ? Pour la comprendre, on va être obligé de se rabattre non
pas sur la biologie, mais sur la physique, c’est-à-dire sur la matière. Non pas
sur le corps fondamental de l’homme, mais sur le corps fondamental du
cosmos : d’où la perte du contact avec l’âme spirituelle et sa disparition
dans un nouveau centre de gravité, l’énergie cosmique ou les lumières
métapsychiques
En effet, il se
trouve que la matière, formée dans le cosmos, est composée d’un certain nombre
d’agrégats avec un noyau, composé lui-même d’un certain nombre de molécules,
composées chimiquement d’atomes, composés eux-mêmes d’un noyau avec des
électrons qui eux-mêmes dans les parties les plus élémentaires vont donner les
quarks et les takions
À ce moment-là,
on considère que les éléments de base de la matière qui constitue notre corps
ce n’est pas la cellule, c’est quelque chose qui est au-delà de la
matière : ce sont les phénomènes vibratoires de lumière. Or, cette lumière
est quelque chose qui relève de la « phusis »,
de la forme, et non plus de la substance comme dans le corps de l’homme !
C’est cela qui fait toute la différence !
Or, voici que ces
éléments de matière élémentaire s’interchangent à une vitesse prodigieuse et il
ne faut pas dix ans, au niveau de la matière, pour être transformé. Dans deux
heures, il n’y aura plus dans mon corps aucun élément de cette matière vibratoire
qui y était présente il y a deux heures.
C’est le côté
fascinant du nouvel âge qui cherche à nous mettre en phase avec le temps non
spatial, avec les quarks et les takions ; ce qui fait que l’union
transformante est immédiate, il n’y a plus besoin d’attendre dix ans. Il n’y a
plus besoin non plus d’être crucifié, la guérison est absolue et immédiate.
Mais les vibrations correspondantes ne sont plus en rapport avec l’esprit mais
avec le vibratoire, avec des fréquences qui sont elles-mêmes en lien avec la
lumière qui actue le diaphane cosmique. On met bien son corps dans un état
primordial, mais on le met dans une dépendance totale vis-à-vis des puissances
et des potentialités cosmiques.
C’est le processus contraire de la découverte du corps
spirituel.
Et il ne faut pas
oublier que ces vibrations et ces fréquences métapsychiques sont habitées
spirituellement par les puissances intermédiaires.
À l’époque d’Adam
et Ève on pouvait vivre en harmonie avec les vibrations non spatiales, avec un
temps non spatial. C’est d’ailleurs pour cette raison que le corps d’Adam était
en relation avec toute sa descendance. Mais depuis le péché originel, il y a une
cassure dans notre corps qui fait qu’il y a une porte d’entrée avec les
puissances qui sont tombées sur la terre dans notre cosmos et qui circulent
dans le toboggan des fréquences métapsychiques.
3.
Place du corps dans le processus de l’union transformante
Mais pour trouver
son corps spirituel, il faut passer par le Cœur Sacré de Jésus : c’est
impossible autrement. Le Christ nous le dit « Nul
ne peut aller au Père sans passer par Moi ».
L’union
transformante passe par un état de dépendance
absolue à l’égard de la Très Sainte Trinité. C’est la raison pour laquelle
Jésus nous dit : « Nul ne peut
aller au Père sans passer par Moi ». Dieu le Père opère en notre corps
par le corps glorieux de saint Joseph, époux de l’Immaculée Conception ;
Dieu le Fils opère dans notre monde par le Christ, et Dieu le Saint-Esprit
opère dans l’Église par l’Immaculée Conception. C’est à chaque fois à travers
l’unique Corps glorifié de chacune des Trois Personnes et au sein de l’unité
sponsale que forme leur Corps glorifié où se produit une transverbération où
c’est le Verbe seul qui unifie personnellement les Trois dans la Lumière de
gloire.
Dans la 1ère demeure, nous prenons
conscience de notre péché et nous avons la volonté d’en sortir : c’est la
conversion avec notre corps terrestre, de notre être de chair.
Notre corps,
devenu sain dans la 1ère demeure, se rassemble à la recherche de son
principe, de sa vivante identité, de son innocence divine, dans la 2ème demeure, où on essaie d’être plus humain,
de rechercher la signification sponsale, la signification humaine et profonde de
notre corps. Mais notre corps est encore blessé par le péché originel et il a
besoin de retrouver son identité de corps ; et le seul moment où notre
corps a été un corps, à titre de corps humain « authentique », c’est
lorsqu’il était dans le premier instant de sa création, dans notre innocence
divine, avant qu’il ne soit frappé par le péché originel.
Combien ne devons-nous pas rechercher cet Amour de Dieu le
Père ! Cet amour est déjà présent au centre de notre âme unie à notre
corps dès l’origine, dans notre croissance de vie, éclaboussée par le péché
originel, oubliée et pourtant toujours vivante ! À cet instant, nous
sommes mis corporellement en présence de Dieu le Père qui nous a donné notre
âme spirituelle et, comme c’est corporellement, il y a une proximité par la
grâce avec saint Joseph. Nous découvrons comment Dieu le Père passe par une
grâce de sponsalité avec l’Immaculée Conception qui passe de fait par saint
Joseph « N’hésite pas à prendre chez
toi Marie » pour que nous puissions vivre l’union transformante.
Nous descendons
du Temple (notre corps originel) jusqu’à Nazareth où nous spiritualisons notre
corps actuel dans l’intimité du « Beit » avec
l’Immaculée Conception.
Dans la 3ème demeure, il nous faut
découvrir notre corps originel qui n’est plus un corps « éclaté »
mais un corps « rassemblé » et qui nous met aux portes du
repos : c’est la demeure de l’illumination qui nous conduit à l’oraison de
quiétude dans la 4ème demeure
où la grâce sanctifiante peut commencer à agir elle-même surnaturellement à
travers notre corps en rassemblant toutes les puissances de celui-ci.
Dans cette 4ème
demeure, l’Esprit-Saint peut commencer à nous transformer et à dilater tous les
horizons de notre corps dans le Corps Mystique. À ce moment-là, nous sommes
tous engloutis, à travers notre corps, dans le Corps mystique de Jésus (les
sacrements) et par Lui, dans le feu qui brûle le Cœur de Jésus dans la
Résurrection dans l’éternité.
Nous sommes alors liés par la grâce et nous pouvons passer
de l’innocence d’origine à l’innocence d’immaculation.
Nous commençons à
rentrer dans la sainteté de la grâce qui caractérise la 5ème demeure.
C’est une étape importante où nous sommes liés plus
profondément à Jésus, à Marie, aux sacrements, où notre corps se lie au Corps
Mystique du Christ, et par Lui, dans la gloire qui embrase le Cœur de Jésus
dans la Résurrection dans l’éternité. Notre corps rentre ainsi dans le
processus de la spiritualisation, se mettant en relation, par l’union, avec son
corps de résurrection.
Saint Joseph est
là présent qui nous fait descendre dans le cœur même de notre corps originel,
là où il y a cette rencontre avec la mère, avec le père ; parce que c’est
bien de découvrir son corps originel, mais il faut s’enraciner dans le creux du
père et la tendresse de la mère, et c’est l’œuvre de l’Esprit-Saint en nous.
Nous devons beaucoup prier l’Esprit-Saint parce que nous ne pouvons pas
réaliser cela par nous-mêmes.
Dans ces
épousailles avec Jésus, la signification sponsale de notre corps va rejoindre
ce qui existe de sponsal dans la signification du Corps de Jésus. Dans cette
profonde nudité intérieure qui est la nôtre à ce moment-là, va se produire une
conjonction, une étincelle où notre corps rencontre le corps ressuscité du
Christ. C’est vraiment la période des fiançailles. Cette fulgurante présence de
la résurrection est propre à la vie chrétienne. Nous devons bien reconnaître
que, sans la présence de Marie à nos côtés, on ne comprendrait pas. Quand Marie
est là, présente à l’instant de la Résurrection, Elle a réellement connu cette
fulgurance, ce tremblement de terre, ce séisme extraordinaire de tout son
corps. La partie physique de son corps a vécu comme une rupture, une
dislocation, il y a eu cet aspect fulgurant dans l’ordre de la Lumière :
un ange sacerdotal apparut, ayant l’aspect de l’éclair. Et Marie a cristallisé
la lumière chaude et chaleureuse dans l’océan de ses grâces de
compassion : c’est cela la signification littérale du Nom de Marie.
Dans la
cristallisation de la lumière chaude, caressante, de la fournaise omniprésente
de la Résurrection, c’est bien le corps de Marie qui a été touché mais
uniquement dans la partie de la transverbération, dans la partie béante de son
cœur ouvert. C’est cela qui donne à Marie la possibilité d’être présente
partout où l’océan de gloire du Christ fait éclater les limites du
spatio-temporel. C’est le passage « de l’égersis à l’anastasis ».
C’est le relèvement du Christ dans le corps de Marie et, par sa médiation, dans
le corps de l’univers. À ce moment là, grâce à elle, Jésus peut enfin passer de
ce monde à son Père. Quand Jésus dit « Ne
me touche pas, je ne suis pas encore monté vers le Père », il veut
nous montrer qu’il est ressuscité à la fois pour Marie (égersis) donc pour nous, et pour son Père (anastasis).
On touche ici le
mystère de l’union transformante quant au corps.
Comme l’Immaculée
Conception épousant avec son corps le nouvel Adam glorifié, nous comprenons
qu’il ne peut pas y avoir unité sponsale sans qu’elle implique une possibilité
de fécondité.
Le mystère de Marie Reine apparaît, se révèle à nous, et
nous introduit grâce à saint Joseph dans ces épousailles mystiques avec le
Christ.
De ce mariage
mystique, va pouvoir être fécondé, comme l’enfant surabonde de la fécondité de
l’unité sponsale, un nouveau corps animé, notre corps spirituel.
Notre corps
spirituel est engendré par le mystère de l’Assomption qui assume en son sein le
mystère des épousailles de Nazareth en le transformant en un mystère
d’épousailles éternelles, un Nazareth éternel. À ce moment-là, il y a une
nativité de notre corps spirituel engendré dans l’éternité glorieuse. Et nous
pouvons commencer d’habiter cet aspect nouveau de notre corps et le mettre en
harmonie avec ce mystère glorieux d’épousailles par la foi et la charité,
autant que cela nous est possible.
C’est de là, dans cette 6ème demeure, que
nous serons plongés dans le Cœur eucharistique et mystique de toute la
Jérusalem céleste, brûlés par la présence de la grâce, de l’Esprit-Saint, et
enveloppés par le corps glorieux de saint Joseph, fécondité incarnée du Père
pour nous. Nous sommes engloutis tous ensembles dans le Sacré-Coeur de Jésus.
Nous pénétrons par la Plaie et nous sommes, à ce moment-là, face à notre corps
spirituel.
Puis c’est le passage de la 6ème à la 7ème
demeure, l’harmonisation de notre corps terrestre avec notre corps
spirituel. C’est l’harmonisation finale de tout notre être dans le processus de
l’union transformante.
À ce stade de
l’union transformante, l’immaculation est totale, la désagrégation du mal
définitive, le rayonnement du Sacré-Cœur absolu. C’est aussi le lieu de la
royauté de Marie-Reine car, sans la Grâce de l’Immaculée Conception, il nous
serait impossible de pénétrer avec notre corps terrestre dans l’union
transformante.
CHAPITRE VI
LA DERNIÈRE ÉTAPE DE L’UNION TRANSFORMANTE
À partir du moment où on a trouvé son corps spirituel, on
peut s’aventurer dans tous les mystères du Verbe incarné et glorifié.
14 « Mon Bien-Aimé, les montagnes,
« Les solitaires et ombreuses vallées,
« Les îles étrangères,
« Les fleuves au bruit puissant,
« Le sifflement des vents porteurs de l’amour. »
Le Verbe, ce sont
les montagnes, les solitaires et ombreuses vallées, les îles étrangères, les
fleuves au bruit puissant, le sifflement des vents porteurs de l’amour. Parce
que nous sommes enfin dans notre corps spirituel que nous venons de découvrir
et que nous allons apprendre à habiter, nous sommes à chaque découverte comme
immergés dans un nouveau repos, une nouvelle saveur, un nouveau havre. Nous
pénétrons progressivement dans notre lieu d’éternité, dans :
15 « La nuit accoisée (profonde, intense)
« Qui laisse deviner l’éveil de l’aurore.
« Le concert
silencieux,
« La
solitude sonore, (la solitude habitée)
« Le souper qui recrée et qui énamoure. »
Nous pouvons lire
toutes les strophes suivantes (15 à 27) dans cette lumière du corps spirituel.
Il nous faut demander à l’Esprit-Saint de nous aider à relire saint Jean de la
Croix dans cette perspective là.
Dans la 6ème
demeure, on touche Dieu mais c’est dans la nuit totale, la nuit accoisée, la
nuit de la foi.
1.
Commentaire de saint Jean de la Croix :
« Avant que d’expliquer ces deux couplets, pour les
mieux entendre ainsi que ceux qui suivent, il faut savoir que dans ce vol de
l’esprit que nous venons de dire est indiqué un état très élevé d’union
d’amour, où après un grand exercice
spirituel. (il faut faire oraison et descendre dans la substance même
du cœur, de l’âme et du corps, là où le silence est total, la solitude sonore,
là où est la grâce) Dieu a coutume de
mettre l’âme, lequel état on appelle fiançailles spirituelles avec le Verbe
Fils de Dieu. Ce vol de l’esprit va marquer pour la première fois nos
fiançailles spirituelles avec le Verbe Fils de Dieu, et au commencement que
cela se fait, Dieu va communiquer à l’âme de grandes choses « in se »
(en soi), de manière substantielle
(ousia), l’embellissant alors de grandeur
et de majesté et l’ornant de dons et de vertus et le revêtant de connaissance
et d’honneur de Dieu comme une fiancée au jour de ses fiançailles »
C’est l’ousia qui
est ornée (les substances) car tout ne s’arrête pas à l’ousia. L’ousia rayonne
et son rayonnement est imbibé du rayonnement même de Dieu.
« En
ce jour bienheureux, non seulement ces angoisses véhémentes et ces plaintes
amoureuses dont l’âme était auparavant travaillée prennent fin (on est dans
l’union transformante) ; mais
demeurant parée des biens que je dis, elle commence un état de paix quant à la
substance. »
Tout ce qui
n’allait pas était quant aux accidents, ce n’était pas quant à la substance ;
cela veut dire que c’était inessentiel.
C’est dans la substance que l’on trouve la porte d’accès à
la substance même de notre corps, de notre âme et de notre esprit, de notre
rencontre avec Dieu par la foi. Notre acte se lie à l’acte pur.
C’est pour cela
que cette rencontre avec le Verbe, Fils de Dieu, demeure très nocturne du côté
de la nature.
« Et
cependant perdure un état de paix, de suavité d’amour quant à la substance où
elle ne fait que conter et chanter les grandeurs de son Bien-Aimé, lesquelles
grandeurs, elle commence à les découvrir non plus accidentellement, mais
essentiellement, substantiellement, actuellement. Et ainsi dans les autres couplets elle ne
parle plus de ses angoisses comme elle faisait auparavant, elle ne parle plus
que de communication, d’exercice doux et pacifique d’amour avec son Bien-Aimé,
parce que dans cet état tout le reste a pris fin. Il faut remarquer que dans
ces deux couplets est contenu tout le plus que Dieu a coutume de communiquer
dans ce temps-là à une âme qu’Il s’est prise pour toujours. Mais on ne doit pas
entendre que toutes celles qui parviennent à cet état reçoivent tout ce qui est
déclaré dans ces deux couplets, ni de la même manière, ni avec la même mesure
d’intensité ou de connaissance ou de feu, parce que, à quelques âmes on en
donne d’avantage, à d’autres un peu moins, à celle-ci d’une certaine façon, à
celle-là d’une autre façon, bien que dans cet état d’union de fiançailles (où
le Verbe nous prend pour toujours, où la promesse est totale, elle va jusqu’au
corps, elle concerne vraiment tout), mais
on met ici le plus qu’il puisse être mis par la communication d’Amour
surnaturel, afin que tout y demeure compris et dont voici l’exposition. »
C’est
merveilleux ! Lorsque nous rentrons dans la substance même de notre âme,
si vraiment on veut que notre oraison soit une rencontre d’amour total avec
Jésus seul, exclusivement pour toujours, nous pouvons lire ces couplets. Même
si nous ne voyons rien sur le plan de la nature, sur le plan des accidents,
quant à la substance, nous vivons vraiment ceci d’unique
« Mon
Bien-Aimé, les montagnes, les solitaires et ombreuses vallées, la nuit
accoisée, le concert silencieux, le souper qui recrée et qui énamoure ».
Vois ici la substance de ce qui est contenu dans les deux couplets dans
lesquels l’épouse (la personne toute entière épousée par le Verbe glorifiant
dans son corps tous les corps) dit que
son Bien-Aimé est toute chose, toutes ces choses en soi, qu’Il est cela
éternellement, pour Lui-même, en Lui-même, substantiellement, actuellement,
qu’Il est tout cela pour elle parce que, en ce que Dieu a coutume de
communiquer en de semblables transports d’esprit, l’âme éprouve et connaît la
vérité de ce que disait saint François d’Assise :
« Mon
Dieu, Tu es mon tout », et parce que Dieu est le tout pour l’âme, le bien
de la communication, ce transport se déclare dans les couplets suivants par la
similitude de la bonté des choses » comme nous l’expliquerons en chaque
vers.
Par
exemple, « Les montagnes sont hautes et abondantes, amples, belles,
gracieuses, florissantes, odoriférantes et mon Bien-Aimé, le Verbe, est pour
moi comme ces montagnes, haut, abondant, ample, beau, florissant et mon
Bien-Aimé, le Verbe, est pour moi ces montagnes. Les vallées solitaires sont
agréables, fraîches, ombreuses, abondantes en eaux douces. Dans la variété de
tous ses fruits et le doux ramage des oiseaux, elles donnent une grande
récréation, une immense détente, une délectation des sens : bref, elles
procurent un rafraîchissement, un repos dans leur solitude, leur silence. Mon
Bien-Aimé, le Verbe, est pour moi toutes ces vallées. Les îles étrangères
entourées de mer au-delà des mers, fort éloignées de la communication des
hommes. Les fleuves aux bruits puissants. » (Tous les
attributs divins sont là.).
« Les fleuves ont trois propriétés, la
première qui est d’investir tout ce qu’ils rencontrent et de le noyer, la
seconde qui est de remplir tous les lieux, bas et vides qui se trouvent sur
leur voie, de les engloutir, et la troisième qui est d’émettre un bruit si
fort, par exemple au moment des cataractes, qu’ils étouffent tout autre son
autour d’eux. »
« Et
parce que dans cette communication de l’Aimé, l’âme sent en Lui très
savoureusement ces trois propriétés simultanément, (le calme des
océans et en même temps les torrents des chutes du Niagara avec ce bruit
spectaculaire qui les caractérise, et puis en même temps le rafraîchissement
des vallées où nous sommes complètement engloutis et comblés comme l’éponge est
comblée d’une suppléance totale dans tous ses vides), le Verbe est pour moi pareil à ces fleuves au bruit puissant. »
C’est très
beau !
« Le
sifflement des vents porteurs de l’amour. »
De temps en
temps, voici un nouveau sifflement qui nous permet d’aller encore plus loin
dans les élargissements de notre corps, de notre âme et de notre intimité, dans
notre découverte du Verbe dans l’oraison. Et effectivement, de temps en temps,
il y a une nouvelle action de l’Esprit-Saint. Dans ces moments-là, lorsque nous
sommes en prière ou dans un état d’union intérieure parce que nous sommes
retenus par des nécessités accidentelles et inessentielles, nous entendons
brusquement ce petit coup de sifflet.
Tous les
mystiques entendent ce coup de sifflet qui est l’œuvre de l’Esprit-Saint en
nous ; alors il nous faut revenir à l’oraison et apprendre à obéir de plus
en plus promptement à ce que vient de nous suggérer l’Esprit-Saint.
C’est ce mystère d’épousailles avec les Dons du Saint-Esprit
qui fait que l’Esprit-Saint creuse en nous progressivement cette aptitude d’obéissance
qui va nous conduire sur les chemins de l’union transformante.
2. Le
passage aux fiançailles nous introduit dans notre corps spirituel.
Les fiançailles
sont un moment clé dans le processus de l’union transformante. Quand nous
sommes complètement dans la grâce de Dieu (ce que symbolise le chiffre 5), nous
avons acquis cet habitus de l’oraison et pourtant, nous ne parvenons plus dans
l’oraison à être complètement engloutis en Dieu. Nous perdons le goût de
l’oraison. C’est un peu humiliant, la 5ème demeure, alors nous nous
projetons dans beaucoup d’activités pour Dieu. Nous allons beaucoup
« faire » pour Dieu. Nous vivons alors une sorte de purification de
notre mémoire, de la mémoire de notre identité, qui nous fait passer de la
mémoire de soi en Dieu à la grâce.
Pour sainte
Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix et toute la tradition des docteurs
spirituels de l’Église, la 5ème demeure est vraiment l’étape
transitoire où nous passons de la mémoire de Dieu en nous, c’est-à-dire de notre innocence divine, au Corps
mystique. C’est pour cette raison que nous devenons très actifs. C’est la
seule manière que nous avons de traverser ce cap difficile sous l’action de la
grâce. Il y a une espèce d’éclatement extraordinaire qui fait que nous allons
nous déployer dans un éventail d’activités diverses, que nous allons nous
donner dans toutes sortes de missions pour échapper à cette impression que nous
perdons pied, dans l’oraison. Et pourtant nous sommes liés à Dieu, et c’est
grâce à ce déploiement d’activités en quelque sorte que notre corps va
s’intégrer de manière concrète au Corps mystique de l'Église.
Nous ne pouvons pas passer aux fiançailles, c’est-à-dire de
l’ancien au nouveau Testament, si tout le Corps mystique n’est pas intégré dans
notre corps.
Ces passages du
Cantique Spirituel sont comme un chant où nous découvrons notre corps de
l’intérieur, dans son aspect
fondamental.
Nous comprenons
que notre être émane de l’Acte Pur de Dieu, du Créateur, qui unit l’esprit à la
matière et que cette union intervient au niveau le plus élémentaire de la
matière : c’est ce que nous révèle la sagesse naturelle. Mais il existe
aussi une sagesse de grâce qui est une sagesse vivante parce que la grâce est une lumière vivante qui
actue le diaphane spirituel de notre présence en Dieu. Mais notre âme est aussi
une source de lumière vivante.
Notre âme, c’est
ce qui fait l’unité de notre intériorité, corporelle, spirituelle et sensible.
C’est une unité vivante de lumière. La grâce est cette lumière vivante, source
de lumière vivante qui émane de l’intériorité des trois Personnes de la Très
Sainte Trinité et en fait l’unité. La
grâce c’est de la vie.
L’acte créateur
de Dieu porte sur l’être en acte et va se lier à l’aspect corporel de mon corps
par la matière élémentaire, tandis
que la grâce, elle, va pénétrer dans mon corps par l’aspect le plus élémentaire
du corps vivant de l’homme qui est la
cellule. Ceci montre bien que si Dieu a appelé l’homme à la grâce, la grâce
n’est donnée que dans la cellule ; c’est donc là que nous devons chercher
l’acte créateur de Dieu quant à l’être et à la vie (donation de l’âme
spirituelle dans la première cellule). C’est bien l’aspect de notre innocence
divine fondamentale qui est concerné ici et qui séjourne au niveau de la
cellule et pas au niveau de la matière, des atomes. Mais cette grâce ne prend
pas le corps tout entier, c’est pourquoi on va avoir besoin de la grâce du
Christ pour que notre corps tout entier soit pris. C’est pour cela qu’il y a
toutes les purifications que nous avons vues (PPP.l - PPP.2 - PPP.3). C’est là
que notre âme spirituelle vient inonder et unifier notre corps. Si nous voulons
vraiment prendre conscience du centre vivant de notre corps et l’habiter par
l’esprit, par l’intelligence, par la contemplation de nous-mêmes, nous devons
descendre jusqu’à l’aspect fondamental de notre corps pour y parvenir qui est la cellule et non pas tes organes (on
ne va pas descendre dans notre cœur, ce serait
psychologique). II ne faut pas dire que l’âme spirituelle nous est donnée quand
il commence à y avoir des organes, même si c’est l’esprit de la loi en France
et même si, mystiquement pour certains chrétiens, la vie spirituelle de l’union
transformante c’est la philocalie ou prière du cœur où l’on se met au rythme
des organes : tout l’hésychasme est basé sur le rythme cardiaque, sur la
respiration, sur les ondes cérébrales alpha
et bêta, mais il y a danger de
s’ouvrir tous les centres corporels, les chakras. C’est une forme subtile de la
transformation de la grâce en énergie. C’est pour cela que dans la tradition
hésychaste, on n’a pas le droit de pratiquer la prière du cœur si on n’est pas
surveillé tous les jours par son père spirituel.
Pour
le saint Père, c’est l’unité sponsale qui produit ce nouvel être biologique et
c’est le poids ontologique de cette unité sponsale qui laisse place au corps
originel, par l’Acte créateur, dans une transformation de « devenir
substantiel » : c’est la première transformation du corps, la
première présence spirituelle vécue de la personne humaine commençante. Et
comme la grâce suit la nature, c’est forcément là qu’il y a « l’image et
ressemblance de Dieu ». C’est la pensée officielle des évêques de France,
c’est la pensée du Pape ; mais comme cela n’a pas été formulé dogmatiquement,
on ne peut encore, hélas, en discuter sur le plan théologique. La deuxième
hypothèse serait les organes, et, le premier organe à paraître, c’est le cœur.
Le passage au blastocythe, du 1er au 18ème jour pour voir
battre les premiers mouvements du cœur, serait par ailleurs très intéressant à
étudier car le corps est comme une
Bible.
Il est vital pour nous de comprendre qu’il nous faut
absolument apprendre à habiter notre corps d’innocence pour pouvoir, de lui au
Corps mystique, aller à la découverte de notre corps spirituel.
Il est très important de comprendre ce que le saint Père
nous demande quand il nous dit qu’il faut absolument découvrir notre corps
spirituel face à notre corps terrestre pour établir le monde nouveau !
Cela fait plus de quinze ans qu’il nous le demande constamment, qu’il nous
demande de découvrir la signification sponsale de notre corps. Dans l’histoire
de l’Église, aucun pape, aucun docteur de l’Église n’a jamais parlé de
cela ; et c’est pourtant très important parce qu’il faut éviter de rentrer
avec le New-Age, dans la manifestation des énergies qui se situe au niveau des
organes, ce qu’ils appellent le corps éthérique. Or, le corps éthérique est le fruit
d’une déchirure, c’est un corps fabriqué.
Dans la première
cellule, on peut faire l’induction d’une source de vie parce que, au milieu de
ce complexe physico-chimique, il y a des déterminations vitales, il y a une
source vitale biologique qui est une cellule humaine d’un être humain. Il y a
en même temps une source d’animation et une mémoire génétique qui est en
continuité avec les déterminations psychiques ultérieures. On ne peut pas dire
qu’à un moment donné il y a une âme qui va donner la place à une autre âme
(position de saint Thomas) puisque justement il y a une continuité.
De la présence de
Dieu, en tant que Père, donateur de vie dans notre corps, nous n’en avons plus
la mémoire parce que nous n’avons pas l’expérience de cette expérience initiale
aujourd’hui, mais nous en portons encore la marque dans tout notre corps, bien
que cette marque soit camouflée par le péché originel. Dans l’innocence
originelle, on est un buvard incroyable ! Alors dans l’union transformante
nous allons avoir à transpirer cette encre noire. Il va falloir qu’elle
ressorte par transpiration dans la 6ème demeure au niveau de notre
corps ; c’est pourquoi c’est la nuit, c’est très nocturne, à la fois très
profond et très éprouvant pour nous. (Nicodème est venu voir Jésus de nuit).
C’est finalement,
dans cette nuit-là, dans cette prise de conscience que nous faisons de la
présence des séquelles du péché originel jusque dans notre corps, que nous
pouvons réellement rencontrer l’Époux, Jésus corporellement ressuscité dans un
monde nouveau spirant l’Esprit-Saint. Nous avons découvert notre corps originel
et maintenant nous allons devoir le spiritualiser afin qu’il puisse se répandre
dans une agilité concrète d’amour, dans le rayonnement de la charité glorieuse
du Christ, dans le règne du Sacré-Coeur. Il va falloir produire des actes
incarnés, multiplier des actes de charité concrète, afin qu’il y ait un
engagement fondamental de tout notre corps dans des actes concrets d’amour. Ce
n’est pas « éthique », il y a quelque chose de physique et de
métaphysique dans ces considérations.
Pour que nous
puissions accomplir un véritable acte de charité concret, en étant vraiment
présent à l’autre physiquement, avec notre corps, nous devons être nous-mêmes comme effondrés dans notre propre identité
d’origine, là où nous sommes enfant du Père, directement, primordialement.
Et c’est de là
que réellement, vitalement, la grâce peut pénétrer en nous. À ce moment-là nous
sommes mis en face de notre corps spirituel, par la médiation du Corps
mystique. Notre corps, mis ainsi en contact avec le Corps mystique de l'Église,
grâce aux actes qu’il pose dans la charité concrète et simple et grâce aux
sources de ces actes dans les sacrements, réceptionne réellement et
physiquement le Corps mystique de l'Église.
C’est là que
notre corps trouve sa modalité finale, celle qu’il aura définitivement dans la
Résurrection. Il est en face, prêt pour le mariage spirituel, parce que nous
sommes retournés à la source, jusque dans le point de vue de notre innocence
divine, de notre mémoire corporelle de Dieu, c’est-à-dire de la mémoire de cet
instant où Dieu a été vitalement présent, dans l’instant de son acte créateur
quant à la donation de l’âme.
On touche ici une
modalité d’entrée dans l’unité sponsale très extraordinaire (pour ceux qui sont
mariés) qui est plus que de la virginité. En effet, dans l’unité sponsale,
l’innocence divine corporelle est tellement agile qu’elle peut rejoindre
physiquement l’innocence divine fondamentale du corps de l’autre. À ce moment
là, l’unité sponsale est absolue, quant à la chair dans une humanité intégrale.
Le sacrement de mariage atteint là un rayonnement irrépressible. C’est ce qui
se passe avec Jésus dans l’union transformante car le mariage s’effectue dans
l’innocence divine.
C’est pourquoi
c’est si important aujourd’hui de savoir quand a lieu l’acte créateur de Dieu
quant à la donation de l’âme parce que cela change tout par rapport au nouvel
âge et par rapport à l’Antichrist.
L’union transformante, c’est le repos, le lit ; mais cette
unité de l’époux et de l’épouse reste quelque chose de très vivant.
16 « Notre lit est tout fleuri,
« Environné d’abîmes et des forces du lion,
« Coloré d’une teinture pourpre.
« Édifié dans la paix,
L’édification pacifique de mille écus d’or avec une couronne c’est
la fécondation du corps spirituel avec la couronne du Sacerdoce royal qui nous
fait régner à travers la charité mariale (les écus d’or) dans le rayonnement de
l’Immaculée Conception (symbolisé par le chiffre 1000). Or cette couronne est
édifiée dans la paix, c’est-à-dire dans l’unité avec l’humanité glorifiée de
Jésus, le Verbe, inséparé de celle de Joseph le Juste.
17 « À la quête de Ta trace,
« Les jeunes filles courent sur le chemin,
« Sous le choc de l’étincelle
« Du vin aromatisé,
« Comme des parfums nés d’un baume divin. » (dérivé des
cieux)
Les cieux c’est la simplicité, l’éternité, la perfection, la
surabondance de Dieu dans son essence.
18 « Dans le secret du cellier
« De mon Aimé j’ai bu, et quand je sortis,
« Parmi toute cette plaine,
« Plus ne savais chose aucune,
« Et je perdis le troupeau jadis suivi. »
« Dans le
secret du cellier », cela veut dire dans le secret du Cénacle, dans le secret
du Sacré-Cœur de Jésus, dans le secret de notre corps tout petit, tout pauvre,
dans le secret des catacombes, dans le secret du Cœur Immaculé de Marie, dans
le secret du silence sonore de saint Joseph et de son corps glorifié.
À partir du
moment où notre corps s’effondre par la grâce de l’union transformante, dans la
source qui anime, du centre de toutes ses cellules, le corps ressuscité du
Christ, dans le secret du cellier de notre Bien-Aimé, nous venons boire à la
miséricorde du Père, corporellement.
L’entrée dans les
fiançailles, c’est tout tendu vers l’ultime ; et sur le plan humain, cela
se caractérise par la nuit totale de l’esprit. Il n’y a plus que le corps. La
nuit de l’esprit, c’est vraiment une nuit pour l’âme. Il n’y a plus que Dieu. Nous
ne sommes plus sensibles à ce que nous ressentons, nous ne sommes pas dans
l’indifférence, mais au-delà du sensible. Nous sommes engloutis en Dieu, dans
le secret du cellier, nous sommes sortis de ce monde et nous sommes dans un
monde nouveau.
Au niveau
terrestre, on est dans une impuissance totale, on est dans la nuit. Ce n’est
pas qu’on ne veut pas, c’est qu’on ne peut pas. Et même si on voulait, même si
on pouvait, les autres ne veulent pas, le corps ne veut pas, l’âme ne veut pas,
le monde ne veut pas, même notre psychisme ne veut pas. C’est là qu’il y a des
phénomènes psychosomatiques assez impressionnants. Il ne faut surtout pas aller
voir le médecin car c’est la grâce qui travaille. Il faut bien distinguer les
maladies névrotiques ou cyclothymiques qui viennent de névroses antérieures,
qui sont psychologiques, de celles qui viennent de l’union transformante.
C’est très
important !
Extérieurement,
il est vrai qu’elles se ressemblent beaucoup mais dans la nuit de l’esprit il y
a quelque chose d’extraordinaire ! Dans cette nuit, on n’a aucune
compensation temporelle, on ne se rappelle même plus les grâces que Dieu nous a
données et qui nous étaient nécessaires pour rentrer dans le cellier des
fiançailles. Pour nous, ces grâces étaient quelque chose de faux, de
charismatique ; et c’est vrai ! On ne peut plus se raccrocher à rien,
pas même à l’oraison, ni au monde fraternel, et on croit que Dieu nous a
abandonné. Les neuvaines irrésistibles et tout ce qui relève du mystico-dingo,
tout cela ne marche plus.
C’est très
impressionnant, car c’est dans un tel contexte que saint François d’Assise a
reçu, dans la 6ème demeure,
la transVerbération.
C’est vraiment le
Cœur de Jésus qui bat dans ma poitrine, pas seulement symboliquement,
imaginativement ou même par la grâce, c’est le corps qui est atteint dans la
transverbération. C’est le Verbe de Dieu qui vient physiquement ouvrir mon
corps organique. Si mon corps veut participer à l’union transformante, c’est
parce que le Verbe de Dieu va surgir aussi sur l’aspect fondamental du corps, pas seulement sur l’aspect
biologique, physiologique du corps.
Le Père
Garrigou-Lagrange dit que tous les hommes sans exception n’auront accès à
l’entrée dans la vision béatifique que s’ils passent intégralement et
définitivement jusqu’au fond des derniers prolégomènes de l’union transformante
« Soyez parfait comme votre Père
céleste est parfait ». Celui qui ne sera pas allé jusque là ne pourra
pas entrer dans la vision béatifique avec l’Immaculée, il le fera ailleurs, pas
dans une nouvelle vie (réincarnation), mais sans son corps, c’est-à-dire au
Purgatoire. Il faut bien réfléchir à cela !
Heureusement qu’il y a notre corps parce que, grâce à lui, non
seulement il peut y avoir la transverbération du cœur mais surtout il y a cet
aspect fondamental du corps qui découvre son corps spirituel. C’est pour cela
que c’est une transformation au centuple.
19 « Là, son Cœur Il me donna ;
« Il m’apprit une savoureuse science. (connaissance)
« Moi, je me donnais vraiment (dans un vrai
don)
« À Lui, sans rien excepter (c’est cela la
nuit de l’esprit où tout est détruit)
« Et là je lui promis d’être son épouse. » (je suis le Verbe
de Dieu)
C’est Là que je
Lui promis d’être son Épouse. (Je suis le Verbe du Père)
Tout est détruit autour de nous, nous ne vivons plus que de cette
volonté, jusqu’en notre corps, de participer à l’union transformante. Le Verbe
de Dieu va pouvoir alors surgir sur l’aspect fondamental de notre corps. C’est
cela, la nuit de l’esprit. C’est ce moment essentiel, ce moment où tout est
détruit, où nous sommes dans un état végétatif, où ne demeure plus que cette
nuit de l’esprit, que nous choisissons pour Lui promettre d’être son Épouse. C’est
très beau. !
20 « Mon âme s’est employée
« Avec son domaine entier à son service, (de toutes ses
forces)
« Je ne pais plus de troupeau,
« D’autre office je n’ai plus,
« Je n’ai plus d’autre œuvre que celle d’aimer. »
Si on n’a pas l’habitude de faire oraison, c’est
dramatique ! !
On voit Dieu dans
toute sa grandeur, son éternité, son immensité, sa fulgurance d’amour, et le
mariage avec Lui se fait dans les toutes petites choses, dans les moindres
détails. À chaque instant c’est l’allumette ramassée avec un amour éperdu,
c’est l’aiguille, c’est le cheveu sur le cou. L’Amour est «en acte » tout le
temps.
Nous n’avons plus d’autre travail que celui de l’amour, d’autre
cœur à aimer que d’aimer absolument, totalement, substantiellement. Nous
rejoignons là toute la vie spirituelle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
C’est cette phrase « Je n’ai plus
d’autre œuvre que celle d’aimer » qui a été à l’origine de sa
conversion. C’est pour cette raison qu’elle est patronne des missions, car
c’est le sens profond de la mission chrétienne qui nous est révélé là.
21 « Que si donc au pré public,
« De ce jour nul ne me voit, nul ne me trouve,
« Dites que je suis perdue ;
« Et qu’allant énamourée, (l’amour à
l’intérieur de l’amour)
« Je me suis faite perdante et j’ai gagné. »
Nous avons tout
gagné parce que nous avons tout perdu. C’est génial !
Nous nous sommes
faits perdants et nous avons gagné :
Le Verbe
L’amour
La liberté
Notre corps
La grâce
La sainteté
Tout ce que nous désirions.
22 « D’émeraudes et de fleurs,
« Moisson faite dans les fraîches matinées, (Résurrection)
« Nous tresserons des guirlandes
« Que ton amour fleurira
« Et qu’un seul de mes cheveux entrelacera. »
Voilà ce qu’est la mission chrétienne !
Nous sommes dans la miséricorde de Dieu, nous sommes entièrement
engloutis en Lui seul. N’existe plus pour nous que cet amour absolu. À ce
moment-là, avec un seul de nos cheveux, nous pouvons faire tout ce que tous les
apostolats du monde entier ont fait en vingt siècles ! Nous sommes au cœur
de l’amour.
23 « Un seul cheveu seulement (la moindre de mes cellules)
« Que sur mon cou Tu as regardé voler ;
« Tu regardas sur mon cou (je suis devenu
l’unique médiateur)
« Et tu restas pris en lui,
« Et par un seul de mes yeux Tu Te navras. »
C’est ce même mystère d’Amour entre le Père et le Fils qui se vit
entre le Père et nous dans le Fils et qui rayonne notre corps spirituel.
24 « Lorsque Tu me regardais,
« C’est leur grâce qu’en moi Tes yeux
imprimaient ;
« Pour ce, Tu me chérissais,
« Et pour ce, méritaient-ils,
« Les miens, d’adorer ce qu’ils voyaient en Toi ? »
Nous sommes à ce moment-là rentrés dans la grâce d’une manière
telle que la grâce donnée dans ce monde nous met aux portes de la grâce qui est
au ciel, parce que le but de la grâce est de nous faire vivre de la Très Sainte
Trinité. Aussi, à ce moment-là, notre vie dans la grâce est telle qu’un seul de
nos actes, un tout petit acte tel qu’un simple baiser sur la Croix, une petite
respiration, une inspiration, un subtil désir de prier, va faire que Jésus,
Dieu le Père, vont s’effondrer au cœur de la Très Sainte Trinité. Et va se
réaliser pour nous, au cœur de cet Amour substantiel, de cet amour que Jésus a
pour nous, de manière corporelle, actuelle, donc bien réelle, ce qui se réalise
éternellement entre le Père et le Fils lorsque le Père engendre son Épouse, le
Fils, au cœur de la Très Sainte Trinité.
Le Père engendrant le Fils s’anéantit complètement, Il
disparaît ; Il n’existe plus que le Fils, l’Épouse, le Verbe. C’est la
raison pour laquelle le Verbe est Dieu, tout entier. Le Père s’est effacé et
c’est ce qui permet au Verbe de Dieu de redonner toute sa divinité au Père. Cet
anéantissement, c’est ce que nous vivons dès que nous aimons, nous n’existons
plus, nous sommes totalement immergés dans l’amour. Et le Père, dans cette
relation si puissante d’amour, s’effondre à son tour avec nous lorsque nous
passons dans la 6ème demeure et que nous acceptons de donner un
geste d’amour, même et surtout si nous sommes dans la nuit la plus absolue.
En comprenant
cela, nous venons alors nous engloutir dans cette nuit joyeusement,
libéralement, totalement, absolument, résolument. Enfin la maladie ! Enfin
je ne peux plus aimer ! C’est à cela qu’on voit si cette nuit vient du
péché ou de la grâce. Si elle vient de notre orgueil cela produit la révolte, si
elle vient de l’union transformante, cela produit la grâce : c’est le
grand critère de discernement. Alors le Père, l’Époux, la 1ère
Personne de la Très Sainte Trinité s’effondre à travers son Fils, l’Épouse, 2ème
Personne de la Très Sainte Trinité, il s’effondre éternellement et la divinité
du Père nous est alors donnée et nous devenons alors le Fils de Dieu au même
titre que le Verbe. Le mariage va pouvoir se réaliser, c’est-à-dire que nous
allons commencer à vivre de l’union transformante jusque dans notre corps.
25 « Ne me méprise donc plus
« Si Tu m’as trouvé le teint brun, maintenant
« Tu peux bien me regarder,
« Puisque Tu m’as regardée
« Et que Tu laissas en moi grâce et beauté. »
Je
me laisse regarder et aimer par Dieu. Jésus va nous regarder à travers la mort
de l’Amour. C’est Jésus, le Verbe incarné, le Verbe de Dieu qui, au-delà de Sa
mort, reconnaît l’Immaculée Conception, la Grâce, et me La donne.
26 « Chassez-nous les renardeaux
« Car notre vigne est déjà toute fleurie, (c’est la plainte
de la fiancée qui attend le mariage)
« Cependant qu’avec des roses
« Nous serrerons une pigne,
« Et que sur la montagne (le Verbe) nul ne paraisse. » (que le Père ; il ne reste
plus que le mystère)
27 « Arrête, Aquilon de mort ! (l’immunisation
est totale vis â vis du mal : c’est typique des fiançailles)
« Viens, Auster, Toi qui réveilles les amours.
« Viens souffler par mon jardin, (mon paradis
terrestre renouvelé : c’est le corps de l’Épouse)
« Et que ses parfums (He) s’épandent,
« Et l’Aimé (le Père) trouvera sa nourriture parmi les fleurs. » (une petite
fleur, à travers ma petite vertu : je reste fidèle)
Dans ces strophes le Verbe de Dieu agit
Lui-même et y est exprimée cette action du Verbe incarné, de la Lumière d’amour
absolument et éternellement invraisemblable de Jésus pour nous. Quand nous
sommes dans la nuit spirituelle, il faut entendre Jésus nous dire :
28 « Et l’Épouse enfin a pénétré (la Parole du Père, la Parole du
Verbe, la présence du Saint-Esprit)
« Dans le jardin charmeur qu’elle désirait.
« Elle repose, enivrée, (c’est le passage
des fiançailles au mariage)
« Tandis que son cou se penche
« Appuyé sur les doux bras du Bien-Aimé. »
Quand nous
demeurons plongés dans l’angoisse, dans la nuit spirituelle, que nous ne
ressentons rien, entendons Jésus nous dire : « Enfin ! L’ancien monde s’en est allé, c’est le monde
nouveau qui apparaît, enfin ! ! ! L’Épouse a enfin pénétré dans
le jardin charmeur qu’elle désirait » C’est ce que nous vivons, nous
qui sommes dans les temps présents, dans les temps de l’après sainte Thérèse de
Lisieux. Saint Louis Marie Grignon de Montfort dit qu’au fur et à mesure que le
temps eschatologique avance, Dieu nous donne une grâce qui nous permet d’aller
toujours beaucoup plus loin que les saints qui nous ont précédés. C’est
pourquoi c’est encore beaucoup mieux pour nous aujourd’hui, qu’hier pour sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus.
Alors nous sommes
heureux parce que fondamentalement nous percevons qu’il y a quelque chose de
vrai et que personnellement, pour nous, c’est extraordinaire. Même si nous
traversons la nuit de la foi la plus obscure, même si nous ne pouvons plus
prier, même si nous n’avons plus de goût pour lire la Parole de Dieu, même si
cette nuit de la foi est totale en nous et que du point de vue de notre vie
extérieure, c’est catastrophique, nous sentons bien que pour nous
intérieurement, c’est extraordinaire. Au niveau de la vie aussi c’est
catastrophique, au niveau de notre esprit aussi, c’est une catastrophe, jusque
dans le spirituel. Alors, il ne nous reste plus que notre corps. Mais au niveau
de notre corps organique aussi, c’est la catastrophe (on ne peut plus faire la
prière du cœur). Et il ne nous reste plus que notre corps dans son aspect
fondamental, là où il y a la vie, la vie de la gloire et de la Résurrection et
l’Esprit qui nous attire à Dieu.
Et ce que nous percevons et qui nous rend heureux dans la nuit,
c’est cet « enfin » de
Jésus qui réalise cette communion de personnes. Cette aspiration de Jésus à la
Résurrection : « Enfin,
l’Immaculée Conception est rentrée dans son jardin et Je suis ressuscité
d’entre les morts ! » va nous permettre de nous engloutir dans la
plaie brûlante de la nuit obscure, totale, de l’Immaculée Conception, dans son
mystère de compassion :
« L’épouse a pénétré dans le jardin charmeur qu’elle
désirait. »
Nous sommes
passés du paradis terrestre, notre corps originel, au paradis céleste, le Cœur
ressuscité du Christ.
29 « C’est à l’ombre du pommier,
« C’est là que Je reçus ta promesse et là
« Que je te donnais la main ;
« Et tu retrouvas l’honneur
« Là où ta mère en malheur était tombée. »
« C’est à l’ombre du pommier » :
Dans le Cantique des Cantiques, pour les juifs, l’ombre du pommier,
le pommier, les pommes, ce sont toutes les invitations divines :
l’invitation du Père, l’invitation du Fils, l’invitation du Saint-Esprit,
l’invitation de tous les mitsvot (les dix Commandements de Dieu), le Sinaï.
Pour rabbi Rashi, le grand commentateur du Cantique des Cantiques, le pommier
c’est la Torah, c’est le Sinaï. Tout le peuple d’Israël a été mis en-dessous de
la gloire de Dieu sur le Sinaï, la montagne de la prophétie. Les midrashs
disent que c’est toute la gloire de Dieu sur la montagne de la prophétie, avec
toutes les invitations glorieuses de Dieu dans les dix Commandements de Dieu
qui sont sous la tête de l’épousée (du peuple d’Israël) c’est le Corps mystique. C’est très ancien cette notion du Corps
mystique : C’est cela la signification de la pomme. Comme la pomme qui a
été au-dessus de la première humanité (la vieille pomme), le nouveau pommier
c’est la gloire de Dieu dans le Sinaï donnant toutes ses invitations et les
mettant au-dessus de l’épousée. Les juifs avaient ce sens que le Cantique des
Cantiques des épousailles, de l’union transformante, était quelque chose qui ne
se faisait qu’au niveau de la collectivité d’un corps mystique total. Ce n’est
donc pas quelque chose de nouveau, c’est quelque chose qui appartient à Moïse,
à Salomon, au Christ, au Nouveau Testament et à la Jérusalem céleste (les
cinq).
« Là où ta mère en malheur était tombée » :
Il a fallu qu’on tombe dans ce grand malheur pour trouver l’honneur
de l’épouse. L’innocence originelle d’une humanité totalement imbibée de la
présence du Créateur qui lui donnait pouvoir sur toute création et permettait à
toute la création d’habiter dans cette humanité nouvelle sortie de Ses
mains : voilà la maternité ayant perdu son honneur par le péché, voilà le
malheur de notre maternité. Mais elle se retrouve dans la promesse des
commandements de Dieu, les mitsvot, dans la gloire de Dieu sur le Sinaï, dans
toutes les promesses que nous retrouvons dans le Corps mystique du
Christ ; et ceci habite notre corps ; c’est là, à l’ombre du
pommier !
30 « Oiseaux qui légèrement
« Vous envolez, lions, cerfs, daims bondissants,
« Rivages, monts et vallées,
« Ondes, souffles et ardeurs,
« Et craintes qui faites les nuits sans sommeil. »
Force des lions (forces d’amour)
Soif des cerfs (sacrifiés
d’amour, victimes d’amour)
Élan des daims (saints de tous les cieux)
Rivages (sources de grâce
docteurs et prophètes)
Monts et vallées (Jésus Lui-même, Marie Elle-même)
Ondes (vibrations
d’amour “charismatique”)
Souffles (dons du
Saint-Esprit)
Ardeurs (attraction
d’union)
Tout cela n’est
pas supprimé mais est dépassé, est devenu périphérique. Ne demeurent plus que
le Père et le Fils. Et le Père nous
donne le Verbe de Dieu pour que notre corps subsiste mystiquement dans le
Verbe.
C’est extraordinaire !
31 « Par les lyres caressantes
« Et le chant des sirènes, Je vous conjure,
« Que s’apaisent vos colères ; (la création
toute entière rentre dans la gloire quand on fait oraison)
« Et ne touchez pas au mur, (la barrière, le
mystère de la Croix)
« Pour que l’épouse trouve un sommeil plus sûr. » (plus pur)
« Par les lyres caressantes et le chant des
sirènes » :
Toutes mes
impressions, mes palpitations, mes stigmates, mes charismes, mes pouvoirs, mes
grâces, mes fécondités (ondes, souffles et ardeurs), mes forces (lion), mes
orgueils, mes diabolismes, mes injustices, mes tromperies, mes mensonges, mes
blessures (cerfs) toutes les puissances de mon cœur, mes désirs (rivages, monts
et vallées) toutes ces illusions, c’est le chant des sirènes, « Écartez-vous ! ». C’est
l’Époux qui parle !
« Ne
touchez plus au mur » :
Le jardin est
entouré d’un grand mur et une source scellée y est attachée : c’est le mur
de Jérusalem qui est à l’Orient. Dans l’Apocalypse, il y a les murs avec les
douze portes qui sont les douze degrés d’humilité, c’est-à-dire les douze
manières d’être corporellement le Corps mystique du Christ en toute humilité.
On est alors entouré de ce mur, de cette protection, c’est-à-dire de la
présence réelle de la Personne du Verbe incarné dans le Sein du Père spirant
l’Esprit-Saint à travers Son propre Corps. C’est cela le mur !
Ne
touchez pas au mur, (au mystère de la Croix) pour que l’épouse trouve un
sommeil plus pur, pour que nous puissions faire oraison, malgré nos fatigues,
nos souffrances, malgré les contradictions, en les considérant comme une grâce
et comme un appel de Dieu à faire oraison au lieu de rugir ; peu importe
le temps qu’on va y mettre : humainement il vaut mieux que cela dure un
peu plus d’une demi-heure, mais divinement cela n’a aucune importance.
Au lieu de fuir
la douleur physique ou la fatigue, il faut l’accepter pour l’intégrer. Il faut
commencer son oraison en acceptant de se reposer un peu pour prendre davantage
conscience de notre corps. C’est peut-être pour cela que Dieu a fait la
souffrance, pour qu’on puisse s’arrêter de temps en temps et prendre conscience
de notre corps puisque c’est par là que Dieu va saisir le petit cheveu sur
votre cou.
Il faut
s’enfoncer dans la conscience corporelle, physique de notre corps jusque dans
son aspect le plus fondamental, là où notre corps est tout à fait primordial,
c’est-à-dire dans la première cellule lorsque nous avons commencé d’exister.
En effet, si nous
voulons retrouver l’identité de notre corps vital, nous devons remonter au
premier moment, le principe étant source de toute détermination. Donc, il nous
faut retrouver cette première cellule et l’innocence divine qui s’y trouve pour
retrouver notre corps primordial, originel. Nous sommes alors effectivement
enfermés dans la souffrance, la douleur, les séquelles du péché originel et
nous retrouvons cet état d’innocence et de buvard par rapport au péché
communionnel, au péché symbiotique, au péché personnel, au péché originel.
L’innocence
divine broyée en nous est très réceptive, et c’est par cette faille que nous
nous engouffrons dans cette nuit corporelle de l’esprit et dans tout le Corps
mystique de l'Église, dans l’océan de toutes les soifs corporelles, incarnées,
de toute l’humanité, de toute la création qui attend en gémissant la révélation
des Fils de Dieu.
Notre corps peut
être alors en relation vitale avec les autres corps. C’est pour cette raison
qu’il est très important de réintégrer la 5ème demeure
corporellement en retrouvant notre corps primordial, et la douleur peut nous y
aider. Nous rejoignons ainsi cet état d’impassibilité où nous étions au moment
de l’acte créateur de Dieu et où nous avons reçu toute la décharge du péché
originel, du péché communionnel ainsi que celle du péché symbiotique.
Lorsque nous
avons touché cet état d’impassibilité, nous devons apprendre à nous y reposer,
parce qu’alors, à ce moment-là, nous sommes en lien vital avec cette dimension
de tous les autres corps relatif à la présence créatrice de Dieu, qui font
vibrer notre propre corps de manière vitale si nous le vivons dans le Corps
mystique de l'Église. C’est alors que nous pouvons nous immerger dans la
présence transsubstantiée, sacramentelle, de tous les tabernacles du monde, et
en même temps de tous les temps et de tous les lieux jusqu’à la fin du monde,
jusqu’à la toute dernière messe (c’est la spiritualité de saint Patrick).
L’oraison, ne
serait-ce pas justement de se mettre corporellement en présence de cette toute
dernière messe du dernier prêtre, le tout petit dernier prêtre qui sera juste à
la dernière messe avant le retour du Christ ? L’oraison, ne serait-ce pas
finalement de vivre dans la foi cette toute dernière messe où seront présentes
toutes les messes de tous les temps, de tous les lieux ; cette dernière
messe qui en sera, qui en est, la clé de voûte. Et c’est par la foi que notre
corps peut s’intégrer à cette dernière messe où se récapituleront toutes les
grâces de toutes les messes précédentes depuis le début de la création.
C’est un moyen de
rentrer dans le Corps mystique de l'Église, comme le disait Paul VI dans son
Encyclique « Mystérium Fidei ».
C’est cela le mystère de la foi chrétienne. Notre corps
physique en pénétrant dans l’aspect primordial de son propre corps découvre
qu’il faut rentrer, grâce à l’Eucharistie, dans le Corps mystique de l'Église.
Alors tout le corps mystique, lié à notre propre corps, vient se fondre dans le
feu qui brûle le Cœur Sacré de Jésus remplissant de gloire l’éternité, tous les
temps et tous les lieux. Ce corps mystique de l'Église, analogiquement et
vitalement, c’est le Cœur Immaculé de Marie. C’est cet abîme de compassion,
cette béance, cet accueil quasi infini du cœur dans lesquels est venu s’écouler
la lumière océanique de la Résurrection qui structure le corps mystique de
l'Église. Et dans cette unité sponsale de gloire des deux Cœurs, nous dépassons
les monts et les vallées, nous élevons notre regard au-delà de l’humanité de
Jésus et de Marie pour découvrir leur unité sponsale d’amour et nous comprenons
que ce qu’ils fécondent dans le Père, c’est notre corps spirituel. Alors,
encore une fois nous touchons surnaturellement le corps glorieux de Joseph, car
c’est bien dans le Père qu’ils fécondent notre corps de résurrection...
Notre corps psychique ayant touché notre corps spirituel,
nous allons pouvoir progressivement apprendre à l’habiter et ainsi permettre à
notre corps terrestre de se mettre en harmonie avec notre corps spirituel pour
réaliser de manière efficace le combat eschatologique final de l’Église, la
désagrégation du mal.
Nous approchons
maintenant du terme de notre réflexion sur l’union transformante dans le
Cantique spirituel.
Nous avons
analysé comment, chez sainte Thérèse d’Avila, l’union transformante avec les
demeures marque les étapes de l’intégration absolue du mariage spirituel grâce
à cette unique Lumière qui illumine toute l’humanité de celle qui a laissé sa
propre lumière pour qu’elle soit flambante dans l’unique Lumière de Celui
qu’elle aime. Comme ces deux lumières se mêlent l’une à l’autre, c’est ainsi
que se réalise le mariage spirituel pour sainte Thérèse d’Avila, de lumière en
lumière jusqu’à parvenir à cette Lumière absorbante qu’est la Lumière de la
grande procession du Père dans le Verbe.
Pour saint Jean
de la Croix, le mariage spirituel est un mariage du cœur, un mariage de la
volonté et pour cette raison, c’est nocturne. C’est toute la vie qui est impliquée
dans ce mariage, d’où la nécessité de cette grande progression.
Chez sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus, c’est le désir très profond qui structure son union
transformante. Elle ne s’attache pas au vol de l’esprit. Pourtant, le vol de
l’esprit, c’est ce qui existe de plus extraordinaire en mystique
surnaturelle ; c’est beaucoup plus grand que la Résurrection d’un mort.
C’est notre esprit qui est détaché de notre corps et de notre âme, et qui vient
habiter dans la Très Sainte Trinité. C’est l’œuvre de Dieu, c’est un miracle.
Le démon caricature ce vol de l’esprit par le voyage astral.
Et pourtant,
sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus estime que ces richesses que nous nommons vols
de l’esprit peuvent rendre profondément injuste si on s’y arrête avec
complaisance en pensant que c’est quelque chose de très grand. Parce qu’elle a
découvert une source de richesse infiniment plus grande que ces vols de
l’esprit et c’est ce désir profond du corps, de l’âme et de la toute petitesse,
de l’Enfance divine. Et ce désir trouve sa source, s’enracine dans la mémoire,
qui incorpore l’intelligence et le cœur, dans cette mémoire qui incorpore tout,
ce n’est pas une mémoire séparée. C’est une incorporation où le corps joue un
rôle fondamental, tout à fait extraordinaire ; tandis que dans le vol de
l’esprit, il y a une certaine décorporation, il y a même une désanimation qui
se manifeste par un coma.
Chez sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus, l’union transformante est vécue au niveau du désir
et de la toute petitesse. C’est très lié à l’enfance spirituelle, à la toute
petite humilité, à la toute origine, au désir de la création, au désir de la
révélation des fils de Dieu, donc au désir de la fin du monde, au désir de
l’incorporation de tout, et c’est moi qui vais être ce lieu !
Il faut qu’il y ait l’amour, l’intelligence et la mémoire
selon ces trois grands maîtres que sont saint Jean de la Croix, sainte Thérèse
d’Avila et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
Mais pour cela
nous devons même abandonner notre amour pour Dieu bien qu’il soit quelque chose
de très grand ; et nous choisissons, nous désirons, nous ne recherchons
plus que son Amour à Lui, son amour incréé, cet amour fou qui fait que Dieu est
Dieu Lui-même. Nous ne désirons plus que cela, que ce soit l’Amour de Dieu
lui-même qui vivifie et illumine de sa toute-puissance de lumière notre cœur
humain et qui prenne la place de notre amour à nous. C’est extraordinaire parce
que c’est Dieu qui aime dans notre cœur et c’est l’Esprit-Saint Lui-même qui
brûle et qui est l’hypostase de notre amour. Et, à ce moment-là, ce n’est plus
notre cœur qui bat, c’est le Cœur de Jésus qui vit en nous.
On rejoint saint
Jean Gabriel Perboyre lorsqu’il dit : « Que mon intelligence soit Ton
Intelligence ». C’est aussi toute la vie contemplative de sainte Thérèse
d’Avila qui voit ce que Jésus voit dans l’éternité : Il voit la face du Père.
Elle voit les trois Personnes de la Très Sainte Trinité dans le fond de son
âme, dans le fond de son intimité profonde, et il suffit simplement qu’elle
vienne s’y recueillir pour voir distinctement les trois Personnes divines,
comme Elles se voient distinctement. C’est cela le mariage spirituel pour
sainte Thérèse d’Avila, cette vision absolument claire de chacune des trois
Personnes de la Très Sainte Trinité.
Nous sommes vraiment dans le mariage spirituel parce que
notre manière de voir Dieu et la manière dont Dieu se voit Lui-même forment une
seule et même vision. Et nous pouvons la retrouver en permanence puisque cette
vision est présente au plus profond de nous-mêmes. C’est Le mariage de notre
intelligence avec l’intelligence du Christ.
Sainte Thérèse
donne l’exemple de deux bougies qui doivent se fondre jusqu’à la moelle pour ne
faire qu’une seule mèche. Pour ce faire, il a fallu que ça coule, que ça
chauffe. Mais comme il n’y avait plus de flamme pour chauffer, il a fallu que
ça gratte et que ça fasse des cloques, que ça fasse ventouse : chair
contre chair : voilà l’union transformante (c’est pour cela qu’il y a
mariage). Saint Barthélemy, écorché vif, est le patron du mariage.
3.
Lorsque l’union transformante concerne la mémoire, elle devient très
proche de l’Eucharistie et de Marie.
Les deux témoins
de l’Apocalypse sont là puisque Marie, Mère de Dieu, Marie, l’Immaculée
Conception, porte corporellement dans la gloire de l’Assomption cet
engendrement du premier instant de l’Incarnation. Le mystère de Marie Reine,
c’est ce mystère de fécondité dans le corps : Elle engendre l’union
transformante jusque dans notre corps et donc dans notre mémoire d’enfant de
Dieu. Et Elle ne peut le faire en nous qu’en le faisant unanimement,
solidairement et corporellement dans tous les membres du Corps mystique du
Christ.
On ne peut plus
faire mémoire de cette manière eucharistique sans intégrer corporellement tous
les autres corps spirituels. Notre corps spirituel devient le capteur de la
centrale divine qu’est la Très Sainte Trinité dans l’incendie d’Amour qui
vivifie corporellement le Sacré-Cœur de Jésus dans la gloire de sa
Résurrection. Comprenant cette fusion d’amour, nous offrons alors notre
humanité entière pour la désagrégation définitive du mal dans la création toute
entière. Voilà ce qu’opère l’union transformante de la mémoire. À ce moment-là
on laisse tomber tout ce qui est de nous et on ne peut plus vivre qu’en
mémorial du Christ total pour que s’opère en nous la conversion eucharistique,
surnaturellement. La véritable transsubstantiation, c’est que recevant
l’Eucharistie, le sacrement opère en nous cette conversion eucharistique, cette
vraie conversion qui fait que tout notre corps est transformé dans le Corps
total du Christ, sensible, pas au niveau du sentiment, mais, au niveau des sens
externes, qui a quelque chose de physique ; notre corps laisse toutes ses
potentialités d’ouverture, d’abandon, de recueillement, d’engloutissement, de
transformation, de transsubstantiation dans le mémorial eucharistique du Christ
ressuscité d’entre les morts. C’est le Corps de Jésus qui est présent dans
chacune de nos cellules en mémorial de nous. À ce moment-là, nous pouvons
offrir l’humanité totale du Christ total au Père. Et le Père peut alors Se voir
Lui-même dans son Verbe incarné ; et l’Esprit-Saint peut rayonner dans
cette même incarnation du Verbe en ses membres.
Nous venons de
faire un acte de mémoire eucharistique. C’est facile, c’est efficace puisque
tout sacrement a comme caractéristique d’être efficace par lui-même. C’est
simple parce que c’est pour les tout petits, les pauvres, et c’est doux et
agréable puisque, à œ moment-là, toute l’Église est présente, l’Enfant du Père
en moi est présent. Nous avons beaucoup
de chance de faire partie des Apôtres des derniers temps, parce que dans
notre corps et dans notre mémoire eucharistique, faisant mémoire du Corps
mystique de Jésus, nous recevons corporellement tout ce qui a habité
corporellement, mystiquement, surnaturellement le corps de tous les saints
depuis 2000 ans.
Ce capital
initial nous est donné, dit saint Jean Gabriel Perboyre, c’est le Corps
mystique du Christ que nous portons dans notre propre corps.
« Faites
ceci en mémoire de Moi »
La rentrée du
corps spirituel dans le processus de l’union transformante commence là et c’est
sa première demeure. C’est très facile de pénétrer dans la première demeure de
l’union transformante du corps spirituel. Il suffit de s’arrêter 30 secondes et
de faire ceci en mémoire de « nous ».
Et c’est le Corps de Jésus qui brûle dans notre corps. Nous demeurons alors
dans le silence, dans l’écoute silencieuse du Corps de Jésus qui vit Son unité
mystique, humaine et divine, dans notre propre corps. Alors progressivement
lorsque notre corps lui-même vient rejoindre les grâces d’oraison dans cette
absorption même des Personnes divines à l’intérieur de l’âme, à ce moment-là,
notre corps lui-même participe à l’union transformante, au fur et à mesure des
transformations, des purifications des différentes demeures de l’union
transformante.
Notre corps
spirituel ne peut rentrer dans la 7ème demeure si notre corps n’y
est pas, si notre âme n’y est pas, si notre intelligence n’y est pas, et si on
ne fait pas oraison.
« Et
l’Épouse a pénétré dans le jardin charmeur qu’elle désirait »
C’est la terre
promise, le corps spirituel rempli de gloire de Jésus s’épanouissant dans le
jardin secret de l’Immaculée Conception rempli de cette humanité habitée par
tous les enfants de Dieu.
4. À partir de cette strophe 32, nous sommes
dans le mariage.
32 « Ô vous, nymphes de Judée,
« Tandis que parmi les fleurs et les rosiers
« L’ambre donne son parfum,
« Demeurez dans les faubourgs,
« Et veuillez ne point toucher à notre seuil. »
Voici la seule
chose que dit l’Épouse :
33 « Cache-Toi, mon doux Ami, (ma Très Sainte
Trinité)
« Vois - le visage tourné vers les montagnes -
« Et veuille ne point le dire ;
« Mais regarde les compagnes
« De celle qui va par les îles étranges. »
Lorsque le Corps mystique tout entier de la Jérusalem céleste
habite corporellement toutes les cellules de notre corps, en pleine lucidité
actuelle, l’unique mission du mémorial eucharistique de notre corps, est de
demander que l’humanité toute entière soit incorporée dans le Corps mystique du
Christ. C’est la seule chose que nous demandons dans l’unique Verbe de Dieu en
face du Père, dans le Sein du Père, que cette révélation soit faite à la
création toute entière qui aspire à la révélation du Fils de Dieu dans le Corps
mystique, lequel se situe dans le rayonnement du corps mystique d’un croyant
qui justement fait mémoire eucharistique dans l’Immaculée Conception et dans la
Sainte Famille Glorieuse.
34 « La colombe toute blanche
« Avec le rameau dans l’arche est retournée, (voilà ce que dit
l’Époux : c’est l’Église toute entière qui est revenue dans le Cœur
Immaculé de Marie, corporellement parlant)
« Et la tourterelle enfin
« Sur les rives verdoyantes
« A trouvé le compagnon tant désiré. » (nous avons
trouvé Jésus, et avec Jésus, la plénitude de paix)
35 «Solitaire elle vivait,
« Et en solitude elle a posé son nid, (on a trouvé
notre Terre promise)
« Et la guide en solitude,
« Solitaire son Ami, (il n’y a plus que le Christ dans toute
l’humanité)
« Lui aussi navré d’amour en solitude. »
C’est l’Église
toute entière qui est revenue dans le Cœur Immaculé de Marie corporellement
parlant. Nous avons trouvé Jésus et, avec Jésus, la plénitude de paix.
Dans toute
l’humanité, ne subsiste plus que Jésus seul et nous pouvons lui offrir notre
humanité, pour toute l’humanité, en toute simplicité.
36 « Mon Ami, soyons en joie,
« Et allons-nous-en nous voir en Ta beauté,
« Au mont ou à la colline
« Où l’eau pure vient jaillir,
« Et pénétrons plus avant dans l’épaisseur. » (de l’Amour)
Nous pénétrons ici dans les grands attributs divins, c’est-à-dire
dans les grandes caractéristiques de la simplicité de l’Amour du Père pour le
Fils et de la perfection de l’Esprit-Saint dans l’union transformante appliquée
au corps de la création toute entière. C’est cela l’épaisseur ; parce que
nous ne contemplons plus seulement les attributs divins pour ce qu’ils sont
pour eux-mêmes, comme dans les premières demeures, mais nous les contemplons,
impliqués dans le corps matériel, existentiel, temporel, intégrés dans
l’éternité de la création toute entière. Et ces attributs divins que nous
découvrons, intégrés dans l’épaisseur de la création, nous les réalisons, nous
les engendrons, ou plutôt c’est le Verbe incarné qui les engendre à travers
notre corps spirituel, d’où l’apparition de cette épaisseur.
37 « Bientôt alors nous irons
« Dans les cavernes très hautes de la pierre, (jusque dans le
monde minéral)
« Elles sont si bien scellées !
« C’est là que nous entrerons,
«
Et nous y goûterons le moût des grenades. »
C’est dans le
monde minéral que l’on trouve le fruit de l’unité sponsale, incréée et créée,
le mariage vécu en plénitude.
Rentrer dans la
grenade, c’est trouver le fruit le plus pur de l’Amour. Lorsque nous coupons la
grenade en deux, nous découvrons qu’elle est composée d’une multitude de petits
grains soudés les uns aux autres, et si nous pressons fort ces petits grains, nous
en recueillons un seul moût, une seule liqueur. Le moût des grenades, c’est
tous nos corps remplis d’amour qui doivent être écrasés pour obtenir un seul
moût, un seul jus d’amour incréé, et en même temps créé, extrait de tous nos
corps pour former un seul Corps mystique qui est la Jérusalem Céleste. C’est ce
que nous sommes appelés à savourer dans l’union transformante, dans le corps
spirituel.
C’est extraordinaire l’oraison dans le Monde Nouveau institué et
mis en place par le saint Père !
38 « Et là Tu me montrerais
« Ce que mon âme désirait instamment,
« Et là Tu me donnerais
« Bientôt, Toi qui es ma vie,
« Ce que l’autre jour déjà Tu me donnas. »
39 « Et c’est le souffle de l’air,
« Le rossignol dans la douceur de son chant,
« Le bocage avec ses charmes
« Au sein de la nuit sereine,
« Dans la flamme qui consume et plus ne peine. »
40 « Nul regard n’y atteignait,
« Plus ne se montrait désormais l’Ennemi, (le mal est totalement désagrégé)
« Les assiégeants s’accoisaient,
« Tandis que les cavaliers
« À l’aspect des eaux poursuivaient leur descente. »
C’est la fin du
combat eschatologique, c’est l’ascension finale. Toute la poussière s’en va en
enfer et la création peut vivre enfin du ciel. Vivre dès à présent de cette
espérance, c’est accomplir un acte d’espérance dans l’union transformante.
L’espérance implique le corps, l’acte de foi implique l’union transformante
dans la lumière, (et c’est la spiritualité de sainte Thérèse d’Avila) et la
charité implique l’union totale dans la nuit du cœur d’un amour total. Le cœur
est ouvert dans la nuit et il en sort l’eau, le sang, l’Esprit-Saint (telle est
la spiritualité de saint Jean de la Croix).
Nous découvrons
comment ces trois vertus théologales, la foi, l’espérance, la charité, nous
conduisent à travers l’action de l’Esprit-Saint dans l’union transformante. Et
nous devons sentir la place qu’y occupe le corps pour comprendre pourquoi nous
devons vivre de l’au-delà purement divin de l’union eucharistique.
On comprend mieux
maintenant pourquoi il est de la plus haute importance que l’Église s’intéresse
à la question du corps et définisse à quel moment le corps et l’esprit de
l’homme deviennent un corps humain par l’Acte créateur de Dieu ; parce que
la participation du corps dans cette union transformante terminale est liée à
cela.
Or, le principe
même de la spiritualité qui prend au moins 80 % des gens d’aujourd’hui, c’est
que le corps est animé par l’âme, ce qui aboutit à l’ouverture des chakras,
c’est-à-dire de tous les centres corporels. C’est la spiritualité des médiums,
des guérisseurs qui disent guérir en priant : c’est diabolique, il faut
bien le dire.
Nous devons vivre de l’union eucharistique.
La spiritualité
du nouvel âge est basée sur le fait qu’il n’y a qu’une énergie primordiale au
moment de la fécondation, qu’il n’y a pas d’esprit. Effectivement, les énergies
primordiales de la fécondation qui sont des énergies métapsychiques, sont les
mêmes que celles qu’il y a dans l’ovocyte avant la fécondation, si bien qu’on
ne repère plus la présence spirituelle dans le corps. Mais si on la repère et
si on en vit, cela change tout !
Il faut savoir
qu’il va falloir au moins dix ans à quelqu’un qui est entré dans cette
spiritualité d’aujourd’hui pendant 30 ou 40 ans, pour ressouder son corps avec
la partie spirituelle de son âme qui se sont déchirés par la Kundalini.
Il faut savoir
aussi que, dans l’accompagnement des mourants, d’E. Kübler-Ross, il s’agit d’un
accompagnement qui chloroforme l’aspect spirituel dans un travail de deuil
psychologique, psychique et métapsychique. Et si la mort, du coup, se passe
calmement, la personne accompagnée n’aura pas de réveil spirituel au moment de
sa mort, ce qui est dramatique ! car la mort est une conséquence du péché
originel, et celui qui meurt a besoin d’un amour spirituel de charité, de
l’aide de la prière et de l’aide du Christ.
Tout est basé sur la réponse à cette question :
« Où mon corps devient-il spirituel ? »
C’est l’urgence des temps modernes.
Tant qu’on n’aura
pas étudié clairement cette question, l’Église continuera à rentrer dans une
crise épouvantable et il n’y aura plus de conversions. On pourra sauver ce qui
était perdu, mais on ne pourra rien pour les petits, les pauvres, ceux qui se
sont déboutonnés les chakras. Or, l’Église est là pour évangéliser les
assoiffés de Dieu, les chercheurs d’absolu, les chercheurs d’intériorité.
Pour cela, il
faut beaucoup faire de métaphysique, il faut beaucoup pratiquer la charité
fraternelle et il faut beaucoup prier dans le Corps mystique du Christ, en
faisant mémoire de Lui. Voilà le trépied de l’union transformante pour que la
Sainte Famille finale puisse faire advenir la Jérusalem céleste qui est déjà en
germe maintenant dans notre union transformante.
5. La
spiritualité du New Âge est le contraire de l’union transformante.
Il
est très important de savoir faire la différence entre le Feu d’en-Haut et le
feu d’en-bas.
Le réveil de la
kundalini implique le pranayama. Faire du yoga, faire le vide (zazen), c’est
anti-métaphysique, c’est le contraire de l’union transformante.
En effet pour
faire le vide, le corps doit se mettre en repos, dans des positions telles
qu’on ne pense plus à rien. On oublie d’abord ceux qui sont autour de nous
(voilà l’anti-charité). Une fois qu’on est séparé de tout (voilà
l’anti-métaphysique), on pratique le pranayama ; c’est-à-dire que le
souffle de la respiration s’arrête. Et si une puissance intermédiaire peut
intervenir par la médiation d’un médium, tous les centres corporels s’ouvrent
et c’est le feu d’en-bas qui nous prend corporellement par le point de vue
psychique lié au corps (voilà l’anti-mémoire). On rentre alors dans la mémoire
des puissances intermédiaires et du « tout » animé par la lumière qui
actue le diaphane cosmique.
Or, Dieu a créé
Adam en soufflant dans ses narines le souffle de vie. Les narines c’est la
finalité, et le souffle c’est la médiation. C’est curieux comme le démon, dans
cette spiritualité métapsychique, enseigne d’abord le vide, ensuite la
séparation et puis l’arrêt du souffle. À ce moment-là, le feu d’en-bas peut
prendre le corps, car à partir du moment où j’ai ouvert mes centres corporels,
j’ai le feu du pouvoir angélique déchu dans mon corps et je peux commencer à
guérir les gens en disant que c’est Jésus et Marie. La signature, que ceux qui
font cela n’est pas de Dieu, c’est qu’ils ne peuvent pas respecter les 10
Commandements de Dieu et de l’Église, nous dit saint Jean. C’est la signature
de l’antéchrist qui nie que Jésus soit le Fils de Dieu, qu’il soit le Christ.
Or, le Christ est Celui qui accomplit la Torah. Et si l’on permet qu’un seul
péché soit en nous, c’est sûr qu’il n’y a rien du Saint-Esprit et que les guérisons
viennent du démon. Ce n’est pas difficile à discerner. Saint Jean de la Croix
dit bien qu’il ne faut laisser pénétrer aucune tentation :
« Ne touchez plus au mur »
Ne touchez plus
au mur du corps spirituel, la Jérusalem céleste ! Ne touchez pas aux 10
Commandements de Dieu ! On est sous le pommier et toute la gloire de la
Torah et des invitations divines s’incarne dans notre corps, habite notre corps
et le Corps mystique peut entrer.
Il faut donc
commencer nos oraisons avec une intelligence très pure, qui a ce désir de voir
Dieu et un cœur ouvert à la charité du Christ, pour que se réalise vraiment
l’union transformante en nous et que nous puissions réellement faire mémoire du
Corps mystique de Jésus dans notre corps, corporellement.
À ce moment-là, nous faisons mémoire du
Christ. Voilà la porte d’entrée pour notre vie d’oraison, et c’est sublime de
comprendre cela. Parce que la nouvelle pentecôte d’amour, cette union du Père
et du Fils qui fulgure l’Esprit-Saint dans le Corps mystique du Christ présent
corporellement dans notre corps actuel, dans les temps actuels, peut alors
s’accomplir en nous et à travers nous pour la création toute entière.
Et nous avons été choisis pour cela !
Annexe
1
Traduction du
Père Cyprien de la Nativité
1 Où
vous cachez-vous, cher Amant
Qui m’avez en ce
deuil laissée
Comme un cerf
qu’on va poursuivant ?
Vous fuyez
m’ayant bien blessée ;
Je sortis après
vous criant,
Mais vous alliez
toujours fuyant.
2 Ô
Pasteurs vous qui tournoyez
Ces huttes,
gagnant la Colline
Si par rencontre
vous voyez
Celui qui brûle
ma poitrine,
Dites Lui qu’en
mille langueurs
Et mille
souffrances je meurs.
3 Cherchant
les amours de mon cœur,
J’irai par ces
monts et rivages,
Sans y cueillir
une fleur,
Ni craindre les
bêtes sauvages ;
Murs et remparts
je forcerai,
Et les frontières
passerai.
4 Ô
sombres forêts que la main
De mon Bien-Aimé
a plantées !
Prés, délices de
l’œil humain,
Verdures de
fleurs émaillées !
Dîtes, sans
feinte, mon Époux
N’aurait-Il point
passé près de vous ?
5 Libéral
en ayant versé
Mille doux effets
de sa grâce,
D’un pas rapide
il a traversé
Ces bois, et y
tournant sa face,
Les enrichissait
de nouveauté
En leur imprimant
sa beauté.
6 Hélas !
qui pourra me guérir !
Achève de te livrer sans feinte,
Amour, sans plus aller quérir
Des messagers sur ma complainte ;
Car je ne puis apprendre d’eux,
Ce qu’impatiente, je veux.
7 Tous ceux qui s’occupent en vous,
Me vont racontant mille grâces,
Et tant plus me blessent de coups ;
Car ici leurs langues trop basses
Bégaient un je ne sais quoi
Qui me tue et me met hors de moi.
8 Pourquoi, mon âme, ne meurs-tu pas,
Ne vivant pas où est ta vie ?
Puisque l’on hâte ton trépas,
Quand Celui dont tu es ravie
Jette ses traits que tu reçois
En ce que de Lui tu conçois.
9 Quoi donc ? ayant blessé ce cœur,
Ne guérissez-vous pas sa blessure ?
Me l’ayant volée, cher Vainqueur
Laisserez-vous votre capture ?
N’emporterez-vous par effet
Le butin que vous avez fait ?
10 Éteignez donc tous mes ennuis,
Puisque nul autre ne peut le faire ;
Que mes yeux sans ombre et sans nuits
Vous voient, leur clair luminaire,
Puisque pour vous seul, cher Amant.
Je les garde si chèrement.
11 Montrez-vous présent à mes yeux,
Et que votre regard me tue !
Un mal d’amour tant ennuyeux
Ne peut guérir, que par la vue
De Celui duquel la beauté
Fait cette aimable cruauté.
12 Source d’un cristal précieux !
Si dans tes faces argentines,
Soudain tu formais ces beaux yeux,
Chéris pour leurs grâces divines
Que je tiens avec grand honneur,
Portrait dans le fond de mon cœur.
13 Détournez-les, mon cher Époux,
Car je prends l’essor et m’envole.
Retourne Colombe vers nous ;
Le cerf blessé de ta parole
Parait au mont prenant le frais,
Et l’air qu’en volant tu lui fais.
14 J’ai en mon bien-aimé les monts
Et les vallées solitaires,
Les fleuves bruyants et profonds
Avec les îles étrangères,
Le souffle des plus doux zéphyrs
Qui rafraîchissent mes désirs.
15 La paisible et tranquille nuit
Pareille à l’aube gracieuse ;
La douce musique et sans bruit ;
La solitude harmonieuse ;
Le souper que donne l’amour
Et recrée l’âme à son tour.
16 Notre lit est semé de fleurs,
Les lions y ont leur retraite,
Le pourpre fournit ses couleurs ;
Et bâtit d’une paix parfaite,
De boucliers d’or environné,
Il est de gloire couronné.
17 Sur les traces de ton marcher
Vont courant des filles pudiques ;
De l’étincelle un seul toucher,
Un goût des vins aromatiques,
Écoulement délicieux
D’un baume dérivé des Cieux.
18 Dans le cellier le plus retiré,
De mon Ami, j’ai bu sans peine,
Et par ce nectar désiré,
Surprise, sortant en la plaine,
J’oubliais ce que je savais,
Jusqu’au troupeau que je suivais.
19 Là donc il me donna son sein,
Là il m’apprit une science
Savoureuse, et sur son dessein,
Me livrant toute en confiance,
Promis de le servir désormais,
Comme l’épousant à jamais.
20 Mon âme avec tout mon pouvoir,
S’emploie à son seul service,
Maintenant je ne veux pourvoir,
Les troupeaux, ni tenir office ;
Aimer est ma vocation
Et n’ai plus d’autre passion.
21 Que si désormais en ces prés,
L’on ne me trouve et n’y suis vue,
Et si l’on s’enquiert vous direz
Que vraiment je me suis perdue ;
Qu’éprise d’un amour ardent,
Je me gagnai en me perdant.
22 Des
émeraudes, et des fleurs
Choisies au frais de l’Aurore
Nous ferons en mille couleurs
De riches chapeaux, que décore
Votre amour, et si je les veux
Lier tous d’un seul de mes cheveux.
23 Ce seul cheveu que vous voyez
Comme sur mon col il ondoie,
Vous prit quand vous le regardiez
Et vous tint lié pour sa proie ;
Aussi le trait d’un de mes yeux
Vous blessa d’un coup gracieux.
24 Au temps que vous m’envisagiez,
Vos beaux yeux m’imprimaient leur grâce.
Pour cela vous me chérissiez,
Et mes yeux voyant votre face,
En cela même ils méritaient
D’adorer ce qu’ils y voyaient.
25 Ami, ne me méprisez pas,
Car si vous m’avez trouvé brune,
Maintenant me verrez à point,
Puisque votre vue opportune,
Avec la grâce m’a empreint
La beauté qui change mon teint.
26 Qu’on nous prenne ces renardeaux
Puisque notre vigne est fleurie,
Faisant un feston de monceaux
De roses fraîchement cueillies,
Nous voulons que sur ce coupeau
Ne paraisse homme, ni troupeau.
27 Morte bise arrête ton cours ;
Lève-toi, ô Sud, qui réveilles
Par tes souffles les saints amours,
Faits par mon jardin tes merveilles ;
Car en répandant ses odeurs,
Mon ami paîtra dans les fleurs.
28 L’Épouse est entrée au Jardin,
Ce beau Paradis de délices ;
Et repose en l’Époux divin,
Pour lequel sont tous ses services,
Mettant son col dessus ses bras,
Où elle trouve mille appâts.
29 Ce fut à l’ombre du pommier
Que je te pris pour mon Épouse ;
Et pour te tirer du fumier,
Je te donnai ma main jalouse
De réparer là ton bonheur
Où tomba ta mère en malheur.
30 Hôtes de l’air, légers oiseaux,
Lions, cerfs, chèvres sauvages,
Monts, vallées, airs, claires eaux
Et vous délicieux rivages,
Ardeurs qui causez tant d’ennuis,
Et craintes des blanches nuits.
31 Je vous conjure par les luths,
Et par le doux chant des sirènes
D’arrêter votre courroux, et que plus
Touchant le mur, les frayeurs vaines
Ne puissent causer le réveil
De celle qui prend son sommeil.
32 Nymphes de Judas, cependant
Que le plus doux parfum de l’ambre
Et des rosiers va se répandre,
Ne touchez le seuil de ma chambre ;
Demeurez, il est à propos,
Dans les faubourgs en repos.
33 Tenez-vous caché, cher Époux,
Tournez vos yeux sur les montagnes,
Et gardez ce secret pour nous.
Toutefois voyez les compagnes
De celle qui s’en va ranger
Les îles d’un monde étranger.
34 La blanche Colombe en ce jour
Avec son rameau vert d’olivier,
Est dans l’Arche, de retour ;
Là sur la rive verdoyante,
La tourte trouve retiré
Son Ami qu’elle avait désiré.
35 En solitude, elle vivait,
Son nid est dans la solitude,
En solitude la pourvoit
L’Auteur seul de sa quiétude :
Lui qu’un même amour a pressé
Et en solitude, blessé.
36 Ô Ami, allons pour nous voir,
Et pour considérer nos faces,
En vos beautés, ce clair miroir,
Où l’on découvre toutes grâces :
Au mont d’où l’eau plus pure sourd,
Au bois le plus épais et plus sourd.
37 Aussitôt nous nous en irons.
Gagner les grottes de la pierre,
Les plus hautes des environs,
Et les plus secrètes de la terre.
Nous entrerons dans ces celliers
Buvant le moût des grenadiers.
38 En ce lieu vous me montrerez,
Tout ce que prétendait mon âme.
Ô vie ! vous me donnerez
Ce pourquoi mon cœur vous réclame,
Et que déjà d’un pur amour
Vous me donnâtes l’autre jour.
39 Les zéphyrs et la douce voix
De l’agréable Philomèle,
L’honneur et la beauté des bois,
En la nuit plus calme et plus belle,
La flamme qui va consommant,
Et ne doit point de tourment.
40 Car pas un ne le regardait,
Aminadab n’osait paraître ;
Le grand calme que l’on gardait
Au siège se faisait paraître,
Les troupes avec leurs chevaux
Descendait à l’aspect des eaux.
Annexe 2
PARALLÈLE ENTRE LES MYSTÈRES DU CHRIST
&
LES SEPT DEMEURES DE L’UNION TRANSFORMANTE
Dans la 1ère demeure L’union transformante a son analogué dans l’Incarnation c’est la Foi initiale
Dans la 2ème demeure L’union transformante a son analogué
dans la Visitation c’est la vie
cachée dans le sein maternel. C’est la période sponsale de la charité
fraternelle pour les généreux.
Dans la 3ème demeure L’union transformante a son analogué
dans la Nativité, la Naissance de
Jésus à Bethléem : C’est la demeure de l’illumination.
Dans la 4ème demeure L’union transformante a son analogué dans la Vie cachée de Jésus, Marie et Joseph, à
Nazareth, jusqu’à ce que saint Joseph meure. C’est l’apprentissage de
l’obéissance et la prise de conscience de notre pauvreté instrumentale.
Dans la 5ème demeure L’union transformante a son analogué
dans la Crucifixion où nous vivons de
l’obéissance héroïque. C’est la crucifixion pour notre fausse personnalité en
même temps que Jésus nous guérit. C’est à ce moment-là que Jésus se trouve face
aux pécheurs et qu’il va vers la Croix, résolument, qu’il fixe Son Visage sur
le Golgotha. C’est la vie apostolique, la nécessité d’être disponible et ouvert
aux autres.
Dans la 6ème
demeure L’union
transformante a son analogué dans les
fiançailles où a lieu la Transverbération quand le Corps de Jésus est mis
au tombeau et qu’il est lié directement au Verbe de Dieu. C’est la découverte
de notre corps spirituel où notre corps est directement animé par le Verbe de
Dieu qui est notre Époux.
Dans la 7ème demeure L’union transformante a son analogué
dans la Résurrection. C’est le
mariage spirituel, l’accomplissement de l’union transformante dans les 7
demeures. C’est la résurrection dans notre corps, dans notre âme, dans notre
esprit, de l’intérieur, dans l’oraison.
ÉPILOGUE
Dans le Cantique
Spirituel du Corps, nous venons de regarder quel pouvait être l’écho dans notre
corps des mariages mystiques totalement spirituels et surnaturels dans le
passage des fiançailles et du mariage spirituel.
Car c’est très
important que notre corps se réveille !
Dans ce mariage
spirituel où il y a une véritable communion des personnes, nous avons vu
comment le corps, au lieu d’être un obstacle à notre foi, va être, au
contraire, le vecteur de cette danse mystique, de cette transformation d’Amour.
Le Livre de
l’Apocalypse est comme une suite, un complément de ce Cantique Spirituel du
Corps ; parce qu’il nous révèle ce qu’est la Jérusalem Céleste, à travers
un langage marial. Il est comme une révélation sur le mystère de la Femme qui a
ce visage splendide de la Jérusalem Céleste ; car il y a comme une harmonique,
une espèce de danse extraordinaire entre la Femme de l’Apocalypse, la Jérusalem
Céleste et l’Église, Corps mystique du Christ.
Jésus a pris
chair de la Vierge Marie et Il est devenu follement amoureux de Son Église, de
son Corps mystique. Il a pour elle un amour sensible, fulgurant et flamboyant
en même temps que divin et incréé ; c’est pour cela que l’on peut dire que
Jésus est réellement amoureux de son Église. Cet amour étant essentiellement
personnel, il passe par toute une spiritualité qui est la réponse à l’Amour fou
de Jésus.
L’Église est un
mystère où le corps est vraiment impliqué, où l’Épouse est impliquée ; on
le voit dans le Livre de l’Apocalypse mais aussi dans le Livre du Cantique des
Cantiques.
Ce dévoilement,
cette révélation est liée à l’Heure. C’est l’heure pour nous de recevoir les
flammes amoureuses de l’Amour très sensible de Jésus, comme le disait Paul VI.
Ce n’est pas très carmélitain ; avec saint Jean de la Croix, on ne ressent
rien, c’est très nocturne, c’est une sponsalité spirituelle, surnaturellement
pure.
Ce livre promet
une béatitude, une joie, un bonheur que personne ne pourra ravir, à ceux qui le
liront, et écouteront ces paroles, à condition qu’ils n’en ajoutent rien ni
n’en retranchent rien.
L’Apocalypse est
le livre du dévoilement du coup de foudre de Jésus par rapport au mystère du
corps de son Église, de son Corps mystique.
« L’Esprit et l’Épouse
disent : « Viens ! »
L’Épouse est
tellement conjointe à l’Esprit-Saint qu’ils disent à Jésus de les rejoindre
dans ce mystère d’épousailles et c’est la fin ! Le dernier mot de
l’Apocalypse.
MARANATHA !
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LE CANTIQUE
SPIRITUEL DU CORPS
INTRODUCTION
CHAPITRE I St
Joseph et le mystère de l’incarnation
I. Le 5ème mystère joyeux est la
porte d’entrée de l’union transformante dont st Joseph est la clé
II. St Joseph et l’oraison de quiétude
CHAPITRE II Le
Cantique spirituel (texte)
CHAPITRE III L’union
transformante intègre le point de vue du corps
I. Comment le Père, le Fils et le
Saint-Esprit sont présents, pour ainsi dire, corporellement - Le mystère de
l’Immaculée Conception
II. Communions sponsales au Ciel où le corps
est impliqué
III. Charte pour le monde nouveau
IV. Le but que nous poursuivons
CHAPITRE IV Commentaire
du Cantique spirituel de st Jean de la Croix
I. Comment faire oraison pour rentrer dans
l’oraison de quiétude
II. Intervention des Anges
III. L’union de volonté - d’après sainte Thérèse
d’Avila
IV. Les trois subsistances
V. La 5ème demeure
1 - Commentaire
de sainte Thérèse d’Avila
2 - La
transformation de notre corps en crèche
3 - Commentaire
de saint Jean de la Croix
- L’oraison d’abandon
VI. Comment la course vers l’union
transformante implique la dimension du corps...
VII. Passage de 4ème à la 5ème
demeure
- Comment discerner le sommeil végétatif du sommeil de la grâce
- Le raccourci de sainte Thérèse d’Avila
VIII. Le passage aux fiançailles (de la 5ème
à la 6ème demeure)
- La purification passive des sens
- La 12ème strophe nous met à l’orée des fiançailles
- Nous allons passer de la Très Sainte Trinité au Sacré-Cœur de
Jésus
- Nous passons de la Très Sainte Trinité au Sacré-Cœur
- La Transverbération est un miracle
CHAPITRE V L’union
transformante avec st Joseph implique la dimension du corps
1 - Les Âmes du
Purgatoire
2. L’aspect fondamental du corps
3. La place du corps dans le processus de l’union transformante
CHAPITRE VI La
dernière étape de l’union transformante
À partir du moment où on a trouvé son corps spirituel, on peut
s’aventurer dans les mystères du Verbe incarné et glorifié
1 - Commentaire de st Jean de la Croix
2 - Le passage aux fiançailles nous introduit dans notre corps
spirituel
3 - Lorsque l’union transformante concerne la mémoire, elle devient
très proche de l’Eucharistie et de Marie
4 - Nous sommes dans le mariage
5 - La spiritualité du New-Age est le contraire de l’union
transformante
Annexe 1 Traduction
du Cantique Spirituel par le Père Cyprien de la Nativité
Annexe 2 Parallèle
entre les mystères du Christ et les 7 demeures de l’union transformante
ÉPILOGUE
(1) Voir
« Exégèse rabbinique » : Remez signifie « clin d’œil de
Dieu » donné à celui qui Le rencontre dans la Révélation écrite.
Rencontre et Action Mariale
Rédaction M.Th. Gravier
Direction Père Nathan
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