PRIÈRE DE
CONFESSION PRIVÉE DE SAINT BERNARD DE CLAIRVAUX
"1. En union
avec votre très-amère douleur, ô seigneur Jésus, vous qui avez pris sur vous la
cause de ma douleur, et avez entrepris de satisfaire pour mes péchés, avec tous
ceux qui souffrent, avec tous les vrais pénitents et tous ceux qui cherchent la
vérité en vous, je vous confesse tous mes péchés, tout le mal que j'ai commis,
tout le bien que j'ai omis, ou que j'ai fait sans pureté d'intention, ou avec
négligence, selon le nombre, le poids et dans la mesure que vous connaissez
mieux que moi ; tous les jours de ma vie que j'ai perdus en vous
offensant, en diminuant votre gloire, en m'éloignant de vous, qui êtes le
souverain bien et en entraînant mon prochain dans ma chute. Recevez donc, Seigneur,
les années qui me restent de ma misérable vie ; et pour celles que j'ai
perdues en vivant mal et pendant lesquelles j'ai vécu en me perdant, ne
dédaignez point, ô mon Dieu, un cœur contrit et humble. Mes jours penchent vers
leur couchant, ils se sont écoulés sans fruit. Impossible à moi de les rappeler
en arrière ; mais daignez trouver bon que je les repasse en esprit dans
l'amertume de mon âme. Seigneur, l'abîme de ma profonde misère appelle l'abîme
de votre profonde miséricorde. Ne renfermez point dans les bornes de votre
courroux, vos miséricordes, et ne permettez pas que pour moi la source en soit
tarie, à cause de mes péchés, ô vous qui avez pitié de tous les hommes, qui
n'avez pas de haine pour aucune des créatures de vos mains, et qui faites comme
si vous ne voyiez point leurs péchés dès qu'elles se repentent. C’est à vous,
Seigneur, de nous remettre nos péchés ; ayez pitié de moi pendant que dure
le temps de la grâce et de la miséricorde. Et, puisqu'il est temps encore pour
moi de faire pénitence, faites-moi la grâce de mériter la gloire de la
bénédiction, et de ne point mériter d'entendre une parole de malédiction me
frapper au jour où tout sera consommé.
2. Seigneur, faites-moi, je vous
en prie, renoncer à mes péchés d’habitude, et faire ce qui vous plaît.
Donnez-moi de déployer désormais, pour accomplir votre sainte volonté, le zèle
que j'ai mis jusqu'à ce jour à vous offenser. Que votre grâce surabonde là où
le péché a abondé. Je vous prie par vous-même et au nom de l'amour de votre
très-pieuse mère, la vierge Marie, et par l'intercession de tous les Saints et
tous les élus, de me pardonner mes péchés, mes négligences, et mes ignorances,
de ne pas me perdre avec toutes mes iniquités et de ne point garder jusqu'à la
fin dans votre colère le mal que j'ai fait. Rappelez-vous, Seigneur, qu'il ne
vous convient pas de perdre aucun de ceux que votre père vous a donnés, et que,
tout au contraire, c'est à vous de vous montrer toujours plein de miséricorde,
nous épargner et de sauver tout le monde, bien loin de perdre personne. Car
votre père vous a envoyé dans le monde non pour juger le monde, mais pour que
nous eussions la vie par vous, pour que vous fussiez notre propitiation, et
notre avocat contre nous-mêmes. Aussi, avez-vous acquitté la dette que nous avions
faite, suppléé ce que nous avions négligé de faire.
3. Que votre satisfaction
abondante ou plutôt surabondante me serve donc, Seigneur, dans l'extrémité où
je me vois réduit ; que votre mort amère, le prix inestimable de votre
sang, la mémoire de votre satisfaction, le vénérable mystère de votre corps et
de votre sang qui est offert tous les jours dans l'Église pour le salut de vos
fidèles serviteurs et dans lequel vous êtes vous-même le sacrifice et le
sacrificateur, celui qui offre, et la victime offerte, que tout cela me serve à
me mériter, dans la vie présente, la grâce que je ne mérite point, et, dans la
vie future, le repos et la gloire que votre mort si amère a mérités pour moi.
Seigneur Jésus, votre œil a vu mes imperfections ; mais vous qui êtes bon,
miséricordieux, et secourable pour le pécheur, ne me condamnez point à un
supplice éternel, vous qui avez pré-ordonné tout pour le souverain bien et pour
le bien parfait avec une bonté, une perfection et une sagesse infinies, ne
permettez point que je sois rayé du livre de vie ; donnez-moi plutôt la
part d'héritage qui me revient, grâce au bienfait de votre précieuse passion,
par laquelle vous avez voulu avoir l'homme pour cohéritier dans la terre des
vivants.
4. Seigneur, que la considération
de la fragilité humaine touche votre cœur et l'incline à la miséricorde, vous
connaissez la substance de l'homme, et vous savez que ce n'est pas en vain que
vous l'avez établi sur la terre. Je suis l'œuvre de votre bonté, conservez-moi.
Si vous ne voulez point avoir travaillé en vain à me faire, et que votre sang
immaculé n'ait coulé en pure perte pour moi, ô vous qui rendez pur un pécheur,
après m'avoir purifié de la souillure de mes péchés et avoir répandu votre
lumière sur la face de mon âme, faites-moi la grâce de vous connaître et, vous
connaissant, de tendre sans cesse vers vous, afin que j'aie le bonheur
d'arriver enfin à vous, Jésus-Christ, mon Dieu et mon Seigneur, qui vivez avec
le Père et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen !"
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