Gare aux substances toxiques dans les assiettes

Alimentation

Philippe Rioux

 

Si l'on mange de tout et sans excès, il n'y a rien à craindre

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L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) vient de publier une étude de surveillance des expositions alimentaires aux substances chimiques. Pas d'inquiétude à avoir mais la vigilance est de mise.

Du plomb, du cadmium, de l'aluminium, du cuivre, du zinc, mais aussi des dioxines et des furanes, des polychlorobiphényles (PCB) et des composés perfluorés, des retardateurs de flamme bromés et des mycotoxines, etc. N'en jetez plus ! Vous pensez avoir plongé dans l'analyse des déchets d'une déchetterie. Raté, ces substances chimiques se trouvent… dans vos assiettes. Telle est la conclusion de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qui vient de dévoiler les résultats de sa 2ème étude de l'alimentation globale (EAT), vaste enquête sur l'alimentation des Français qui a duré quatre années.

Mais pas de panique, si l'on mange de tout et sans excès, il n'y a rien à craindre selon l'agence qui a finement mesuré le risque à long terme des expositions aux substances chimiques que contiennent quelque 20.000 produits. C'est l'« une des études les plus riches et complètes jamais réalisées au niveau mondial », dit l'Anses. Pour 85% des substances, « le risque peut être écarté pour la population générale sur la base d'une évaluation sur les seuls apports alimentaires », le niveau d'exposition restant en deçà des valeurs toxicologiques de référence. Néanmoins, il faut « encourager tous les efforts qui permettront de réduire les teneurs des contaminants dans les aliments », estime l'agence.

En revanche, pour une douzaine de substances ou familles de substances, le risque de dépassement des valeurs toxicologiques de référence « ne peut être exclu » (lire ci-dessous). L'Anses relève ainsi une augmentation de 400% du cadmium ingéré, depuis une étude du même type, mais à moindre échelle, publiée en 2006…


LIMITES de l'Étude

Les limites de l'étude, que reconnaît l'Anses, c'est qu'elle ne tient pas compte des expositions croisées à différents polluants, ni des expositions par voie autre qu'alimentaire. « Il n'y a pas en soi, de bons ou de mauvais aliments », a expliqué hier Marc Mortureux. Des limites pointées hier par l'association Générations futures, qui avait publié en décembre une étude sur l'assiette d'un enfant de 10 ans qui contenait un cocktail de 81 substances chimiques. « C'est un rapport utile mais peu utilisable dans la pratique », a regretté de son côté le Dr Chevallier, nutritionniste du Réseau environnement santé (Res).


Les aliments pointés par l'étude

L'étude de l'alimentation (EAT 2) qui a été menée ces quatre dernières années a analysé quelque 20.000 produits alimentaires sur lesquels 445 substances ont été recherchées. Certains aliments ont été identifiés comme contribuant principalement à l'exposition à plusieurs substances pour lesquelles un risque sur le long terme ne peut être exclu. Il s'agit d'aliments fortement contaminés mais consommés en quantité significative que par des populations très réduites (thon notamment). Mais il peut aussi s'agir d'aliments qui ne sont pas nécessairement très contaminés, mais qui sont très consommés. Ainsi, pour quelques substances, les contributeurs majoritaires sont par exemple le pain (cadmium, plomb, DON et dérivés) et les pâtes (aluminium), le café chez les adultes (cuivre, arsenic inorganique et acrylamide) et le lait chez les enfants (plomb, arsenic inorganique). D'autres aliments contribuent fortement à l'exposition à certaines substances car ce sont les aliments présentant les plus fortes teneurs. C'est le cas des poissons gras, pour les dioxines et PCB, ou du thon, pour le méthylmercure. Les frites, les biscuits peuvent être concernés par les mycotoxines, les néoformés comme l'acrylamide qui résulte du chauffage des glucides à haute température. Enfin, les fruits peuvent être concernés, notamment lorsqu'ils ont été en contact avec des pesticides. Ainsi une consommation importante de cerises peut exposer au diméthoate (un insecticide).


"Manger de tout et équilibré"

Quelles sont les conclusions les plus importantes de votre étude ?

Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'Anses. Ce qu'on met en évidence globalement, c'est une bonne maîtrise sanitaire : la plupart des substances sur lesquelles on s'est penché, sur la base des connaissances actuelles, ne sont pas identifiées comme posant des problèmes sanitaires. Mais on a un certain nombre de substances pour lesquelles on a un signal de vigilance, qu'on retrouve dans une large palette d'aliments. Pour une fraction de la population, on a pu quantifier un risque sanitaire.

Quelles sont ces substances à risque ?

Il y a un certain nombre de métaux lourds identifiés, comme le plomb, le cadmium, l'arsenic, l'aluminium, le mercure, d'autres polluants bien connus pour lesquels il y a eu des diminutions très importantes de l'exposition de la population, en particulier les composés organiques persistants comme dioxine, furane, PCB, avec pour certaines populations des dépassements des valeurs de référence.

Y a-t-il des aliments qu'il ne faut pas manger du tout ?

Ce qu'il faut c'est une forme de diversité, d'équilibre dans le régime. Un comportement alimentaire équilibré permet de se préserver d'une surexposition à une substance dans des aliments qui peuvent en contenir beaucoup.

 

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