Économie, morale :

 

Une crise de la relation au prochain

 

Il existe un ressort commun entre la catastrophe économico-financière que nous traversons et la crise morale, beaucoup plus ancienne, qui s’attaque aux fondements de la sociabilité : dans l’un et l’autre cas, la relation au prochain est coupée.

La spéculation financière a fini par se détruire elle-même en se détournant de l’activité économique qui l’avait fait naître, autrement dit de la réalité du travail des hommes et des richesses qu’ils construisent ensemble au sein des entreprises. Elle a joué la montre de l’agitation des cours contre la boussole de la création de valeur, la boulimie et le “court-termisme” contre les lois du retour sur investissement, enfin la désinformation mondiale des opérateurs contre la confiance ancrée dans la crédibilité des volumes et des rythmes de développement. D’un mot, elle s’est coupée du réel, a évacué sa finalité et méprisé les intérêts du prochain : l’entrepreneur, le salarié, le client.

L’effondrement des valeurs morales exploite le même ressort, qui consiste à couper les ponts de la confiance dans la relation entre personnes, en renvoyant chacun d’entre nous aux macérations douces-amères de ses pulsions internes et de sa subjectivité. Ainsi, déconnecter la sexualité de l’amour, le mariage des promesses de la fidélité et la grossesse elle-même du simple droit à la vie, n’est-ce pas abolir tous les droits, toutes les attentes de l’autre dans la relation que j’entretiens avec lui ?

Déconnecter l’école de la famille, la transmission des savoirs de l’éducation à la responsabilité et l’information tous azimuts des devoirs d’état de chacun dans son environnement direct, n’est-ce pas accélérer l’avènement de la “parfaite et définitive fourmilière” dont s’épouvantait Valéry ?

Si le prochain n’existe plus, a fortiori, le bien commun n’a aucune chance de s’imposer dans la pensée ou l’action des politiques qui naviguent à vue au sommet de l’Etat. Il faut sortir d’une crise du sens qui nous fabrique de la dissociété. En commençant par réhabiliter la définition du prochain.

Hugues Kéraly

De Sed Contra

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