Comment la France va vous mettre sur écoute dès cet été
http://lejournaldusiecle.com/2013/05/08/comment-la-france-va-vous-mettre-sur-ecoute-des-cet-ete
La France va se doter d’un système
centralisé d’interception des données téléphoniques et internet, géré par le
groupe Thales.
Conversations téléphoniques, SMS, MMS,
Internet… Dès cet été, l’ensemble des communications passera par ces grandes oreilles
de l’État.
Le projet est secret.
“Confidentiel-Défense” est inscrit sur les en-têtes des documents. La
Plateforme nationale d’interception judiciaire (PNIJ) devrait voir le jour cet
été, sous l’égide du ministère de la Justice, après plus de six ans dans les
cartons.
Ce système de surveillance va permettre de
centraliser en un seul point plus de 5 millions de réquisitions
judiciaires (liste des appels téléphoniques, identité d’un abonné derrière un
numéro…) et près de 40.000 écoutes autorisées par les juges dans le cadre de
leurs enquêtes.
À la veille de son entrée en vigueur, avec deux ans de retard sur le calendrier
initial, le "Big Brother" français
pose surtout des problèmes d’une tout autre gravité : risque sur la
sécurité des données, appel d’offres biaisé, dépassement de budget, coûts
cachés et conflits d’intérêts avec le groupe Thales, lui-même sous le coup de
plusieurs enquêtes.
Sur le papier, le projet était pourtant séduisant. Il permettait, à la
fois, de gérer l’explosion des réquisitions et de réduire les coûts. Car
l’augmentation continue du nombre d’écoutes téléphoniques ou des interceptions
de SMS ne cesse de grever le budget de la Justice.
En cinq ans, les dépenses ont ainsi pratiquement doublé, passant de 55 à
106 millions d’euros en 2011. Et l’inflation n’est pas prête de s’arrêter,
étant donné l’accroissement de la surveillance des échanges sur l’Internet fixe
et mobile.
À l’origine, le Big Brother devait coûter
17 millions d’euros. À présent, la douloureuse se monte à 43 millions.
Au bas mot. Car Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free et Numericable
ont dû déployer des fibres optiques jusqu’au site de la plate-forme pour
répondre à leurs obligations légales d’acheminer les communications.
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En considérant les frais de mise à jour de leurs systèmes d’information,
ils sont en droit de se faire rembourser une quinzaine de millions d’euros supplémentaires.
Mais il y a pire, comme le souligne Francis Nebot,
secrétaire national du syndicat Synergie officiers :
"Les réseaux Internet de la police
nationale n’offrent pas les débits suffisants pour se connecter à ce système
dans de bonnes conditions et accéder aux écoutes à distance. Du coup, le
ministère de l’Intérieur va devoir investir pour redimensionner nos réseaux. On
nous a offert une Ferrari sans avoir les routes pour la faire rouler !"
La plate-forme doit être dotée d’une sœur jumelle, qui prendrait le
relais en cas de pannes. Or, selon nos informations celle-ci est, elle aussi,
basée à Élancourt, à 300 mètres seulement de la première. Un éloignement
insuffisant en cas d’incendie, d’accident ou d’actes de malveillance.
"Les bonnes pratiques en la matière
exigent une installation située à une distance entre 20 et 30 kilomètres
du premier site", estime Marc Ayadi, consultant
associé en sécurité informatique chez Deloitte.
La PNIJ doit être mise en service en septembre prochain et rendre
obsolètes les trois plates-formes actuellement spécialisées dans l’interception
des données. L’une concerne les SMS (le STIJ) : elle a coûté plus de
1 million d’euros. Les deux autres ont trait à l’Internet fixe et mobile.
Appelées Cariatide et Primatice, elles vont également cesser leurs activités.
Quant aux six entreprises gérant les centrales d’écoutes téléphoniques,
elles vont reprendre les 10.000 ordinateurs mis jusqu’ici à la disposition de
la police.
"Finalement, pour écarter des petites
sociétés privées du marché des écoutes, ils ont fait appel à une grosse
société… privée. Tout cela est ubuesque", observe avec amusement un ancien
gendarme.
En plein débat sur la moralisation de la vie politique voulue par
François Hollande, l’éveil prochain de la PNIJ paraît bien problématique. Par
exemple, les gouvernants pourraient-ils avoir accès à des enquêtes en cours les
concernant, eux ou leurs proches, en se connectant directement à cette
plate-forme ? Nul ne le sait. Le risque est important. Et, d’abord, pour
Thales lui-même.
"Même si, techniquement, cette
hypothèse paraît improbable, un comité de contrôle de six "sages" va
être constitué pour apporter toutes garanties aux citoyens", confie
Richard Dubant.
Mais qui surveillera les surveillants ?
http://owni.fr/2012/09/13/secret-ecoutes-pnij-thales/
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