LETTRE DE RÉGIS
Hervé Ghesquière et
Stéphane Taponier, deux comiques troupiers.
Nous
nous réjouissons, la France se réjouit, de votre libération. On assiste à des
scènes de liesses largement retransmises par les différentes chaines et pour
cause, c’est le monde des médias qui est touché. Mesdames et messieurs les
journalistes tout cela est bien normal. Cependant vous effacez par là-même d’un revers de manche les
polémiques qui sont nées au début de votre captivité, les jugeant indécentes.
Même le pouvoir politique dont on connaît les crises d’amnésies tente de ne
plus en parler. C’est vrai, comme le faisait remarquer la société des
journalistes de France 3, ce n’était certainement pas le moment de parler
de la responsabilité que portaient ces deux journalistes sur leur mésaventure
alors que leur vie était en danger. Cela relevait d’un cynisme effrayant,
monsieur le Conseiller Guéant ne craignant d’après vous ni l’outrance, ni
l’indécence. Je partage cette analyse, c’est vrai, il y a des lieux et des
moments pour tout.
Aujourd’hui ça y est, ils sont là, vous êtes
là ! Et si je me réjouis pour vos parents, vos amis, pour vous, pour vos
consœurs et confrères. Pourtant j’ai un goût amer, un sentiment d’injustice, de
totale impunité morale devant votre aplomb qui ne trompe que les illettrés en
matière de guerre, pire j’ai un sentiment de haute trahison.
Si
l’on peut comprendre que le métier de journaliste nécessite des prises de
risques. Et même si je doute de l’impartialité de la majorité d’entre vous, on
se doit de reconnaître que ce métier, lorsqu’il est accompli de manière
impartiale est le garant de nos libertés. On doit de la même manière admettre
que lorsque cette prise de risque est inconsidérée elle doit être
dénoncée : Inconsidérée,
irresponsable, criminelle.
Vous
affirmez que votre mission était bien préparée, que les risques étaient
calculés, cependant vous vous êtes fait gauler. C’est normal ! Les
personnels qui s’infiltrent dans les lignes ennemies comme vous avez tenté de
le faire sont des gens surentrainés. Ils parlent la langue, parfois certains
dialectes locaux. Ils connaissent tous les usages et les coutumes du pays dans
lequel ils s’infiltrent. Ils connaissent les mentalités particulières de tel ou
tel groupe, ils possèdent des contacts sur place et toutes leurs actions sont
minutieusement étudiées. Ils ne laissent pas de place à l’improvisation. Vous, vous avez agi comme des comiques
troupiers. Faisant fi de tous les avertissements que vous ont donnés les
autorités militaires, qui elles, vous l’aurez j’espère compris, sont des
professionnelles. Vous vous êtes pris pour des James Bond et vous n’avez fait
que vingt bornes. Une mission préparée… vous auriez fait rigoler tous les gens
qui connaissent un tant soit peu ce que signifie la préparation d’une mission,
si les retombés n’étaient pas aussi dramatiques. Un chauffeur, un
accompagnateur, un traducteur, et vous pensiez que le fait de porter des
djellabas allait vous faire passer pour des autochtones chez les talibans… il y
a de quoi faire ruer des chevaux de bois ! Vingt kilomètres …
Et pour aller chercher quoi ou prouver
quoi ?
Votre
métier, pousse certains d’entre vous à la recherche d’une promotion
individuelle, et notamment les journalistes d’investigation et les journalistes
de terrain, dans une compétitivité qui vous contraint parfois, afin de
décrocher le scoop, à des prises de risques dangereux. Lorsque cette prise de
risque impose des risques mortels à des tiers, il est de votre devoir sinon d’y
renoncer ou au moins de l’assumer. Et au lieu de frimer devant les caméras de
vos petits camarades j’aurais, et je ne suis pas le seul, apprécié un
mea-culpa. Mais un mea-culpa pourquoi ?
Qu’alliez-vous
donc faire en territoire ennemi, préparés comme des branquignoles ? Je
crois moi que vous pensiez faire ami-ami avec nos ennemis, pour décrocher un
reportage « coté Talibans ». Et jusqu’où étiez-vous prêts à vous
courber pour cela ? Dans tous les cas de figure, aussi penchés que vous
avez été, cela n’a pas été suffisant.
Pour
libérer nos deux « compatriotes », la France a engagé des frais, et
la partie populiste de mon être trouve cela normal. Mais en général dans de
pareils cas, vous remarquerez que les fauteurs, car il s’agit de fauteurs, ont
la décence de remercier leur sauveur et de faire profil bas !
Pour
vous sortir de votre misérable détention, outre les frais engagés, nous avons
été obligé de libérer plusieurs Talibans, de payer une rançon conséquente, nous avons été obligé de négocier avec des
chefs ennemis responsables du massacre de nos soldats et nous avons contraint
nos troupes dans leurs manœuvres sur un théâtre de guerre. Nous avons détourné
des moyens de renseignements destinés à préserver l’action de nos soldats afin
de sauver vos vilains petits culs. Peut-être que si ces moyens n’avaient pas
été détournés ils auraient contribués à préserver quelques vies… nous ne le
saurons jamais.
Le
fait est que les Talibans libérés pourvus des gros moyens financiers que vous
leur avez fournis, reprendront le combat, et il est malheureusement
vraisemblable que certains d’entre eux seront directement responsables de la
mort de nos soldats ou de celle de nos alliés, et dans tous les cas ils le
seront de manière collective. Que penser dès lors que l’on sait que, comme je
vous le disais, vous avez été dûment
prévenus des risques encourus et, que faisant fi de toutes les mises en
gardes des autorités militaires, vous êtes partis chercher du sensationnel,
histoire de vous faire mousser. (C’est mieux que de dire que vous étiez partis
présenter votre soutien à la cause des talibans).
On
peut alors comprendre la réaction humaine de monsieur Guéant, des autorités
militaires, de la majorité des familles qui ont des enfants, des pères, des
mères, qui risquent leur vie au service de la France, de celles qui ont
souffert dans leur chair, de celles meurtries et endeuillées et d’un grand
nombre de Français qui partage ce sentiment et cette solidarité, lorsque cette
prise de risque est accentuée par la vanité et l’orgueil de deux journalistes à
la recherche de sensationnel.
Car,
si le métier de nos soldats dont l’engagement le courage et l’abnégation, que
vous passez souvent pour ne pas dire toujours sous silence, est de risquer leur
vie dans l’accomplissement de leur mission au service de notre pays,
c’est-à-dire vous et nous, il n’en demeure pas moins que l’augmentation de ces
risques résultant d’un caprice (là encore caprice, c’est mieux que
collaboration) à de quoi révolter.
Alors,
si je trouve normal que la France mette tout en œuvre pour libérer nos
compatriotes, au nom de votre morale, de la décence que vous avez demandée aux
gens que votre attitude irresponsable à révoltés et au nom, semble-t-il, de vos
propres valeurs, adopté un profil bas et humble. Mieux encore,… disparaissez de
la scène médiatique !
Il
serait en effet odieux et cynique de voir se pavaner sur les plateaux de
télévisions, deux irresponsables,
coupables d’avoir fourni à nos ennemis les moyens financiers de se réarmer et
de renforcer leurs troupes.
Donner
des leçons de civisme est à votre portée, la France vous jugera un jour en
attendant disparaissez de la scène médiatique…
…
il paraît que les talibans ont touché 10
millions d’euros pour votre libération, quant on sait qu’ils payent 2.000
euros pour chaque têtes de nos soldats, de nos enfants, imaginez avec l’argent
que vous leur avez gentiment fourni, combien ils peuvent en faire assassiner !
Alors,
lorsque mon populisme condescendant m’abandonne, je me surprends à penser que
faute de guillotine, votre place devrait être en prison !
Régis.
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