La construction de la
mosquée Emir-Abdelkader à Nanterre cacherait une énorme escroquerie. Alors que
la première pierre a été posée en grande pompe le 17 octobre dernier, les
travaux sont arrêtés et risquent de ne pas reprendre avant longtemps.
Pour l’heure, l’affaire
n’est pas encore entre les mains de la justice mais, dans la semaine, le
procureur de Nanterre, Philippe Courroye, devrait
recevoir la plainte d’une personne se disant abusée par l’entreprise chargée
d’édifier le lieu de culte pour le compte de l’Association islamique des
religieux de Nanterre (Airn).
Selon nos informations,
cette entreprise, baptisée Novolis, a été
spécialement créée pour la réalisation de la mosquée avec le concours d’un
dénommé Tacim S., déjà condamné pour des escroqueries
dans la région bordelaise. C’est de l’argent public qui aurait été détourné.
Celui de l’Etablissement public d’aménagement de La Défense (Epasa), qui s’est engagé à verser un million d’euros à
l’association islamique.
Le montage est
simple : contre ce million, l’Epasa récupère le
terrain, actuellement occupé par la mosquée, de l’association, avenue de la
République. Et l’association utilise l’argent pour financer le nouveau lieu de
culte, le long de l’A 86, non loin des Papeteries de la Seine et de la maison
d’arrêt.
Les sommes devant être
versées par tranche, au fil des étapes des travaux, l’Epasa
se serait déjà acquitté d’environ 500 000 € dès l’automne dernier, au
moment de la pose de la première pierre, pour permettre ainsi le démarrage du
gros œuvre. Une fois l’argent sur le compte de l’Airn,
celui-ci est transféré à Novolis.
Mais, selon un proche
de l’affaire, « quelques dizaines de milliers d’euros disparaissent
parfois pendant le transfert ». Le cheik Boudjedi,
recteur de la grande mosquée de Nanterre, qui préside l’association islamique,
pouvait-il ignorer cette évaporation ? A-t-il laissé faire ? Est-il
lui-même impliqué dans le système ?
Si une enquête judiciaire
est ouverte, le cheik Boudjedi sera vraisemblablement
interrogé. Richard Lejoyeux, alias Abdel Ghani depuis sa conversion à l’islam, pourrait également
avoir à répondre aux questions de la police. Président de la Coordination islam
et société (CIS 92), c’est lui qui représentait le maître d’ouvrage,
c’est-à-dire l’association présidée par Boudjedi.
C’est donc lui qui était en lien avec Novolis.
Et, plus ennuyeux, 200 000 €
versés à Novolis juste après un virement de l’Epasa à l’association islamique se seraient envolés vers un
compte offshore à Chypre, où Richard Lejoyeux a des
attaches. « J’y vais depuis vingt ans », répond-il avec
décontraction.
Richard Lejoyeux confie également sa « surprise » quand
il a « découvert que Novolis était criblé de
dettes ». Et d’ajouter qu’il « ne sait pas du tout s’il y a eu ou non
des malversations ». « Nous avons versé les sommes à Novolis pour les travaux, qui avaient l’air d’avancer
normalement d’ailleurs. Après, comment voulez-vous qu’on sache ce que
l’entreprise fait de nos chèques », précise-t-il encore.
Aujourd’hui, Novolis est en liquidation judiciaire. Avec un passif de
480 000 €.
Valérie Mahaut avec
Florence Hubin | 05.07.2010, 07h00 (le Parisien Libéré)
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