Proxénétisme :
Le patron de la
mosquée d’Orange accusé de “traite humaine”
Visiblement, à Orange (Bouches-du-Rhône), tout le monde savait mais personne n’osait parler,
n’osait faire du tort au clan Bahiad.
Le maire de
la commune, Jacques Bompard (MPF), expliquait vendredi que « ça se disait dans la ville ». En effet, la rumeur
courait que de très jeunes filles se prostituaient à Orange depuis plusieurs
années. Jusqu’au jour où, fin 2007, la rumeur a été attestée par l’une d’entre
elles. Sur ces bribes de témoignage, le commissariat de la ville puis la police
judiciaire d’Avignon ont entamé des investigations poussées.
Écoutes
téléphoniques, filatures, vidéos… Les fins limiers de la PJ ont commencé leur
travail au début de l’année 2008.
Et après
une enquête difficile, Abdeslam Bahiad,
54 ans, président de la société qui gère la principale mosquée d’Orange, est
« tombé » mardi ainsi que trois de ses fils et de nombreuses
autres personnes, touts placés en garde à vue. Il lui est reproché d’avoir, en
profitant de la détresse de certaines, organisé un vaste réseau de prostitution
de jeunes Marocaines de 14 à 25 ans.
« Les
premières sont arrivées il y a vingt ans, mais il est devenu le cerveau du
réseau plus tard », assurait hier un proche du dossier. Rapidement, Drissia,
l’une des prostituées, âgée de 42 ans, est devenue la mère maquerelle du
système Bahiad.
« C’est
elle qui allait chercher la plupart des filles au Maroc. Elle leur promettait
des papiers en règle en France et, bien sûr, les familles de ces gamines déboursaient des sommes folles, jusqu’à
9.000 euros, en pensant à tort qu’elles partaient pour un avenir
meilleur », explique-t-on encore. « Le pire, c’est que parfois elles
faisaient le voyage dans le coffre de la voiture de la mère maquerelle. »
Prostituées
« violées et frappées »
Certains
proches de l’enquête n’hésitent pas à parler de « traite humaine » en
évoquant cette délicate affaire qui implique aussi trois des fils d’Abdeslam
Bahiad. Abdelgafour, 24 ans, Omar, 31 ans, et Niky, 33 ans,
seraient en fait ses hommes de main.
« Certaines
prostituées auditionnées ont affirmé avoir été violées et frappées par les
trois fils. L’une d’elles, qui était
tombée enceinte, déclare même que l’un d’eux lui a donné de gros coups de poing
dans le ventre jusqu’à ce qu’elle perde l’enfant », lâche un
enquêteur.
Les
prostituées effectuaient leurs passes dans des appartements que Bahiad avait
« l’intelligence » de ne pas leur faire payer. Elles étaient ainsi,
pieds et poings liés, redevables à leur « mac ».
C’est d’ailleurs
dans le bar Le France, que possède Bahiad, qu’elles prenaient régulièrement
contact avec leurs clients. Le chef du réseau présumé aurait ainsi pu se bâtir
un coquet patrimoine immobilier au fil des années.
« Au
moins dix appartements sur Orange et sa maison de 300 m² dans laquelle il vit
avec sa famille. C’est étonnant pour un gars arrivé en France en 1968 et qui
depuis n’a travaillé que neuf ans en tant qu’ouvrier agricole », ironise
une source proche du dossier.
Selon nos
informations, Bahiad, sentant le vent tourner, aurait vendu ces derniers mois
une bonne partie de ces biens. La PJ aurait d’ailleurs mis la main sur de
nombreux documents de banque attestant des virements de liquidités au Maroc.
Hier,
Bahiad, ses trois fils et la mère maquerelle ont été présentés à un juge
d’instruction avignonnais en vue d’une mise en examen pour « aide au séjour irrégulier, proxénétisme aggravé et blanchiment
d’argent ».
Les quatre
principaux suspects, mutiques durant leurs auditions, se retranchent derrière
un « complot des prostituées ».
Par Romain Capdepon pour
France-Soir
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