"Pierrot le fou" : le calvaire de Jeanne-Marie

 

 

Les larmes de la famille de Jeanne-Marie

« SOUVENT, dans les procès, on ne parle pas suffisamment des victimes », a relevé Bernard Meyer, président de la cour d'assises du Bas-Rhin où comparaissent Pierre Bodein et quatre comparses pour les meurtres, en 2004, de Jeanne-Marie Kegelin, 10 ans, Julie Scharsch, 14 ans, et Hedwige Vallée, 38 ans.

Après la lecture de l'acte de renvoi - plus de 300 pages détaillant le calvaire des trois victimes -, le procès est entré hier dans sa phase concrète avec les débats consacrés à la petite Jeanne-Marie. Longuement, ses parents, puis ses frères et sœurs - elle était la septième d'une fratrie de huit enfants - ont évoqué « le caractère enjoué de la fillette », son côté « sportif et garçon manqué », mais aussi sa piété qui fait dire à sa mère, Marie-Martine Kegelin, dans un sanglot : « Elle était plus digne du ciel que de la terre... »

« Comme un soldat au champ d'honneur »

Élevée dans une famille de catholiques traditionalistes rattachés à la Fraternité Saint-Pierre, Jeanne-Marie était scolarisée à domicile, dans la maison de Rhinau, à la campagne. L'éducation était stricte - « Quand on obéit aux parents, on obéit au bon Dieu », estimait le père, Dominique Kegelin. Peu de contacts avec l'extérieur, donc, sauf avec des familles partageant la même foi.

Sur la photo diffusée au moment de sa disparition, Jeanne-Marie sourit d'un air espiègle. « C'était une farceuse, elle mettait de la gaîté dans la famille », raconte son frère et parrain, Louis-Dominique. Ce séminariste de 26 ans, en soutane, qui poursuit ses études à Wigratzbad, en Bavière, assure : « Elle avait son tempérament. C'était une petite fille comme les autres, mais elle avait compris l'exigence universelle à la sainteté. » On le sent tendu, alors même qu'il invoque « le pardon » pour les « assassins » de sa petite sœur.

 « Elle avait le cœur sur la main », renchérit Marie, la sœur aînée qui est enseignante, avec qui Jeanne-Marie faisait du footing autour du stade. Les enfants Kegelin jouaient aussi entre eux au football, à côté de la maison. Parfois, ils allaient récupérer les balles perdues par les joueurs de tennis. C'était le jeu préféré de Jeanne-Marie qui les stockait, même s'il lui était interdit de se rendre seule près des terrains situés à quelque 250 mètres de la maison familiale.

Pourtant, ce 18 juin, « jour de la fête du Sacré Cœur de Jésus », après avoir lu un Club des Cinq, Jeanne-Marie prend son vélo pour aller ramasser des balles. Seule. « Elle aurait dit : »Je vais aller faire un tour*. Je n'ai pas dit oui, je pense n'avoir pas répondu », confie Marie-Martine Kegelin, alors trop absorbée par la préparation du déjeuner. Lorsque, vers 12 h 30, elle sonne la cloche pour appeler mari et enfants à se mettre à table, Benoît-Joseph, l'un des frères, se rend compte de l'absence de Jeanne-Marie. Discrètement, il part à sa recherche, mais ne trouvera que son vélo rose. Il revient, alerte son père, et tous deux partent en voiture à sa recherche. Au retour, ils préviennent les gendarmes. Jeanne-Marie ne sera retrouvée que neuf jours plus tard, dans un ruisseau, le corps atrocement mutilé. « Nous avons appris peu à peu ce que Jeanne-Marie a subi. On n'a rien pu faire pour elle, livrée à la méchanceté des hommes », lâche Dominique Kegelin qui se dit persuadé que sa fille « a lutté », qu'elle « ne s'est pas laissé faire », qu'elle « est morte comme un soldat au champ d'honneur... »

 « On continue de vivre, mais dans notre tête, on est bloqués, témoigne une autre sœur, Marie-Cécilia. Presque véhémente : « Il faut qu'on sache comment elle a vécu ses derniers instants, ce qu'elle a dit... » Malgré les appels à Bodein, à qui les Kegelin - restés très dignes - ont rappelé qu'« il vaut mieux être jugé par le tribunal des hommes que par le tribunal de Dieu », « Pierrot le fou » est resté égal à lui-même. Incohérent. Niant l'évidence. Répétant à plusieurs reprises : « Si j'avais fait cela, je serais fou et je l'avouerais... » Il n'a pas bronché lorsque l'huissier a montré le bermuda de la fillette et son tee-shirt gris lacéré.

LE FIGARO

La cour d'assises du Bas-Rhin, qui juge Pierre Bodein, se penchait jeudi sur le cas de Jeanne-Marie, dont le corps sans vie a été retrouvé à demi-immergé dans un cours d'eau.

La petite Jeanne-Marie Kegelin, 10 ans, l'une des trois victimes présumées de Pierre Bodein, dit "Pierrot le fou", a vécu un véritable calvaire avant de mourir, selon l'arrêt de renvoi lu jeudi 12 avril au deuxième jour du procès devant la Cour d'assises des mineurs du Bas-Rhin.

Le 18 juin 2004, Jeanne-Marie disparaît à Rhinau (Bas-Rhin). À l'issue d'intenses recherches, son corps sans vie est retrouvé le 29 juin suivant, à demi-immergé dans un cours d'eau de Valff (Bas-Rhin) et entièrement dévêtu.

Le cadavre présente d'importantes mutilations au niveau du bas-ventre et des organes génitaux. Les médecins-légistes souligneront encore l'absence des organes sexuels internes, ce qui rend impossible la recherche d'éventuelles violences sexuelles.

Selon les experts, les blessures pourraient avoir été infligées du vivant de la victime.

"Quand on regarde dans les annales judiciaires, on ne se souvient pas de crimes aussi horribles et aussi ignobles (...) Elle a été découpée et jetée dans l'eau", a commenté Me Wallerand de Saint-Just, l'avocat de la famille de Jeanne-Marie Kegelin.

"Bas-ventre enlevé"

"Son martyr a duré assez longtemps, nous savons maintenant que son bas-ventre a été enlevé et que cela a été fait pour les deux autres victimes", Julie Scharsch et Hedwige Vallée, a-t-il ajouté.

Pierre Bodein, âgé de 59 ans, est jugé depuis mercredi matin devant la Cour d'assises du Bas-Rhin pour les meurtres et les viols de Jeanne-Marie, 10 ans, Julie, 14 ans et le meurtre d'Hedwige Vallée, 38 ans, en juin 2004. Il est également accusé de deux tentatives d'enlèvement.

Seize autres personnes, toutes membres de deux clans de nomades sédentarisés, sont également jugées pour les faits perpétrés sur la petite Jeanne-Marie.

L'après-midi doit être consacrée à la poursuite de la lecture de l'arrêt de renvoi, avec notamment l'exposé des faits relatifs à la troisième victime, Julie Scharsch.

Le procès doit durer trois mois. Le verdict est attendu en juillet.

(AFP) 23.06.2008 | 15:10

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