Ukraine : les mensonges que le Times nous sert
24 avril 2014
Un jour seulement après que le New
York Times a publié à la Une un rapport prétendant montrer
l’implication des Forces spéciales russes dans les manifestations en Ukraine
orientale, son reportage intitulé « Des photos établissent un lien entre
des hommes masqués en Ukraine orientale et la Russie », a été démasqué
comme étant une pure invention.
Le Times
a imprimé des images à basse résolution de combattants, portant soi-disant des
insignes russes alors qu’ils se trouvaient en Géorgie, puis, plus tard, en tant
que manifestants dans l’Est de l’Ukraine, tout en affirmant qu’il s’agissait
des mêmes hommes, et prouvant ainsi l’existence d’une intervention armée russe
en Ukraine. Ceci était fondé sur une escroquerie grossière qui a tout d’abord
été signalée par un commentateur sur un lien affiché sur Reddit. Les photos
publiées dans le Times
sont des versions sous-échantillonnées d’images à plus haute résolution qui
circulent en ligne, et qui montrent que les hommes figurant sur les différentes
images n’étaient en fait pas les mêmes.
Il est très vite devenu évident que les affirmations du Times prétendant prouver
que des soldats russes dirigeaient les manifestations en Ukraine orientale
contre le régime pro-occidental de Kiev n’avaient aucun sens.
La BBC a comparé les images à haute résolution de deux
hommes barbus que le Times
prétend faussement être un seul et même combattant. La BBC conclut, « Sur
les photos de 2014, la barbe grisonnante de l’homme semble être noire tandis
qu’il y a six ans en Géorgie, l’homme plus mince, que l’on voit, a une barbe
rousse. »
Elle a aussi fait remarquer que les insignes des Forces
spéciales russes figurant sur les uniformes de ces hommes et repérés par le Times comme preuve qu’il
s’agit bien de soldats russes, « peuvent s’acheter sur Internet pour moins
de 5 dollars. »
À la question de savoir si ces images « prouvent
quoi que ce soit », la BBC conclut : « On ne peut pas affirmer
avec certitude qu’on a vraiment affaire à des Forces spéciales russes, comme le
soutiennent les Ukrainiens. »
Pour publier ces fausses accusations, le Times a collaboré
étroitement avec le gouvernement américain qui avait reçu ces photos du régime
pro-américain non élu de Kiev et les avaient « confirmées » avant de
faire suivre. Cependant, lors d’un point presse la porte-parole du Département
d’État américain, Jen Psaki, que le New
York Times cite dans son article, a indiqué que le gouvernement
était conscient que ces photos ne constituaient pas une preuve de ce qui était
affirmé.
Lorsqu’on lui a demandé avec insistance si elle était
sûre que les photos montraient des individus liés à la Russie, Psaki a répondu :
« Ce que nous voyons sur ces photos qui ont, encore une fois, circulé dans
les médias internationaux, sur Twitter et qui sont accessibles au public, c’est
qu’il y a des individus qui visiblement semblent avoir un lien avec la Russie.
Nous l’avons dit publiquement maintes et maintes fois. Je vous laisse tirer vos
propres conclusions quant à savoir s’il s’agit d’individus qui ressemblent ou
non à ceux photographiés lors d’autres événements. »
Lors du point presse, un journaliste avait
contesté que l’on puisse appeler ceci une « preuve » et demandé, « Pensez-vous
que c’est une preuve qui serait valable au tribunal ? »
Psaki a répondu, « Je ne pense pas que ce soit
légal, nous ne faisons pas ici un procès devant le tribunal. Nous montrons simplement
que c’est une preuve photographique qui indique le lien dont nous parlons,
depuis des semaines maintenant. »
Le journaliste a demandé, « Vous pensez que c’est la
preuve d’un lien, ou que c’est juste…, ou bien est-ce que présumez simplement
que c’est un signe de plus de ce lien ? »
Psaki a répondu, « C’est un signe de plus. »
En fait, le Times
a cherché à induire en erreur ses lecteurs, en présentant sans discernement des
photos manipulées fournies par ses contacts au Département d’État.
Au moment de transmettre les images au Times, Washington savait
pertinemment qu’elles ne prouvaient absolument rien, et qu’elles n’étaient rien
de plus qu’un nouvel objet de propagande à l’appui de ses accusations, à ce
jour infondées, d’une implication russe en Ukraine. Le gouvernement Obama
comptait sur le Times
pour publier les photos et jeter de l’huile sur le feu de la campagne
médiatique visant à dénoncer la Russie, sans prendre la peine de vérifier si le
matériel était exact ou s’il prouvait quoi que ce soit.
Il y a une décennie, la journaliste du Times Judith Miller
avait été le relais pour la diffusion de mensonges selon lesquels l’Irak
disposait d’armes de destruction massive (ADM), ce qui avait déclenché une
énorme campagne médiatique qui avait préparé le terrain pour l’invasion
américaine de l’Irak.
Aujourd’hui, les mensonges que le Times nous sert comme
des informations pourraient provoquer une guerre avec la Russie qui est une
puissance nucléaire. En fabriquant les preuves d’une implication de la Russie
en Ukraine orientale, le Times
est en train de fournir des munitions politiques aux appels, en Ukraine et au
sein des puissances impérialistes occidentales, en faveur d’une répression
militaire contre les manifestations en Ukraine orientale, région qui abrite une
importante population russe. Ceci pourrait entraîner une intervention militaire
en Ukraine orientale de la part de Moscou afin de mettre fin à la répression et
un affrontement entre la Russie et l’Ukraine qui impliquerait les puissances
occidentales.
Les inventions du Times
ont aussi servi à occulter le fait que ce conflit est né de la décision prise
par Washington et ses alliés européens de renverser, en février dernier, lors
d’un coup d’État mené par les fascistes le précédent régime ukrainien qui était
aligné sur la Russie. Le régime pro-occidental non élu de Kiev se heurte à
présent à une opposition populaire considérable dans les régions pro-russes de
l’Est de l’Ukraine. C’est cette politique agressive des puissances occidentales
qui alimente cette confrontation explosive en Ukraine orientale.
Les employés du Times
impliqués dans cet article, comme Judith Miller avant eux, reflètent
l’intégration croissante des médias au sein de l’État.
Henry Kissinger, secrétaire d’État sous le président
Richard Nixon, était intervenu personnellement il y a quatre ans pour tenter
d’obtenir un visa pour la Chine pour Andrew Higgins, principal auteur de
l’article du Times.
Higgins n’a plus le droit d’entrer en Chine depuis 1991. En effet après un
reportage sur le massacre de la place Tian’anmen, on avait retrouvé dans sa
mallette des documents officiels chinois et il avait été expulsé du pays.
Dans la crise actuelle, le reportage de Higgins sur
l’Ukraine vise surtout à minimiser les dangers que posent les forces fascistes que
Washington et ses alliés européens ont mis en place à Kiev et à diaboliser la
Russie. Un article tout particulièrement infect publié le 8 avril et intitulé « Pour
les Juifs ukrainiens, le plus gros problème c’est Poutine, pas les pogromes, »
attaque l’idée que ces groupes fascistes représenteraient un quelconque danger
pour la population juive en Ukraine.
Les milices de Secteur droit et du parti fasciste Svoboda
occupent des postes clé au sein du régime non élu de Kiev et glorifient des
forces fascistes de l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, telle
l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) de Stepan Bandera, qui
s’était allié aux nazis durant l’holocauste ukrainien. Et pourtant, selon
Higgins, de telles organisations seraient bien moins dangereuses pour le peuple
ukrainien que le gouvernement russe.
« Même Secteur droit, une coalition d’organisations
ultranationalistes et dans certains cas néo-nazies, a fait un effort pour se
distancer de l’antisémitisme », écrit Higgins. « Fin février, son
dirigeant Dmytro Yarosh, a promis durant une réunion avec l’ambassadeur
d’Israël à Kiev de combattre toutes les formes de racisme. »
La tentative de Higgins de dissimuler le caractère
droitier du régime de Kiev est conforme aux dénonciations actuelles de la Russie,
fabriquées de toutes pièces par le Times
et soutenant de façon éhontée l’intervention de l’impérialisme occidental en
Ukraine.
Alex Lantier
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